Comment déjouer les pièges de la procédure disciplinaire en 2020

Publié le Modifié le 26/02/2020 Vu 2 292 fois 0
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Vous étiez 76% en 2013 à contester votre licenciement pour motif personnel devant le Conseil de Prud’hommes (Source Ministère de la Justice, bulletin d’information statistique n°135 août 2015).

Vous étiez 76% en 2013 à contester votre licenciement pour motif personnel devant le Conseil de Prud’homme

Comment déjouer les pièges de la procédure disciplinaire en 2020

Voici un tour d’horizon des dernières décisions rendues en procédure disciplinaire, c’est-à-dire liées à un comportement du salarié estimé fautif par l’employeur.

 

I. Première règle à connaître : La prescription des faits fautifs est de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance

Cette règle d’apparence simple donne régulièrement lieu à de nombreuses décisions quant à son application.

- Premier arrêt : Un VRP se voit reprocher la représentation d’une marque concurrente sans autorisation et en violation de son contrat de travail.

L’employeur en avait connaissance dès le mois de juin 2011 et convoque le salarié à un entretien préalable bien après l’écoulement du délai de 2 mois.

Condamné en appel, l’employeur conteste l’application d’une prescription de 2 mois à compter de juin 2011 en évoquant des faits qui se seraient poursuivis de manière continue.

Mais il ne suffit pas que les faits reprochés continuent à se poursuivre au-delà du délai de 2 mois pour échapper au délai de prescription de 2 mois en évoquant le caractère continu du comportement fautif du salarié.

Encore faut-il que de nouveaux faits fautifs soient constatés au-delà du délai de 2 mois.

Ici, la représentation de la marque concurrente dont l’employeur avait connaissance en juin 2011 avait persisté de la même manière sans qu’il y ait de nouveaux faits fautifs à reprocher au salarié.

L’employeur aurait donc dû engager la procédure disciplinaire avant l’expiration du délai de prescription de 2 mois :

« Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites » Cass. Soc. 10 avril 2019 n°17-24093.

- Second arrêt : Les juges recherchent la date précise à laquelle l’employeur a eu connaissance des faits reprochés (13 février 2019 n°17-21514) :

Un directeur fiscal conteste son licenciement pour faute grave invoquant la prescription des faits fautifs, obtient gain de cause en appel et l’employeur forme un pourvoi en cassation en considérant que ce n’est qu’à l’issue de la remise du rapport du Comité d’éthique, conformément au code de déontologie du groupe, que l’employeur se disait éclairé suffisamment pour engager la procédure de licenciement le lendemain de ce rapport.

La Cour de Cassation confirme l'arrêt d'appel

« Ayant constaté dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait que la saisine du comité d’éthique interne au groupe avait pour seul objet d’obtenir des explications de l’intéressé sur les faits reprochés et que l’employeur disposait dès le 8 juillet 2013… d’une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à cette date, la Cour d’appel en a exactement déduit que les faits invoqués au soutien du licenciement étaient prescrits lors de l’engagement de la procédure disciplinaire le 20 septembre 2013 ».

II. Dans quelles conditions le report de l’entretien préalable peut rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Cette question fait l’objet d’un important contentieux que les décisions les plus récentes viennent clarifier.

L’Article L1332-2 du Code du travail oblige l’employeur à convoquer le salarié à un entretien préalable lorsqu’il envisage de prendre une sanction à son encontre.

La sanction de l’employeur doit néanmoins intervenir après un délai de 2 jours ouvrables mais pas plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien.

Le non-respect de cette règle est radical puisqu’elle rend le licenciement sans cause réelle ni sérieuse peu important les griefs reprochés au salarié.

C’est à l’occasion des demandes de report d’entretien préalable que ce soit à l’initiative de l’employeur ou à la demande du salarié que le contentieux s’est développé :

- Premier arrêt : Une salariée garde malade convoque une première fois la salariée à un entretien préalable, celle-ci ne vient pas et l’employeur décide de convoquer de nouveau la salariée à un second entretien préalable à l’issue duquel l’employeur licencie la salariée pour cause réelle et sérieuse dans un délai supérieur à un 1 mois à compter de la date du 1er entretien préalable.

Condamné en appel pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse l’employeur évoque devant la Cour de Cassation la nécessité « dans l’intérêt exclusif du salarié » d’avoir reporté la date du 1er entretien préalable en son absence compte tenu de la « gravité des faits qui lui était reproché ».

La Cour de Cassation rejette cette argumentation et constate :

« Ayant constaté que la nouvelle convocation pour un entretien prévu pour le 26 mai 2011 résultait, non pas d’une demande de report de la salariée ou de l’impossibilité pour celle-ci de se présenter au premier entretien, mais de la seule initiative de l’employeur, la Cour d’appel… a exactement retenu comme point de départ du délai de notification de la sanction la date du 12 mai 2011 correspondant à l’entretien initial auquel la salariée ne s’était pas présentée, en sorte que le délai de notification calculé à compter de cette date, était expiré lors du licenciement » (Cass. Soc. 17 avril 2019 n°17-31228).

On retiendra de cette décision que le délai d’un mois à l’intérieur duquel l’employeur doit notifier sa décision au salarié ne peut être modifié qu’à la condition que le report de l’entretien préalable soit demandé par le salarié ou que celui-ci soit dans l’impossibilité de se présenter à l’entretien préalable, tel que son hospitalisation urgente.

- Second arrêt : du 27 novembre 2019 (N°18-15195.) concerne cette fois un Directeur de production convoqué à un premier entretien préalable en vue de son licenciement le 27 mars 2015 au cours duquel l’employeur n’était pas présent, puis qui est convoqué de nouveau à un second entretien préalable le 7 avril 2015, avec un licenciement pour faute grave notifié plus d’un mois après le 29 avril 2015.

La Cour d’Appel jugeant le délai d’un mois expiré pour notifier la décision, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, la Cour de Cassation approuvant la Cour d’Appel qui a :

« Constaté que le salarié s’était rendu à l’entretien préalable prévu le 27 mars 2015 à 11 heures, puis, en l’absence de l’employeur, était reparti à 11 h 30, et que la nouvelle convocation à un entretien préalable pour le 7 avril 2015 résultait, non pas d’une demande de report du salarié ou de l’impossibilité pour celui-ci de se présenter au premier entretien, mais de la seule initiative de l’employeur, la Cour d’appel a exactement fixé le point de départ du délai d’un mois pour notifier le licenciement à la date prévue pour le premier entretien préalable, en sorte que le licenciement notifié plus d’un mois après cet entretien était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».

En effet, l’employeur invoquait un report du premier entretien préalable compte tenu d’un « rendez-vous important » qui l’aurait retenu.

Mais la Cour de Cassation considère que le report de l’entretien préalable ne peut prolonger le délai de prescription d’un mois que s’il est sollicité par le salarié ou que celui-ci est dans l’impossibilité de se présenter à cet entretien.

 

III. L’importante distinction à connaître entre la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire.

La mise à pied conservatoire permet à l’employeur de suspendre à titre temporaire le contrat de travail du salarié et sa rémunération lorsqu’il estime que celui-ci a un comportement fautif exigeant son retrait de ses fonctions jusqu’à l’aboutissement de la procédure disciplinaire  Article L1332-3 du Code du travail

Cette procédure exige non seulement de l’employeur qu’il engage une procédure disciplinaire avec convocation du salarié à un entretien préalable mais également qu’il agisse vite et aboutisse à un licenciement pour faute grave ou lourde.

A défaut, la mise à pied n’est plus conservatoire mais devient disciplinaire, c’est-à-dire qu’elle correspond à une sanction ne permettant plus à l’employeur de sanctionner de nouveau le salarié pour ces mêmes faits, c’est la règle « non bis in idem ».

L’exigence des conditions requises entraine un contentieux récurrent.

Ainsi, le 27 novembre 2019 (n°18-15303), la Cour de Cassation a jugé qu’un conducteur mit à pied le 28 août 2015 à titre conservatoire et a convoqué le 1er septembre 2015 à un entretien préalable avec un licenciement notifié le 28 septembre 205 était sans cause réelle ni sérieuse car :

« L’employeur ne justifiait d’aucun motif au délai de quatre jours séparant la notification de la mise à pied de l’engagement de la procédure de licenciement, la Cour d’appel a pu en déduire que la mise à pied présentait un caractère disciplinaire, nonobstant sa qualification de mise à pied conservatoire, et que l’employeur ne pouvait sanctionner une nouvelle fois le salarié pour les mêmes faits en prononçant ultérieurement son licenciement ».

On retiendra la réitération d’une jurisprudence constante qu’un délai de 4 jours est excessif pour justifier du caractère conservatoire de la mise à pied notifiée au salarié.

A défaut d’une convocation à un entretien préalable entre 1 à 3 jours à compter de la mise à pied, vous pouvez solliciter à l’appui de cette jurisprudence l’absence de cause réelle et sérieuse de votre licenciement.

L’autre subtilité de cette procédure de mise à pied est que tous les faits évoqués par l’employeur justifiant cette mesure de mise à pied disciplinaire bénéficient de la règle « non bis in idem » même si l’employeur ne retient qu’un seul des faits évoqués parmi tous les griefs reprochés.

 

IV. Le contentieux du solde de tout compte - 3 arrêts.

Le solde de tout compte est établi par l’employeur lors de la rupture du contrat de travail du salarié [Article L.1234-20 du Code du travail], la loi précisant que ce reçu peut être dénoncé par le salarié dans les 6 mois qui suivent sa signature.

Passé ce délai, le salarié ne pourra donc plus contester ce solde de tout compte pour quelque raison que ce soit, c’est ce que la loi appelle l’effet libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

- 1er arrêt : la saisine du conseil de prud’hommes suffit à caractériser la dénonciation du solde tout compte décision du 27 mars 2019 n°18-12461.

La loi ne listant pas les conditions de « cette dénonciation du solde de tout compte », les Juges l’ont précisé peu à peu :

Outre la lettre recommandée avec avis de réception, cette dénonciation peut être faite par saisine du Conseil de Prud’hommes :

« (La Cour) avait constaté que le reçu pour solde de tout compte avait été remis au salarié le 12 novembre 2016 et que l’employeur avait été convoqué à l’audience du conseil de prud’hommes le 20 mars 2017, ce dont il résultait que le reçu pour solde de tout compte avait été dénoncé dans le délai » (Arrêt du 27 mars 2019 n°18-12461).

- Seconde décision : Le contentieux sur la signature du solde de tout compte par le salarié : 27 mars 2019 n°18-12792.

L’Article L1234-20 du Code du travail est sans ambiguïté sur la nécessité que le solde de tout compte soit signé par le salarié pour être libératoire :

« Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées ».

Le salarié contestait le solde de tout compte en indiquant ne pas avoir été payé des sommes mentionnées, les Juges rejettent sa demande considérant que si ce solde n’a pas été signé par le salarié celui-ci ne justifiait pas avoir dénoncé son solde de tout compte pour non paiement des sommes mentionnées et ne démontre pas ne pas avoir été réglé desdites sommes.

La Cour de Cassation écarte cette argumentation et considère que :

« Le reçu pour solde de tout compte non signé par le salarié ne fait pas preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées, et qu’il appartenait en conséquence à l’employeur de justifier de ce paiement ».

Retenez que la charge de la preuve du paiement des sommes mentionnées sur le solde de tout compte est incombe à l’employeur.

- 3ème arrêt : l’arrêt du 20 février 2019 [N°17-27600.] concerne un solde de tout compte signé par le salarié mais sans mention d’une date écrite de sa main.

Retenez que si vous signez le solde de tout compte, peu importe que la date mentionnée sur celui-ci ne soit pas écrite de votre main du moment qu’elle est certaine :

« Attendu cependant que, pour faire courir le délai de six mois à l’expiration duquel le salarié ne peut plus dénoncer le reçu pour solde de tout compte, ce dernier doit comporter la date de sa signature, peu important que celle-ci ne soit pas écrite de la main du salarié, dès l’instant qu’elle est certaine ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait (la Cour a condamné l’employeur), alors qu’il résultait de ses constatations que le reçu pour solde de tout compte comportait une date, la Cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Vous connaissez maintenant les dernières jurisprudences applicables en matière de prescription des faits fautifs et de la sanction des faits fautifs, ainsi que les conditions vous permettant de contester votre solde de tout compte en 2020.

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