LA DEFENSE DE LA DEFENSE : Le constat

Publié le Modifié le 06/02/2019 Vu 511 fois 0
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La liberté des avocats est menacée dans le monde entier et la situation va en empirant. Il ne s’agit pas de faire un catalogue des injures, maltraitances, violences et assassinats d’avocats mais d’évoquer des cas qui nous sont connus et que nous avons dénoncés.

La liberté des avocats est menacée dans le monde entier et la situation va en empirant. Il ne s’agit pas d

LA DEFENSE DE LA DEFENSE : Le constat

La liberté des avocats est menacée dans le monde entier et la situation va en empirant. Il ne s’agit pas de faire un catalogue des injures, maltraitances, violences et assassinats d’avocats mais d’évoquer des cas qui nous sont connus et que nous avons dénoncés.

 

En Amérique centrale et latine : Guatemala, Honduras, Argentine, Venezuela, des avocats ont été arrêtés sous des prétextes divers et leurs maisons ont été détruites et saccagées comme pour Laura FIGUEROA en Argentine ou Ramon CADENAR au Guatemala. Au Honduras ou Venezuela, on tue des avocats. En aout 2016, 4 avocats honduriens dont Carlos MEJIA, Kévin FERRERA et Myriam Mercedes ISIGARAGUIRE ont été assassinés. Au Venezuela, Hector SANCHEZ LOZADA a été assassiné alors qu’il visitait un de ses clients. Il était un membre de la commission des Droits de l’Homme de la Fédération des barreaux du Venezuela, la Conférence des bâtonniers de ce pays.

 

En Afrique, et notamment en Algérie, un avocat est arrêté parce qu’il a dénoncé la violation des Droits de l’Homme dans les prisons de GHARDAÏA et El Menia incluant un défaut d’accès à des soins et des violences sexuelles. Il a été placé en aout 2016 sous contrôle judiciaire. Le harcèlement, les arrestations, les persécutions touchent également des avocats du Burkina Faso, du Burundi, du Congo,  de l’Egypte, du Gabon, de la Gambie, du Kenya, du Lesotho, de la Somalie, du Soudan, de la Tanzanie. Dans certains cas, on tue également les avocats comme au Kenya avec Willy KIMANI qui a été assassiné avec son client alors qu’ils quittaient la Cour de Justice. Au Lesotho, une liste d’avocats a été publiée par les forces de l’ordre du Lesotho. Peu de temps après, deux avocats figurant sur cette liste ont été assassinés et deux autres ont été arrêtés.

 

En Egypte, on arrête, on harcèle, on emprisonne des avocats pour trouble à l’ordre public et diffusion de fausses nouvelles lors de leurs plaidoiries. En Egypte, il faut se mobiliser pour Azza Soliman, avocate égyptienne, fondatrice du Centre d’assistance juridique aux femmes égyptiennes. En novembre 2016, elle s’est vue délivrer un ordre d’interdiction de quitter le territoire égyptien. 6 autres défenseurs des Droits de l’homme avaient vécu la même expérience. L’Etat égyptien a gelé ses comptes comme présidente d’association défendant les droits des femmes mais également les comptes de son cabinet d’avocats. Puis, elle a subi une perquisition à son domicile et au cabinet. Elle est accusée d’avoir reçu en tant que fondatrice d’une association dénommée « Avocats pour la justice et la paix » des fonds étrangers importants. On lui reproche de « nuire à la sécurité nationale du pays » et « d’organiser des conférences appelant à nuire à l’image de l’Etat en prétendant que les femmes égyptiennes sont exposées au harcèlement sexuel à grande échelle ». Dès lors, elle va être poursuivie, du fait de la nouvelle loi sur les O.N.G. interdisant les subventions venant de l’étranger. Le 14 décembre 2016, un tribunal égyptien a confirmé l’interdiction de sortie du territoire, saisie de ses biens mobiliers et immobiliers et gel de ses avoirs. Au Maroc, un groupe d’avocats qui défendait des prisonniers sahraouis, a été arrêté par la police, leurs téléphones et leurs ordinateurs ont été fouillés. Ils ont ensuite été, pour certains d’entre eux, expulsés vers la France du fait de leur « grave atteinte à la sécurité du pays ».

 

En Asie, les mêmes incidents se produisent au Bahreïn avec la révocation d’avocats et leur déportation (Témoor Karimini). Au Bangladesh, un avocat a disparu après l’audience (Harmed Bin Quasem). En Inde, les avocats ont été menacés et suspendus du fait de leur défense. En Indonésie, des avocats ont été arrêtés par la police après une plaidoirie pour avoir désobéi aux ordres de la police. D’autres ont été injuriés et menacés par les policiers. Lorsque j’ai écrit, en qualité de Président du C.C.B.E., à l’Ambassade d’Indonésie, celle-ci m’a répondu qu’elle ne pouvait intervenir dans les affaires judiciaires en cours ! Au Pakistan, des avocats ont été arrêtés et d’autres assassinés comme le Président du Barreau du BOLOCHISTAN, Maître ANWARD KASI. Un autre de ses collègues, Maître Alvi a eu le même sort le 3 aout. Une manifestation d’avocats a été organisée devant le Palais de Justice en protestation de cet assassinat. Une bombe a éclaté tuant 70 personnes dont 55 avocats. Aux Philippines, on tue les trafiquants ou les usagers de la drogue mais on tue également leurs avocats comme Rogelio Bato. En Malaisie, on arrête les avocats. En Thaïlande, on les harcèle. Au Vietnam, on les attaque. En Iran, la situation des avocats est dramatique. Ils subissent violence et harcèlement.

 

Mais la situation n’est pas meilleure en Europe. Dans certains pays, parfois membres du Conseil de l’Europe, on retrouve des attaques contre les avocats. En Grèce, une avocate a subi un harcèlement pendant des mois et des mois de la part de la police (Electra Kroutra). En Russie, on harcèle, on confisque des documents et on arrête des avocats. En Ukraine, on tue les avocats (Youri Grabovski en mars 2016).

 

II faut isoler les cas de deux pays : la Chine et la Turquie.

 

Une des pires situations est celle des avocats en Chine. Des avocats disparaissent brutalement. Depuis juillet 2015, il y a plus de 300 avocats qui ont été arrêtés et qui ont été détenus de façon temporaire ou durable. En 2016, la situation a encore empiré. Un avocat a été condamné à 7 ans d’emprisonnement. 10 avocats ont été condamnés à des peines d’emprisonnement de 10 ans d’emprisonnement. Un autre avocat a été exilé. 6 avocats, spécialistes des Droits de l’Homme, sont restés en détention provisoire pour « subversion contre l’Etat ».

 

Le 18 janvier 2016, 12 avocats et leurs assistants sont toujours en détention ou ont été « officiellement » arrêtés au mois de janvier 2016 (alors qu’ils sont en détention arbitraire depuis 6 mois). Ils sont accusés de « subversion du pouvoir de l’Etat » ou « d’incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat ». Aucune de ces personnes n’a eu accès à un avocat, à sa famille ou à ses amis. Ces avocats courent le risque d’être victimes de tortures ou traitements cruels ou inhumains.

 

La société FENGRUI a reçu, du Conseil des Barreaux Européens, le Prix des Droits de l’Homme en 2015. Elle s’emploie à défendre des citoyens notamment dans les questions de liberté mais également d’environnement. Plusieurs des membres de cette société d’avocats ont été arrêtés et accusés de subversion à l’égard de l’état. Ainsi Zhou SHIFENG ou Wang QUAZHANG. On leur a retiré leur licence. Les attaques se multiplient. Le Parti Communiste chinois vient de réaffirmer que « les cabinets d’avocats doivent soutenir la direction du Parti Communiste chinois et la primauté du droit socialiste ». On vient de prendre de nouvelles mesures contre des sociétés d’avocats et on introduit des contrôles supplémentaires et une surveillance par une nouvelle loi. De surcroit, chaque année, il y a un système d’inspection. Le bureau de la magistrature examine chaque dossier d’avocat aux fins de les autoriser ou non à exercer. C’est un formidable moyen de pression. Plusieurs organisations d’avocats ont décrété le 24 janvier comme 7ème journée de l’avocat en danger polarisée sur la dénonciation de la situation des avocats en Chine.

 

L’autre pays où la situation des avocats est inquiétante est la Turquie.

 

Il faut mettre l’accent sur les combats des avocats turcs. Les Barreaux français l’ont fait, à plusieurs reprises, en participant à des procès d’avocats turcs et ce en qualité d’observateurs.

 

En 2016, le Conseil des Barreaux Européens a remis son Prix des Droits de l’Homme à 4 avocats turcs. A titre posthume, le titre a été remis à Tahir ELÇI, avocat turc spécialisé dans les Droits de l’Homme, ancien Bâtonnier de DIYARBAKIR, assassiné le 28 novembre 2015 alors qu’il travaillait sur des affaires concernant la persécution des kurdes et des violations graves des Droits de l’Homme. Il était certainement l’un des personnages clé dans la lutte pour l’Etat de Droit en Turquie et il s’est battu pour le respect de la démocratie et des procès équitables. Il devait être devenu insupportable dans son combat y compris devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme contre le gouvernement turc. Un mois avant son assassinat, il était arrêté par la police anti-terroriste pour avoir, selon ce qui est habituellement reproché aux avocats, « propagé ou promu une organisation terroriste ». Il avait simplement déclaré à la télévision que le PKK – organisation kurde – n’était pas une organisation terroriste. Il avait alors été condamné à ne pas quitter le pays, avait été placé sous surveillance judiciaire. Visiblement, elle n’a servi à rien puisqu’il était ensuite assassiné.

 

Le Prix a également été remis à trois avocats turcs qui luttent. De façon symbolique, deux femmes ont été honorées Ayçe Bingöle Demir et Ayçe Acinikli. La première a porté plusieurs affaires devant les tribunaux turcs mais également devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme concernant les violations du Droit. Elle représentait des centaines de personnes déplacées. Elle est intervenue dans la défense des 46 avocats qui défendaient les kurdes et qui étaient eux-mêmes, pour cette raison, pousuivis. Elle faisait partie de la défense du Bâtonnier de DIYARBAKIR assassiné. La seconde faisait partie des 9 avocats arrêtés et placés en détention en mars 2016 puis libérés puis de nouveau arrêtés en avril. Elle est restée en détention jusqu’en septembre 2016. Son crime est d’avoir plaidé pour des étudiants kurdes et s’être battue pour la mise en liberté de détenus malades.

 

Enfin, le Prix a également été décerné à Ramazan Demir, secrétaire de l’Association des avocats pour la liberté travaillant avec de nombreuses ONG, arrêté en mars 2016 également. Il avait déjà été arrêté en 2013 pour insultes et outrages à la dignité d’une autorité publique dans l’exercice de ses fonctions puisque, dans un procès concernant 44 journalistes, il avait exprimé ses doutes, lors d’une observation finale, quant à l’intégrité et l’équité de ce procès. Cela suffit en Turquie pour arrêter un avocat. Ni Maître Acinikli, ni Maître Ramazan Demir n’ont été autorisé à sortir de Turquie. Déjà en 2013, dans d’autres circonstances, le barreau d’Istanbul avait été honoré du Prix des Droits de l’Homme du C.C.B.E. car le pouvoir en place – toujours le même – la démocrature de Monsieur ERDOGAN - avait tenté de faire taire ce barreau en poursuivant son bâtonnier et les membres du conseil de l’Ordre devant les tribunaux correctionnels où ils risquaient des peines de prison allant de 3 mois à 6 ans. Ils étaient accusés de « tentative d’influencer le tribunal » ! Cela est un comble pour un avocat.

 

 

Michel BENICHOU

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Michel BENICHOU

Avocat depuis 1978 :

 

- Ancien Président du conseil des Barreaux d'Europe

- Ancien Bâtonnier du Barreau de Grenoble

- Président fondateur de la Fédération Nationale des Centres de Médiation

- Ancien membre du conseil de l'Ordre des Avocats de Grenoble

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