I) La nécessité du certificat médical
Puisqu’elle prive une personne de certaines de ses facultés, une mesure de protection juridique d’un majeur doit être entourée de nombreuses garanties.
Par conséquent, un Juge ne pourrait prononcer l’ouverture d’une mesure sans posséder dans le dossier la preuve médicale du besoin de protection.
Pour cette raison, seul un médecin expert est habilité à se prononcer sur les besoins de protection, à l’exclusion d’un médecin généraliste par exemple.
L’article 431 du code civil dispose ainsi que « la requête en ouverture d’une mesure de protection judiciaire doit être accompagnée d’un certificat médical circonstancié, établi par un médecin choisi sur une liste arrêtée par le procureur de la République ».
L’article 1219 de Code de procédure civile précise que certificat médical circonstancié doit décrire « avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger ou protégé », donner « au juge tout élément d'information sur l'évolution prévisible de cette altération » et préciser « les conséquences de cette altération sur la nécessité d'une assistance ou d'une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel, ainsi que sur l'exercice de son droit de vote ».
Par les informations qu’il contient, le certificat médical circonstancié permet au Juge des Tutelles de s’assurer de la réalité de l’altération des facultés mentales du majeur à protéger et de mettre en œuvre les principes de nécessité, de subsidiarité, de proportionnalité, et d'individualisation des mesures de protection.
Il constitue un élément central de la procédure en ce qu’il prévient des atteintes aux libertés individuelles qui ne seraient pas strictement justifiées par l’état de santé de la personne concernée. Pour cette raison, son défaut est sanctionné par l’irrecevabilité de la requête.
Sur le principe, tout est donc simple : sans certificat médical circonstancié, le Juge n’examinera pas le dossier. Mais dans la réalité, se présente fréquemment une question plus complexe. Comment faire si la personne objet de la demande d’ouverture refuse l’examen, ou refuse de se rendre à la consultation de l’expert judiciaire ?
II) En cas de refus
La loi, limpide, exige un certificat. Par conséquent, rien de plus logique, pour échapper à la mesure de protection, de ne jamais se déplacer aux rendez-vous médicaux.
La rigidité de l’article 431 du Code Civil offre ainsi in fine un mécanisme de blocage judiciaire imparable à celui qui ne souhaite pas être placé sous mesure de protection.
En début de siècle, la Jurisprudence admettait donc que si l’examen était rendu impossible par le seul refus de la personne intéressée, le Juge pouvait tout de même connaître du dossier.
Mais la Cour de Cassation a sifflé le coup de final pour cette jurisprudence par un arrêt du 29 juin 2011 (Civ 1e, n°10-21879). Dans cette affaire, le médecin avait écrit une lettre attestant du refus de la personne à se soumettre à l’examen médical et le Juge avait instruit l’affaire. La personne objet de la procédure s’était défendue en arguant de l’absence de certificat médical circonstancié.
La Cour de Cassation applique l’article 431 du Code Civil à la lettre en donnant raison à la personne qui faisait l’objet de la demande.
Mais cette interprétation stricte peut être nuisible aux intérêts d’une personne alors que les mesures de protection sont pensées pour être établies à son bénéfice, et sous le strict contrôle du Juge des Tutelles.
La Cour de Cassation a donc assoupli son interprétation de l’article 431 du Code Civil.
Dans un arrêt du 20 avril 2017 (Civ 1e, n°16-17672), la Cour de Cassation indique que « le certificat circonstancié peut être établi sur pièces médicales, en cas de carence de l’intéressé ».
Dès lors, en cas de résistance de cette dernière, il peut fonder son analyse sur les pièces médicales dont il dispose. A cette fin, il peut solliciter auprès du médecin traitant un avis ainsi que l’accès au dossier médical. Le cas échéant, il peut aussi tenir compte des éléments médicaux fournis par le requérant.
Mais s’il ne dispose pas de pièces médicales, peut-il fonder son analyse sur d’autres éléments ?
Dans ce dossier, le médecin spécialiste n’avait pas de pièces médicales mais il avait déduit la nécessite d’une mesure de protection de l’état du logement, de l’état de surendettement et de propos délirants, diagnostiquant une pathologie psychotique décompensée.
La Cour de Cassation refuse de valider la procédure : si le refus de la personne susceptible d’être protégée de rencontre le médecin peut être outrepassé, encore faut-il que le médecin se fonde sur des pièces médicales. Il ne saurait dresser un diagnostic en raison d’un faisceau d’indices non purement médicaux.
Mélisande Bouthors
Elève-avocat
Cabinet d’avocat Sylvain Bouchon
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