Le titre de ce billet est volontairement provocateur. Il est de pratique répandue qu’un acheteur présente une offre écrire au vendeur et que celui-ci lui répond par écrit qu’il accepte l’offre. Ce n’est bien sûr pas interdit mais c’est à éviter parce que cela ne présente que des inconvénients pour le vendeur.
Tout d’abord une vente immobilière est une affaire complexe ce qui donne un caractère ambigu à une offre d’achat et à son acception [A] ensuite, tout au moins lorsqu’il s’agit d’un immeuble d’habitation, le droit de rétractation de l’acquéreur déséquilibre les relations entre les parties [B].
A. Complexité d’une transaction immobilière
Une vente immobilière est complexe à deux égards, par les contraintes imposées par la législation d’une part et par les diverses clauses sur lesquelles les parties doivent s’entendre afin que leurs engagement réciproques soient parfaitement définis d’autre part [1]. C’est en raison de la complexité des ventes d’immeubles que la cour d’appel de Paris a jugé le 12 juin 2014 (n° 13/06003) que si l'offre faite au public lie le pollicitant à l'égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l'offre faite à personne déterminée, il en est différemment en matière de vente d'un bien immobilier s'agissant d'une opération complexe ; qu'en cette matière, une offre au public est par nature large et ouverte afin de permettre à de futurs contractants de discuter du contenu du contrat, et s'analyse par conséquent comme une invitation à entrer en pourparlers. Il en résulte qu’on ne peut se contenter d’une vision simpliste de ces deux principes : Le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant et : la vente est parfaite dès que les parties se sont accordées sur la chose et sur le prix. Cela implique que, pour éviter de se mettre dans une situation litigieuse, les parties doivent prendre la précaution de rester explicitement dans la phase pré-contractuelle tant que tout n’a pas été examiné et discuté [2].
1. Echanges réciproques d’informations et clauses particulières.
Afin de sécuriser l’achat, le vendeur doit donner à l’acheteur des informations sur les caractéristiques et l’état de l’immeuble. Le code de la construction et de l’habitation prescrit une batterie de diagnostics et, pour les biens soumis au statut de la copropriété, diverses informations relatives à la gestion du syndicat.
Aucun texte n’impose d’assurer une protection particulière au vendeur mais il est d’usage que celui-ci vérifie avec soin la solvabilité de l’acheteur afin de ne pas immobiliser inutilement le bien avant que la vente puisse être finalisée.
Toutes ces informations sont mentionnées dans l’avant-contrat ou annexées à celui-ci. Si des diagnostics manquent, le vendeur ne peut s’exonérer de la garantie des vices cachés. Si les assurances données par l’acheteur sur ses capacités financières sont mensongères et qu’il ne peut finaliser son achat, il s’expose à devoir des dommages et intérêts ou une pénalité conventionnelle.
En plus de ces informations et assurances, les parties s’accordent souvent sur certaines modalités de la vente. La plus fréquente est la condition suspensive d’accord de prêt. A défaut de clause portant sur le financement, l’acheteur est supposé s’engager sans condition suspensive d’accord de prêt. Celle-ci n’est pas simple à formuler. Sont stipulés la durée de validité de la condition, le délai dans lequel l’acheteur doit attester des demandes qu’il a adressées à des organismes financiers, le nombre minimal de demandes, le taux et la durée de l’emprunt etc.
Tout cela fait que le contrat de vente d’un immeuble peut difficilement se résumer à : « A vend tel immeuble à B pour un prix de tant. »
Or comme en dispose l’article 1128 du code civil, pour qu’un contrat soit valide, son contenu doit être certain. Comme l’accord des parties porte nécessairement sur d’autres éléments essentiels que la seule désignation du bien et le prix, un contenu imprécis sur des éléments essentiels du contrat n’est pas certain et la validité du contrat est de ce fait contestable.
2. Acceptation ambiguë ou phase pré-contractuelle
La réforme du droit des obligations de 2016 a introduit dans le code civil des dispositions relatives aux relations pré-contractuelles (articles 1112 à 1113-2) ainsi qu’à l’offre et à l’acceptation de l’offre (articles 1114 à 1122), le droit positif consolidant ainsi la jurisprudence de la cour d’appel de Paris du 12 juin 2014.
Une offre succincte d’achat rédigée sur une demi-page et simplement retourné avec un « Bon pour accord » par le vendeur ne peut contenir tout ce qu’on trouve dans un contrat détaillé. Aussi se pose la question de l’interprétation qu’il faut donner à un tel échange.
L’interprétation littérale est que l’offre engage le pollicitant et que son acceptation forme le contrat parce qu’alors les deux volontés se sont rencontrées. C’est l’interprétation qui est donnée dans certaines certaines décisions de justice, par exemple Cass. 09/05/2012 – n° 11-15.161 : la cour d’appel a pu déduire d’un échange de correspondance que l'offre avait été acceptée par tous les coindivisaires et qu’elle était donc parfaite ou Cass. 29/09/2014 – n° 14-26.674 : la vente était parfaite par l'accord des parties sur la chose et sur le prix.
Mais, comme il est dit à l’article 1188 du code civil, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. L’intention des parties peut s’interpréter comme un accord de principe devant être confirmé et précisé au cours d’une négociation à moins qu’un désaccord insurmantable n'apparaisse et que les parties ne soient amenées à pendre acte de l’échec des pourparlers.
Un échange précipité d’une offre et de l’acception de celle-ci est donc ambigu et risque fort de donner matière à un litige entre les parties ce dont elles doivent se garder. Pour le vendeur la sagesse commande qu’il se contente d’inviter le candidat acheteur à des pourparlers plutôt que d’accepter explicitement une offre trop imprécise.
En cas de contentieux, c’est le juge qui appréciera, en fonction du contenu des échanges, des circonstances et de la personnalité des parties, si celles-ci se sont véritablement liées par un contrat ou si elles n’en étaient encore qu’à des pourparlers susceptibles de ne pas aboutir. Les décisions des tribunaux peuvent différer selon les cas qui leurs sont soumis.
L’acceptation d’une offre d’achat par un vendeur qui regrette de l’avoir donnée n’est pas forcément rédhibitoire. Le vendeur peut espérer pouvoir se rétracter pour la raison que l’acceptation qu’il a donnée ne formait pas le contrat mais qu’elle était seulement une acceptation à négocier sur la base proposée par le candidat acheteur. Mais, évidemment, il est bien préférable d’éviter de se trouver en cette situation en répondant clairement à une offre non pas qu’on l’accepte mais qu’on accepte d’en discuter.
B. Déséquilibre des relations entre le vendeur et l’acquéreur
Il importe d’autant plus au vendeur de rester prudent que, lorsque la transaction porte sur un logement, l’acheteur non professionnel dispose d’un droit à se rétracter [1]. Le vendeur, lui, ne peut se rétracter. Les relations entre acheteur et vendeur en sont donc profondément déséquilibrées [2}.
1. Le droit de rétractation de l’acquéreur
Ce droit est inscrit à l’article 271-1 du code de la construction et de l’habitation. Il porte sur les actes ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation. Il n’y a pas de droit de rétractation lors de l’achat d’un garage par exemple ni d’un terrain. Les terrains, y compris les terrains à bâtir destinés à la construction de logements, sont exclus.
La faculté de rétractation n’est donnée qu’aux non-professionnels. Les professionnels tels les promoteurs et marchands de biens n’en bénéficient pas.
L'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte. Lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, l’acte peut être remis directement à l’acheteur. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte.
La forme de l’acte n’est pas précisée dans le code de la construction et de l’habitation. C’est le plus souvent une promesse synallagmatique de vente, dénommée improprement « compromis », plus rarement une promesse unilatérale. Si l’on admet qu’une offre présentée par l’acheteur et acceptée par le vendeur forme le contrat, il faut aussi admettre que la notification à l’acheteur de l’acceptation de son offre par le vendeur fasse courir le délai de rétractation. C’est d’ailleurs ce que prévoit le quatrième alinéa de l’article 271-1 du code de la construction et de l’habitation. Ce peut être utile pour ne pas laisser à l’acheteur plus de droits que la loi ne lui en accorde. Rien n’empêche ensuite de confirmer dans un « compromis » plus détaillé l’échange ayant scellé le contrat. L’acheteur doit rester cohérent. S’il prétend que l’acceptation de l’offre engage le vendeur, il admet aussi être lui engagé, avec un droit de rétraction certes, mais seulement pendant le délai de dix jours mentionné dans le code de la construction et de l’habitation.
2. Conséquences du droit de rétractation sur le comportement des parties
Sachant qu’il peut se rétracter, l’acheteur peut être tenté de présenter une offre avec légèreté. Le vendeur n’y peut rien. Mais il doit tout de même être conscient que le droit de rétractation déséquilibre les relations entre les parties : pendant le délai de rétractation, une partie est engagée, l’autre ne l’est pas encore et peut annuler l’engagement sans frais ni pénalité et sans avoir à donner de motif. L’acheteur peut très bien présenter une offre simplement dans le but que le vendeur lui réserve sans contrepartie le bien à vendre, lui permettant ainsi de prendre le temps de la réflexion sans qu’il risque d’être devancé par un autre acheteur plus prompt à se décider. Un vendeur avisé doit agir en conséquence. Si une offre lui paraît intéressante, il peut sans aucun inconvénient se contenter d’inviter le pollicitant à discuter dans le détail d’un contrat rédigé comme le demande la complexité de la vente d’un immeuble. Il n’y a ni nécessité ni intérêt à se lier prématurément à un prétendant dont on n’a pu évaluer le sérieux de la proposition.