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Ethylomètre : quand le vice de forme prend l’eau

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Ethylomètre : quand le vice de forme prend l’eau

D’aucuns diront qu’il est toujours hasardeux de communiquer une décision de première instance même définitive alors que le point de droit soulevé est litigieux et que la Cour de cassation risque sans nul doute de censurer à terme la position des juges du fond.

En attendant, certains y trouvent naturellement intérêt. Mais la déconvenue est de taille quand l’état de fait est défait par l’état de droit.

Les dernières médiatisations en matière de circulation routière et d’usage des éthylomètres n’ont pas manqué d’être appréciées par la Haute Cour.

En particulier, dans un arrêt du 13 octobre 2009 (pourvoi 09-82015), publié au Bulletin, la Cour de cassation affirme de nouveau sa position et ne soumet pas la légalité de la procédure au respect d’un délai préalable de 30 minutes.

1. Du bon fonctionnement des appareils de contrôle …

Dans leurs missions de recherche et de constatation des infractions liant l’imprégnation alcoolique, les forces de l’ordre utilisent deux types d’appareil : l’éthylotest et l’éthylomètre.

Elles dépistent l’imprégnation d’alcool relativement à l’haleine à l’aide d’un éthylotest chimique ou test d’alcoolémie.

Trois catégories d’appareil se distinguent : l’appareil type A (changement de couleur d’un réactif chimique) et l’appareil type B (variation de cellule chimique avec dispositif électronique) et l’éthylotest électronique équipé d’un capteur d’alcool et d’un microprocesseur qui analyse électroniquement les données enregistrées.

Ces appareils s’autocontrôlent en écartant toute mesure en cas de dysfonctionnement.

Ils restent soumis à un contrôle annuel (article 12 de l’arrêt du 31 décembre 1985).

Afin de garantir l’exactitude de la mesure d’imprégnation alcoolique, l’usager de la route qui fait l’objet d’un dépistage positif d’alcoolémie ou si le conducteur l’a refusé, doit être soumis aux épreuves de vérification à l’aide d’un appareil homologué par les services de l’Etat

Elles interviennent à l’initiative de l’agent opérateur à l’aide d’un éthylomètre ou d’une prise de sang.

Le dépistage ne peut intervenir en l’absence de dépistage préalable positif (Cass.crim., 7 juin 1983, D.1984, p.225 ; TC Saumur, 16 janvier 1998, Gaz.Pal.,1998.2, somm., p.635).

Lorsque la vérification est réalisée au moyen d’un appareil permettant de déterminer la concentration d’alcool par l’analyse de l’air expiré, un second contrôle doit être immédiatement effectué, après vérification du bon fonctionnement de l’appareil (CA Douai, 1er mars 2006, JPA 2007, p.352).

Ce contrôle est de droit lorsqu’il est demandé par l’intéressé.

Seuls les relevés de l’éthylomètre déterminent légalement le taux d’alcool et constituent le fondement de poursuites judiciaires.

L’éthylotest ne sert qu’au dépistage. Le refus de se soumettre à l’alcootest n’est pas punissable, il n’existe pas de qualification pénale pour ce refus (Cass.crim., 27 janvier 1976, Bull.crim, n°. 31 p. 73).

Toutefois l’usager doit se soumettre aux autres vérifications par éthylomètre ou prise de sang.

2. … Au délai des 30 minutes : un vice de forme inopérant

Depuis les premières homologations datant de plusieurs dizaines années, les certificats d’examen type des appareils de contrôle encore en service précisent expressément qu’ « après avoir absorbé un produit ou fumé, attendre 30 minutes (ou 10 selon l’appareil) avant de souffler dans l’appareil ».

Conséquemment la justice a du trancher. La procédure est-elle légale si ce délai n’a pas été respecté comme le révèle le procès verbal d’infraction ? Par un jugement particulièrement motivé, le tribunal correctionnel de Lure a relaxé un automobiliste du chef de prévention en imposant expressément le respect d’un délai de 30 minutes avant que le conducteur ne souffle dans l’appareil, tel que mentionné dans le certificat d’examen type de l’appareil (affaire 441/2007 « attendu que les conditions d’utilisation de cet appareil sont soumises aux prescriptions d’un certificat délivré en application du décret n° 2001-387 du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure et du décret n° 85-1519 du 31 décembre 1985 réglementant les catégories d’instruments destinés à mesurer la concentration d’alcool dans l’air expiré, lesquelles sont d’ordre public ; Que selon ces dispositions, sur un conducteur ayant absorbé un produit ou fumé, il est nécessaire d’attendre trente minutes avant de le faire souffler dans l’appareil ; Attendu qu’en l’espèce, il ressort des procès verbaux de gendarmerie que la mesure du taux d’alcoolémie par analyse de l’air expiré est intervenue à 2 heures du matin, soit vingt minutes après avoir soufflé dans l’éthylotest ; qu’il ne figure sur le procès-verbal de vérification de l’état alcoolique de Christian T. aucune mention indiquant que les gendarmes se soient assurés que le prévenu n’avait absorbé aucun produit ni fumé dans les trente minutes précédant cette mesure ; Attendu que dès lors la vérification de l’état alcoolique du prévenu est entachée d’une irrégularité […] Attendu que par conséquent, il convient de prononcer la nullité des poursuites pénales engagées contre le prévenu du chef du délit de conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique »).

Pour la Cour de cassation, abondant dans le sens de la jurisprudence en la matière, l’argument est inopérant et ne résiste pas à la lecture des textes dès lors que le bon fonctionnement de l’éthylomètre est établi par son homologation et sa vérification périodique, et que, d’autre part, le second contrôle a été réalisé immédiatement après le premier conformément aux prescriptions des articles L. 234-5 et R. 234-2 du Code de la route

(Cass.crim., 7 janvier 2009, pourvoi 08-83842).

La Cour vient de réitérer fermement sa position en anéantissant l’argument juridique.

Attendu que, pour écarter l’argumentation du prévenu qui soulevait l’irrégularité des opérations de dépistage, en faisant valoir notamment que le temps d’attente de trente minutes entre l’absorption du produit et la mesure de contrôle par l’air expiré au moyen d’un éthylomètre prévu par l’arrêté du 8 juillet 2003 n’a pas été respecté, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen (qu’en affirmant, néanmoins, pour refuser d’annuler ce contrôle qui ne respectait pas les préconisations d’utilisation de l’appareil, et pour retenir sa culpabilité, que la circonstance qu’Alain X... ait été soumis à un contrôle d’alcoolémie seulement 10 minutes après son interpellation, n’est pas à elle seule de nature à caractériser un manquement aux prescription d’utilisation de l’appareil et que s’il affirme qu’il venait de sortir d’un restaurant, il n’en justifie nullement ; qu’il n’apporte pas la preuve du bien fondé de sa contestation) Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu ne rapporte pas la preuve d’un grief résultant du non-respect allégué du délai d’attente, la cour d’appel a justifié sa décision ; D’où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa deuxième branche, doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

 

REJETTE le pourvoi ;

Rémy JOSSEAUME Docteur en Droit

http://www.droitroutier.fr

Président Commission Juridique de 40 Millions d’automobilistes

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A propos de l'auteur
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Rémy JOSSEAUME est Avocat à la Cour, Docteur en Droit pénal de la Faculté de Droit de Versailles (UVSQ), spécialisé dans la constitution et le suivi de dossiers relatifs au contentieux pénal et administratif routier. Son expérience s'est acquise nota

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