Le Télétravail, une mutation souhaitée du droit social congolais

Publié le 05/04/2013 Vu 1 971 fois 0
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Le travail salarié ne se plie plus aux frontières traditionnelles qu'on lui connait, sans doute lui aussi semble ne pas résister à la métamorphose de la société dicté par les NTIC. Comme on le voit, parfois les habitudes peuvent précéder les réformes législatives ou règlementaires les plus souhaitées. Le droit du travail congolais est-il prêt à subir cette mutation? Cette chronique ne répond pas directement à la question, mais interroge d'ores et déjà le concept de télétravail.

Le travail salarié ne se plie plus aux frontières traditionnelles qu'on lui connait, sans doute lui aussi se

Le Télétravail, une mutation souhaitée du droit social congolais

C’est essentiellement par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) que s’opère une forme certaine de modernisation de la société et du droit. Ce dernier se laisse ranger par cette innovation majeure jusqu’à la jointure de sa structure, puis toutes ses branches l’intègrent totalement ou presque. Au rang des branches profondément affectées figurent le droit du travail, dont les fondements semblent ébranlés par des interrogations qui ne sont absolument pas traditionnelles à la discipline.

De façon notoire, le travail correspond à l’exercice d’une activité professionnelle sur un lieu et sous l’autorité d’un chef d’entreprise. Ce schéma ou modèle structural est depuis remis en cause, étant donné l’usage des technologies de l’information et la réformation du mode d’organisation du travail. Le corps de règles qui gouvernent les relations professionnelles tant sur le plan individuel que collectif ne se greffe pas aux technologies sans poser des problèmes d’ordre juridique. Autant qu’il est aisé de voir régresser les équilibres de la relation de travail et son caractère bancal est aussi motivé par le risque d’abus dans l’usage de ces technologies par l’une ou l’autre partie (atteinte à la vie privée ou un sage non professionnel).

Le télétravail est une activité professionnelle qui s’effectue hors du centre de production ou le lieu où l’employeur exerce le lien de subordination. Peut-on imaginer un salarié travaillant hors du lieu où l’employeur peut directement contrôler l’accomplissement de sa tâche ? Oui! Nous semble-t-il si nous nous en tenons aux exemples que constituent la sous-traitance et la sous-entreprise. Bien évidemment, ces deux cas de figure renvoient à une sorte de substitution du lien de subordination, si tant est que l’on puisse le dire. Le cas du télétravail est plutôt différent au regard de ce qu’il ne s’opère en aucun cas une substitution, même expéditive, du lien de subordination.

Il convient d’ores et déjà d’évincer toutes sortes de moulins à vent : ce phénomène nouveau, le télétravail, n’est pas l’apanage des pays développés. Certes, son irruption a sans doute suscité une véritable prise de conscience, tandis que dans les pays en développement, comme le notre, il étend son empire sans manifestement donner à réfléchir. S’agit-il d’un vide juridique ? Nous trouvons là l’occasion de lancer le débat ! En même temps, nous pouvons espérer un remodelage prochain du droit du travail, ce qui conduira les chefs d’entreprise à l’appliquer mutatis mutandis.

Le travailleur est en effet autonome. L’autonomie n’étant pas l’indépendance l’on comprend aussi simplement que le lien de subordination subit une métamorphose. Autrement dit, le lien de subordination ne meurt pas mais se transforme, d’ailleurs sa souplesse l’étend aux professions disposant d’une part de liberté[1].

Le télétravail est l’opération qui s’effectue à distance par le biais de l’informatique et/ou des outils de communication dans le cadre desquels le donneur d’ordre ne peut assurer physiquement l’exécution de la prestation de travail. Il est bien entendu différent de la télédisponibilité et du téléconseil qui sont des situations caractérisées par le contrôle physique de l’exécution de la prestation de travail.

Le télétravail implique l’explosion de deux situations contractuelles : le télétravail salarié et le télétravail indépendant. En premier lieu, le télétravail salarié reste soumis aux règles protectrices du droit du travail et bénéficie d’une sécurité sociale, l’employeur est le donneur d’ordre et de directives, fournit le matériel pour l’exécution de la prestation. Le télésalarié est partie à un contrat de travail et dispose d’une protection en matière de conditions de travail, de formation professionnelle et de garanties sociales qui couvrent aussi la phase de rupture du contrat de travail. En second lieu, le télétravail indépendant implique une part d’indépendance du télétravailleur, qui n’est pas soumis au droit du travail et choisit ses outils de travail autant que ses donneurs d’ordres. Il n’existe en effet pas de contrat de travail dans ce cas, par conséquent le télétravailleur est affranchi de tout lien de subordination.

A l’inverse, le télétravail reste continûment et aussi congénitalement lié à un rayon de problèmes juridiques.

 

C’est le cas de l’inéluctable interférence entre vie professionnelle et  vie privée due à la transformation du lien de subordination. Le fait est que la subordination au fond exclut toute forme d’autonomie puisqu’il n’est pas tenable de penser un instant qu’un employeur laisserait un salarié sans contrôler ses actions. Il exerce son contrôle lorsque le télétravailleur ne se trouve plus dans l’enceinte de l’entreprise, par le téléphone, le fax, l’Internet qui sont des instruments indiqués à sa disposition. Ces instruments mis à la disposition du salarié doivent être usagés pendant la durée conventionnelle de travail, en réponse aux directives et au contrôle de l’employeur. Ainsi, se fait jour un risque constant d’interférence et de confusion entre vie privée et vie professionnelle. D’ailleurs, que se passerait-il si un employeur appelle le salarié au-delà du temps de travail ?

 

C’est aussi le cas de la cybersurveillance qui constitue une difficulté dirimante au regard du pouvoir de contrôle qu’aimerait exercer un employeur. Il est indiqué qu’un dispositif de videosurveillance installé par un employeur au sein de l’entreprise donc sur le lieu de travail ne pose pas de problème. Mais cela devient délicat s’il faut concevoir un tel cas de figure pour un télétravailleur qui effectue ses tâches à domicile ou dans un endroit qui échappe au contrôle de son employeur. De ce fait, les problèmes juridiques qui se font jour vont de la question du respect des libertés individuelles à celle du respect de la vie personnelle en passant par l’interdiction de la violation du domicile.

En effet, un contrat de travail ne saurait produire comme conséquence juridique, l’installation d’un dispositif de surveillance chez le télétravailleur pour contrôler l’usage des outils à sa disposition ou le moyen d’exécution de sa tâche. Il reste entendu que c’est l’usage à des fins personnelles des outils qui devrait être contrôlé par l’employeur, l’intérêt de l’entreprise oblige le salarié à se conformer à une certaine éthique. La Cour de cassation a tranché face à l’équilibrisme apparent des poids et mesures qui se contrebalançaient à travers la jurisprudence Nikon[2].

 

Aubin NZAOU

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Orientation bibliographique

 

RAY J. E., Le droit du travail à l’épreuve des NTIC, Editions liaisons, Collection Droit

Vivant, 2ème édition, novembre 2001 ;

RADET C., Nouvelles technologies de l’information et de la communication et nouvelles formes de subordination, Droit social numéro spécial, janvier 2002 ;

Cass. Soc., 15 juin1999, RJS 1999, n°1049 ;

Cass. Soc., 2 octobre 2001, Dr. Soc. 2001, 920.

 



[1] RADET C., Nouvelles technologies de l’information et de la communication et nouvelles formes de subordination, Droit social numéro spécial, janvier 2002, p. 27.

[2] Cass. Soc. 2 octobre 2001, Dr. Soc. 2001, 920.

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