«L'absence d'avocat lors de la garde à vue viole le droit de tout accusé à être défendu par un avocat ».
C'est par cette phrase que la Cour Européenne des Droits de l'Homme a motivé sa décision dans un arrêt Dayanan c/Turquie rendu le 13 octobre dernier.
La CEDH rappelle, en ce qui concerne l'absence d'avocat lors de la garde à vue, que « le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d'office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable ».
La Cour se réfère à son précédent arrêt Salduz c/Turquie du 27 novembre 2008, dans lequel elle avait jugé qu'un tribunal viole l'article 6 de la Convention EDH s'il fonde sa condamnation sur les déclarations incriminantes faites en garde à vue sans l'assistance d'un avocat (Conv. EDH, art. 6, § 3, c, droit à l'assistance d'un avocat).
Au regard de cette décision, il devient important de rappeler que le rapport de la commission Léger, récemment remis au Président de la République, ne recommande pas l'assistance de l'avocat dès le début de la garde à vue.
Or, la CEDH explicite la portée de sa décision : « il est en principe porté une atteinte irrémédiable au droit de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans l'assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation ».
Par conséquent, toute réforme de la procédure pénale qui n'instituerait pas la présence de l'avocat en garde à vue dès la première minute, pourrait être considérée comme contraire à la jurisprudence de la CEDH et donc illégale.
Il y a quelques jours, un avocat a été placé en garde à vue et a semble-t-il subi sous ce régime l'entravement, la mise à nu et la fouille à corps.
Le 17 novembre dernier, en réaction à cette actualité, un communiqué de presse était diffusé par le syndicat synergie officiers, qui tout en présentant les officiers de police nationale « comme des techniciens de la procédure pénale » estime que les principes énoncés par la CEDH sont offensants à leur égard.
Or, il faut rappeler que le décret du 18 mars 1986 porte code de déontologie de la police nationale et précise notamment que :
« Le fonctionnaire de police a le respect absolu des personnes quelle que soit leur nationalité ou leur origine, leurs conditions sociales ou leurs convictions politiques religieuses ou philosophiques » (article 7) en ce y compris les avocats...
« La police nationale s'acquitte de ses missions dans le respect de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales et des lois » (article 3).
L'article 3 de CEDH précise que nul ne peut être soumis à un traitement inhumain ou dégradant.
La circulaire du Ministre de l'Intérieur de l'époque, M. Sarkozy, en date du 11 mars 2003 prévoit que la fouille dite de sécurité «ne peut être appliquée que si la personne gardée à vue est suspectée de dissimuler des objets dangereux pour elle-même pour autrui » et que cette mesure « est attentatoire à la dignité et contrevient totalement aux exigences de nécessité et de proportionnalité voulues par l'évolution du droit interne et européen » si elle est « pratiquée systématiquement a fortiori avec le déshabillage de la personne gardée à vue ».
Dès lors, on comprend mal la volonté de certains policiers à s'opposer à toutes réformes ayant pour objet d'instaurer transparence et contradiction au sein des locaux de police dont ils n'ont en principe rien à craindre si comme ils l'affirment eux-mêmes, leur métier est exercé dans le stricte cadre de la loi.