La fraude au budget européen-subventions, budget de développement, fiscalité

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La fraude au budget européen-subventions, budget de développement, fiscalité

SOMMAIRE

 

Introduction

 

I- La fraude au préjudice du budget européen

 

A- Une approche théorique à travers les notions de budget et de fraude

  1. Définition et fonctionnement du budget

Définition, les recettes et les dépenses

  1. La notion de fraude

Définition et évolution de la fraude au budget européen

 

B- Une approche pratique de la fraude aux recettes et aux dépenses du budget européen

  1. Les recettes

Fraude aux droits de douanes, à la TVA intracommunautaire et aux accises

  1. Les dépenses

Fonds structurels, fraude au paiement et dépenses de marché, fraude aux dépenses administratives

 

II- La nécessité d’une répression efficace de la fraude au budget européen

 

  1. Les instruments de répression de la fraude au budget européen

  1. La Convention PIF

  2. Le développement d’instruments complémentaires

 

  1. Les organes de répression de cette fraude

 

  1. Les organes européens de lutte contre la fraude

  2. La répression de la fraude au budget européen en France

 

Conclusion

 

Introduction

 

Dans la vie des affaires internationales il existe trois types de flux : les flux financiers, économiques et les flux d’information. Celui qui retient notre intérêt aujourd’hui est le flux économique. Cette criminalité va porter sur la fiscalité de manière générale.

Les politiques européennes, financées par ce biais, ont pour but la réalisation de projets d'intérêt général. Le fait d'éluder les droits et taxes qui alimentent le budget communautaire ou d'utiliser abusivement les financements communautaires se traduisent donc par un préjudice au détriment du contribuable européen.

La fraude se définit comme « toute appropriation illégale d’argent ou de bien commise sciemment et violant de manière inévitable la législation, les règlements et les prescriptions communautaires applicables en la matière ». Cette définition a été donnée pour la première fois dans le rapport de la Cour des Comptes en 1978.

Les notions de budget européen, de subventions, de budgets de développement et de fiscalité sont des notions aux définitions riches. Nous les aborderons de manière approfondie dans le corps du devoir.

Les institutions européennes ont le devoir de garantir, à l'égard du contribuable, le meilleur usage de ses deniers et en particulier de lutter le plus efficacement possible contre la fraude. C'est la raison pour laquelle la protection des intérêts financiers de la Communauté est devenue une des priorités majeures pour les institutions européennes. Elle recouvre des activités concernant la détection et le suivi de fraudes dans le domaine douanier, de détournements de subventions et d'évasion fiscale, dans la mesure où le budget communautaire en est affecté, ainsi que la lutte contre la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté.

Après avoir défini les notions techniques évoquées précédemment, nous nous attacherons à définir ce qu’est la fraude ainsi que les différentes formes qu’elle peut revêtir (I). Enfin, dans une seconde partie, nous traiterons des mesures mises en œuvre pour lutter contre ce comportement illicite (II).

 

 

  1. La fraude au préjudice du budget européen

     

La notion de budget est riche en ce qu’elle recouvre des données nombreuses et techniques. Nous donnerons une définition complète de ce qu’est le budget de l’Union européenne. Puis nous envisagerons la notion de fraude (A). Enfin, pour une approche pratique, nous donnerons de nombreux exemples de fraudes au budget européen (B).

 

A) Une approche théorique à travers les notions de budget et de fraude

 

Pour mieux appréhender la fraude au budget européen, il est nécessaire dans un premier temps d’étudier les notions de budget européen (1) et de fraude (2) de manières distinctes.

 

  1. Définition et fonctionnement du budget

     

a)Définition

 

Le budget de l’Union européenne (UE) est composé d'un ensemble de recettes et de dépenses.

Il a été mis en place afin de donner à l’Union des moyens pour qu’elle puisse mener à bien ses politiques.

L'essentiel des fonds du budget est destiné à rendre l’économie européenne plus compétitive et plus dynamique et à accroître la cohésion dans l’UE en réduisant les inégalités entre les Etats membres. Une importante partie du budget est consacrée au développement de l’agriculture. En 2010, le budget de l’UE était de 141,4 milliards d’euros.

Ce dernier est défini à l’origine par le traité de Paris de 1951, et le Traité de Rome de 1957 qui ont depuis subi plusieurs modifications. De ces dispositions découlent une compétence partagée en matière budgétaire entre le Parlement européen et le Conseil de l'Union qui votent les propositions de la Commission européenne.

En découle huit grands principes qui régissent le budget européen, à savoir:

  • Le principe d’unité qui prévoit que l'ensemble des dépenses et des recettes est inscrit dans un document unique.

  • Le principe d’universalité qui veut que les recettes ne peuvent pas être affectées à des dépenses précises.

  • Le principe d’annualité qui consiste à fixer pour une année la durée de l’exercice budgétaire. Les recettes et les dépenses sont votées pour un exercice qui commence le 1er janvier et se termine le 31 décembre.

  • Le principe d’équilibre qui impose que le budget ne soit ni déficitaire ni excédentaire.

  • Le principe de spécialité qui impose que chaque recette soit utilisée pour chaque dépense à laquelle elle a été affectée.

  • Le principe de bonne gestion financière qui exige que les moyens budgétaires soient utilisés conformément aux principes d'économie, d'efficience et d'efficacité. En d’autres termes, cela signifie que les gestionnaires des fonds doivent tout faire pour assurer une utilisation optimale de l’argent dépensé. Cela passe évidemment par le respect des règles et par l'exécution de contrôles réguliers.

  • Le principe de transparence qui prévoit la publication de l'établissement, de l'exécution du budget ainsi que de la réédition des comptes.

  • Le principe d’unité de compte qui prévoit que l'euro est l'unité comptable.

 

La procédure de mise en place du budget est expressément visée par le Traité de Rome et se décompose en trois étapes:

  • Dans un premier temps, chacune des institutions européennes fait un état prévisionnel des dépenses qu'elle envisage. La Commission Européenne va ensuite, élaborer l’avant-projet de budget qui va regrouper tous les états prévisionnels et qui prévoit une prévision des recettes et des dépenses. A cet avant-projet, elle va joindre son avis.

  • Dans un deuxième temps, le conseil de l’UE est saisi par la commission pour revoir l’état prévisionnel de certaines institutions. Après rectification, l’avant projet se transforme en véritable projet de budget et va être transmis au Parlement européen.

  • Pour finir, le Parlement européen, va soit rejeter le projet partiellement en souhaitant une modification des dépenses envisagées, soit totalement en demandant l’élaboration d’un nouveau projet, soit il va adopter le budget purement et simplement.

 

Comme signalé antérieurement, le budget est composé de différentes recettes qu'il convient d'étudier plus précisément.

 

b) Les recettes

 

Le budget de l’Union européenne est financé intégralement par des « ressources propres ».

Les ressources propres de l'UE sont actuellement au nombre de quatre :

  • Le revenu national brut (RNB), qui représentait en 2010, 92,7 milliards d’euros, soit 76% du budget européen. Ces fonds proviennent des contributions versées par les Etats membres et sont fonction de leur prospérité nationale qui est mesurée par le produit national brut (PNB). Chaque Etat membre va donc contribuer au budget communautaire en fonction de son PNB et d’un taux fixé annuellement dans le cadre de la procédure budgétaire communautaire. Le but de cette recette est de faire que chaque Etat membre participe au budget européen en fonction de ses revenus. Le RNB sous-entend un principe de solidarité entre les différents Etats membres.

  • La TVA, qui représentait en 2010, 13,95 milliards d’euros, soit 11% du budget européen. Chaque Etat membre doit reverser au budget communautaire une partie de la TVA qu’il a perçue. Le montant à reverser par les Etats membres, résulte d'un pourcentage (environ 0,30%) qui est un taux uniforme, déterminé selon des règles communautaires, qui va être appliqué à leur assiette de TVA.

  • Les droits de douane, qui représentaient en 2010, 14,08 milliards d’euros, soit 12% du budget européen. Ils sont perçus par les Etats membres sur les importations en provenance de pays tiers au sein de l’Union européenne, en application du tarif douanier commun en vigueur aux frontières extérieures de l’UE. On parle de système uniforme de taxation pour les importations. Les importations intérieures ne font, elles, pas l'objet de taxation. Les droits de douane comprennent également les prélèvements effectués sur certaines importations de produits agricoles.

  • Les recettes diverses, qui représentaient en 2010, 1,4 milliards d’euros, soit 1% du budget communautaire. Ces recettes sont composées des montants non dépensés des années précédentes, des prélèvements sur le personnel des institutions communautaires, des amendes infligées à certaines entreprises ne respectant pas les règles communautaires…

 

A noter, que certains aimeraient que l'UE dispose de véritables ressources propres car ils considèrent que la TVA et le RNB ne sont que des contributions nationales auxquelles les citoyens européens participent en l'ignorant. Pour des raisons de transparence, ces détracteurs souhaiteraient que l'Union puisse compter sur de véritable ressources autonomes comme par exemple, un impôt européen, ainsi les citoyens européens sauraient comment et dans quelle mesure ils financent l'Union.

 

Le montant des recettes pour 2010 s’est élevé à 141,4 milliards d’euros et les plus gros contribuables au budget de l'UE ont été l'Allemagne, dont la contribution s'est élevée à  19,59% du budget soit 23,7 milliards d'euros, suivi par la France avec 18 % soit 20,3 milliards d'euros, suivi par l'Italie avec 13,87 % soit 16,2 milliards d'euros et le Royaume-Uni avec 10,41 %, soit 13,2 milliards d'euros. Les Etats membres contribuant le moins au budget, sont quant à eux, Malte, qui a contribué à hauteur de 0,05%, l’Estonie avec 0,12% de contribution, et enfin Chypre et la Lettonie avec 0,16%.

Les recettes du budget de l’UE servent à financer les dépenses qui elles-mêmes permettent à l’UE de pouvoir mener à biens ses politiques.

 

c) Les dépenses

 

Les dépenses ont pour but d’améliorer la vie des citoyens de l'UE en aidant notamment les régions et les populations les plus défavorisées, ainsi qu'en créant des emplois et en stimulant la croissance dans toute l'UE. De même, elles contribuent à protéger l’environnement et à améliorer la qualité de vie par le développement rural et régional.

Ce sont les représentants élus au Parlement européen et au Conseil de l’UE qui décident de la répartition des dépenses sur proposition de la Commission européenne.

Le budget est définitivement adopté en décembre de chaque année et ne doit en aucun cas être déficitaire.

Une fois l'argent utilisé, la Commission doit rendre compte au Parlement européen de la manière dont les dépenses ont été effectuées. La Cour des comptes européenne effectuera ensuite un contrôle sur ces dépenses.

Chaque budget annuel s’inscrit dans un plan de dépenses à long terme appelé «cadre financier». Il s’agit d’un cadre septennal, couvrant actuellement la période allant de 2007 à 2013. Ce cadre permet à l’Union européenne de planifier des programmes de dépenses sur plusieurs années.

 

Dans une optique de transparence, le budget de l'UE est divisé en 31 domaines d'action eux-mêmes, subdivisés pour faire apparaître les activités financées dans chaque domaine et le coût total engendré par ces dernières. Cette manière d'organiser le budget est appelée «établissement du budget par activités».

 

Il existe aujourd'hui deux grands types de dépenses budgétaires :

  • d'une part les dépenses obligatoires qui sont une conséquence directe de la réglementation de l'Union, comme par exemple les subventions de la politique agricole commune.

  • d'autre part les dépenses non obligatoires, comme par exemple les subventions des fonds structurels et les dépenses administratives.

 

Les dépenses du budget européen se répartissent en 8 pôles d'actions :

 

* La cohésion pour la croissance et l’emploi, qui est en 2010, la première dépense du budget européen avec 49, 4 milliards d’euros. Il s’agit de fonds dits structurels et de cohésion. Cette dépense a pour but de réduire les inégalités de richesses existantes entre les régions et de favoriser le développement régional.

 

* Les paiements directs et dépenses de marché qui sont en 2010, la seconde dépense du budget avec 43,8 milliards d’euros. Ils regroupent 2 types de fonds, à savoir, d'une part, les fonds européens agricole de garantie (FEAGA) et d'autre part, les fonds européens agricole pour le développement rural (FEADER) qui constituent les instruments financiers de la politique agricole commune. Les premiers fonds financent les dépenses de soutien des marchés et des prix agricoles et les seconds fonds, sont consacrés au développement rural. Ils servent à favoriser la production de denrées alimentaires saines mais aussi de qualité et à assurer un revenu décent à tous les agriculteurs européens tout en garantissant un prix raisonnable aux consommateurs européens. L’objectif est de moderniser et de développer l’agriculture.

 

* Développement rural, environnement, pêche : La majeure partie de cette dépense est dédiée à la politique de développement rural. Elle va, par exemple, permettre d'accroître la compétitivité dans les secteurs agricoles, forestiers, de l’environnement et de l’espace rural, mais va également contribuer à augmenter la qualité de vie en milieu rural et diversifier l’économie rurale vers des activités non agricoles. L’autre partie de la dépense soutient la pêche et l’environnement, hors de la politique de développement durable. Cette dépense représentait en 2010, 15,7 milliards d’euros du budget.

 

* La compétitivité qui couvre le renforcement de la recherche et du développement technologique, ainsi que les investissements dans les grands réseaux transeuropéens d’énergie et de transport, les projets énergétiques, l’amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation. Ces dépenses vont inciter les entreprises à innover et à créer des emplois, mais aussi vont permettre un soutien des échanges dans le domaine de l’éducation par des aides à la formation. Ces fonds représentent une part non négligeable du budget, à savoir 14,9 milliards d'euros, en 2010 dans la mesure où ils ont pour but de donner à l’UE un poids important sur l’échelle mondiale.

 

* UE acteur mondial, est un pôle qui comprend les dépenses des actions extérieures à l’UE, c'est à dire toutes les actions qui sont menées par l'UE en direction des pays tiers pour permettre leur développement ou pour leur délivrer des aides humanitaires. Par exemple, ces dépenses permettent de fournir à ces pays extérieurs des aides d’urgence en cas d’inondations ou de tremblements de terre. L’UE étant une forte puissance économique et politique, elle se doit de promouvoir le développement économique et social dans le monde entier, ainsi que de maintenir la paix et d'apporter son aide aux victimes de catastrophes naturelles, de famines ou de conflits. L'UE est le plus grand donateur d'aide publique au développement (APD). De plus, ces fonds comprennent les dépenses de pré adhésion au profit des pays tiers qui sont candidats à l’entrée dans l’UE. Cette dépense et la collaboration de ce fait de l'UE avec les pays tiers, les organisations internationales et les autres partenaires opérationnels tels que les organisations non gouvernementales témoignent de la volonté de cette dernière d'occuper une place importante dans le monde. Ces fonds représentaient en 2010, 8,1 milliards d’euros du budget.

 

* Les dépenses administratives représentent les coûts de fonctionnement de l’UE, soit pour l’année 2010, 7,9 milliards d’euros. Il s’agit des frais de fonctionnement des institutions de l’UE qui incluent la rémunération des fonctionnaires communautaires.

 

* Liberté, sécurité, justice, est un fond dont la moitié est dédiée aux politiques de solidarité et de gestion des flux migratoires. Un quart finance les agences décentralisées et un dixième la sécurité et la protection des libertés. Ce pôle de dépense ne représentait qu’un milliard d'euros du budget de 2010.

 

* Citoyenneté, ces fonds permettent de financer la culture, la diversité européenne, les agences décentralisées, les médias, la communication européenne… C’était la plus petite dépense du budget pour l’année 2010 avec seulement 0,7 milliard d’euros.

 

Suite à l’approfondissement de la notion de budget il convient, de s’intéresser à celle de la fraude, avant d'étudier plus précisément la fraude au budget européen.

 

  1. La notion de fraude

 

a) Définition

 

Les premiers traités qui ont institué les Communautés européennes n’ont pas donné de définition de la fraude budgétaire. Une première ébauche de définition a vu le jour, le 4 février 1972, par le Conseil de l'UE « c’est toute infraction intentionnelle ou non à une disposition de caractère juridique ». Toutefois cette définition était incomplète et imprécise, elle n'a pas été retenue.

Aujourd’hui, il existe deux définitions juridiques de la fraude qui sont valables et effectives sur l’ensemble du territoire de l’UE, à savoir la définition posée par la convention PIF et celle émanant du règlement Euratom. Cette dualité s’explique par le fait qu’il existait lors de la création de la définition de fraude, encore une incertitude concernant la répartition des compétences entre la Communauté qui était un instrument du premier pilier, et l’UE qui était un instrument du troisième pilier. Le règlement Euratom donne une définition des irrégularités tandis que la convention PIF se contente uniquement de définir la fraude au budget européen.

 

  • La définition de la fraude par la convention PIF du 26 juillet 1995

 

La convention PIF définit la fraude dans son article 1, en la distinguant, selon qu’elle porte atteinte aux recettes ou aux dépenses du budget de l’UE.

Pour elle, est constitutive d’une « fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes, en matière de dépenses, tout acte ou omission intentionnel relatif soit :

* à l'utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet la perception ou la rétention indue de fonds provenant du budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes ou pour leur compte.

* à la non communication d'une information en violation d'une obligation spécifique, ayant le même effet, ainsi qu’au détournement de fonds à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont initialement été octroyé ».

Concernant les recettes, il s'agit de « tout acte ou omission intentionnel relatif

* à l'utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet la diminution illégale de ressources du budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes ou pour leur compte.

* à la non communication d'une information en violation d'une obligation spécifique, ayant le même effet, ainsi qu’au détournement d'un avantage légalement obtenu, ayant le même effet ».

Si on se réfère à l’article 1 de la convention PIF, il en résulte que serait constitutif d’une fraude tout acte ou omission enfreignant la législation applicable, qui a pour but ou résultat :

  • soit la diminution d’une ressource propre ou de toutes autres recettes des communautés européennes.

  • soit la perception, la rétention indue ou le détournement de fonds au préjudice des communautés européennes.

La fraude peut donc visée aussi bien les recettes que les dépenses et doit être essentiellement le fait d’un acte intentionnel. Par conséquent, il est nécessaire que cette dernière porte atteinte au budget.

La convention PIF donne également les moyens susceptibles d’être utilisés pour frauder comme par exemple :

  • les omissions

  • les falsifications

  • les détournements

  • la dissipation des fonds

  • les déclarations inexactes ou incomplètes

  • l’emploi en connaissance de cause d’aides ou de subventions

De plus, cette convention dans son article 6 est venue assimiler, dans deux hypothèses, les fraudes commises dans des pays tiers à des fraudes au budget européen. D'une part, si un avantage a été réalisé sur le territoire d’un état membre ou d'autre part, si l’auteur est un ressortissant communautaire.

La convention PIF a pour objet de mettre à la charge des Etats membres, plusieurs obligations :

  • Une obligation d’introduire dans leur droit pénal, une incrimination réprimant la fraude affectant les intérêts des communautés européennes. Ces derniers doivent prendre les mesures nécessaires et appropriées pour transposer en droit pénal interne cette définition et ériger cette définition en infraction pénale.

  • Une obligation d’ériger en infraction pénale « le fait pour une personne d’établir ou de fournir de manière intentionnelle des déclarations ou des documents, faux, inexacts, incomplets », s’ils ne sont pas déjà punissables soit comme infraction principale, soit à titre de complicité, d’instigation ou de tentative.

 

  • La définition de la fraude par le règlement Euratom dit aussi règlement PIF

 

La seconde définition de la fraude provient de l’article 1 du règlement euratom, n°2988/95, du 18 décembre 1995. Ce règlement propose une définition plus large que celle de la convention PIF puisqu’il fait référence aux irrégularités, de manière générale, au budget européen. Pour lui, « est constitutive d’une irrégularité toute violation du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte de la Communauté, soit par une dépense indue ».

Peuvent donc constituer une irrégularité, la fraude, les abus et les autres manquements causés à l’intérêt financier de l’Union. La notion d’irrégularité pour le règlement Euratom englobe celle de fraude.

Le règlement impose que les sanctions administratives prévues en cas d’irrégularité soient effectives, proportionnelles, et dissuasives afin d’assurer une meilleure protection du budget européen.

 

Après avoir étudié le budget et la définition de la fraude, il convient de s’intéresser à l’évolution de la fraude au budget européen.

 

b) L’évolution de la fraude au budget européen

 

Le budget européen est devenu un véritable bien juridique supranational, qui, par conséquent attise la fraude.

Il est reconnu à ce système financier européen, une grande importance économique et fonctionnelle. En effet, ce système va contribuer à la bonne marche des institutions européennes et des Etats membres, mais aussi indirectement, au bon fonctionnement du marché commun.

Le problème de la protection juridique du budget de l’UE s’est posé concrètement à partir de 1970 avec son augmentation et son autonomie. En effet, a été mis en place le système des « ressources propres » qui prévoit des entrées autonomes dans le budget européen à partir de différentes sources :

* TVA

* Prélèvements agricoles

* Droits de douane et accises sur les produits

* Contribution nationale en fonction du PIB appelée la quatrième ressource qui le revenu national brut.

De même, parallèlement, l’augmentation et l’autonomie de budget se sont manifestées au niveau des sorties, qui sont constituées, en majeure partie, par des subventions destinées à la politique agricole commune PAC et affectées au fond européen agricole de garantie (FEAGA) ou au fond européen agricole pour le développement rural (FEADER).

L’expansion du système financier a engendré la création de nouveaux comportements illicites qui sont motivés par plusieurs intérêts :

  • Sur le plan traditionnel, la fraude fiscale et la contrebande douanière qui viennent porter préjudice aux entrées du budget européen.

  • Sur un plan nouveau, on voit apparaître la perception illicite ou frauduleuse d’avantages ou de subventions et/ou des utilisations abusives ou illégitimes de ces derniers, qui touchent les dépenses du budget européen.

Des rapports révèlent que certains fraudeurs vont profiter des carences règlementaires du régime communautaire ainsi que du manque de contrôles appropriés pour frauder. Ils vont pour cela employer différentes méthodes :

* Soit falsifier des documents, soit rendre le contenu de ces derniers erronés ou inexacts.

* Soit employer des artifices, pour faire apparaître comme établis des critères qui ne le sont pas pour bénéficier de dispositions plus favorables. Par exemple, pour obtenir des subventions, des subsides ou bénéficier d’un régime fiscal plus favorable, ou même d’un régime douanier privilégié.

* De même ils vont essayer de rendre inexistants des critères qui pourtant existaient et donnaient lieu à l’application de dispositions défavorables, par exemple concernant des droits, des pénalités.

* Certains vont même jusqu’à corrompre des fonctionnaires chargés de veiller à la bonne perception des recettes ou à la régularité des dépenses, par des pressions illégales.

De nos jours, la fraude est devenue plus difficile à combattre, l’UE doit faire face à une criminalité souvent organisée, transnationale, créant des complicités et de la corruption dans les organismes publics. Cela a pour conséquence, que certes le nombre d’irrégularités a diminué dans pratiquement tous les domaines, selon un rapport de la Commission européenne de 2008. Toutefois l’impact financier a quant à lui augmenté dans tous les secteurs, passant de 87 millions d’euros à 155 millions d’euros en 2007. En effet, même si aujourd’hui moins de fraudes sont commises, ces dernières coûtent plus cher à l’UE car elles portent sur des sommes considérables, du fait d’une criminalité très structurée.

La fraude au budget européen est fonction de ce dernier, par conséquent on constate l’existence de fraudes à la fois du côté des recettes et du côté des dépenses de l’UE.

 

B) La fraude aux recettes et aux dépenses

 

La typologie des fraudes au budget va permettre aux autorités répressives de pouvoir identifier les domaines budgétaires qui sont particulièrement exposés à la fraude. Concernant le budget européen, des fraudes peuvent êtres commises à 2 niveaux :

  • au niveau des recettes (1).

  • au niveau des dépenses (2).

 

  1. Les fraudes aux recettes

     

Les fraudes vont touchées 3 grandes recettes du budget de l’UE, à savoir les droits de douanes (a), la TVA (b), et les droits d’accises (c).

 

a) La fraude aux droits de douanes

 

L’union douanière est un pilier de l’UE et est nécessaire au bon fonctionnement du marché unique européen. En effet, l’UE est le premier opérateur au monde, avec à son actif 20 %, des importations et exportations mondiales. Le marché unique ne pourra fonctionner correctement que dans le cadre d’une application de règles communes à ses frontières extérieures. Au sein de l’UE, les droits de douane sont prélevés principalement sur les importations de produits en provenance de pays tiers, selon des taux basés sur le tarif douanier commun.

C’est l’ouverture des frontières intérieures de l’Union Européenne avec la convention de Schengen qui a été à l’origine de la multiplication des fraudes en matière douanière. Ces fraudes peuvent être de deux ordres :

  • Mineures, comme par exemple, le fait pour un citoyen ressortissant de l’Union européenne d’acheter une marchandise détaxée et de ne pas déclarer cette marchandise à la douane en rentrant dans son pays d’origine.

  • Majeures, commises par des réseaux structurés et très puissants qui élaborent des procédés complexes pour frauder.

La fraude en matière douanière, aux recettes du budget européen, concerne principalement les produits de nature agricole (viande, beurre, lait…), et ceux en provenance d’Asie (textile, électronique).

Ces fraudes vont avoir pour but d’obtenir soit une diminution, soit une exonération des droits de douanes qui sont censés être acquittés.

 

Les fausses déclarations d’espèce

 

Les fausses déclarations d'espèce vont permettre aux fraudeurs de bénéficier de droits de douane plus faibles, en déclarant des marchandises autres que celles importées. Les marchandises réellement importées auraient été soumises à une imposition plus forte, que celles véritablement déclarées.

Par exemple, en 1997 une personne transportant 1700 cartons de cigarettes de contrebande a été arrêtée par les autorités espagnoles et la déclaration de douane présentait la cargaison comme un lot de « pièces de rechange électriques expédiées » et non comme des cigarettes.

 

Les fausses déclarations de valeur

 

Les fausses déclarations de valeur vont quant à elles permettre de diminuer la valeur qui constitue l'assiette des droits de douane.

C’est le fait pour un fraudeur, de déclarer des marchandises de qualité moindre que celles réellement importées. En réalité les marchandises importées sont d’une qualité nettement supérieure et ont une valeur marchande plus élevée. Elles devraient, par conséquent, donner lieu à une imposition plus forte.

Cette fraude est très présente en matière de viande bovine. Par exemple : la viande réfrigérée est considérée de meilleure qualité que la viande congelée et est par conséquent imposée plus fortement. Les fraudeurs vont donc déclarés qu’ils importent de la viande congelée pour bénéficier d’un taux d’imposition plus faible, alors qu’en réalité la viande est seulement réfrigérée.

 

Les fausses déclarations d’origine au régime préférentiel

 

Les fausses déclarations d’origine vont donner la possibilité aux fraudeurs d’obtenir une réduction ou une exonération des droits de douane ou même de détourner les mesures de contingent.

Certaines déclarations vont donner aux marchandises, l’apparence d’être originaire de pays qui bénéficient de régime préférentiel, alors qu’en réalité, elles proviennent d’un autre Etat membre qui ne possède pas les mêmes privilèges. Par exemple, l’accord douanier avec la Hongrie prévoit l’importation en exemption de droits de douane des véhicules automobiles dont au moins 60% des pièces en valeur sont produites dans ce pays. Un constructeur japonais qui venait de s’établir en Hongrie a fait admettre frauduleusement au bénéfice de ce régime, sous couvert de fausses déclarations d’origine hongroise, des véhicules dont la plus grande partie des éléments était en réalité fabriquée au Japon.

D’autres fraudeurs vont déclarer que leurs marchandises sont communautaires alors qu’elles proviennent d’un Etat tiers à l’UE et devraient de ce fait, normalement être introduites sur le territoire de l’UE après acquittement de droits de douane.

Plusieurs produits, tels que l’ail et le textile, font également l’objet de fraude par le biais de fausses déclarations d’origine.

 

La non déclaration d’importation

 

Certains fraudeurs vont, même pour ne pas acquitter de droits de douane, jusqu’à ne pas faire de déclarations pour les marchandises qu’ils importent.

 

Les fraudes au régime de transit

 

Pour échapper au paiement de droits de douane et de taxes indirectes sur les marchandises importées sur le territoire communautaire, certaines entreprises vont recourir, soit à la contrebande pure et simple, soit à l’utilisation frauduleuse des procédures de transit douanier.

Aujourd’hui, plusieurs régimes de transit douanier de marchandises existent dans l’UE.

D’une part le régime de transit communautaire, d’autre part, le régime dit de transit commun et pour terminer, le régime spécifique de la convention TIR (transports internationaux routiers) de 1975.

Celui qui est victime de fraudes importantes est le régime de transit communautaire par lequel circulent les marchandises d’origine non communautaire qui vont passer d’un point à un autre du territoire douanier de l’Union européenne et qui implique la suspension du paiement des droits et taxes normalement exigibles.

La fraude au transit douanier consiste à introduire des marchandises dans l’UE qui ont été déclarées comme relevant d’un régime de transit, c’est à dire allant d’un pays tiers via l’UE dans un autre pays tiers, afin de suspendre les droits et taxes normalement exigibles.

Toutefois, en réalité les marchandises importées vont être écoulées illégalement sur le territoire communautaire pendant la période de transit. Elles ne seront finalement jamais présentées au bureau de destination où elles sont censées quitter l’UE.

Les fraudes au régime de transit vont permettre aux fraudeurs de faire circuler et d’écouler leurs marchandises sur l'ensemble du territoire européen sans avoir à acquitter de droits et taxes, qui normalement représentaient une somme importante.

A cette fin, les fraudeurs peuvent s’abstenir de présenter les produits à un bureau douanier de sortie, tout en courant le risque de l’ouverture d’une enquête à l’expiration du délai de transit ou bien faire usage de documents falsifiés, soit en employant des cachets falsifiés, soit en recourant à des cachets volés.

Cette fraude est facilitée par le manque de communication qui existe entre le bureau d’entrée et de destination des marchandises. Une meilleure communication permettrait de faire disparaître la fraude.

Ces fraudes concernent principalement les cigarettes et l’alcool et sont souvent l’objet de réseaux criminels de grande envergure.

Par exemple, en 1996, l’opération colombus a porté sur un trafic de 20 cargaisons de cigarettes originaires du Bénélux qui auraient causé une perte de recette pour l’UE et les Etats membres de 175 millions d’écus.

Les droits de douanes ne sont pas les seules recettes victimes de fraudes. En effet, la TVA intracommunautaire fait aussi l’objet de fraudes importantes.

 

b) La fraude à la TVA intracommunautaire

La TVA est un impôt indirect sur la consommation qui va faire l'objet de fraude fiscale, du fait des règles la régissant au niveau communautaire en matière de territorialité.

La TVA représentait en 2010, 13,95 milliards d’euros, soit 11% du budget européen. Chaque année, chaque Etat membre reverse au budget communautaire une partie de la TVA qu’il a perçue, environ 0,30%. Par conséquent toutes les fraudes aux TVA perçues nationalement ont des répercussions de manière indirecte sur le budget européen.

Une des fraudes les plus préjudiciables en matière de TVA est celle dite « fraude carrousel ».

C'est lorsqu'une entreprise européenne, souvent fictive, va acheter à un autre pays de l'UE des marchandises. Le pays exportant les marchandises est exonéré de TVA, dans la mesure où cette dernière est due dans le pays de destination (importateur) de la marchandise. L’entreprise importatrice ne va, elle, pas reverser la TVA immédiatement aux autorités compétentes, car cette dernière est en réalité supportée par le consommateur final. Elle va alors revendre sa marchandise à une tierce personne, en collectant la TVA, pour finalement disparaître sans jamais avoir reversé le montant de la TVA aux autorités. L’entreprise fictive va faire le bénéfice de la TVA qu'elle aurait normalement dû à son pays.

Par exemple, 47 personnes vont bientôt comparaître en France devant le tribunal correctionnel de Rennes pour leur implication présumée dans une fraude à la TVA intracommunautaire. Elles sont poursuivies pour escroquerie en bande organisée. Le montant de la fraude s’est élevé dans cette affaire à 30,4 millions d’euros.

Cette fraude carrousel se développe et perdure car elle nécessite une réaction rapide et immédiate de l'administration pour être décelée. En effet, l'administration doit agir avant que l'entreprise fictive ne disparaisse. Hors, les administrations des pays ne peuvent agir rapidement, dans la mesure où le délai de transmission d'informations entre les différents Etats membres concernant les livraisons et les achats intra-communautaire est de 6 mois. Aujourd'hui, en cas de livraison intra-communautaire, chaque fournisseur européen a l’obligation de remplir une déclaration d'échange de biens et de mentionner, à l'intérieur, le montant global par clients des livraisons intra-communautaire qu'il réalise ainsi que le numéro intra-communautaire du client. Ces informations sont ensuite mises, à la disposition des autres Etats membres de l'Union Européenne par l'intermédiaire du système appelé « VIES ». Ce système va permettre à tous les Etats membres, dont la France de pouvoir constater qu'il n'y a pas eu de fraude à la TVA, en comparant le montant des acquisitions intracommunautaires déclaré en France avec les informations des autres Etats membres sur les livraisons fournies par la France dans ces derniers.

Il faudrait pour combattre la fraude caroussel réduire le délai de transmission des informations entre les différents Etats membres.

Beaucoup de fraudes touchent également les droits d’accises.

c) La fraude aux accises

Les droits d'accises sont des impôts indirects frappant la consommation ou l'utilisation de certains produits tels que les boissons alcoolisées, les huiles minérales, le pétrole et les tabacs manufacturés. Ces droits sont codifiés et régis par des directives communautaires et par le Code général des impôts.

Les produits sont soumis à l'accise au moment de leur production ou de leur importation sur le territoire de l’UE. L'accise ne devient toutefois exigible qu'au moment de la mise à la consommation des produits sur le territoire de l’UE.

La fraude aux accises se fait par le biais de 3 pratiques illicites :

  • L’exportation fictive : lorsqu’un chargement reste dans le même pays, il y a une obligation de s’acquitter des droits d’accises. Toutefois certains fraudeurs vont prétendre exporter leurs marchandises dans un autres pays de l’UE, alors qu’en réalité ces dernières vont être écoulées illégalement dans le pays d’origine car l’exportation est fictive.

  • L’importation non déclarée : l’importation ne va pas être déclarée, aux autorités du pays importateur et par conséquent les fraudeurs vont ainsi éviter de payer les droits d’accises.

  • De même, tout comme la TVA, les produits importés au sein de l’UE font l’objet d’une circulation sous régime suspensif. Le pays importateur ne devra pas acquitter directement les droits d’accises qui sont supportés par le consommateur final. Certains fraudeurs, vont donc récupérer les droits d’accises au consommateur, sans jamais les restituer aux autorités compétentes.

Par exemple, en matière de fraudes aux droits d’accises :

  • L’opération diabolo menée en avril 2007, a permis de saisir 135 millions de cigarettes contrefaites, des articles de contrefaçon, mais également de la viande. Sans cette opération les fraudeurs ne se seraient pas acquittés des 220 millions d’euros de droits de douane et d’accises.

  • Certains fraudeurs vont mélanger du diesel et du pétrole lampant et vont importer ce mélange au sein de l’UE en le vendant comme du diesel. Ces fraudeurs vont faire l’économie de droits d’accises importants dans la mesure où ils vont déclarer aux autorités, n’importer que du pétrole lampant, qui lui est soumis à des droits d’accises nettement inférieurs à ceux prévus pour le diesel.

 

Après avoir étudié de manière approfondie, les fraudes aux recettes, il convient de s’intéresser, à celles existantes en matière de dépenses.

 

  1. La fraude aux dépenses

     

Les fraudes qui affectent les dépenses du budget communautaire portent dans la majorité des cas sur les dépenses relatives aux fonds structurels (a) et à celles attribuées dans le cadre de la politique agricole commune (b).

Il est toutefois important de souligner que les fraudes peuvent aussi être commises par les fonctionnaires européens eux-mêmes, par le biais des dépenses administratives (c). Les fraudeurs vont dans beaucoup d’hypothèses, grâce à de faux documents ou de fausses déclarations obtenir des subventions pour des activités qui sont inexistantes ou qui ne correspondent pas à l’objet de l’attribution de la subvention.

 

a) Les fraudes aux dépenses de la cohésion pour la croissance et l’emploi (fonds structurels)

 

L’UE accorde aux Etats membres par l’attribution d’enveloppes, des fonds structurels, destinés au développement régional, à l’activité économique ou à la cohésion sociale. Chaque Etat membre gère ensuite ses fonds comme il le souhaite. Ce qui a pour conséquence d’engendrer de nombreuses fraudes. En effet, une fois les subventions versées par les Etats membres à leur région, il devient difficile pour l’UE, de vérifier le devenir de ces subventions.

L’UE investit cette dépense de cohésion par l’intermédiaire de trois fonds :

  • le Fonds européen de développement régional (FEDER).

  • le Fonds social européen (FSE).

  • le Fonds de cohésion qui est destiné exclusivement aux Etats les plus pauvres.

Les fonds peuvent servir à la recherche, au développement, à l’éducation, à la formation professionnelle, à la modernisation….

Pour bénéficier de l’attribution de ces fonds par leur Etat, les fraudeurs vont en général présenter à ces derniers, des déclarations, des documents faux ou inexacts.

Plusieurs exemples, mettent en lumière, les fraudes pouvant être commises aux fonds structurels :

  • La compagnie néerlandaise Corera a perçu du Fonds social européen une subvention pour un montant de 600 000 euros destinée à former des chômeurs à des emplois d’agents de sécurité dans des compagnies de chemin de fer. Or aucune formation n’a été mise en place. Pour pouvoir bénéficier de la subvention, la compagnie aurait falsifié à plusieurs reprises des factures, des diplômes, des fiches de salaires et divers documents comptables.

  • En Espagne, une personne aurait obtenu une aide de 54000 euros pour créer une école d’équitation. Or les subventions ont en réalité servi à construire une maison clause.

  • Un Danois s’est vu attribuer 100000 euros provenant des fonds structurels pour construire des pistes de ski sur une île du Danemark, qui est en réalité totalement plate et où la neige est inexistante. De même, toujours au Danemark, des fonds à hauteur d’un million d’euros, ont été attribués à un autre Danois pour construire un parc d’attraction.

  • Une usine britannique, a perçu 1,6 millions d’euros des fonds structurels pour construire une usine de cigarette.

  • En Italie, dans la région de Calabre, il a été attribué des subventions à plus de 250 entreprises. Toutefois, ces entreprises, selon the Bureau of Investigative Journalism (BoIJ) qui est une ONG, seraient liées à une association, « la Ndrangheta », qui est elle-même liée, à la mafia italienne. Ce groupe mafieux par le biais de l’association, aurait selon cette ONG, détourné 400 millions d’euros de fonds communautaires au cours des 10 dernières années. Toujours, dans cette même région 6 millions d’euros auraient été délivrés par l’UE pour la construction de ports et détournés par la mafia afin de sponsoriser l’équipe nationale de football.

  • En Bulgarie, une subvention d’un million d’euros a été attribuée à une entreprise pour construire un centre pour demandeurs d’asile, qui finalement n’est pas utilisé car est inutilisable. De même, 2 millions d’euros ont été alloués à une entreprise, pour construire un pont, qui au final ne peut être emprunté du fait de son accès qui n’a pas été aménagé. Enfin, une entreprise en Bulgarie avait perçu, 4,4 millions d’euros pour construire un hôpital qui servait en réalité de dépôt d’armes.

La Cour des Comptes Européenne a révélé dans un rapport de 2007 que la majorité des projets subventionnés par l’UE n’étaient pas réalisés ou non conformes à ce qui était prévu à l’origine lorsque les subventions ont été accordées.

Les fraudes concernant les fonds structurels sont très nombreuses, notamment en Roumanie, en Bulgarie et en Italie.

 

b) Les fraudes aux paiements directs et dépenses de marché

 

Le fonds européen agricole de garantie (FEAGA) ainsi que le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) constituent les instruments financiers de la politique agricole commune destinés à soutenir les marchés agricoles. Ces deux fonds de part le montant qu’ils représentent font l’objet de nombreuses fraudes.

Le FEAGA finance par exemple, les restitutions fixées pour l’exportation des produits agricoles vers les pays tiers. Le régime des restitutions a pour objectif de compenser la différence entre les prix communautaires et les prix mondiaux. Pour cela, le budget européen va attribuer des restitutions aux Etats membres, en cas d’exportation par ces derniers, de certains produits agricoles, tel que :

  • De la viande bovine et porcine

  • Du sucre

  • Du lait

  • Des produits laitiers

  • Des céréales

  • etc

     

La liste des produits pouvant bénéficier du régime de restitution évolue en fonction des modifications des prix du marché mondial. C’est la Commission européenne qui fixe périodiquement, la liste des produits ouvrant droits à restitutions ainsi que le taux des restitutions. Ces informations font l'objet d'une publication au journal officiel de l'Union européenne (JOUE).

Pour bénéficier des restitutions, l'exportateur doit, lors du dépôt de la déclaration en douane, utiliser une codification spécifique appelée « code restitution » et présenter un certificat d'exportation délivré par un organisme agréé.

Sans ce régime de restitution, beaucoup de produits agricoles, ne pourraient pas être exportés sur les marchés mondiaux par les Etats membres.

Toutefois, les sommes de ces restitutions étant importantes, certains fraudeurs ne vont pas hésiter à les détourner, souvent par le biais de faux documents, ou de fausses déclarations.

Par exemple :

  • Une raffinerie Belge Beneo-Orafti a touché pendant quasiment 3 ans des subventions de la part des Etats membres pour exporter du sucre à destination de la Russie. Les douaniers se sont finalement aperçus, qu’en réalité la raffinerie, par le biais de faux documents n’exportait pas en Russie, mais en Croatie, or la Croatie n’est pas un pays permettant de bénéficier du régime de restitutions. Le montant de la fraude aurait été estimé à 3 millions d’euros. Les restitutions délivrées par l’UE concernant principalement le sucre, font l’objet de nombreuses fraudes. L’OLAF aurait estimé qu’entre 2005 et 2008, 67 millions d’euros restitués, auraient été entachés d’irrégularités et de fraudes.

  • Des négociants belges et britanniques, plaçaient des rangées de cartons d'huile d'olive à l'entrée de leur conteneur, le reste des cartons étaient en réalité, constitué d'huiles de graines diverses qui ne donnait pas droit au régime de restitution. Le montant de la fraude a été estimé à 600000 écus.

 

De même le FEAGA finance, les dépenses liées aux mesures de restructuration de l’industrie sucrière qui font également l’objet de fraude. En effet, en 2007, une usine britannique de sucre a été forcée de fermer ses installations en raison d’une réduction des quotas de sucre britannique. Pourtant, en décembre 2007, pour pouvoir bénéficier d’une subvention de la part de l’UE pour restructuration, l’usine a rouvert ses portes pendant deux jours.

Les fonds européen agricole permettent aussi de financer les paiements directs aux agriculteurs, qui sont prévus dans le cadre de la PAC. La réforme de la PAC a, par exemple, en 1992 mis en place un régime d’aides directes aux exploitants, calculé sur les surfaces et les animaux éligibles. Or, certains agriculteurs ne vont pas hésiter à procéder à des déclarations inexactes ou incomplètes pour bénéficier de ces paiements directs. Par exemple :

  • Dans une région Italienne (Calabre), des agriculteurs touchent des primes sur des troupeaux fictifs. La police financière italienne estime qu’en 2006, sur 110 millions de subsides européens attribués à la Calabre, 80 millions auraient été détournés.

  • De même, dans une autre région italienne, des agriculteurs pour bénéficier des paiements directs, envoyaient de faux certificats à l’organisme de financement en déclarant que l’huile d’olive et les fruits issus de leur production provenaient de l’agriculture biologique, or ces derniers était en réalité cultivés sur une décharge.

  • Un président d’une région italienne a obtenu des subventions en utilisant divers patronyme et faux documents pour créer un élevage de vers à soie. Or, ce dernier n’a jamais vu le jour.

  • En Bulgarie, en 2007, des agriculteurs avaient augmenté leurs surfaces agricoles pour pouvoir bénéficier d’aides plus importantes.

 

De même une partie du budget sert à financer les dépenses de marchés publics. Certaines fraudes vont exister en matière d’attribution de ces marchés publics.

Pour attribuer un marché public, le maître de l’ouvrage doit se fonder sur des critères objectifs comme le montant des travaux et doit respecter les règles imposées en terme d’attribution d’un marché public. Le maître d’ouvrage a, par exemple, l’obligation de faire un appel d’offre pour choisir l’entreprise qui sera la plus à même de réaliser les travaux. Or souvent, le maître d’ouvrage passe outre la législation et attribue les marchés publics uniquement en fonction de critère de clientélisme ou en cas de contrepartie financière. Cette fraude va avoir pour conséquence directe de diminuer les recettes européennes et ainsi de limiter les possibilités de marché public. En effet, le fait que les marchés publics ne soient pas attribués aux entreprises proposant la meilleure offre de marché va représenter un coût pour le budget européen. Le dommage subit par la communauté européenne va résulter de la différence entre, d’une part le montant qui est payé par la communauté à l’entreprise à laquelle on a attribué le marché public, et d’autre part l’offre concurrente qui aurait été nettement inférieure. De plus, certains corrupteurs accordent des avantages financiers au maître de l’ouvrage en cas d’attribution de marché et cet avantage représente un coût supplémentaire pour le budget européen dans la mesure où le corrupteur va répercuter ce montant sur le prix du marché public.

c) La fraude aux dépenses administratives

 

La fraude est également présente, s’agissant des dépenses administratives qui sont relatives au fonctionnement de l’UE.

Par exemple :

* En 2002, un audit interne mené dans un centre basé en Italie sur des fonctionnaires européen a révélé qu’il existait une fraude au sein de ce centre. En effet, beaucoup de ces fonctionnaires européens déclaraient un taux d’invalidité extrêmement important leur permettant de toucher des prestations pour invalidité. Le montant de la fraude a été estimé à au moins 6 millions d’euros.

* De même, en 2006, un fonctionnaire européen travaillant pour la Commission de Bruxelles aurait détourné les subsides européens destinés aux victimes de Tchernobyl et utilisé la totalité de l’argent à des fins personnelles.

* Les députés européens perçoivent chaque mois des fonds destinés à rémunérer leurs assistants. Or, un rapport de la Commission européenne de juillet 2008 a révélé que certains d’entre eux faisaient un usage illicite de l’enveloppe qui leur était allouée pour payer leurs collaborateurs. En effet, certains n’auraient pas de collaborateurs ou emploieraient même fictivement des membres de leur famille. De même, dans certains cas, ces fonds sont reversés par les députés à leur parti politique.

 

II) La nécessité d’une répression efficace de la fraude au budget européen

 

La lutte contre la fraude au budget européen va de pair avec la protection des intérêts financiers de la Communauté. Ce budget, financé par les différents Etats membres, assure une partie du bon fonctionnement de la coopération européenne. Sa protection apparaît alors primordiale.

Il s’agira de s’intéresser dans un premier temps aux instruments de répression de la fraude(A) avant d’envisager dans un second temps les organes de cette répression (B).

 

A) Les instruments de répression de la fraude au budget européen

 

Chaque Etat adopte ses propres infractions. Tous incriminent différents types de fraude. Mais qu’en est-il au cadre européen ? Comment le budget européen est-il protégé ? C’est par l’adoption de traités, conventions que les états membres ont exprimé leur volonté de protéger les intérêts financiers de la communauté à laquelle ils ont adhéré (1).

Nombreuses sont les fraudes mais au travers de différents exemples, il est aisé de constater que ces comportements illicites ne restent pas impunis (2).

 

  1. La Convention PIF

     

La fraude au budget européen, définie précédemment, est une infraction à part entière en ce qu’elle constitue un comportement incriminé au sein de l’UE.

 

Le 21 septembre 1989, la Cour de justice des communautés européennes, nouvelle Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), a dégagé l'obligation pour les Etats membres « d'assimiler la protection des intérêts communautaires à celle de leurs propres intérêts budgétaires et de prévoir un dispositif de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. »

La protection des intérêts de la communauté devient une priorité en 1992 avec l’adoption du traité de Maastricht.

Désormais c’est l’article 325 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui incrimine ce comportement : « L'Union et les Etats membres combattent la fraude et tout autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union par des mesures prises conformément au présent article qui sont dissuasives et offrent une protection effective dans les États membres ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l'Union ».

En son deuxièmement, l’article enjoint les Etats membres de combattre la fraude au détriment du budget européen de la même manière qu’ils combattent la fraude dite « interne », préjudiciable à leur propre budget. Une liberté de choix est laissée aux Etats quant au contenu de l’incrimination de la fraude au budget européen. Il leur est demandé de coopérer en la matière de manière efficace.

 

Cependant, il faut mettre l’accent sur la convention relative à la protection des intérêts financiers, convention PIF, adoptée le 26 juillet 1995. En effet, c’est elle qui, comme nous l’avons vu précédemment, définie en son article 1er les éléments constitutifs de la fraude au budget européen. A l’article 2, elle s’attache aux sanctions.

C’est dans ce dernier que l’on note la volonté répressive de l’Union. Est exigé la prise de mesures pénales afin de sanctionner les comportements délictueux. Les Etats doivent prendre les mesures nécessaires et appropriées pour transposer les exigences posées en infractions pénales.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), ces sanctions doivent être proportionnées, effectives et dissuasives. Les Etats membres gardent par principe une marge de manœuvre pour prévoir le mode de sanctions pénales : amende et/ou peine privative de liberté.

Cependant, dans les cas de fraude grave, la convention dispose que les Etats membres devront prévoir des peines privatives de liberté pouvant entraîner une extradition. La fraude grave s’apprécie par rapport à un montant qui est défini par les Etats, étant précisé qu’il ne peut être inférieur à 50 000 écus (l’euro n’était pas encore entré en vigueur). La convention laisse le soin aux Etats membres de définir, en fonction de leur tradition juridique, les circonstances de fait permettant de qualifier certains comportements de fraude grave.

Il pourrait s’agir de la récidive, du degré d'organisation de la fraude, de l'appartenance de la personne concernée à une association de malfaiteurs ou à une bande organisée, de la qualité d'agent public ou de fonctionnaire national ou communautaire de la personne concernée, de la corruption de fonctionnaire.

Dès lors, les Etats peuvent, même en présence d’une fraude simple, sanctionner ce comportement par une peine privative de liberté. A l’opposé, ils pourront dans ce même cas envisager une réponse administrative et non pénale. Des sanctions pécuniaires plus ou moins lourdes pourront être prononcées, dans la limite d’un minimum de 4000 écus.

S’agissant des modes de participation à l’infraction, la convention incrimine tant les auteurs que les coauteurs, les complices ou les instigateurs. Et la tentative est punissable. Par exception, dans les cas où la fraude est mineure, l’auteur, seul, pourra être poursuivi.

 

Il est certain que les fraudes au budget européen sont le fait de personnes physiques. Pourtant, dans la plupart des cas, ces fraudes sont commises par des entités morales. Par exemple, une subvention est allouée à une personne physique pour le compte de son entreprise.

A-t-on prévu une responsabilité particulière pour les entreprises, personnes morales ?

La réponse doit être positive. L’article 3 de la convention PIF prévoit expressément la responsabilité pénale des personnes morales, lorsqu'une fraude au préjudice des intérêts financiers de la communauté, a été commise dans deux conditions :

  • La fraude est commise pour le compte de l'entreprise.

  • Elle est le fait d’une personne soumise à l’autorité de la personne morale.

Dans le cas où les principes définis par le droit national des Etats membres le permettent, ces derniers doivent prendre les mesures qu'ils jugeront nécessaires pour que la responsabilité pénale des chefs d'entreprise ou d'autres personnes, ayant le pouvoir de décision ou de contrôle au sein des entreprises, puisse être engagée. Ainsi on comprend que dans le cas où il n’existe pas de responsabilité des personnes morales dans un Etat membre, un autre type de responsabilité peut être mis en œuvre. On pense, ici, à des sanctions prononcées par une juridiction administrative.

 

La convention PIF prévoit également la compétence des Etats membres. Elle leur reconnaît une compétence territoriale et une compétence personnelle. L’Etat sera compétent pour juger de la fraude dans trois cas :

  • Lorsqu’un des éléments constitutifs de la fraude a été commis sur le territoire de cet Etat.

  • Lorsqu’une personne s’est rendue coupable du délit de complicité ou d'instigation de fraude commise sur le territoire d'un autre Etat membre ou d'un Etat tiers.

  • Lorsque l'auteur de la fraude est un ressortissant de l'État membre concerné, quel que soit le lieu de commission de l'infraction, sous réserve dans certains Etats de l’application de la règle de double incrimination.

 

De plus, la convention réglemente certaines dispositions quant à l’extradition en cas de fraude au budget européen. Il est notamment prévu que dans le cas où un Etat n’extrade pas un de ses ressortissants, présumé coupable du délit de fraude, il doit engager des poursuites à son encontre. En clair, ce comportement ne peut rester impuni. Il est aussi indiqué qu’une extradition ne peut être refusée au motif qu’il s’agit d’une infraction en matière de taxes ou de droits de douane.

 

Un des volets importants de la convention est la coopération entre les Etats membres. En effet, face au caractère complexe et transfrontalier de certains cas de fraudes, l’instauration d’une coopération entre eux revêt une importance fondamentale. Il est nécessaire de détecter et de réprimer les cas de fraude au préjudice du budget européen et de centraliser les poursuites. Ces éléments font l’objet d’un article 6 au sein de la convention PIF. En premier lieu, lorsque deux ou plusieurs États membres sont concernés par un même cas de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, la coopération effective des Etats membres doit s'appliquer à tous les stades de la procédure, et notamment au stade de l'enquête, des poursuites judiciaires et de l'exécution de la peine prononcée. Il peut s’agir de l'entraide judiciaire en matière pénale, de l'extradition ou de l'exécution des peines prononcées à l'étranger. C’est la mesure la plus appropriée qui doit être choisie par les Etats.

Il peut arriver que plusieurs Etats soient compétents pour engager des poursuites pour un même fait. Ils doivent coopérer entre eux afin de déterminer le plus à même pour engager de telles poursuites. Cette disposition permet de centraliser les poursuites dans un seul et même Etat. Pour régler de tels conflits de compétence, les Etats membres pourront prendre en compte, par exemple, l'ampleur de la fraude commise sur leur territoire respectif, le lieu d'obtention des sommes détournées, le lieu d'arrestation des personnes mises en cause, la nationalité de ces derniers, etc.

Ces règles de compétence sont en accord avec le principe non bis in idem.

 

La convention PIF apparaît comme un instrument complet et efficace de lutte contre la fraude au budget européen.

Elle a, depuis son entrée en vigueur, été complétée par trois protocoles :

  • Un protocole, du 27 septembre 1996, qui élargit le champ des incriminations à la corruption, active ou passive, liée aux fraudes affectant les intérêts financiers de la communauté.

  • Un protocole, du 29 novembre 1996, qui traite du blanchiment de capitaux.

  • Un protocole, du 19 juin 1997, qui traite de l’incrimination de blanchiment des produits de la fraude et introduit, pour l’ensemble des incriminations de fraude, de corruption et de blanchiment la responsabilité pénale des personnes morales.

 

Toutefois tous les pays n’ont pas ratifié cette convention, et ceux l’ayant ratifié, n’ont pas tous transposer les dispositions de cette dernière de manière égalitaire dans leur droit interne. En matière des fraudes portant sur les dépenses communautaires, seuls, le Danemark, la Grèce, l’Espagne et l’Irlande peuvent être considérés comme en totale conformité avec les dispositions de la convention. De même, l’Italie et les Pays-Bas se sont presque conformés aux dispositions. Toutefois, les mesures prises par la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Autriche, le Portugal, la Finlande, la Suède, la France et le Royaume-Uni, pour transposer la convention, restent encore insuffisantes. En effet, il semble que dans l’ensemble de ces Etats membres, les fraudes concernant les dépenses communautaires ne sont pas toutes érigées en infractions pénales.

En matière de fraude affectant les recettes communautaires, il semblerait que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche, le Portugal et la Finlande se soient tous conformés à la convention PIF. En revanche, la transposition de la convention reste encore incomplète et imparfaite, au Danemark, en Grèce, en France, en Irlande, au Luxembourg, au Royaume-Uni, en Belgique, en Autriche et en Suède. De plus il semble qu’en Belgique, en France et en Autriche, les sanctions prévues, pour certaines formes de fraude fiscale, ne soient ni proportionnées ni dissuasives, n’incluant pas suffisamment de peines de prison.

Cette absence de définition commune, dans les Etats membres, des éléments constitutifs de la fraude au budget européen rend difficile la poursuite des délits transfrontaliers et la coopération au niveau de l'Union.

 

2) Le développement d’instruments complémentaires

 

Dans un souci de répression accrue, nous avons vu précédemment qu’a été adopté, le règlement EURATOM du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des communautés. Il établit un contrôle des irrégularités commises au détriment du budget européen. Il vise expressément les opérateurs économiques qui sont les personnes physiques ou morales, ainsi que les autres entités auxquelles le droit national reconnaît la capacité juridique, qui ont commis l'irrégularité. Ces dispositions permettent un contrôle dans la redistribution des subventions, budgets, fonds alloués par l’Union européenne. En effet, les personnes physiques ou morales bénéficiaires des aides européennes, perçoivent ces dernières de manière indirecte. Ce sont les Etats qui effectuent une redistribution par le biais de différentes entités.

Dans le cas où une irrégularité est constatée, des sanctions administratives pourront être prises à l’égard de l’opérateur économique. La commission européenne a un rôle important puisqu’elle peut effectuer des visites et contrôles sur place. Ces membres auront alors accès à tout document jugé nécessaire au bon déroulement de la vérification.

 

L’Union européenne va encore plus loin avec la décision du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 établissant un programme d'action communautaire pour la promotion d'actions dans le domaine de la protection des intérêts financiers de la Communauté (programme «Hercule»). Ce programme vise à octroyer des subventions, sous certaines conditions, aux administrations des Etats membres qui mettent en place des actions permettant d’éviter différents types de fraudes au budget européen. Ce programme initialement prévu pour une durée de deux ans, a pris fin en 2006. Mais une décision du 23 juillet 2007 l’a reconduit et il est appelé désormais  « Hercule II » prolongation prévue jusqu’en 2013.

 

Tous ces instruments de lutte contre la fraude au budget européen sont efficaces, des condamnations sont prononcées à l’égard des fraudeurs.

 

En juin 2010, un homme d’affaire bulgare et sa femme ont été condamnés respectivement à 12 et 5 ans d’emprisonnement pour avoir fraudé au programme SAPARD d'aide communautaire à l'agriculture et au développement rural durable, fraude d’un montant d’environ six millions d’euros.

 

Force est de constater que cette répression n’aurait pas été possible sans l’existence d’organes chargés de la protection active contre tout type de fraude au préjudice du budget européen.

 

 

B) Les organes de répression de cette fraude

 

La répression de la fraude au budget européen est le fruit de l’action commune de l’Union européenne (1) mais aussi des Etats membres (2).

 

  1. Les organes européens de lutte contre la fraude

     

Les institutions européennes et les États membres attachent une grande importance à la protection des intérêts financiers et économiques de la communauté, ainsi qu'à la lutte contre la fraude. Ils luttent contre la criminalité organisée transnationale et contre toute autre activité illégale préjudiciable au budget européen.

C’est la commission européenne qui propose le budget qui sera adopté en définitif par le Parlement européen et le Conseil. Elle a alors pris conscience de l’intérêt de protéger ce budget afin de ne pas affecter sa crédibilité.

La commission crée en son sein l’office européen de la lutte antifraude (OLAF) par une décision du 28 avril 1999 qui entrera en fonction le 1er juin 1999. Cependant, il existait auparavant au sein du secrétariat général de la commission, la coordination de la lutte antifraude créé en 1988. L’OLAF est depuis le 14 février 2011 dirigé par Giovanni Kessler.

Là où se situe l’évolution, c’est avec le règlement du 25 mai 1999 relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF.

 

Le mandat de l’OLAF couvre en principe toutes les dépenses communautaires et une partie des recettes budgétaires. Sa compétence est très large. L’OLAF est habilité à mener en toute indépendance des enquêtes administratives internes et des enquêtes externes.

Il fait officiellement partie de la Commission et est en mesure d’exercer les pouvoirs qui sont conférés à celle-ci, mais il jouit cependant d’une autonomie budgétaire et administrative, destinée à renforcer son indépendance lorsqu’il conduit ses enquêtes, sous l’autorité et le contrôle du directeur général. Il y a deux structures au sein de l’OLAF : le poste de directeur général et le comité de surveillance.

L’OLAF est en collaboration avec EUROJUST puisque le 24 septembre 2008, ils ont conclu un accord pratique sur les modalités du renforcement de leur coordination et de leur coopération dans la lutte contre la fraude financière. Il collabore aussi avec EUROPOL puisqu’ils s’emploient tous deux à lutter contre la contrebande de cigarettes et à protéger l’euro.

 

L’OLAF mène également ces actions avec les Etats membres puisque les enquêtes sur des agissements illicites sont diligentées par les services nationaux mais un suivi est effectué par les agents de l’Office.

Quatre types de suivi peuvent être identifiés :

  • Le suivi financier qui consiste principalement à contrôler et à soutenir les efforts fournis

par les Etats membres et les services de la Commission pour obtenir un recouvrement.

  • Le suivi administratif consiste à vérifier que les institutions et organes de l’UE ainsi que les Etats membres prennent les mesures nécessaires.

  • Le suivi judiciaire de ses dossiers auprès des autorités nationales judiciaires compétentes.

  • Le suivi disciplinaire dans le cas où il est constaté qu’un fonctionnaire européen exécute sa fonction de manière discutable.

 

Lorsqu’un dossier révèle l’existence d’actes criminels possibles, l’Office doit recommander dans son rapport d’enquête final que l’affaire et son dossier soient renvoyés aux autorités judiciaires nationales compétentes en vue d’une instruction plus poussée et de poursuites.

 

Une évaluation de l’OLAF en 2003 ainsi qu’un rapport de la Cour des comptes européenne rendu en 2005 ont soulevé qu’une amélioration de cette office était possible. Des propositions ont été faites en 2006 par la Commission :

  • renforcer les droits procéduraux des individus concernés par les enquêtes

  • assurer un meilleur contrôle sur le cours des enquêtes

  • renforcer la coopération entre le comité de surveillance et les autres institutions

  • améliorer l’échange d’informations entre l’Office et les institutions européennes, ainsi qu’avec les Etats membres.

 

La proposition est en cours d’examen par le Parlement européen et le Conseil selon la procédure de codécision. Le Parlement européen a rendu un avis favorable sur la proposition de la Commission en décembre 2008.

Dans tous les cas, il est certain que la mission de l’OLAF est menée à bien en ce qu’elle aboutit à des poursuites effectives de fraudeurs au budget européen.

L’Office publie chaque année un rapport sur son activité. Notamment, dans son rapport publié le 14 juillet 2010 sur son activité en 2009, il note une amélioration constante de la volonté de se conformer à ses recommandations. Deux axes majeurs sont mis en lumière, il s’agit de la transparence et de la responsabilité.

 

Une des questions qui intéresse en particulier la Commission et par la même l’OLAF, est la fraude à la TVA. Afin de lutter efficacement contre ce comportement, a été adopté un règlement le 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la TVA.

Une des mesures phares est l’échange de données stockées électroniquement et l’accès automatisé des Etats membres à ces données. Cet échange se ferait sans demande préalable ce qui permettrait une action plus rapide.

Le 7 décembre 2010, la Commission publie « le Livre vert sur l’avenir de la TVA ; vers un système de TVA plus simple, plus robuste, plus efficace ». Il souhaite offrir des propositions visant à maximaliser la perception des recettes et à réduire les défaillances du système. L’originalité provient du fait que la Commission invite toutes les personnes intéressées à soumettre leurs contributions en répondant aux questions soulevées dans le Livre. Il peut s’agir de citoyens, organisations, entreprises, autorités publiques, experts en fiscalité professionnels ou universitaires.

 

Dans le même esprit a été crée par ce règlement, EUROFISC qui est un réseau européen composé de fonctionnaires des administrations fiscales nationales. Le but de ce réseau sera d'améliorer la coopération afin de détecter les fraudeurs dès le premier stade. La première réunion de ce réseau a eu lieu à Paris les 7 et 8 février dernier afin de mettre en place les premiers travaux.

 

Après avoir vu que l’Union européenne combattait activement la fraude à son budget, il faut s’intéresser à l’action menée par les Etats membres et en particulier à celle menée par la France.

 

2) La répression de la fraude au budget européen en France

 

Tout d’abord, il faut souligner que la France a ratifié la Convention PIF.

Cependant, il n’existe pas d’incrimination autonome de l’infraction de fraude au budget européen, ce qui est perçu comme une application imparfaite de la convention.

Le Code général des impôts incrimine la fraude fiscale mais seulement celle au détriment de l’Etat français.

Ainsi, les juges français en présence d’une telle fraude, pourront engager des poursuites sur le fondement de l’article 313-1 du Code pénal c’est-à-dire sous la qualification d’escroquerie. Dans ces cas, on a généralement l’emploi de manœuvres frauduleuses dont le résultat est de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer à remettre des fonds. La bande organisée est une circonstance aggravante qui porte la peine de l’escroquerie à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 euros d’amende.

On peut également envisager des poursuites sur le fondement du faux par application de l’article 441-1 du Code pénal.

Conclusion

La lutte contre la fraude au budget européen apparaît comme un objectif à la fois prioritaire et difficile à atteindre. Elle implique une mise en œuvre d’actions nationales, communautaires ou interétatiques. C’est aux Etats que revient la responsabilité première de lutter contre ce phénomène. Cependant, le caractère transnational des activités frauduleuses impose un renforcement de la coopération entre les Etats.

Avec l’Europe, les fraudeurs jouissent de la libre circulation et surtout d’une mobilité bien supérieure à celle des organes de contrôle. La diversité des ordres juridiques internes peut favoriser la constitution de paradis pénaux, à l’intérieur même de la Communauté européenne.

 

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