Quel effet pour la circulaire « APB » ?

Publié le Modifié le 07/11/2017 Vu 6 135 fois 0
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La circulaire n° 2017-077 du 24 avril 2017 intitulée « procédures d’admission » a pour objet de donner, par la petite porte, une base textuelle au tirage au sort réalisé via l’application « admission post-baccalauréat » dite « APB ». Toutefois, la question se pose de l’effet de cette circulaire, relativement floue, adoptée en fin de mandat pour tenter de limiter le nombre d’annulations des refus d’inscriptions. En effet, cette circulaire va-t-elle mettre un terme au contentieux lancé par les étudiants non-inscrits ?

La circulaire n° 2017-077 du 24 avril 2017 intitulée « procédures d’admission » a pour objet de donner,

Quel effet pour la circulaire « APB » ?

Pour déterminer les effets de la circulaire, il faut d’abord rappeler ce qu’est une circulaire et les effets qui s’attachent à ce type d’acte (I.). Une fois cette précision effectuée, il apparaît que l’adoption d’une circulaire pourrait donner une base légale au tirage au sort (II.) sans pour autant solutionner l’essentiel des illégalités du système (III.).

I. Qu’est-ce qu’une circulaire ?

La circulaire APB du 24 avril 2017 est, comme son nom l’indique, une circulaire. Or, les circulaires ne sont pas, en principe, supposées être normatives.

En effet, les circulaires ne visent, a priori, qu’à expliciter, commenter ou interpréter les textes sans y ajouter pour permettre aux services voués à les appliquer de déterminer comment, en pratique, ces textes s’appliquent.

Toutefois, il arrive fréquemment que les circulaires ne se bornent pas à expliciter les textes mais viennent ajouter à ces textes. Auquel cas, ces circulaires sont considérées comme normatives.

Au cas présent, il ne fait pas de doute que la circulaire du 24 avril 2017 est normative.

Plus précisément, cette circulaire vient expliciter le principe du tirage au sort contenue dans l’algorithme de l’application APB et qui n’était, jusqu’ici, mentionné dans aucun texte.

Ainsi, la circulaire est normative puisqu’elle ajoute au texte de l’article L. 612-4 du code de l’éducation, lequel se borne à prévoir que dans l’hypothèse où les candidatures dépassent les capacités d’accueil d’une formation, le recteur est compétent pour affecter les étudiants en fonction d’une réglementation établie par le ministre de l’éducation.

Dans ces conditions, il ne fait pas de doute que la circulaire APB du 24 avril 2017 est impérative et peut faire l’objet d’un recours (CE. Sect. 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n° 233618, publiée au Recueil).

II. Une circulaire peut fonder le tirage au sort

Néanmoins, se pose surtout la question de l’efficacité de cette circulaire pour donner une base légale à l’algorithme APB.

En effet, l’application APB, vouée à recueillir les vœux des candidats à la première année d’université a, en pratique, été « enrichie » pour départager par tirage au sort les futurs étudiants acceptés dans les différentes formations.

Ce système, très critiquable, a été censuré par le juge administratif du fait de son absence de base légale (TA Bordeaux, 16 juin 2016, n° 1504236).

Plus précisément, le juge administratif a relevé qu’aucun texte ne prévoyait le tirage au sort et que l’administration ne pouvait se prévaloir de la compétence générale du ministre pour adopter les mesures nécessaires au fonctionnement du service public en application de la jurisprudence SARL « Chocolat de régime Dardenne » (CE. Sect. 8 janvier 1982, n° 17270, publiée au Recueil). Par conséquent, le juge administratif a estimé que si le ministre souhaitait prévoir un tirage au sort pour départager les étudiants, il devait édicter une « réglementation » (article L. 612-3 du code de l’éducation). En l’absence de réglementation, le tirage au sort est illégal.

C’est donc pour tenter de remédier à cette illégalité que la circulaire du 24 avril 2017 a été publiée.

De prime abord, l’on pourrait douter de l’efficacité d’une circulaire pour donner une base légale au tirage au sort réalisé par l’algorithme APB.

En effet, il n’aura échappé à personne que le ministère de l’éducation a choisi l’acte le moins solennelle pour faire passer cette réforme par la petite porte.

Néanmoins, sur le plan des principes, rien ne s’oppose à l’exercice par le ministre de son pouvoir réglementaire par voie de circulaire, le droit administratif n’étant pas excessivement formaliste.

Or, le principe d’un tirage au sort, ne semble pas poser de difficulté au juge administratif qui a, implicitement, reconnu la possibilité de sélectionner les étudiants par tirage au sort.

C’est ce qui ressort de deux décisions assez anciennes mentionnées aux tables (CE. SSR. 5 novembre 2001, Ministre de l’éducation, n° 215351 ; CAA Nancy, 14 octobre 1999, M. Hugues X, n° 98NC0467).

Dans ces conditions, le principe d’un tirage au sort peut être institué par circulaire (bien que des doutes sérieux existent quant à la légalité et l’opposabilité de la circulaire du 24 avril 2017).

Partant, une circulaire peut (de manière générale) donner une base légale à un tirage au sort.

III. Une circulaire qui n’aura pas d’incidence sur l’illégalité du système APB

En revanche, même si la circulaire APB du 24 avril 2017 pourrait fonder un tirage au sort, elle ne vient pas pour autant donner une réelle base légale à l’application et couvrir les illégalités du système.

● D’une part, la circulaire, qui est transmise aux recteurs n’est manifestement pas adressée à ces derniers.

En effet, les recteurs n’interviennent pas dans le choix des candidats à la première année (pas plus que les présidents d’universités). C’est uniquement l’algorithme APB, géré par le ministère, qui procède aux sélections.

La circulaire mentionne d’ailleurs qu’elle s’applique « lorsque les candidats sollicitent une préinscription via le portail Admission Post-Bac » et se termine par le terme général « l’inscription des candidats est prononcée » sans désigner la personne responsable de cette décision. Et pour cause, aucune autorité n’intervient dans la désignation des étudiants retenus.

Or, l’article L. 612-3 du code de l’éducation est particulièrement clair :

  • si les capacités d’accueil permettent d’inscrire tous les candidats, le président de l’université est compétent pour les inscrire,

  • si les capacités d’accueil ne permettent pas d’inscrire tous les candidats et si l’université constate ce dépassement, c’est le recteur qui est compétent pour inscrire les étudiants.

Par conséquent, le système APB demeure contraire à l’article L. 612-3 du code de l’éducation puisque l’algorithme APB n’est géré ni par les universités, ni par les rectorats. Il affecte et décide seul des inscriptions (sous le contrôle du ministère).

Par conséquent, les autorités compétentes désignées par le code de l’éducation (les présidents d’université et les recteurs) n’interviennent pas dans l’inscription.

Cette illégalité de principe, qui entache toute la procédure APB, n’est absolument pas réglée par la circulaire du 24 avril 2017.

Elle ne pourra être régularisée sans modification par la loi de la partie législative du code de l’éducation.

Dans ces conditions, la circulaire n’apparaît pas pouvoir atteindre l’objectif fixé.

● D’autre part, une seconde illégalité de principe qui n’est pas régularisée par la circulaire et qui découle également de l’absence de base légale de l’algorithme est la présélection effectuée en Ile-de-France.

En effet, en Ile-de-France, un futur étudiant souhaitant placer en premier vœu une filière à capacité d’accueil limité doit ajouter six autres vœux portant sur des filières non référencées comme telles. A défaut, sa candidature n’est pas prise en compte lors du tirage au sort prioritaire (c’est-à-dire lors de la sélection entre les candidats relevant de l’académie qui ont placé la formation en premier vœu).

Autrement dit, le bachelier doit solliciter six filières non en tension, faute de quoi, il n’a aucune chance d’être sélectionné dans la filière de son choix.

Cette règle, qui n’est fondée sur aucun texte, est illégale (voir sur ce point l’article « La présélection par l’application APB est illégale »).

La circulaire ne fait pas mention de cette obligation imposée aux étudiants franciliens.

Or, le tirage au sort ne peut être légal que si tous les candidats participent audit tirage au sort dans le respect du principe d’égalité (CE. SSR. 5 novembre 2001, Ministre de l’éducation, n° 215351, mentionnée aux tables).

Dans la mesure où, au cas présent, le tirage au sort a lieu, en Ile-de-France, après élimination des étudiants ne respectant pas l’obligation de demander six formations non en tension, le tirage au sort ne respecte pas le principe d’égalité.

Aussi, en Ile-de-France, la circulaire n’a de façon évidente aucune incidence sur la légalité du système.

En conclusion, il apparaît que la circulaire APB, n’aura pas d’impact sur l’absence de base légale de la sélection algorithmique du ministère.

Elle ne pourrait en avoir que si le tirage au sort était effectué par le recteur après constat du dépassement des capacités d’accueil des formations par le président d’université.

Tel n’étant pas le cas, la circulaire ne semble pas pouvoir atteindre les objectifs qui lui sont fixés.

Bruno Roze

Avocat au Barreau de Paris

5, rue Cambon 75001 Paris

contact@bruno-roze-avocat.com

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