L'indemnisation du préjudice matériel devant la CIVI en l'absence de décision de condamnation

Publié le Modifié le 22/02/2023 Vu 2 465 fois 0
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Malgré l'absence de décision de condamnation, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) demeure compétente pour indemniser le préjudice matériel d'une victime d'infractions relevant de l'atteinte aux biens.

Malgré l'absence de décision de condamnation, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI

L'indemnisation du préjudice matériel devant la CIVI en l'absence de décision de condamnation

Le cabinet MGL intervient trés régulièrement pour la défense de victimes, que ce soit au stade de l'enquête, de l'instruction ou du jugement. 

Dans des infractions en droit pénal des affaires, il arrive régulièrement que les auteurs ne soient pas identifiés.

Lorsque l'identification de l'auteur d'une infraction d'atteinte aux biens (exemple : escroquerie) n'est pas identifiable, il n'y aura pas de procès pénal.

Néanmoins, l'indemnisation reste possible.

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Nombreuses sont les victimes d'infractions d'atteinte aux biens qui considèrent leurs causes perdues d'avance.


En effet, face à des infractions particulièrement complexes et/ou transfrontalières, les auteurs restent parfois non identifiés (exemple : escroquerie sur internet ; vol mettant en cause des personnes en fuite à l'étranger).


Un classement sans suite pour "auteurs non identifiés" ou "infraction insuffisamment caractérisée" est souvent rendu quelques mois après le dépôt de plainte à la gendarmerie.

Sans conseil avisé en procédure pénale ou sans assurance indemnisant le préjudice, il sera très compliqué, voir impossible, d'obtenir une indemnisation. 

Pourtant, même pour des atteintes aux biens (relevant souvent de la matière délictuelle), il est tout à fait possible de saisir un juge d'instruction en application de l'article 85 du code de procédure pénale.


Il convient à ce titre d'être particulièrement attentif aux exigences posées à l'alinéa 2 de l'article 85 du code de procédure pénale : 

"Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42.

 

Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire. Cette condition de recevabilité n'est pas requise s'il s'agit d'un crime ou s'il s'agit d'un délit prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou par les articles L. 86, L. 87L. 91 à L. 100L. 102 à L. 104L. 106 à L. 108 et L. 113 du code électoral."

Ainsi, la plainte devant le doyen des juges d'instruction en matière délictuelle est possible uniquement après un classement sans suite ou l'absence de réponse passé l'expiration d'un délai de 3 mois à compter de la plainte simple déposée entre les mains du procureur de la république ou de la plainte déposée en gendarmerie et transmise au procureur. 

La procédure d'instruction permettra à la victime d'avoir une connaissance bien précise de son dossier. Cela lui permettra également de faire différentes demandes pour tenter de faire évoluer favorablement l'instruction. Elle pourra avoir une copie du dosser après son audition devant le juge d'instruction.

Le juge d'instruction aura des pouvoirs bien plus étendus que le procureur de la République agissant dans le cadre d'une enquête préliminaire.

Si le juge d'instruction ne parvient pas identifier les auteurs à cause des dissimulations de ces derniers, il rendra nécessairement une ordonnance de non-lieu. Néanmoins, dans le cadre de cette ordonnance, il sera en mesure de déterminer si une infraction a ou non été commise. 

Par le biais de la caractérisation d'une infraction pénale, il sera tout à fait possible de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).

Rappelons utilement que l'article R214-6 du Code de l'Organisation Judicaire (COJ) fixe la compétence territoriale de la CIVI : 

"La commission territorialement compétente est, au choix du demandeur :

Soit celle dans le ressort de laquelle il demeure, s'il réside en France métropolitaine, dans un département d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie ;

Soit, si une juridiction pénale a été saisie en France métropolitaine, dans un département d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie, celle dans le ressort de laquelle cette juridiction à son siège.

A défaut, la commission territorialement compétente est celle du tribunal judiciaire de Paris.

En cas de pluralité de demandeurs victimes d'une même infraction, la commission saisie par l'un d'entre eux peut être également saisie par les autres quel que soit leur lieu de résidence."

La saisine de la commission d'indemnisation, dans ce cas précis, est fondée sur l'article 706-14 du code de procédure pénale, lequel précise :  

"Toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 (3° et dernier alinéa) à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille. 

 

L'indemnité est au maximum égale au triple du montant mensuel de ce plafond de ressources." 

 

Cette disposition n'impose pas que l'auteur de l'infraction soit identifié ou condamné. Il suffit uniquement de pouvoir démontrer que nous sommes victime d'une infraction d'atteinte aux biens (vol, escroquerie, abus de confiance, extorsion de fonds, destruction / dégradation / détérioriation).

Une ordonnance de non-lieu détaillant l'infraction pour laquelle le justiciable est victime permettra aisément de satisfaire ce critère.

 

Il convient ensuite de démontrer que l'infraction a placé la victime dans une situation matérielle ou psychologique grave. Il va de soi qu'une situation financière précaire avant l'infraction permettra de démontrer que celle-ci n'a fait qu'amplifier les difficultés économiques de la victime. La détresse psychologique pourra être démontrée grâce à des certificats médicaux ou des attestations de proches. 

 

Seules les personnes bénéficiaires, à minima, de l'aide juridictionnelle partielle peuvent prétendre à l'application de l'article 706-14 du code de procédure pénale. 

 

En 2023, l'aide juridictionnelle totale est accordée aux justiciables bénéficiant d'un revenu fiscal de référence annuel inférieur ou égal à 12.271 euros (1.023 euros par mois). L'octroi de l'aide juridictionnelle partielle implique un revenu fiscal de référence mensuel inférieur ou égal 1.209 euros. Ainsi, les victimes bénéficiant d'un revenu fiscal de référence mensuel supérieur à 1.209 euros ne sont pas éligibles aux dispositions de l'article 706-14 du code de procédure pénale.

 

Enfin, en 2023, l'indemnisation octroyée par la CIVI sera plafonnée à 4.341 euros. Si cela peut paraître faible, il convient de préciser que la plupart des escroqueries portent sur des montants de cet ordre. En effet, des escroqueries sur des montants plus importants sont difficilement mises en place à grande échelle.

 

Dés que la requête est déposée, elle est transmise au fonds de garantie afin qu'il se positionne.

 

Il peut faire formuler à la victime une proposition d'indemnisation. 

 

Néanmoins, fort souvent, le fonds de garantie refusera la régularisation d'un accord transactionnel avant audience en estimant que la victime a commis une faute de négligence conduisant à la réalisation de son propre dommage. 

 

Cet axe de défense est prévu à l'article 706-3 dernier alinéa, lequel précise : 

 

"Toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :

1° Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l'article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d'occasionner des dégâts ;

2° Ces faits :
-soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;
-soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;

3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national.

La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime"

 

Dans ce cas, le dossier sera audiencé devant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction. 

 

La victime pourra démontrer qu'elle n'a commis aucune faute justifiant l'exclusion ou la diminution de son droit à indemnisation. Le fonds de garantie a en effet trop souvent pris l'habitude de considérer qu'une escroquerie ne pouvait arriver qu'à une victime négligente, oubliant ainsi que les escrocs pouvaient faire preuve d'une certaine ingénierie.

 

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Par une décision rendue en février 2023, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions près le tribunal judiciaire de CAEN a fait une parfaite application des textes et principes développés ci-dessus.

 

En effet, le cabinet MGL a été saisi par une victime d'escroquerie internationale. Il s'agissait d'un système particulièrement complexe mêlant des usurpations d'identités, des faux et du droit pénal des affaires. 

 

Appauvrie de plusieurs milliers d'euros, la victime a sollicité l'intervention du cabinet MGL après réception d'une décision de classement sans suite. 

 

Le juge d'instruction a été saisi fin 2020 d'une plainte avec constitution de partie civile.

 

Malgré une instruction dans laquelle ont été mises en oeuvre des actes d'instruction particulièrement efficaces, les auteurs n'ont pas pu être identifiés. Par contre, il a clairement été mis en exergue qu'une escroquerie avait été commise.

 

Si l'ordonnance de non-lieu rendue en avril 2022 n'a pas permis l'ouverture d'une audience devant une juridiction pénale, celle-ci était suffisamment détaillée pour permettre à la victime de faire valoir ses droits devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions. 

 

Tel fût le cas par le dépôt d'une requête dans les jours qui ont suivi l'ordonnance de non-lieu. 

 

Le fonds de garantie n'a pas émis de proposition d'indemnisation en considérant que la victime avait commis une faute de négligence (avis curieusement suivi par le procureur de la République alors même qu'il avait pris quelques mois auparavant un réquisitoire introductif pour l'ouverture de l'instruction...).

 

La procédure devant la CIVI suit les règles de la procédure civile et permet bien évidemment de répondre aux arguments du fonds de garantie par le biais de conclusions. La complexité de l'escroquerie, l'usage de faux nom / fausse qualité, l'intervention de tiers de bonne foi et la multiplicité des victimes ont permis au cabinet MGL de démontrer l'absence de négligence blâmable de la victime. 

 

Après une audience de plaidoirie, la CIVI a finalement fait droit intégralement aux demandes de la victime et ce par une décision rendue en février 2023.

 

S'il a certes été nécessaire de saisir un juge d'instruction après le dépôt de plainte puis la commission d'indemnisation des victimes d'infractions et de faire face à une procédure qui a duré un petit peu plus de 2 ans, la victime a été quasiment intégralement indemnisée et la procédure a été menée du début à la fin par le cabinet.

 

 

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