L’information au cœur du contrat de franchise

Publié le 07/09/2020 Vu 2 046 fois 0
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L’obligation d’information du franchiseur est un fondement essentiel du contrat de franchise sous peine de nullité. Oumar Bah, Docteur en droit et juriste chez Qiiro nous éclaire sur le sujet.

L’obligation d’information du franchiseur est un fondement essentiel du contrat de franchise sous peine de

L’information au cœur du contrat de franchise

L’information au cœur du contrat de franchise

 

Contrat de réitération de succès, l’arrêté du 29 novembre 1973 relatif à la terminologie économique et financière a défini la franchise comme «un contrat par lequel une entreprise concède à des entreprises indépendantes, en contrepartie d’une redevance, le droit de se présenter sous sa raison sociale et sa marque pour vendre des produits ou services. Ce contrat s’accompagne généralement d’une assistance technique». Toutefois, cette définition est incomplète, car elle ne prend pas en compte la transmission du savoir-faire du franchiseur au bénéfice du franchisé. Élément déterminant du contrat de franchise, l’absence d’un savoir-faire emporte la nullité du contrat et sa requalification en contrat d’entreprise. 

 

Plus précisément, la franchise est une technique contractuelle par laquelle un commerçant obtient du propriétaire d’un signe distinctif et d’un savoir-faire technique ou commercial, la communication de son savoir-faire, une assistance commerciale ou technique, et le droit d’utiliser ce signe distinctif. En contrepartie de cette mise à disposition, le franchisé verse au franchiseur un droit d’entrée correspondant au droit d’entrée dans le réseau et le cas échéant, à l’exclusivité territoriale accordée au franchisé ainsi que des redevances de marque et d’exploitation proportionnelles au chiffre d’affaires réalisé par le franchisé.

 

Ceci dit, la bonne information étant l’élément d’appréciation permettant au candidat à la franchise de faire un choix éclairé (I), son absence est susceptible de conduire à la nullité du contrat de franchise (II)

 

  1. L’obligation d’information du franchiseur comme fondement essentiel du contrat de franchise

 

 Le contrat de franchise ne fait présentement l’objet d’aucune réglementation spécifique. En effet, aucune disposition légale ne vient réglementer spécifiquement le contenu du contrat de franchise, lequel a été développé par la pratique. Il reste donc soumis aux dispositions du droit commun des obligations, à côté desquelles s’appliquent des dispositions spéciales relatives notamment à l’obligation d’information précontractuelle classique (A) et à l’obligation de sincérité à la charge du franchiseur qui réalise les comptes prévisionnels ou des études de marché (B).

 

  1. L’obligation d’information précontractuelle

 

Avant la signature du contrat de franchise, le franchiseur doit fournir au franchisé un document comprenant des informations sincères lui permettant de s’engager en toute connaissance de cause. En effet, la loi Doubin du 31 décembre 1989 précise que le franchiseur est tenu de fournir au candidat à la franchise un Document d’information précontractuelle (DIP) recensant les informations sincères et substantielles, lui permettant de s’engager en connaissance de cause. 

 

Dans ce cadre, le décret d’application de l’article 1er de la loi Doubin du 4 avril 1991 est venu déterminer les informations précontractuelles obligatoires à fournir au futur franchisé comprenant notamment les informations administratives telles que l’adresse du siège social, la domiciliation bancaire, les numéros d’enregistrement et la date de création. Ces informations administratives doivent être complétées par une présentation de l’état général et local du marché et des produits ou des services devant faire l’objet du contrat de franchise, l’état de la concurrence locale et des perspectives de développement. 

 

L’obligation d’information précontractuelle vise à permettre au futur franchisé d’avoir une vision d’ensemble du réseau et de se forger une première opinion sur son projet. De cette manière, le candidat à la franchise dispose des informations brutes sur le marché de façon générale, mais qui ne fournissent aucune précision économique sur l’entreprise du franchisé.

 

  1. L’obligation de loyauté et de sincérité du franchiseur qui réalise les comptes prévisionnels ou des études de marché

 

En dehors de l’obligation d’information précontractuelle, aucune disposition légale ou décision jurisprudentielle n’impose au franchiseur de remettre au franchisé des comptes prévisionnels ou des études de marché. Toutefois lorsqu’il décide de les remettre spontanément au franchisé, il est tenu par une obligation légale de loyauté et de sincérité. De cette manière, le franchiseur devra élaborer sans légèreté et sans intention de nuire, les comptes prévisionnels ou les études de marché qu’il remet au franchisé. Pour satisfaire cette obligation, le franchiseur devra en effet effectuer une étude sérieuse et réaliste du marché local et pouvoir justifier les chiffres annoncés à partir d’éléments objectifs tirés de cette étude dans la mesure où l’espérance du gain est déterminante pour le consentement du franchisé.  

 

Toutefois, l’obligation de loyauté et de sincérité du franchiseur, lorsqu’il prend l’initiative de remettre au franchisé des comptes prévisionnels ou de faire des études de marché, est assortie de certaines limites. En effet, le franchiseur n’est tenu que d’une simple obligation de moyens en matière de comptes prévisionnels. Les tribunaux considèrent qu’en raison de leur caractère nécessairement aléatoire, le franchiseur ne peut être tenu que par une obligation de moyens. De cette manière, la charge de la preuve pèse sur le franchisé qui se prévaut d’une inexécution et éventuellement, d’un préjudice. Par conséquent, il appartient au franchisé de prouver que le franchiseur a manqué à son obligation de sincérité en lui fournissant des prévisionnels erronés. Le franchiseur reste tout de même tenu de prouver qu’il a établi ses prévisionnels sur la base d’une étude sérieuse notamment en comparant les chiffres d’affaires obtenus par les autres franchisés établis dans des zones de chalandise comparables ainsi que ceux obtenus par les concurrents établis sur la même zone que le franchisé mécontent. 

 

De plus, les tribunaux considèrent que le franchisé est un commerçant indépendant et qu’il doit nécessairement, en tant que tel, élaborer lui-même ses propres comptes prévisionnels. En outre, ils mettent à sa charge le devoir de se renseigner lorsque des informations lui ont été communiquées par le franchiseur qui, on le rappelle, n’est tenu que par une simple obligation de moyens lorsqu’il communique des comptes prévisionnels ou des études de marché. Il incombe ainsi au franchisé d’établir lui-même son compte prévisionnel à partir des données fournies par le franchiseur dans le DIP. Pour se faire, il pourra se faire assister par un expert-comptable et Qiiro pour le renseignement juridique la mise en place de son Business plan.

 

  1. La nullité comme sanction de l’inexécution de l’obligation d’information

 

L’article 1128 du Code civil fait du consentement libre et éclairé des parties une condition nécessaire à la validité du contrat. En effet, le fondement psychologique du consentement interdit qu’un contrat puisse être valablement formé lorsqu’il est fondé sur une volonté non éclairée. Le consentement du franchisé peut donc être vicié par des manœuvres dolosives alors même qu’un DIP conforme lui a été remis. De même, la remise d’un DIP conforme n’exclut pas le prononcé d’une erreur excusable et la réticence dolosive. Les vices du consentement sont donc d’application autonome par rapport au manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle, et la jurisprudence ne manque pas de le rappeler régulièrement. Ainsi, deux vices du consentement prévus par le droit commun sont aujourd’hui mis en œuvre par les praticiens en vue de sanctionner le défaut d’information. Il s’agit en effet du dol (A) et de l’erreur (B).

 

  1. La nullité du contrat de franchise sur le fondement du dol

 

Traditionnellement, le dol a constitué le fondement sur lequel les franchisés demandaient la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement, les franchisés trouvant dans le manquement du franchiseur à son obligation d’information, le moyen idéal de demander l’annulation du contrat.

 

Selon l’article 1137 du Code civil, le dol consiste en des manœuvres frauduleuses émanant intentionnellement son partenaire à conclure le contrat. Le législateur a retenu une conception large des manœuvres frauduleuses. Il a admis qu’elles puissent être caractérisées par des actes positifs comme une mise en scène ou un mensonge ou par des actes négatifs comme le silence. 

 

Si les premières, de toute évidence, ne posent aucune difficulté, un silence peut constituer un dol par réticence dès lors que le cocontractant resté silencieux est tenu d’une obligation d’information ou d’un devoir de loyauté, et que la réticence est intentionnelle. Cela sera le cas en matière de contrat de franchise puisque le franchiseur est tenu d’un devoir de loyauté ainsi que d’une obligation d’information. Le franchiseur doit dès lors être vigilant à l’occasion de toutes les démarches qu’il pourrait entreprendre au cours de la phase précontractuelle notamment l’assistance du franchisé dans le démarrage de son activité.

 

Toutefois, le seul manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle n’est pas de nature à caractériser des manœuvres frauduleuses de sa part. Encore faut-il qu’il s’abstienne de communiquer une information au franchisé tout en sachant qu’il doit la communiquer. Par ailleurs, le dol n’est cause de nullité du contrat que s’il a provoqué une erreur déterminante. Le franchisé doit donc prouver que le franchiseur a volontairement fourni une information erronée en l’occurrence des comptes prévisionnels erronés. Il en est ainsi lorsque le franchiseur communique au franchisé des comptes ou chiffres d’affaires intentionnellement surévalués et qu’il sait irréalistes, et que le franchisé s’est uniquement engagé en considération des chiffres ainsi annoncés.

 

L’intérêt d’agir sur le terrain du dol réside dans la possibilité d’obtenir la nullité du contrat qui a pour effet la restitution des droits d’entrée et des redevances, et éventuellement la réparation de l’entier préjudice subi de ce fait par le franchisé. Par exemple, le franchiseur devra payer des dommages et intérêts couvrant le montant des investissements spécifiques à l’enseigne non amortie. Néanmoins, le préjudice résultant du manquement une obligation précontractuelle réside dans la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantages et non par celle d’obtenir les gains attendus. Dès lors, le dol paraît constituer la solution adéquate pour réparer ce défaut de rentabilité de l’exploitation du franchisé. Cependant, ses conditions de mise en œuvre n’offrent pas forcément de grandes chances de succès au franchisé dans la mesure où ce dernier devra établir la preuve des manœuvres dolosives en dehors de tout manquement à l’obligation d’information précontractuelle. De plus, la jurisprudence considère qu’il n’y a pas de dol si un cocontractant a fourni à son partenaire des renseignements erronés par ignorance ou même par négligence. L’auteur du dol doit donc avoir eu l’intention de tromper son cocontractant.

 

  1. La nullité du contrat de franchise sur le fondement de l’erreur

 

Définie comme une représentation inexacte de la réalité contractuelle, l’erreur a pour sanction naturelle la nullité de la convention. Toutefois, l’article 1110 du Code civil précise que l’erreur ne constitue un vice du consentement que lorsqu’elle porte sur les qualités substantielles du produit ou du service objet du contrat. Toutefois, en matière de contrat de franchise, la jurisprudence a innové en reconnaissant la notion d’erreur substantielle sur la rentabilité économique d’un tel contrat.

Pour constituer un vice du consentement, l’erreur doit être excusable. C’est le cas lorsque l’erreur du franchisé est due à l’absence d’une information visée par l’article R.330-1 du Code de commerce et est a priori toujours excusable. En revanche, la solution est différente lorsque le franchisé a lui-même manqué à son obligation de s’informer. De la même manière, le franchisé ne pourra pas invoquer un vice du consentement s’il est un professionnel averti, car il est à même d’apprécier le caractère réaliste ou irréaliste des comptes prévisionnels communiqués par le franchiseur. La Cour de cassation exige tout de même qu’il doit être un professionnel de la même spécialité que le franchiseur. Par conséquent, le franchisé ne pourra obtenir la nullité pour erreur que s’il n’a aucune expérience professionnelle dans le milieu concerné par la franchise. En outre, le franchisé devra démontrer que la rentabilité économique constituait une qualité substantielle de la franchise déterminant son engagement. La preuve semble plus aisée qu’en matière de dol, car c’est bien la rentabilité économique de ses investissements que le franchisé a principalement en vue lorsqu’il contracte.

 

Conclusion 

 

Devenir franchisé implique nécessairement des investissements importants de sorte que le succès du projet est capital pour le franchisé ne serait que pour rembourser les investissements qu’il a engagé et de pouvoir honorer toutes ses charges d’exploitation. En pratique, ce succès s'évalue en termes de chiffre d’affaire réalisé par le franchisé. Un tel projet n’est pas sans risque pour le franchisé. Le risque réside dans le fait qu’un franchiseur propose, contre un droit d’entrée relativement élevé, un savoir-faire imaginaire ou insignifiant. Or le candidat franchisé choisit justement cette forme de distribution parce qu’il ne bénéficie d’aucune expérience commerciale. D’où la nécessité de mettre l’obligation d’information au cœur du contrat de franchise.  

 

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