Cons. const., 2 mars 2018, n°2017-693 QPC
Le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par l'Association de la presse judiciaire, portant sur l'application du premier alinéa de l'article 11 du Code de procédure pénale.
Aux termes de cette disposition, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toutes les personnes qui concourent à la procédure sont tenues à ce secret (magistrats, greffiers, huissiers, officiers et agents de police judiciaire, enquêteurs de personnalité...).
Lorsque la violation du secret a lieu simultanément à la réalisation d'un acte d'enquête ou d'instruction, elle entraîne sa nullité, à la condition qu'elle ait eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne (Cass. crim., 11 juillet 2017, 17-80.313).
La Cour de cassation a déjà considéré par un arrêt remarqué que la seule présence lors d’une perquisition d’un tiers, qui en capte le déroulement par le son ou l’image, viole le secret de l’enquête et de l’instruction (Cass. crim., 10 janvier 2017, n°16-84.740).
Afin de tirer les conséquences de cet arrêt, le ministre de la justice a adressé le 27 avril 2017 une dépêche aux procureurs généraux, procureurs de la République, premiers présidents et présidents de tribunaux, dont les termes étaient les suivants :
« Le sens de cette décision justifie qu’à l’avenir aucune personne, autre que celles concourant à la procédure au sens de l’article 11 du code de procédure pénale, et en particulier aucun journaliste, ne puisse assister à l’accomplissement d’une perquisition – et a fortiori ne puisse capter des images de son déroulement –nonobstant l’accord de la personne concernée et l’autorisation délivrée par une autorité publique."
Cette dépêche a déclenché l'ire d'une grande partie des professions de presse qui contestent le caractère absolu de l’interdiction de leur présence lors d'une perquisition, dans un contexte de remise en cause grandissante de leur travail...
C'est dans ces conditions que l'association précitée a fait déposer une QPC afin de remettre en cause la constitutionnalité de l'article 11 du Code de procédure pénale.
En premier lieu, le Conseil constitutionnel a implicitement reconnu que le caractère absolu de l'interdiction prive les journalistes de toute possibilité de réaliser un reportage audiovisuel sur une perquisition.
En second lieu, le Conseil constitutionnel a affirmé que l'atteinte à la liberté d'experssion et à son corollaire qui est l'information du public est nécessaire car :
« la portée du secret instauré par les dispositions contestées est limitée aux actes d’enquête et d’instruction et à la durée des investigations correspondantes » et que « ces dispositions ne privent pas les tiers, en particulier les journalistes, de la possibilité de rendre compte d’une procédure pénale et de relater les différentes étapes d’une enquête et d’une instruction ».
Le Conseil constitutionnel a relevé, par ailleurs, que législateur avait « prévu plusieurs dérogations» au secret de l’enquête et de l’instruction, citant à titre d’exemple les « fenêtres de publicité » régies par le troisième alinéa de l’article 11 du CPP.
En définitive, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le premier alinéa de l’article 11 du CPP, affaiblissant encore la protection du travail des médias.
Par ailleurs, deux textes ayant suscité des inquiétudes chez certains journalistes seront prochainement étudiés : la proposition de loi de transposition de la directive « secret des affaires », qui sera étudiée en urgence la semaine prochaine en commission, ainsi que la loi contre les « fake news ».
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