Comment se défendre face au « revenge porn »

Publié le 17/04/2015 Vu 6 372 fois 0
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Phénomène ayant pris une ampleur considérable ces dernières années avec l’omniprésence d’internet dans nos vies sociales, et la présence quasi-systématique d’appareils photos intégrées dans nos téléphones , le « revenge porn » commence à être pris en considération par les législations à l’international, notamment aux États-Unis où douze États ont légiféré à ce propos. En France, l’événement peine à trouver sa place dans la sphère juridique.

Phénomène ayant pris une ampleur considérable ces dernières années avec l’omniprésence d’internet da

Comment se défendre face au « revenge porn »

Le phénomène « revenge porn", "vengeance porno" ou "porno vengeur", consiste à se venger en diffusant sur Internet des photos ou des vidéos compromettantes (volontaires ou à leur insu à l’aide de webcam  mettant en scène des « exs » qui, dans la plupart des cas, sont des femmes.

I – L’outil législatif français et ses limites

A)    Atteinte à la vie privée d’autrui : article 226-1 du Code pénal

Cet article punit d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende "le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui " soit "en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel", soit "en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé". Le texte ajoute en outre que les actes doivent avoir "été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ".

Ce que soulèvent de nombreux auteurs à ce sujet est que cette disposition est inadaptée à la pratique du porno vengeur étant donné que c’est à la victime de prouver qu’elle s’est opposée à la transmission des images, en portant plainte ou en sommant les diffuseurs de les supprimer d’internet. Dans le cas contraire, la victime est présumée y avoir consenti.

Par ailleurs, l’application de cet article suppose que la victime se soit trouvée dans un lieu privé. À ce titre, qu’en est-il des lieux publics ? Il revient alors au juge de décider de la qualification d’un lieu privé ce qui peut se révéler délicat lorsque nous sommes face à des lieux tels que des parkings ou des caves, aisément qualifiables de lieux dits publics.

B)    Le  droit à l’image : article 9 du Code civil

Les lacunes manifestes de l’article 226-1 du code pénal peuvent néanmoins être comblées par l’article 9 du Code civil qui dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Il ajoute dans son second alinéa que les juges peuvent « prescrire toutes mesures telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent s’il y a urgence être ordonnée en référé ».

Les victimes souhaitant faire supprimer les images ou les vidéos litigieuses doivent, après avoir fait établir un procès verbal en urgence de constat d’huissier, contacter l’éditeur du site.

Si l’auteur du blog est à l’origine des divulgations, la victime ne pourra pas espérer de voir retirer les photos. Ainsi, elle sera dans l’obligation de s’adresser à l’hébergeur du site en respectant la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. En raison du caractère manifestement illicite des photos mises en ligne, l’hébergeur sollicité sera tenu de supprimer les contenus portés à sa connaissance, dans les plus brefs délais. À défaut de réaction, sa responsabilité pourra être engagée. La victime sera alors contrainte de saisir un Tribunal, via une action en référé, pour qu’un juge ordonne à l’hébergeur de supprimer les photos ou les vidéos litigieuses.

Des sites internet existent, et ce, depuis un certain temps sans que les pouvoirs publics ne se saisissent de ces questions. À cet égard, le site « jemevenge.com » existe depuis 1999 avec quelque 7 millions de visiteurs depuis sa création. Le jeune âge des victimes, leur méconnaissance du droit, les frais que cela engendre ou le fait que parfois elles ignorent complètement la présence de photos ou de vidéos les concernant sur internet, fait que les plaintes sont rares. Lorsqu’elles interviennent néanmoins, l’auteur du site en question énonce trois possibilités : le retrait de la photo ou de la vidéo sans amende, le retrait avec négociations et dédommagement ou bien la condamnation par un tribunal.

La conclusion à tirer de ces outils législatifs est néanmoins que la France est en retard sur cette nouvelle forme d'agression sexuelle. La nécessité d’une qualification stricte semble nécessaire, comme l’ont déjà abordée les lois américaines.

II – Des condamnations aléatoires  

Alors qu’en France, les photos ou vidéos compromettantes sont envoyées à des proches, postées sur Facebook ou publiées sur des sites, outre-Atlantique, il existe de nombreux sites spécialisés dans ce domaine précis. Autant de sources qui compliquent le travail de la justice

A)  Le cas français

Tandis qu’un Messin condamné en avril 2014 avait été condamné à 12 mois de prison avec sursis pour avoir diffusé sur facebook, sur un skyblog et des sites de rencontres des photos de son ancienne compagne, quelques mois auparavant un homme avait, lui, été condamné à six mois de prisons avec sursis et 2500 euros d’amende. Les condamnations se font au cas par cas et c’est la notion de consentement qui est la plus difficile à exploiter. Car, si elles consentent à être photographiées ou filmées, les femmes victimes de ces agissements ne consentent pas à être publiées sur être internet.

En France, certains s’interrogent ainsi sur le cas d’une nouvelle loi pour permettre de protéger les victimes qui se trouvaient dans des lieux publics. Ils estiment qu’un alinéa supplémentaire à l’article 226-1 du code pénal serait opportun afin de viser spécifiquement le caractère dénudé ou l’attitude sexuelle.

B) Le récent renforcement californien

Tandis que le New Jersey a assimilé le "Revenge Porn" à une infraction sexuelle dès 2004, d’autres États américains l'ont interdit progressivement. À ce titre, l’État californien vient de durcir fermement sa législation pour lutter contre la vengeance pornographique. En effet, à peine un an après sa première loi adoptée en octobre 2013 qui rendait la pratique illégale et la punissait d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 6 mois, des dommages et intérêts pourront désormais être alloués aux victimes de tels agissements. Par ailleurs, elles pourront également obtenir une injonction de retrait des images et/ou poursuivre le ou les auteurs  qui agissent sous pseudonyme. Véritable pratique humiliante pour les personnes qui en font les frais, le revenge porn est désormais hissé au rang des dommages causant des préjudices moraux permettant de prétendre à une indemnisation du préjudice.

Le 3 avril 2015, la procureure (attorney) générale de Californie a annoncé que Bollaert est condamné pour ce type de faits à dix-huit ans de prison, « la première condamnation criminelle d’un opérateur de site web de cyber-exploitation [sexuelle] dans le pays ».

Contrairement aux sites classiques de porno où le sujet de la photo est généralement anonyme, UGotPosted demandait le nom, l’âge, la localisation et la page Facebook du sujet (en majorité féminin. « En conséquence, les victimes ont éprouvé un harcèlement grave à travers les réseaux sociaux, à leur travail et dans d’autres communautés. »

Outre sa peine de prison, Bollaert est condamné à verser 15 000 dollars à ses victimes et une amende de 10 000 dollars.

Sources :

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/revenge-porn-la-vengeance-des-ex_1628679.html#

http://www.france24.com/fr/20141203-porn-revenge-porno-vengeur-photos-nue-sexe-publication-facebook-condamnation-prison-justice/

http://www.village-justice.com/articles/Publication-non-consentie-photos,17744.html

http://www.enquete-debat.fr/archives/observatoire-de-la-delation-site-porno-jemevenge-com

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