Tabac, alcool et autres addictions : intervenir légalement.

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Tabac, alcool et autres addictions : intervenir légalement.

L’addiction est une réalité actuelle en milieu professionnel. En effet, 9,7 millions de personne consomme régulièrement de l’alcool, 3,8 millions des médicaments psychotiques et 1,2 millions du cannabis (étude de l’INRS réalisée en 2008). Ces chiffres ont des répercussions au sein de l’entreprise, 10% des salariés sont concernés par une consommation excessive d’alcool. De surcroit, les conduites addictives seraient à l’origine de 15 à 20% des accidents du travail et sont sources d’une baisse de productivité, d’absentéisme et de conflit. A cela, il faut ajouter le constat d’une augmentation croissante de l’ensemble des addictions. On comprend dès lors l’importance de la prévention et de la prise en charge de ces addictions.

L'addiction se caractérise par la dépendance, c'est-à-dire l'impossibilité répétée de contrôler un comportement et la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance des conséquences négatives. Une conduite addictive peut être liée à des produits (alcool, tabac, drogue ou substances psychoactives) ou non (voir workaholisme notamment). Les problèmes posés par des consommations occasionnelles ou répétées de substances psychoactives (alcool, cannabis, médicaments...) sont préoccupants pour les entreprises françaises.

En effet, ces consommations peuvent mettre en danger la santé et la sécurité des salariés, et notamment être à l'origine d'accidents du travail (modification de la perception du risque et/ou prise de risque, perte d'attention ou de vigilance, mise en danger du salarié lui même ou de ses collègues...).

La prévention et la prise en charge des addictions est donc nécessaire dans les entreprises.

 

Au sein de cette fiche pratique, seul l'aspect légal sera étudié, le côté préventif sera mis de côté.

La réglementation est issue de plusieurs textes législatifs et réglementaires qui relèvent

notamment du Code du travail, du Code de la santé publique, du Code de la route, du Code pénal.

Il convient de s'intéresser aux moyens juridiques dont disposent l'employeur et sa responsabilité en la matière (I) puis au rôle des salariés et du CHSCT (II).

 

I. Les moyens juridiques dont disposent l'employeur et sa responsabilité.

 

La responsabilité pénale de l’employeur peut être engagée, en cas de mise en danger d’autrui. L’employeur est par ailleurs responsable des dommages que ses salariés peuvent causer à un tiers (Art 1384 du Code civil). C'est pourquoi, il convient que ce dernier prenne certaines mesures.

 

Article L4121-1 du code du travail : «L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.»

 

Les risques liés aux addictions doivent donc être évalués et prévenus dans un document unique des risques. Par ailleurs des outils sont mis à disposition de l'employeur pour prévenir les risques liés aux consommations occasionnelles ou aux conduites addictives .

Ces outils sont au nombre de trois :

  • Les interdictions législatives règlementaires de consommation (A)

  • Le règlement intérieur (B)

  • Des moyens de contrôle ou de dépistage (C)

A. Les interdictions législatives et règlementaires de consommations :

 

> Concernant l'alcool :

 

Article R4228-20 du Code du Travail : «Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail.»

Article R 4228-21 du Code du travail: «Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse.»

Article L3322.8 du Code de la Santé Publique : " La délivrance de boissons alcooliques au moyen de distributeurs automatiques est interdite "

Ainsi, L’introduction d’alcool dans les entreprises est régi par le Code du Travail et le Code de la Santé Publique

 

Les textes du Code du travail relatifs à l'alcoolisation sur les lieux de travail visent trois objectifs :

  • Limiter l’introduction de boissons alcooliques dans l’entreprise

  • Interdire la présence de personnes en état d’ivresse.

  • Proposer des boissons sans alcool : en effet, selon l'article R 4225-2 du code du travail : «l'employeur met à disposition des travailleurs de l'eau potable et fraiche pour la boisson».

 

Exception faite du vin, la bière, le cidre, il est interdit à toutes personnes d'introduire ou de distribuer, de laisser introduire ou de laisser distribuer sur les lieux du travail des boissons alcooliques. Le règlement intérieur peut limiter ou interdire toute consommation d'alcool (circulaire du 13 janvier 1969).

De plus, il est interdit de faire entrer ou séjourner dans l'entreprise des personnes en état d'ivresse.

Enfin, la délivrance de boissons alcoolisées au moyen de distributeurs automatiques est interdite.

 

Responsabilité :

Dans le cadre d’une consommation d’alcool au sein de l’entreprise, l’employeur pourra être reconnu responsable dans les cas suivants :

* L’employeur laisse un salarié ivre conduire un véhicule

* L’employeur laisse le salarié utiliser une machine dangereuse

* L’employeur laisse le salarié monter ivre sur un échafaudage

Il s’agit donc d’hypothèses de laisser faire de l’employeur, il faut donc supposer que l’employeur était au courant mais qu’il n’a pas agit pour éviter ce comportement dangereux.

Dans d’autres hypothèses, l’employeur est à l’origine directe de la prise d’alcool du salarié (repas d’entreprise, pot de départ…). Dans ce cas là, le Procureur de la République sera d’une plus grande sévérité envers le chef d’entreprise.

Par conséquent, il revient à l’employeur de constater si un salarié n’est plus à même d’effectuer son travail sans danger pour lui et pour les autres. Dans l’hypothèse d’un danger, il doit également intervenir pour le faire cesser.

Ainsi, un employeur pourra être exonéré de sa responsabilité pour un repas qui se déroule hors du temps de travail et lors duquel seul du vin a été commandé (TC Lyon, 23 mai 2005). A contrario, si ce repas c’était déroulé durant le temps de travail, la responsabilité de l’employeur aurait pu être retenue. Dans ce cas, les infractions de droit commun réprimées par le code pénal aurait pu trouver à s’appliquer lorsque l’employeur met en danger délibérément la vie d’autrui.

L’interdiction d’introduire et de consommer de l’alcool relevant d’une disposition particulière de prudence, la violation peut donc servir de fondement à des poursuites pour mise en danger délibérée. C’est le cas d’un responsable hiérarchique laissant un agent en état d’ivresse travailler ou prendre le volant. Ceux qui ont laissé organiser le pot ou prendre le volant peuvent être alors des auteurs indirects.

 

> Concernant le tabac :

 

Se sont les articles R3511-1 à R3511-14 du Code de la santé publique qui régissent la consommation de tabac au sein de l'entreprise :

Afin de protéger les non-fumeurs des risques liés au tabagisme passif, l’interdiction de fumer s’applique dans tous les lieux dans lesquels des personnes sont amenées à travailler, dès lors que deux conditions sont réunies:
- ces lieux sont à usage collectif,
- ces lieux sont clos et couverts.


Il est désormais interdit de fumer dans:
- tous les locaux affectés à l’ensemble du personnel: accueil, réception, salles de restauration, espaces de repos, lieux de passage, toilettes, etc.
- tous les locaux de travail: bureaux individuels, bureaux collectifs, salles de réunion, salles de formation, etc. En revanche, ne sont pas assujettis à l’interdiction de fumer les chantiers du BTP qui ne constituent pas des lieux clos et couverts.

 

Responsabilité :

L'essentiel pour l'employeur est

  • de ne pas méconnaitre l'interdiction totale de fumer dans les lieux couverts et fermés

  • de ne pas oublier si l'établissement accueille des mineurs, l'interdiction s'applique également aux lieux découverts ;

  • de ne pas oublier la mise en place d'une signalétique adaptée ;

Sinon les sanctions pénales sont les suivantes amendes 450€ pour le salarié fumeu, et concernant l'employeur (sa responsabilité civile peut être également engagée) :

- mettre à disposition des salariés fumeurs des emplacements non conforme aux dispositions du Code de la santé publique : 1500 euros.

- ne pas respecter les normes de ventilations : 1500 euros

- na pas afficher la signalisation : 1500 euros d'amende.

- infraction à la législation en matière d'hygiène et de sécurité (l'employeur laisse des salariés fumés dans un local où se trouve des explosifs : 1 an d'emprisonnement et 15000 euros d'amende (risque pour autrui).

 

On peut toutefois noter que l'employeur peut mettre en place des espaces réservés aux fumeurs, néanmoins cette mise à disposition est très règlementée.

 

  • La mise à disposition d’emplacements réservés aux fumeurs :

 

La mise à disposition de tels emplacements est une simple faculté et nullement une obligation. Le décret détermine, aux articles R. 3511-2 à R. 3511-4 du code de la santé publique, les conditions auxquelles doivent répondre les locaux réservés aux fumeurs.
Ces conditions visent à s’assurer que des non fumeurs - qu’ils soient salariés, prestataires de services, agents d’entretien ou de maintenance - ne puissent être exposés à la fumée de tabac - très volatile -. Il s’agit d’assurer les conditions permettant à l’employeur de remplir
son obligation de sécurité de résultat en la matière. C’est pourquoi il est demandé que l’efficacité du dispositif de renouvellement d’air du local fumeur soit attestée par l’installateur ou la personne chargée de la maintenance, conformément à la nouvelle disposition introduite par l’article R.3511-4 du code de la santé.
Le responsable des lieux est tenu de faire procéder à l’entretien régulier du dispositif de ventilation.
Un message sanitaire de prévention, conforme à l’arrêté du ministre chargé de la Santé, doit être apposé à l’entrée du local réservé aux fumeurs.

 

  • La procédure de mise en place d’un emplacement fumeurs:


Le décret prévoit une consultation du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au moment où l’employeur projette de mettre en place un local pour les fumeurs. En application de l’article L.236-2-1 du
code du travail, deux membres du CHSCT peuvent également être à l’origine de la discussion de la question, en provoquant une réunion extraordinaire motivée. En l’absence de CHSCT, cette consultation s’exerce auprès des délégués du personnel et du médecin du travail. Ces consultations doivent être renouvelées tous les deux ans dans le cas où un emplacement "fumeurs" a été créé.

 

> Concernant les stupéfiants

 

La réglementation française, conformément aux normes internationales, émise par l’Organisation Mondiale de la Santé et l’ONU a classifié les produits dangereux dans le code de la santé publique en 4 catégories :
-les substances stupéfiantes (ex. héroïne, cocaïne, ecstasy, cannabis, etc.)
-les substances psychotropes (anti-dépresseurs, tranquilisants, hypnotiques, etc.)
-certains autres médicaments
-les substances dangereuses (éther, acide, etc.)

La production, la distribution et l’usage de ces substances sont soit sévèrement réglementés, soit pour certains comme les stupéfiants totalement interdits, à l’exception de l’usage médical.


Responsabilité:

L’usage de produits stupéfiants est interdit par l’article L 3421-1 du Code de la santé publique qui prévoit des peines maximales d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui a modifié certains articles du Code de la santé publique, les personnes ayant commis ce délit encourent également une peine complémentaire: elles doivent effectuer un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants.

Provocation à la consommation : 5ans et 75 000€

Mise en danger d'autrui : 1 an d'emprisonnement et 15000 euros d'amende...

Diriger ou organiser un trafic de stupéfiants : réclusion criminelle à perpétuité et 7 500 000 €. La fermeture de l’établissement peut être une peine complémentaire.

Importation ou exportation : dix ans et 7 500 000€ (en bande organisée : 30ans et 7 500 000€)

Blanchiment : 5ans et 375 000€ (bande organisée ou habitude : 10ans et 750 000€)

Recel de produits illicites si des doses sont découvertes dans l’entreprise : 5ans et 375 000€

B. Le règlement intérieur.

 

L'article L1311-2 du code du travail prévoit que :

«L'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement vingt salariés et plus.»

 

Par ailleurs l'article L 1321-1 du code du travail énonce :

«Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement :

1° Les mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement, notamment les instructions prévues à l'article L. 4122-1 ;

2° Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l'employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu'elles apparaîtraient compromises ;

3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur.»

 

Le règlement intérieur est donc un acte unilatéral de droit privé, il est régi par la loi du 24 août 1982. Ce règlement intérieur a pour but d'édicter des règles en matière d'hygiène, de sécurité et de discipline mais sans apporter des restrictions qui ne seraient ni justifiées au regard des libertés individuelles ni proportionnées au but recherché.

 

Comme l'énonce clairement les articles vus précédemment, l'employeur peut et même doit , pour des raisons de sécurités justifiées, imposer à ses salariés des règles de bonne conduite, notamment pour éviter la propagation d'alcool sur le lieu de travail.

 

 

 

Il est ainsi possible de préciser dans le règlement intérieur:

  • Des dispositions relatives à l'introduction, la présence et la consommation d'alcool

  • Les raisons qui justifient les restrictions envisagées (manipulation de produits dangereux, conduite de véhicule par exemple).

  • La nature des contrôles qui peuvent être pratiqués (alcootest par exemple).

  • Les sanctions disciplinaires en cas de violations des dispositions relatives à l'alcool.

 

Il convient de noter que l’effectivité de l’interdiction de fumer n’est pas conditionnée par l’insertion ou non de la mesure dans le règlement intérieur. Toutefois, si l’entreprise dispose déjà d’un règlement intérieur comportant des dispositions relatives à l’interdiction de fumer, il convient de vérifier si le contenu des règles ainsi édictées est conforme à la réglementation actuelle, au besoin, de procéder, le cas échéant, à leur modification.

C. Des moyens de contrôle ou de dépistage.

 

Les moyens de contrôle les plus couramment mis en œuvre sont l’alcootest, les dépistages biologiques de stupéfiants et les fouilles de vestiaires.

La mise en œuvre de ces moyens de contrôle est strictement encadrée et résulte d’un «compromis » entre la nécessité de protéger les salariés et celle de respecter leurs libertés individuelles.

Le contrôle de l’alcoolémie des salariés n’est possible que s’il est prévu au règlement intérieur, que sa contestation soit possible et définie, qu’il soit justifié par la nature de la tâche à accomplir (poste de sécurité*) et que l’état d’ébriété présente un danger pour les personnes ou les biens.

 

Deux questions se posent alors:

  • Qui est habilité à opérer les contrôles d'alcoolémie et les dépistages de stupéfiants?

  • Quels types de postes peuvent être considérés comme des postes de sécurité?

 

  • Qui est habilité à opérer les contrôles d'alcoolémie ou dépistages de stupéfiants?

 

C'est au médecin du travail de mener à bien ces contrôles, le chef d'entreprise ne doit pas être amené à pratiquer lui même les tests pour constater l'aptitude du salarié. Le médecin du travail jouit d'une indépendance professionnelle et reste soumis au secret professionnel ( partie développée plus amplement précédemment).

 

  • Quels types de postes peuvent être considérés comme des postes de sécurité?

 

On peut légitimement penser au conducteur de bus, contrôleur aérien, pilote d'avion, techniciens et cadres d'industries à risques (chimiques, pharmaceutiques, nucléaires), mais certains postes sont plus difficiles à évaluer: faut il alors privilégier la sécurité ou la vie privée des salariés?

 

Il convient de s'arrêter sur un arrêt rendu par la CEDH, arrêt MADSEN contre Danemark le 7 novembre 2002. Celui ci confirme le droit de l'employeur à imposer un dépistage de substances illicites ou dangereuses pour les salariés responsables de la sécurité d'autrui.

 

En l'espèce, un salarié appartenait à l'équipe de sauvetage embarquée sur un des ferries d'une compagnie danoise de navigation. L'employeur imposa un règlement aux salariés de cette équipe de sauvetage pour les soumettre à un test d'urine annuel.

Un salarié, monsieur Madsen, contesta en justice le droit de l'employeur d'exiger un tel contrôle, ainsi que les modalités du dépistage qu'il estimait attentatoires à sa dignité. N'ayant pas obtenu gain de cause au Danemark, il porta l'affaire devant la CEDH en vertu de l'art 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ( droit au respect de la vie privée et familiale).

 

Or, le 7 novembre 2002, la CEDH rejeta la requête en violation, déclarée sans fondement. La décision de la CEDH était motivée par les attendus suivants :

  • L'objectif de l'employeur s'agissant d'assurer la sécurité des passagers et de l'équipage était valable

  • Les effets nuisibles de l'alcool ou de drogue sur le travail des personnes sont avérés

  • Il était indispensable pour la sécurité des personnes que le ferry compte à son bord des membres d'équipage à même d'assurer leur fonction de sauvetage.

En conclusion, l'employeur avait le droit de recourir à des dépistages au nom de la sécurité et de la protection des libertés d'autrui.

 

La CEDH dans son arrêt précise d'ailleurs que:

  • Le test n'était pas attentatoire à la dignité des personnes

  • Le test ne portait pas atteinte à la vie privée des personnes en dehors du temps de travail puisqu'il ne pouvait déceler que les substances consommées dans les 48h précédentes.

  • La fréquence du dépistage (une fois par an) n'était pas disproportionnée par rapport à l'objectif recherché.

 

Par rapport à cette décision, on peut donc constater que lorsqu'un dépistage est effectué dans le cadre professionnel, de nombreuses conditions doivent être respectées.

 

Pour résumer ces conditions, il s'agit:

  • de respecter la dignité humaine

  • respecter la vie privée des personnes: le dépistage ne doit pas avoir pour finalité de déceler des substances ingurgitées plusieurs jours avant le test.

  • respecter le principe de proportionnalité : on ne peut pas apporter des restrictions aux libertés individuelles qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tache à accomplir ni proportionnées au but recherché.

  • le salarié doit pouvoir contester les résultats du test

  • le dépistage doit être effectué par le médecin du travail, et si le résultat est positif, le médecin peut alors prononcer une inaptitude partielle ou totale au poste, mais il ne doit pas communiquer les résultats à l'employeur.


En ce qui concerne les fouilles de vestiaires, la jurisprudence en admet le principe pourvu qu’elles soient réalisées dans les cas et aux conditions prévus par le règlement intérieur, en présence du salarié ou celui-ci ayant été prévenu, et strictement à des fins de sécurité.

 

II. Le rôle des salariés et du CHSCT

 

A. Le rôle des salariés

L'article L 4122-1 du code du travail prévoit : «Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.»

 

Le salarié retiré de son poste ou reconduit à son domicile ne doit pas être laissé en situation de danger: son employeur et/ ou ses collègues pourraient être pénalement poursuivis pour non assistance à personne en danger (article 223-6 du code pénal).

C'est sur ce fondement que le 5 juin 2007, la chambre criminelle de la Cour de cassation a sanctionné deux salariés qu'avaient laissé un collègue reprendre le volant alors qu'il était visiblement hors d'état de conduire, au point de se tuer quelques mètres après la sortie de l'entreprise.

La responsabilité pénale d'un salarié peut être recherchée, mais des sanctions disciplinaires peuvent également être prises notamment par l'employeur (licenciement).

 

Par exemple :

Concernant le tabac : Un salarié enfreint de nouveau l’interdiction absolue de fumer après un avertissement. Interdiction figurant dans le règlement intérieur et dans une note de service diffusée après un début d’incendie causé par un mégot de cigarettes = faute grave justifiant son licenciement (CA Douai, 30 avril 2003).

Concernant l'alcool :

Cas de faute sérieuse justifiant un licenciement :

État d’ébriété d’un salarié se manifestant par des hurlements, des injures sur le lieu de travail et la grossièreté vis-à-vis d’un fournisseur.

Introduction et consommation d’alcool sur le lieu de travail à l’occasion d’une pause, en contravention avec le règlement intérieur.

Cas de faute grave (la spécificité est que l’employeur pourra licencier sans verser les indemnités) :

Un salarié se livre à des violences en état d’ébriété, en dehors du temps de travail, mais dans l’enceinte de l’entreprise. (Cass. Soc., 28 mars 2000).

Un salarié interpelé en état d’ivresse alors qu’il conduisait la camionnette de l’entreprise. Le salarié avait déjà fait l’objet de trois avertissements. De plus, ce comportement peut générer un danger pour lui-même et pour autrui. Il incombe donc à l’employeur, de mettre fin à cette situation de risque, dans le cas contraire, il engagerait sa responsabilité (CA Bordeaux, 13 nov. 1982).

B. Le role du CHSCT.

Le périmètre d’action du CHSCT concerne tous les salariés présents sur le site, y compris les travailleurs temporaires et les prestataires de service.

 

> Concertation et établissement d'un document unique.

 

Il faut noter que le fait de recourir au CHSCT en la matière par l'employeur n'est pas une obligation mais une possibilité.

 

Il y a nécessité pour l’employeur d’évaluer les risques (art L 4121-2 code du travail ) puis de mettre en place des actions de préventions avec le CHSCT. Pour ce faire, le document unique de l’évaluation et de la prévention des risques est un outil essentiel. Il contient le résultat de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Il est mis à jour chaque année et fait un bilan de la situation globale en matière d’hygiène, de sécurité et de condition de travail. Il doit mettre en lumière les actions prises dans ces domaines durant l’année. Il contribue à l’élaboration du programme de prévention annuel des risques professionnels qui fixe la liste détaillée des mesures devant être prises.

 

Il peut donc y avoir deux acteurs qui sont à l'initiative de ce document unique établissant les risques l'employeur comme nous l'avons vu précédemment mais également le CHSCT.

 

> Son rôle lors d'une situation de crise.

 

Le CHSCT procède à des enquêtes en cas d’accident du travail, de maladies professionnelles et en cas de danger grave et imminent et ce notamment lorsqu’un salarié fait valoir son droit de retrait**

Dans le cas du DROIT D’ALERTE, en cas de danger grave et imminent, signalé par exemple par un salarié exerçant (ou non) son droit de retrait à un membre du CHSCT, celui-ci en avise immédiatement l’employeur et consigne cet avis sur un registre spécifique (Art L 4131-2 et L4132-2 code du travail).

L’employeur ou son représentant est tenu de procéder sur le champ à une enquête avec le membre du CHSCT qui a signalé le danger et de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier.

A cette occasion le CHSCT peut demander le recours à un expert.

 

**Le droit de retrait du salarié :

Le salarié confronté à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, a le droit d’arrêter son travail et, si nécessaire, de quitter les lieux pour se mettre en sécurité. L’employeur ou les représentants du personnel doivent en être informés. Ce droit de retrait est un droit protégé.

Le salarié doit avertir immédiatement l’employeur ou son représentant du danger de la situation. Il n’a pas besoin de l’accord de l’employeur pour user de son droit de retrait. Le salarié peut aussi s’adresser aux représentants du personnel ou au CHSCT. Le droit de retrait n’entraîne ni sanction, ni retenue sur salaire. L’employeur ne peut demander au salarié de reprendre le travail si le danger grave et imminent persiste. Si le salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors que l’employeur était informé de la situation, celui-ci est considéré comme ayant commis une faute inexcusable et la rente due au salarié est majorée.

Agir en prévention du stress

Cas pratique :

 

ENONCE :

 

  1. Monsieur Soucieux, chef d'entreprise s'interroge, il est habituelle au sein de son entreprise de fêter les départs en vacances, la naissance des enfants des salariés..., par la mise en place de pots au sein de l'entreprise.

Lors de ces pots, chaque salarié ramène une boissons alcoolisées ou non, un gâteau...

Que convient il d'indiquer à ce chef d'entreprise?

  1. Par ailleurs, Monsieur Soucieux soupçonne un de ses salariés de boire sur les lieux de travail. Or, ce dernier occupe un poste de sécurité.

Il se demande s'il peut procéder à un test de contrôle d'alcoolémie?

 

SOLUTION:

 

En l'espèce, un chef d'entreprise s'interroge sur sa responsabilité. En effet, au sein de son entreprise des pots alcoolisés sont organisés.

De plus, ce chef d'entreprise soupçonne la consommation d'alcool d'un de ses salariés occupant un poste de sécurité, sur le lieu de travail.

 

La responsabilité pénale du chef d'entreprise peut elle être engagée concernant l'organisation des pots alcoolisés dans son l'entreprise? (I)

Est il possible de procéder à un test d'alcoolémie à l'encontre du salarié occupant un poste de sécurité? (II)

 

I. La consommation d'alcool lors de pots.

 

Article R4228-20 du Code du Travail : «Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail.»

Exception faite du vin, la bière, le cidre, il est interdit à toutes personnes d'introduire ou de distribuer, de laisser introduire ou de laisser distribuer sur les lieux du travail des boissons alcooliques.

Le règlement intérieur peut limiter ou interdire toute consommation d'alcool (circulaire du 13 janvier 1969).

 

Il convient d'indiquer à notre chef d'entreprise, que les pots n'ont jamais été interdits dans l'entreprise. Ce qui est en revanche strictement interdit, c'est l'introduction et la consommation de boissons alcoolisées sur le temps et le lieu de travail, exception faite pour le vin, la bière et le cidre.

Il faut toutefois noter que si le règlement intérieur prévoit l'interdiction générale de toute consommation d'alcool, aucunes boissons alcoolisées ne doit être présentes lors des pots.

 

Il est clairement urgent d'indiquer à ce chef d'entreprise, qu'il convient de faire respecter la législation en vigueur concernant la consommation d'alcool, sinon sa responsabilité pénale pourra être engagée.

 

II. Le test d'alcoolémie

 

Le contrôle de l’alcoolémie des salariés n’est possible que s’il est prévu au règlement intérieur, que sa contestation soit possible et définie, qu’il soit justifié par la nature de la tâche à accomplir (poste de sécurité) et que l’état d’ébriété présente un danger pour les personnes ou les biens.

La jurisprudence de la CEDH a dégagé des conditions devant être respectées en cas de dépistage mis en place par l'employeur, il s'agit de l'arrêt MADSEN contre Danemark du 7 novembre 2002. ces conditions sont les suivantes :

  • de respecter la dignité humaine

  • respecter la vie privée des personnes: le dépistage ne doit pas avoir pour finalité de déceler des substances ingurgitées plusieurs avant jours le test.

  • respecter le principe de proportionnalité : on ne peut pas apporter des restrictions aux libertés individuelles qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tache à accomplir ni proportionnées au but recherché.

  • le salarié doit pouvoir contester les résultats du test

  • le dépistage doit être effectué par le médecin du travail, et si le résultat est positif, le médecin peut alors prononcer une inaptitude partielle ou totale au poste, mais il ne doit pas communiquer les résultats à l'employeur.

 

Les tests ne sont pas interdits mais simplement réglementés. Le règlement intérieur doit prévoir dans quelles conditions ils s'effectuent. Il faut noter que le CHSCT et le médecin du travail ont un rôle à jouer dans l'établissement de ce règlement intérieur.

Une fois porté à la connaissance de l'inspecteur du travail, ce règlement intérieur s'applique à tous les salariés.

Mais il faut indiquer à notre chef d'entreprise que d'autres conditions sont aussi à respecter.

Le teste en question peut être mis en œuvre à l'encontre de ce salarié si

  • le règlement intérieur le prévoit

  • si le salarié occupe un poste de sécurité, c'est le cas en l'espèce

  • le test respecte la dignité humaine du salarié

  • le test respecte la vie privée du salarié

  • le test respecte le principe de proportionnalité

  • les résultats du test peuvent être contestés par le salarié

  • le test est effectué par le médecin du travail.

 

Notre chef d'entreprise peut donc procéder à un test d'alcoolémie s'il respecte à la lettre les conditions de mise en œuvre de ce dernier.

 

SOURCES :

Les tabous en entreprise: Arbouch Philippe et Triclin Alexis

Site de l'inrs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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