Un avocat qui plaide longtemps défend-il mieux son client ?

Publié le Vu 4 416 fois 1
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Un avocat qui plaide longtemps défend-il mieux son client ?

Discuter avec des justiciables qui ont été partie à un procès est toujours une occasion très intéressante de découvrir comment ils perçoivent le processus auquel ils ont participé.

Ces justiciables s'interrogent fréquemment sur le comportement de leur avocat à l'audience, et notamment sur la durée de son intervention. La question posée est du genre "a-t-il parlé suffisamment longtemps et assez bien plaidé ?"

Il semble que nos concitoyens ignorent vraiment comment un dossier est traité, comment les juges travaillent, et quelle est l'utilité de l'audience. Voici donc quelques explications concrètes.

En matière civile (la matière pénale sera abordée une autre fois), avant l'audience, les parties se transmettent leurs conclusions (leur avis écrit et leurs arguments) ainsi que les documents qu'elles veulent discuter et remettre au juge. Et à l'audience les avocats remettent des dossiers parfois volumineux contenant un ensemble de documents que les juges vont examiner pendant le délibéré, avant de rendre leur décision.

A l'audience, les avocats dont par définition les thèses s'opposent, vont le premier nous dire que la solution c'est "blanc", et l'autre rétorquer ensuite qu'évidemment non, la solution c'est "noir". Cela n'apporte pas grand chose au débat ! En plus, même si l'un des avocats avance un argument qui semble plausible, il ne sera pris en compte que si tous les justificatifs nécessaires sont dans le dossier. Affirmer c'est une chose, mais dans un procès ce qu'il faut par dessus tout c'est prouver que ce que l'on avance est parfaitement exact, ce qui n'est pas tout à fait pareil.

Pour ces raisons, les plaidoiries à l'audience n'ont qu'une utilité réduite. Elles permettent seulement d'avoir une prémière idée de la nature du litige, et de repérer les arguments qui peuvent assez rapidement être écartés comme non convaincants ou juridiquement manifestement erronés.

Il faut savoir aussi qu'une fois l'audience terminée, les juges ne plongent pas tout de suite dans les dossiers avec lesquels ils repartent. Certains seront étudiés le lendemain, d'autres une semaine ou un mois plus tard, en fonction de la charge des magistrats et des dossiers déjà en attente de traitement sur leurs étagères. Dès lors, le juge qui ouvre un dossier plusieurs jours ou semaines après l'audience ne se souvient plus du tout de ce qui a été plaidé. Et comme ce qui compte c'est exclusivement ce qu'il y a dans le dossier remis, les juges prennent très peu de notes à l'audience. Au moment de rédiger leur arrêt, ils se reportent aux conclusions écrites des avocats, et non à leurs notes de l'audience, qui au demeurant pourraient comporter des erreurs.

Finalement, dans le travail quotidien des juges, l'audience civile ne présente pas un grand intérêt en elle-même. C'est pourquoi, comme les magistrats sont nombreux à le souhaiter et comme certains le disent aux avocats, quelques brèves observations de leur part, et uniquement pour mettre en avant les éléments essentiels du dossier, sont amplement suffisantes.

Oui mais voilà, il y a parfois le justiciable/client dans le fond de la salle. Et régulièrement des avocats s'approchent de nous au début de l'audience et nous murmurent à l'oreille "mon client est là, je plaide corps présent.." ce qui signifie : "comme mon client est là, je vais être obligé(e) de plaider plus longtemps que nécessaire".

Cela appelle les observations suivantes :

D'abord, la présence du "client" ne change rien à ce qui a été dit plus haut sur l'intérêt inexistant de longues plaidoiries. L'avocat ne doit faire que ce qui est utile pour le traitement du dossier, et dans cette optique plaider plus longtemps ne sert à rien du tout.

Ensuite, on ne peut que s'interroger sur ce que l'avocat dit à son client avant l'audience. Soit il fait confiance à son intelligence et il lui explique lui-même qu'à l'audience il ne fera que quelques observations car parler plus est inutlie et n'apportera rien, ce que nos concitoyens comprennent parfaitement quand on leur explique comment se traite un dossier judiciaire. Soit ils font croire à leurs client qu'ils seront plus efficaces s'ils parlent longtemps, ou veulent donner l'impression d'en "faire plus", peut-être en lien avec le montant des honoraires réclamé. Mais alors, cela signifie qu'il y a une part d'inexactitude (de mensonge ?) dans ce qui est expliqué par l'avocat à son client sur la raison d'être et l'utilité d'une audience. Et cela est toujours troublant.

En tous cas, les justiciables doivent être convaincus d'une chose : l'avocat qui s'exprime le plus longtemps à l'audience ne fait pas un meilleur travail, et il n'aura pas plus souvent gain de cause que les autres.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
29/08/2009 16:16

je suis très flatté de lire votre article qui me parait assez fort édifiant du point de vue conséquences dans la gestion du procès par le technicien du droit qui est l'Avocat parce qu'il vient de répondre à une de mes interminables préoccupations.En fait,ces derniers temps, dans un dossier où j'ai été désigné par un de mes clients pour le représenter dans un procès pénal,je me demandais ce qu'il fallait faire étant donné que c'était ma première fois de représenter un client au tribunal en ma qualité de juriste conseil(la loi de 90/.../1990 portant organisation de la profession d'Avocats en République du Cameroun,autorise la représentation dans les circonscriptions administratives où il y a moins de quatre Avocats).
Donc mon souci était de savoir s'il me fallait faire une longue plaidoirie pour convaincre le juge ou mettre tout simplement l'accent sur les pièces à conviction pour amener le tribunal à rendre rendre la décision en ma faveur.
Maintenant avec votre commentaire ,je sais que que les longues plaidoiries ne sont pas forcément nécessaires.
Et pour ajouter un commentaire,je vais parler du dilatoire qui me semble être parfois un acte de mauvaise foi manifeste de la part de certains avocats.Et pour tout simplement dire qu'autant les longues plaidoiries ne sont pas forcément nécessaires autant le dilatoire (inutile)ne sert pas beaucoup la justice et constitue moins un argument à faire balancer la décision du juge en faveur de celui qui en fait usage.Et s'il apporte quelque chose au procès,c'est plutôt en rallonge du temps du procès et en coût financier élevé et ceci malheureusement le plus souvent, au détriment des justiciables.bref pour moi,sauf si je me trompe et vous pourrez me corriger la-dessus,sa portée me semble assez limitée et ne peut être tolérable que s'il se justifie à la fin du procès par une décision qui en tient favorablement compte.
(je n'ai pas encore réussi à faire ma présentation mais je suis ELOUNDOU OKALA, Camerounais, juriste conseil).

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de Maître Hazem KSOURI

Bienvenue sur le blog de Maître Hazem KSOURI

Demande de contact
Image demande de contact

Contacter le blogueur

Thèmes de publications
Dates de publications
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles