AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 23 MAI 2024
(n° 2024/ , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09334 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUGU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/04374
APPELANT
Monsieur XXXX XXXX
INTIMEE
Société NEXTEER AUTOMOTIVE FRANCE
Immeuble Raphaël
22 Avenue des Nations 93420 VILLEPINTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et de formation Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET:
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2016, M. XXXX XXXX a été engagé par la société Nexteer automotive France (la société) en qualité d’ingénieur software, statut cadre, position 2, avec reprise d’ancienneté au 6 juillet 2015, moyennant une rémunération annuelle brute de 58 000 euros pour une durée de travail soumise à un forfait annuel de 218 jours de travail. Par avenant du 16 juin 2017, les parties ont convenu d’une rémunération variable annuelle basée sur l’atteinte d’objectifs arrêtés unilatéralement par la société.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 27 avril 2013 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture du contrat de travail.
M. XXXX a présenté un arrêt de travail du 9 au 11 octobre 2018.
Par courrier recommandé du 18 octobre 2018, M. XXXX a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 30 octobre 2018, puis s’est vu notifier son licenciement pour motif réel et sérieux par courrier adressé sous la même forme le 6 novembre 2018.
Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits M. XXXX a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 5 novembre 2019, essentiellement, en nullité de son licenciement pour harcèlement moral, obtenir sa réintégration dans l’entreprise, subsidiairement voir condamner l’employeur à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, et obtenir le paiement d’un rappel de salaire sur heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé ainsi qu’un rappel de rémunération variable et des reliquats sur l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de congés payés.
Par jugement du 7 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé plus ample des demandes initiales et la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Bobigny, section encadrement, a :
- débouté M. XXXX de l’ensemble de ses demandes,
- débouté la société Nexteer automotive France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. XXXX aux dépens.
M. XXXX a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 12 novembre 2021. Aux termes de ses dernières conclusions d’appel n° 2, notifiées par voie électronique le 1er
juillet 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. XXXX prie la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,
Statuant à nouveau, A titre principal,
- ordonner sa réintégration du fait de la nullité de son licenciement,
- condamner la société à lui payer une indemnité équivalent aux salaires qu’il aurait dû percevoir au cours de la période d’éviction (soit entre le 18 février 2019 et la date du délibéré), sur la base du salaire de référence de 4 734,42 euros,
A titre subsidiaire,
- condamner la société à lui payer la somme de 18 937 ,70 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause
- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
* 92,14 euros au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement,
* 748,07 euros au titre du reliquat de l’indemnité compensatrice de congés payés,
* 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré du manquement à l’obligation de sécurité,
* 14 304,10 euros au titre des rappels de salaire pour les heures supplémentaires effectuées et majorations applicables, ainsi que 1 430,41 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente du fait de la nullité de sa convention de forfait en jours,
* 28 406,55euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 2 272,52 euros au titre de la part variable de sa rémunération pour l’année 2018 ainsi que 227,25 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamner la société aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Nexteer automotive France prie la cour de :
A titre principal,
- se déclarer non saisie des demandes de l’appelant tendant à la nullité du licenciement et subsidiairement à le voir déclarer sans cause réelle et sérieuse, et donc confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. XXXX de l’intégralité de demandes,
En conséquence, A titre principal,
- débouter M. XXXX de l’intégralité de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire en cas d’infirmation partielle du jugement,
- limiter sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément au barème fixé à l’article L. 1235-3 du code du travail, soit entre 14 203,26 euros brut (3 mois) et 18 937,68 euros (4 mois) ce qui constitue une réparation adéquate et appropriée,
- retenir les condamnations brutes de charges sociales et de CSG CRDS,
- débouter M. XXXX du surplus de ses demandes, En tout état de cause,
- condamner M. XXXX au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. XXXX aux éventuels dépens. L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2024.
MOTIVATION :
Sur l’absence de demandes visées dans le dispositif des conclusions titre de la nullité du licenciement et subsidiairement de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :
La société fait valoir que l’étendue des prétentions dont la cour est saisie est déterminée par le dispositif des conclusions, que celui-ci ne fait mention ni d’une demande de nullité du licenciement ni d’une demande sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’il s’agit de demandes et non de moyens et que des prétentions implicitement formulées ne sauraient être admises.
M. XXXX conclut au rejet de la demande présentée par l’intimée en faisant valoir que toutes ses demandes au titre de la nullité du licenciement ou du licenciement sans cause réelle et sérieuse sont énoncées dans le dispositif et que la société confond moyens et prétentions, les premiers n’ayant pas à figurer dans le dispositif des conclusions.
La cour rappelle qu’aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, “Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.”
En premier lieu, la cour rappelle que la nullité du licenciement comme le fait que le licenciement soit considéré sans cause réelle et sérieuse ne sont que des moyens invoqués dans le premier cas à l’appui d’une demande de réintégration et de paiement d’une indemnité d’éviction, dans le second cas à l’appui d’une demande de paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il en résulte, comme le fait valoir l’appelant, que ces moyens n’ont pas à figurer dans le disposif des conclusions sous forme de prétentions, de sorte que dès lors qu’ils sont évoqués dans le corps des conclusions ou même comme en l’espèce dans le dispositif de celles-ci à l’appui des prétentions énoncées, la cour est bien saisie des prétentions énoncées sur lesquelles elle doit statuer au vu des moyens soutenus.
La demande tendant à voir la cour se déclarer non saisie de prétentions sur la nullité ou l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement est rejetée.
Sur l’exécution du contrat de travail :
Sur les heures supplémentaires :
Soutenant que sa convention de forfait annuel en jour est nulle, en raison de son absence d'autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et de l'absence de contrôle de sa charge de travail prévue dans l'accord collectif de l'entreprise, M. XXXX sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 14 304,10 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires.
La société conclut au débouté en faisant valoir qu'en qualité de cadre, position 2, M. XXXX disposait d’autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et n'avait pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel il était intégré, que cela n’empêchait pas l’employeur d'exercer des contraintes liées à l'organisation du travail dans le cadre de son pouvoir de direction et d'exiger de sa part d'assister à des réunions, de répondre à des appels pendant les heures habituelles de travail, de réaliser ses missions conformément à ses objectifs. Enfin, elle fait valoir qu'elle avait organisé un entretien annuel portant sur la charge de travail ainsi que cela ressort de l'entretien professionnel de 2017 dans la partie consacrée au temps de travail et qu'elle a mis en place une charte sur le droit à déconnexion remise à tous les salariés en octobre 2017 et accessible sur intranet.
Sur la nullité alléguée de la convention de forfait annuel :
Aux termes de l'article L. 3121-56 du code du travail, seuls peuvent être soumis à convention individuelle de forfait les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre
l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ou les salariés disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
L'accord collectif du 29 novembre 2010 applicable au sein de l'entreprise prévoit en son article
8.2 que “les différentes populations de cadres, hormis les cadres dirigeants, bénéficient d'une autonomie dans la gestion de leur temps de travail notamment sur les critères tels que la supervision, l'expertise, la définition des moyens, la prise de décision et les déplacements fréquents aidés par tous les moyens de communication à leur disposition”.
M. XXXX soutient qu'il ne bénéficiait pas d’une telle autonomie ni dans l'organisation de son travail ni dans la gestion de son temps de travail puisqu'il devait systématiquement suivre des directives précises et était rappelé à l'ordre lorsqu'il n'était pas à son poste de travail. Il s'appuie sur la lettre de licenciement laquelle lui reproche un non-respect des consignes ou le refus d'exécuter les directives. Par ailleurs, il fait valoir qu'il lui était demandé de justifier quotidiennement de l'état d'avancement de ses activités ce qui n'est pas compatible avec la notion d'autonomie. Enfin, il fait valoir qu'il ne pouvait s'absenter un instant de son poste de travail sans être rappelé à l'ordre, se référant dans ses écritures à deux mails de son supérieur en date du 8 août 2018.
A cet égard, la cour relève que les mails en question ne reprochent pas ses horaires à M. XXXX mais de ne pas prévenir de ses absences ce qui n'est pas incompatible avec l'autonomie exigée pour bénéficier de la convention annuelle de forfait. Par ailleurs, comme le relève justement l'employeur, l'autonomie du cadre ne le dispense pas des contraintes liées à l'organisation du travail ni même de devoir respecter les consignes de son employeur dans le cadre du pouvoir de direction de ce dernier.
La cour considère en conséquence que le salarié disposait de l'autonomie lui permettant de bénéficier d'une convention de forfait.
Sur l’absence de contrôle de la charge de travail M. XXXX fait valoir que l'accord collectif autorisant la conclusion des conventions doit déterminer les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié conformément à l'article L. 3121-64 du code du travail et que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'accord collectif ne prévoyant aucune disposition à ce titre de sorte qu'il convient de se référer aux dispositions de la convention collective non respectées par l'employeur.
La société soutient avoir mis en place les mécanismes permettant de s'assurer du respect de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée par la mise en place d'un entretien annuel portant sur la charge de travail en 2017 puisque le salarié ayant été embauché en 2016 et qu’ayant été licencié en 2018, elle n'avait pas à mettre en place un entretien pour ces deux années. Elle fait également valoir qu’elle avait mis en place une charte sur le droit à déconnexion.
La cour observe que l'accord collectif relatif à la réduction et l'aménagement du temps de travail du 29 novembre 2010 prévoit dans son article 8.2e) pour le décompte des jours travaillés des cadres autonomes que “le respect des dispositions contractuelles et légales sera suivi au moyen d'un système déclaratif, chaque cadre remplissant le formulaire mis à sa disposition à cet effet”.
Aucune autre disposition n'étant prévue par l'accord, pas plus que par la convention collective, il convient de se reporter aux dispositions supplétives prévues par l'article L. 3121 65 du code du travail selon lesquelles :
“A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le
respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-8.”
Au cas d'espèce, comme le soutient le salarié, il a travaillé du 1er février 2016 au 6 novembre 2018 et n'a bénéficié que d'un seul entretien portant sur sa charge de travail le 13 juin 2017 alors qu’il travaillait depuis plus d'un an dans l'entreprise et qu'il a travaillé encore plus d'un an après de sorte que le suivi annuel n'a pas été respecté par l'employeur. Dès lors que celui-ci n'a pas respecté les obligations de suivi mises à sa charge par les dispositions d'ordre public de l'article L. 31121-64 du code du travail, la convention de forfait est nulle ainsi que le soutient le salarié.
Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
La convention de forfait étant nulle, les dispositions de droit commun sur le temps de travail sont applicables.
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l’espèce qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
M. XXXX soutient avoir effectué un nombre très important d'heures supplémentaires ainsi qu'en attestent les horaires d’ouverture et de fermeture de son ordinateur, ses nombreux courriels envoyés jusqu'à 23 heures, les horaires des réunions internes ou avec le client PSA, de sorte qu’il a effectué de février 2016 à mars 2017 des heures supplémentaires qu'il récapitule dans un tableau pour la période du 22 février 2016 au 30 septembre 2018 l'amenant, selon ses écritures, à revendiquer le paiement de 579 heures supplémentaires sur l’ensemble de la période.
La société conclut au débouté en faisant valoir qu'en qualité de cadre autonome,
M. XXXX gérait son temps comme il le souhaitait et qu’en tant qu’expert informatique il pouvait parfaitement programmer son ordinateur pour fixer des heures de début et de fin de connexion, qu'il a régulièrement disposé de ses jours de RTT, que ses demandes antérieures au 5 novembre 2016 sont prescrites, qu'il n'a jamais présenté de réclamation au sujet des heures supplémentaires, que le tableau qu'il présente est totalement théorique et n’a pas été effectué à partir de document officiel et fiable permettant de retracer son activité. Ls société fait également valoir que ce tableau comporte des éléments erronés comme par exemple le 26 septembre 2018 où il n'a pas interrompu son temps de connexion alors qu'il était convoqué à 15 heures à la médecine du travail, de même que le 19 septembre 2018. Elle soutient que l'export des entrées badges fait apparaître des incohérences comme le 9 novembre 2016 où le salarié indique s'être connecté à 10 heures alors qu'il a badgé à 10 heures 04 et le 26 juin 2017 où il indique être connecté à 9h37 alors qu'il a badgé à 10h12, qu’il n’a pas compté son temps de déplacement en Pologne en février, mars et avril 2018 et n'est pas en mesure de rapporter la preuve des tâches détaillées qu'il effectuait au quotidien au regard de son tableau.
La cour rappelle cependant qu'il appartient à l'employeur en charge du contrôle du temps de travail de son salarié d'établir la réalité des heures effectuées et que les attestations qu'il communique émanant du supérieur hiérarchique de M. XXXX selon lequel, il restait parfois au bureau jusqu'à 21 heures pour faire croire qu'il était surchargé, de Mme L, la DRH selon laquelle il disparaissait régulièrement du bureau en fin d'après-midi et réapparaissait sans aucune explication ou encore de Mme B, coordinatrice, qui écrit qu'il arrivait bien après 11 heures le matin parfois, et n'était pas à son poste de travail durant de longues heures, ne suffisent pas à établir la réalité des horaires du salarié.
Il convient également de rappeler que M. XXXX ayant été licencié le 6 novembre 2018 a la possibilité de présenter des rappels de salaires sur une période remontant à trois ans avant le licenciement en application de l’article L. 3245 -1 du code du travail de sorte qu'aucune prescription n'est encourue.
Par ailleurs, l'importance des heures effectuées conduit la cour à considérer que l'employeur compte tenu de la charge de travail du salarié les a sollicitées au moins implicitement.
En conséquence de ce qui précède, au vu des éléments fournis par les deux parties la cour à la conviction que M. XXXX a effectué des heures supplémentaires mais dans une mesure moindre toutefois que celle qu'il revendique et, déduction étant faite des jours de RTT pris, comme le sollicite la société, condamne celle-ci à lui verser la somme de 9 708,54 euros outre à titre de rappel des heures supplémentaires effectuées outre 970,85 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur le harcèlement moral allégué :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. XXXX présente les éléments de faits suivants :
- une sur-sollicitation par les membres des autres équipes pour leur apporter son support, de sorte qu'il était coupé de ses propres tâches alors qu'il travaillait sur un produit hautement sécuritaire sur lequel la moindre erreur commise pouvait entraîner des conséquences graves pour les conducteurs de véhicule et ce, alors que l'employeur était au courant de cette situation, s'appuyant sur son entretien d'évaluation 2017 dans lequel son manager (page 7) fait état de
ce qu'il est "victime de son expertise ce qui le rend par défaut la personne qu'on sollicite dès qu'il y a un problème,"
- une surcharge de travail qui n'a jamais été prise en compte par sa hiérarchie alors que sa fiche de poste communiquée par l'employeur ne mentionne pas l'ensemble de ses tâches, qu'aucun contrôle de la répartition de la charge de travail n'a été réalisé malgré les obligations conventionnelles de l'employeur et ses alertes et qu'il a dû intervenir à de nombreuses reprises sur des sujets qui ne relevaient pas de son poste, s'appuyant sur un mail de M. P "customer support engineer" du 13 novembre 2017 lui proposant de l'accompagner à une mission "perte d'assistance sans code défaut" à Grenoble. Il soutient également qu'il était fréquemment interrogé sur des questions techniques dépassant sa fonction support de sorte qu'il se retrouvait à effectuer le travail des autres ingénieurs, prenant pour exemple qu'on lui a demandé d'aller vérifier dans une usine en Pologne que les pièces étaient bien programmées se référant à un échange de mails à ce sujet. Il soutient que l'employeur était informé puisqu'il lui a demandé de lui adresser son tracker d'activité et s'appuie sur différents mails par lesquels l'employeur admet qu'il est très occupé. Enfin M. XXXX explique que l'employeur lui a refusé ses congés du mois de juillet 2018 en raison de la charge de travail ainsi que sa demande de départ en CIF en septembre 2018 sous prétexte que celle-ci aurait des conséquences préjudiciables pour la bonne marche du service de l'entreprise en raison des projets importants sur lesquels il intervenait,
- des reproches et critiques incessants et injustifiés, M. XXXX explique que lorsqu'il a alerté sa direction sur la dégradation de ses conditions de travail, celle-ci, après lui avoir dit qu'il était victime de son succès et qu'il devait apprendre à dire non ainsi que cela ressort de l'entretien d'évaluation portant sur l'année 2017, lui a reproché des retards dans l'avancement de ses projets alors que ceux-ci étaient dus à l'accroissement disproportionné de son rôle de support et de ses tâches de travail. Il fait valoir ainsi que son manager lui a affecté la totalité d'une activité (traçabilité), auparavant répartie par moitié avec son collègue alors qu'il avait déjà alerté en juin 2018 que même une répartition par moitié pour août 2018 était une cible optimiste, et que son manager lui a reproché le 17 juillet 2018 de ne pas gérer ses priorités. Il soutient également que l'employeur lui reprochait des retards dans des projets qui préexistaient à son intervention, s'appuyant sur un mail du 4 décembre 2017 que lui a adressé M. Y La cour observe toutefois qu'aucun reproche n'est adressé au salarié par ce mail qui lui demande simplement “d'avancer sur ce point qui traîne depuis plusieurs mois de notre côté”. Le salarié soutient que les reproches concernant les retards ne faisaient jamais référence à la cause de ceux-ci, que l'employeur prétendait toujours que c'était un manque d'organisation et sa mauvaise gestion des priorités, le manager ayant à son égard une constante attitude de mépris qui s'est traduite par la surveillance quotidienne de sa présence à son bureau, des contradictions régulières dans les réunions avec les autres équipes, des critiques et reproches constants, des prises de décisions systématiquement contraires à ses propositions citant quelques mails en exemple. Il explique qu'il a particulièrement mal vécu ces reproches puisqu'il recevait dans le même temps des remerciements de la part des équipes Nexteer et du client PSA.
- le médecin du travail a constaté la dégradation de ses conditions de travail puisque que dans son attestation de suivi du 3 octobre 2018, il a conseillé un accompagnement du salarié sur son poste de travail et préconisé " de réduire les interférences provoquées par les sollicitations par rapport à la fonction de support en privilégiant les échanges par mail afin d'optimiser l'organisation de son poste ".
- la dégradation des conditions de travail à partir du moment où il a fait savoir à son employeur qu'il n'entendait plus subir cette surcharge de travail de sorte que l'entreprise a planifié son départ, M. XXXX fait valoir que dès qu'il a refusé la proposition de rupture conventionnelle l'entreprise a immédiatement prononcé un avertissement et mis en œuvre la procédure de licenciement. Parallèlement, il a eu à subir des actes vexatoires : ses accès ont été coupés, l'employeur lui a demandé de restituer son matériel et de quitter les lieux en dehors de toute procédure légale. Il s'appuie sur la demande d'un manager du 19 octobre 2018 lui demandant de le rejoindre,
- les faits invoqués à l'appui du harcèlement sont ceux qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement.
Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de démontrer qu'ils sont justifiés par des éléments objecifs qui y sont étrangers.
L'employeur soutient qu'en réalité M. XXXX n'était pas sûr-sollicité mais mal organisé et qu'il gérait son travail en fonction de ses envies et non en fonction des priorités définies avec lui, se référant à l'attestation du supérieur hiérarchique de l'intéressé ainsi qu'à l'attestation de
M. Z, ingénieur système à l'époque, selon laquelle M. XXXX prétextait continuellement la sur-sollicitation et la surcharge de travail même si cela n'était pas vrai ; il précise que son manager l'avait déchargé sur plusieurs sujets et que certains ayant été repris par son manager et d'autres par des collègues, notamment M. Y qui ne s'est jamais plaint, pas plus que le salarié qui a remplacé M. XXXX après son licenciement.
Cependant ces attestations émanant de subordonnés de l'employeur ne suffisent pas à démontrer que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral, pas plus que l'entretien d'évaluation, à défaut d'éléments objectifs venant démontrer que malgré les heures supplémentaires qua la cour a retenues, l’importance du soutien apporté en support aux autres salariés admis par l’employeur, le salarié ne connaissait pas de surcharge de travail et était simplement incapable de s'organiser.
S'agissant des reproches, l'employeur les explique par les retards dans l'avancement des projets mais dès lors que ce retard relève d'une surcharge de travail sans que les moyens nécessaires d'accompagnement aient été donnés au salarié, ils ne sont pas justifiés par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral
Enfin, il ressort de l'avis du médecin du travail qu'un accompagnement sur le poste de travail est conseillé, qu'il est préconisé de réduire les interférences provoquées par les sollicitations par rapport à la fonction de support, sans que l’employeur soit en mesure de justifier des actions spécifiques mises en place à cet égard.
La cour considère en conséquence de ce qui précède que M. XXXX a effectivement été victime d'agissements de harcèlement moral.
Sur l’obligation de sécurité :
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, “L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs . Ces mesures comprennent :
1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, 2° Des actions d’information et de prévention,
3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptée.
L’employeur veille à l’adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des mesures existentes.”
Aux termes de l’article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, “L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.”
L’employeur tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise doit en assurer l’effectivité. Ne méconnait pas son obligation, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
M. XXXX fait valoir que ses conditions de travail ont été particulièrement dégradées du fait de l’employeur, qu’en juillet 2018, le médecin du travail a formulé une alerte RPS, que l’étude de poste n’a été effectuée que sur les dires de l’employeur alors que son départ était déjà acté et qu’il a été suivi psychologiquement à partir de décembre 2018.
L’employeur conclut au débouté en faisant valoir que le médecin du travail maîtrisant mal le français s’était contenté lors de la visite de suivi de reproduire les déclarations de M. XXXX, que l’étude de poste n’a pas révélé de risques psycho sociaux et qu’il n’y a jamais eu la moindre alerte de M. XXXX au titre d’une quelconque souffrance au travail.
La cour observe que si après une étude de poste menée dans les règles, le médecin du travail n’a pas relevé de risques psychosociaux, il n‘en demeure pas moins qu’en juillet 2018, il avait préconisé un accompagnement du salarié que l’employeur ne justifie pas des mesures prises, que le salarié a présenté un arrêt de travail du 9 au 11 octobre 2018 portant la mention burn-out et que la cour a retenu qu’il avait été victime d’agissements de harcèlement moral de sorte que l’employeur ne justifie pas avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
La cour considère en conséquence que le non-respect de l’obligation de sécurité est établi et condamne la société à verser à M. XXXX une somme de 3 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice.
Sur la rupture du contrat de travail :
La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :
" [...] A de nombreuses reprises, nous avons été amenés à attirer votre attention sur votre comportement inacceptable et inapproprié. Un certain nombre de messages forts vous ont été transmis dans un premier temps, lors de votre dernier entretien annuel, de vos échanges oraux ou écrits avec vos différents responsables hiérarchiques. Vous avez fait l'objet d'un avertissement le 23 juillet 2018. Nous espérions un redressement et a ressaisissement immédiat de votre part aux fins de mettre un terme à ces anomalies et dysfonctionnements. Au contraire, l'ensemble des reproches que nous avons été amenés à vous formuler demeurent à ce jour, nous sommes à nouveau contraints de déplorer un certain nombre de griefs à votre égard :
* Contestations de l'autorité de vos managers et remises en cause régulières des instructions
Vous vous permettez d'ignorer et donc de refuser d'exécuter de façon délibérée les instructions de votre manager. Vous adoptez ce même comportement vis-à-vis des membres de l'équipe ingénierie alors que vous devriez travailler de façon étroite et coordonnée.
Ainsi par exemple :
- Sur le projet CMP : lors d'une réunion qui s'est déroulée le 2 octobre 2018, entre
les membres de l'équipe, l'ingénieur système senior a tenté de vous convaincre et vous raisonner mais vous êtes resté sur une position de blocage ce qui est très nuisible à l'exécution du projet. Ainsi votre comportement a conduit certains de vos collègues à quitter la réunion compte tenu de votre comportement.
- Suite à une demande urgente de PSA de calibration en directe le 2 octobre dernier, vous vous êtes contenté dans un premier temps de déléguer le traitement du process, ce qui a contraint l'ingénieur responsable technique du projet à contacter directement votre interface chez PSA en expliquant qu'il convenait de respecter la procédure en signant en urgence la demande de changement (F ETE). Puis dans un second temps vous l'avez court-circuité en mentionnant au client que le travail serait fait avec ou sans process...
- Suite à la demande de votre manager de donner un statut et une visibilité sur plusieurs points qui concernent votre activité liée aux livrables PSA : TSD, Traçabilité d'exigences et justification des écarts, développement du fichier a2l et livraison des calibrations pour BMPV, vous continuez à inventer des justifications inexistantes, ne pas assumer vos responsabilités (RE : suivi d'avancement activités) et faire tourner en rond tous les membres de l'équipe ce qui a obligé votre manager à clarifier cela lors d'un point le 8 octobre 2018.
- Suite à la demande de votre manager le 12 octobre 2018 de préparer une réunion concernant les anomalies BMPV pour le début de la semaine suivante, vous l'avez planifié le Jeudi après la relance du responsable technique et vous êtes venu non préparé à cette réunion au cours de laquelle plusieurs ingénieurs ont été mobilisés. Vous vous êtes contenté lors de la réunion de poser des questions aux participants sur des points qui relèvent de vos responsabilités bien que l'attendu était clair au départ, à savoir préparer la " calculation sheet ", la fiche de calcul et l'évaluation des risques " risk assessment ".
Conséquence : votre comportement entraîne non seulement de la confusion mais également la réitération des instructions et contrôles par plusieurs personnes, ce qui génère une perte de temps pour tous les intéressés d'où une saturation de l'ensemble des personnes qui travaillent avec vous.
* Non-respect des consignes
Malgré les rappels à l'ordre, vous refusez d'appliquer les consignes que l'on vous donne. Ainsi, par exemple, vous refusez régulièrement, à la différence de vos collègues de réaliser des points de suivi sur les projets en cours. En outre, en vue d'une réunion importante avec PSA prévue le 4 octobre dernier, il vous avait été demandé plusieurs fois de vous rapprocher directement de vos collègues afin de compléter le TSD, consigne que vous avez formellement contestée, l'activité a été réalisée de manière très tardive 4 jours après (8 octobre 2018). Au surplus, concernant le projet A2L, celui-ci n'aboutit pas dans la mesure où vous deviez travailler sur un fichier avant de le livrer à PSA et que vous vous êtes contenté de demander à PSA ou en interne Nexteer de vous fournir des éléments que vous deviez vous-même préparer !
Ces deux derniers points vous avaient déjà été reprochés dans notre dernier avertissement.
Concernant l'activité de traçabilité et justification des écarts, vos relevés personnels d'activité confirment votre volonté de ne pas avancer sur cette activité malgré les différentes consignes et relances.
Vous continuez à vous abriter derrière de prétendues sollicitations continuelles. […]
* Refus d'exécuter le travail en déclarant ne vouloir vous occuper que des projets que vous définissez vous-même :
Vous refusez de travailler sur les projets définis par le responsable ingénierie systèmes, préférant de façon unilatérale concentrer votre activité sur des projets pourtant moins
prioritaires que vous choisissez.
Ainsi par exemple concernant les fichiers du groupe dynamique véhicule, vous vous contentez d'attendre qu'elle arrive dans votre boîte mail pour renvoyer la demande à un autre collègue alors même que vous devriez vous impliquer et faire preuve de proactivité pour obtenir les fichiers dont vous avez besoin. L'ingénieur responsable technique du projet a été contraint de consacrer du temps à essayer de garantir le planning auprès de PSA car vous n'assuriez aucun suivi.
Ainsi, vous n'assumez pas vos responsabilités en tant qu'EPDT en apportant les réponses concernant le niveau de validation du logiciel et sa conformité avec les process internes malgré les relances répétitives de votre manager et du responsable technique du projet. Vous avez livré un logiciel pour assemblage des pièces pour lequel vous n'avez apporté aucune preuve claire de votre suivi du process ainsi de l'intégrité de ces systèmes. Vous vous êtes contenté de demander au responsable technique de faire le travail à votre place ou le renvoyer vers les autres membres de l'équipe.
Malgré nos remarques et nos demandes réitérées de modifier votre façon de travailler, vous persistez à ne pas vouloir suivre les priorités arrêtées par vos supérieurs.
[…]
* Comportement inadapté au sein de la société et de l'équipe mais aussi vis-à-vis des clients :
Vous vous permettez fréquemment des interventions décalées et totalement déplacées qu'elles soient dans des e-mails adressés à plusieurs personnes ou en public.
À titre d'exemple vous demandez à PSA des livrables Nexteer sans avoir consulté l'équipe pour s'assurer qu'ils n'étaient pas stockés au sein de Nexteer. Votre comportement donne une mauvaise image de Nexteer et remet même question son professionnalisme auprès dudit client.
Vous avez perturbé et mis à mal la collaboration de l'équipe en charge du projet. En effet, l'ingénieur responsable technique suite à votre demande, a contacté le client PSA pour initier la demande une fiche FETE (demande de changement client). Vous deviez attendre la réponse du client mais vous n'en avez rien fait. Le même jour vous avez livré les fichiers sans attendre le retour du client et avez ainsi eu un comportement inadapté par rapport aux équipes internes et au client.
Enfin, vous vous êtes permis de supprimer des fichiers importants de suivi des activités de suivi des livrables auprès de clients, ce qui n'est absolument pas tolérable. Ainsi par exemple le fichier " BM PV_calibrationopportunities” a totalement disparu du Onedrive
; données que nous ne sommes plus en mesure de récupérer et qui contraindra l'équipe Engineering à reconstituer l'ensemble des données ce qui aura pour conséquence de retarder les livraisons auprès du client PSA.
Votre comportement caractérise des mises en doute voir des dénigrements des compétences, connaissances métiers ou du sérieux de vos collègues et a des conséquences sur l'image de la société auprès de notre client principal PSA.
Conséquences : vos managers reçoivent des plaintes non seulement de la part des personnes avec qui vous devez normalement travailler en équipe mais également de la part de clients ce que nous ne pourrons tolérer plus longtemps car préjudiciable à l'activité et à l'ambiance au sein de la société et auprès de notre client principal.
La situation est devenue de plus en plus intolérable et ne permet pas de travailler correctement en équipe comme chacun se doit de travailler notamment sur des développements transversaux et complexes.
L'ensemble de ces reproches vous avait déjà été fait lors de vos entretiens annuels du 18 octobre 2017, verbalement à maintes reprises par vos managers et par écrit notamment dans notre avertissement du 23 juillet dernier.
Nous n'avons pas constaté depuis d'amélioration voir même nous déplorons une aggravation.
Votre comportement et vos réactions intempestives nuisent au travail de l'équipe. Votre attitude rend impossible la cohésion normalement attendue au sein d'une équipe. Cela a un effet préjudiciable sur l'ambiance au sein de l'équipe et aux relations avec vos interlocuteurs créant un climat d'agressivité patent.
En outre nous ne pouvons admettre que lors de l'entretien du 30 octobre vous ayez d'abord nié l'évidence des faits reprochés puis fournit des explications incohérentes face à la réalité de la situation.
Ainsi, les explications que vous nous avez données au cours de cet entretien ne justifie en rien votre comportement et vous n'avez montré aucune volonté de changer d'attitude est plus inquiétant encore aucune prise de conscience.
Enfin, il n'est pas admissible que vous vous soyez permis de formuler des menaces de révéler de soi-disant fait de la société auprès de clients.
L'ensemble des faits reprochés nous conduisent à vous notifier par la présente votre licenciement. La date de la première présentation du présent courrier marquera la date du début de votre préavis de trois mois que nous vous dispensons d’exécuter […] "
Sur la demande de nullité du licenciement
M. XXXX sollicite la nullité du licenciement en faisant valoir que son licenciement procède du harcèlement moral subi, les faits invoqués à son encontre relevant du harcèlement.
La société conclut au débouté en faisant valoir que le licenciement est justement fondé.
La cour considère qu'en reprochant à M. XXXX de “continuer de s'abriter derrière de prétendues sollicitations habituelles " d’avoir lors de l’entretien préalable “fourni des explications incohérentes” de continuer “ à inventer des justifications inexistantes, ne pas assumer vos responsabilités” alors qu'elle a considéré qu'il était victime de harcèlement moral notamment en raison de sa surcharge de travail et des sollicitations dont il faisait l'objet, l'employeur licencie le salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral de sorte que celui-ci doit est nul en application de l'article L. 1152- 2 du code du travail.
Sur les demandes découlant de la nullité du licenciement :
M. XXXX sollicite sa réintégration dans l'entreprise. La cour fait droit à sa demande en application de l'article L 1235-3-1 du code du travail et ordonne sa réintégration dans l'entreprise dans son emploi ou un emploi équivalent.
La société est également condamnée à verser à M. XXXX une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre le 18 février 2019, date de la fin de son préavis et, conformément à sa demande, la présente décision sur la base d’un salaire de référence de 4 734,42 euros brut.
Sur les autres demandes financières :
Sur la demande présentée au titre de l’indemnité de congés payés :
M. XXXX sollicite à ce titre une somme de 748,07 euros en faisant valoir que dans la mesure où le montant de sa rémunération mensuelle brute au titre des douze mois précédant son licenciement s’élevait à 4 734,42 euros, il aurait dû percevoir la somme de 4 999,55 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés pour 22 jours alors qu’il
n’a perçu que la somme de 4 251,48 euros de sorte qu’il n’a pas été rempli de ses droits.
La société conclut au débouté en faisant valoir que le salarié inclut dans son calcul le treizième mois lequel doit être exclu de l’assiette des congés payés s’agissant d’une prime non affectée par la prise des congés payés.
Le contrat de travail prévoit une rémunération annuelle brute de 53 000 euros versée sur treize mois de sorte que le treizième mois ne constitue pas une prime qui ne serait pas affectée par la prise des congés payés comme le soutient l’employeur mais bien un élément de la rémunération convenue de sorte qu’il doit être pris en compte pour le calcul de l’indemnité de congés payés.
Il est par conséquent fait droit à la demande présentée par M. XXXX et la cour condamne la société à lui verser la somme de 748,07 euros au titre du solde de l’indemnité de congés, étant observé que le nombre de jours de congés n’est pas discuté par les parties pas plus que le montant de la rémunération de celui-ci. Le jugement est infirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de demande.
Sur la demande présentée au titre de l'indemnité légale de licenciement :
Eu égard à la solution du litige, la cour ayant prononcé la nullité du licenciement, les indemnités de rupture sont nécessairement remises en cause de sorte que la demande présentée au titre du rappel d'indemnité légale de licenciement est rejetée.
Sur la part variable de la rémunération :
M. XXXX réclame la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 2 272,52 euros à titre de rappel de salaire sur sa rémunération variable outre 227,25 euros au titre des congés payés afférents. Il fait valoir que l'avenant de son contrat de travail prévoyait le bénéfice d'une rémunération variable versée, au plus tôt, lors de la paie du mois d'avril suivant l'exercice concerné, en fonction d'objectifs de sorte que la clause prévoyant une condition de présence lors du versement de la prime lui est inopposable.
La société conclut au débouté en faisant valoir que M. XXXX n'avait atteint que la note de 14,5/120 dans le cadre de son entretien de performance individuelle de sorte que sa performance étant inférieure à 60 % aucune prime ne lui est due. Elle s'appuie sur l'entretien de performance qui fait effectivement apparaître cette note de 14,5 ainsi que sur le document intitulé “Air plan 2018" faisant apparaître que le versement n'est dû qu'à partir d'une performance individuelle fixée à 60% et souligne que le salarié ne l'a pas contesté.
Aux termes de l'article 5. 4 de l'avenant n°1 du contrat de travail, il est prévu que " le salarié pourra également recevoir une rémunération variable annuelle basée sur l'atteinte d'objectifs concrets à réaliser. Cette rémunération variable, dans son versement, est un élément exceptionnel et non garanti, car liée et déterminée par l'atteinte des résultats de l'exercice concerné. Les critères et objectifs permettant d'en définir le montant ainsi que ses règles d'attribution seront arrêtées unilatéralement par la société et portés à la connaissance du salarié par écrit au début de chaque année par sa hiérarchie. En cas de réalisation des objectifs, la rémunération variable sera versée aux plutôt lors de la paie du mois d'avril suivant l'exercice concerné. Le versement de la rémunération variable sera soumis à la présence du salarié dans les effectifs de la société au moment du paiement. "
M. XXXX ayant signé l'entretien d'évaluation le 31 janvier 2019 ne peut valablement prétendre que cet entretien ne lui est pas opposable. Il ne justifie pas en avoir contesté les termes.
La cour le déboute de sa demande de paiement de sa demande de rémunération variable dès lors qu'il ne justifie pas qu'il y était éligible. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé :
La volonté de dissimulation alléguée n’est pas établie par la seule omission sur les bulletins de salaire des heures supplémentaires effectuées par un salarié qui se voyait appliquer une convention de forfait. La demande présentée au titre de l’indemnité pour travail dissimulé est rejetée et le jugement confirmé en ce qu’il a débouté M. XXXX de ce chef de demande.
Sur les autres demandes :
La société, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et doit indemniser M. XXXX des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Rejette la demande de la société Nexteer automotive France sur l’absence de saisine de la cour sur les demandes de M. XXXX XXXX tendant à la nullité du licenciement et à le voir déclarer sans cause réelle et sérieuse,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. XXXX XXXX de sa demande présentée au titre du solde de l’indemnité légale de licenciement et de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que le licenciement est nul,
Ordonne la réintégration de M. XXXX XXXX dans son emploi ou un emploi équivalent,
Condamne la société Nexteer automotive France à verser à M. XXXX XXXX :
- une indemnité équivalente aux salaires qu’il aurait perçus depuis le 18 février 2019 jusqu’à ce jour sur la base d’un salaire mensuel brut de 4 734,42 euros,
- la somme de 748,07 euros brut à titre de solde de l’indemnité compensatrice de congés payés,
- la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour manquement à l’obligation de sécurité,
- la somme de 9 708,54 euros à titre de rappel des heures supplémentaires effectuées outre celle de 970,85 euros au titre des congés payés afférents pour la période courant de février 2016 à septembre 2018,
Déboute M. XXXX XXXX de ses demandes de rappel de rémunération variable et d’indemnité pour travail dissimulé,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Nexteer automotive France,
Condamne la société Nexteer automotive France aux dépens de première instance et d’appel et à verser à M. XXXX XXXX la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE