Les items sélectionnés sont :
1. Les sociétés dites « art. 8 » ayant opté pour l’IS peuvent y renoncer
2. Incorporation des dispositifs dits « hybrides » au droit français
3. Les données ouvertes de plateformes en ligne
4. Le marché européen des pertes (CJUE Marks & Spencer)
5. L’apport-cession de titres : la vente à soi-même n’est pas un réinvestissement économique
6. Suite de l’arrêt « De Ruyter » : le prélèvement de solidarité n’est pas un prélèvement social
7. Le tribunal administratif de Montreuil commet une entorse au régime de pleine concurrence
1 Les sociétés dites « art. 8 » ayant opté pour l’IS peuvent y renoncer
Pour orienter l'entrepreneur entre les différents régimes d'imposition, le Pr Maurice Cozian enseignait que l'IR est adapté aux entreprises de subsistance, l'IS aux entreprises de croissance. Car la translucidité fiscale (i.e. régime fiscal des sociétés de personnes) se prête à la distribution de bénéfices à des associés faiblement imposés ayant besoin de revenus complémentaires, tandis que les contribuables les plus lourdement taxés et qui n'ont pas le même besoin ont normalement intérêt à assujettir leur société à l'IS, les bénéfices réalisés par celle-ci ne subissant alors qu'une imposition modérée tant qu'ils ne sont pas distribués ; ils peuvent donc être réinvestis par la société à moindre coût fiscal.
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La renonciation à l'option pour l'IS permise par la loi de finances pour 2019 évite de trop pénaliser les contribuables des structures concernées qui s'aperçoivent que cette option se révèle inadaptée à leur activité : ils pourront faire l'essai de ce régime d'imposition pendant au maximum cinq ans. Mais la principale vertu de la mesure est sans doute de vaincre les réticences des entrepreneurs à choisir l'IS lorsque leur structure offre le profil prometteur d'une entreprise de croissance.
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La mesure n'est pas réservée pour autant aux entreprises ayant une activité réellement économique : elle peut s'appliquer aussi bien aux structures ayant un objet patrimonial : SCI, sociétés civiles de portefeuille ou de patrimoine… Toutefois, les conséquences de la renonciation à l'option pour l'IS s'avèrent sensiblement différentes selon l'objet de la société.
2 Les dispositifs hybrides dans le PLF 2020
Les dispositifs hybrides sont un concept de fiscalité internationale que tout fiscaliste international a utilisé sans les nommer. Il s’agit d’utiliser une discordance d’analyse juridique entre 2 Etats pour bénéficier d’une double déduction dans les deux Etats, d’une absence d’imposition dans les 2 Etats, d’une déduction dans un Etat sans que le produit correspondant ne soit taxé dans l’autre Etat.
A noter que la législation sur les dispositifs hybrides ne concerne que les entreprises associées dont l’une détient plus de 50% de celles situées dans l’autre Etat.
A noter aussi que les dispositifs hybrides ne concernent pas la taxation des contrats long terme à l’étranger. En effet, du fait de la discordance entre les règles d’attribution du résultat entre le « onshore » et le « offshore », le total des parts taxées dans les 2 Etats peut être inférieur au résultat consolidé du contrat.
Les exemples les plus connus en France de dispositifs hybrides concernent les relations avec les Etats-Unis. Ainsi un partnership aux Etats-Unis ou une LLC pourront être considérés aux Etats-Unes comme opaques ou transparents, et l’inverse en France ; des sommes considérées comme une mise en capital en France seront de la dette en France.
Le point le plus remarquable du projet de loi français est son américanisation.
Comme en droit américain, le plus long et le plus important de l’article est consacré aux définitions. C’est rare en France et c’est un procédé purement américain.
Situation visée |
Débiteur |
Bénéficiaire (ou double débiteur) |
Traitement fiscal du flux sans neutralisation |
Cause de l'asymétrie |
Mesure de neutralisation |
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État de résidence du débiteur |
État de résidence du bénéficiaire |
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Paiement effectué au titre d'un instrument financier |
Entreprise associée |
Entreprise associée |
Charge déductible |
Produit non inclus dans les revenus imposables |
Différence de qualification de l'instrument ou du paiement |
Charge déductible de l'IS en France : non-admission de la déduction |
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Paiement en faveur d'une entité hybride |
Entreprise associée |
Entité hybride |
Charge déductible |
Produit non inclus dans les revenus imposables |
Différences dans l'attribution des paiements versés à l'entité hybride |
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Paiement effectué par une entité hybride |
Entité hybride |
Associé |
Charge déductible |
Produit non inclus dans les revenus imposables |
Non-prise en compte du paiement par l'État de résidence du bénéficiaire |
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Paiement en faveur d'une entité disposant d'un ou de plusieurs établissements |
Entreprise associée |
Entité disposant d'un ou de plusieurs établissements |
Charge déductible |
Produit non inclus dans les revenus imposables |
Différences dans l'attribution des paiements |
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Paiement en faveur d'un établissement |
Entreprise associée |
Établissement dans un autre État |
Charge déductible |
Produit non inclus dans les revenus imposables |
Non-prise en compte de l'établissement par cet autre État |
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Paiement réputé effectué entre un établissement et son siège ou entre deux ou plusieurs établissements |
Établissement |
Siège ou autre établissement |
Charge déductible |
Produit non inclus dans les revenus imposables |
Non-prise en compte du paiement par l'État de résidence du bénéficiaire |
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Double déduction |
Entité hybride ou établissement |
Siège ou investisseur |
Charge déductible |
Charge déductible dans l'État de l'investisseur ou dans l'État du siège |
Double déduction |
Investisseur établi en France : charge non déductible |
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3 les données ouvertes des plateformes en ligne pourraient être utilisées pour des contrôles fiscaux
A titre expérimental pour une durée de 3 ans, l'administration fiscale et l'administration des douanes et des droits indirects pourraient collecter et exploiter, au moyen de traitements informatisés et automatisés n'utilisant aucun système de reconnaissance faciale, les contenus librement accessibles publiés sur Internet par les utilisateurs de plateformes en ligne afin de détecter les comportements frauduleux.
Sont visées les plateformes de mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service (C. consom. art. L 111-7). En pratique, il s'agit notamment des réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter…) mais également des sites de vente de biens et services (Le Boncoin, eBay etc.).
Les comportements frauduleux recherchés sont les activités occultes, le commerce de marchandises prohibées, l'inadéquation entre les éléments déclarés et le train de vie.
À noter
Cette technique de datamining est déjà utilisée au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada. En France actuellement, seules les informations déclarées à l'administration (par exemple les déclarations fiscales ou déclarations en douane) ou provenant d'autres administrations (via l'échange automatique d'informations notamment) et de bases de données payantes peuvent faire l'objet de traitements informatiques.
Les données publiques recueillies seraient détruites dans un délai de 30 jours à compter de leur collecte si elles ne sont pas de nature à concourir à l'identification de manquements graves ou dans un délai d'un an si elles sont de nature à concourir à la constatation d'infractions. Utilisées dans le cadre d'une procédure pénale, fiscale ou douanière, ces données pourraient être conservées jusqu'au terme de la procédure.
Les traitements informatiques seraient réalisés par des agents spécialement habilités à cet effet.
4 Le marché européen des pertes
D’une manière générale, les pertes d’une société sont reportables en avant. Elles sont ainsi une sorte de créance d’impôt. L’administration fiscale tente donc par tous moyens de limiter le transfert des pertes en cas de modification de l’actionnariat, par la voie de la nécessité de maintenir la même activité.
La CJUE considère que les pertes d'une filiale non résidente devenues définitives peuvent être transférées au sein de l'intégration fiscale de la société mère intégrante. Pour cela, il appartient à cette dernière de démontrer qu'il lui est impossible de valoriser ces pertes en faisant en sorte, notamment au moyen d'une cession, qu'elles soient fiscalement prises en compte au titre d'exercices futurs.
En France, le tribunal administratif de Montreuil a récemment admis que les pertes devenues définitives à la suite de la liquidation d'une filiale non résidente soient imputées sur le résultat fiscal intégré d'une société mère française (TA Montreuil 17-1-2019 n° 1707036, Groupe Lucien Barrière : RJF 4/19 n° 402).
Par deux décisions en date du 19 juin 2019, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) vient d'apporter des précisions sur la possibilité de transférer les pertes devenues définitives subies par une filiale ou une sous-filiale non résidente à la société tête d'un groupe intégré, revisitant ainsi la jurisprudence « Marks & Spencer » (CJUE 19-6-2019 aff. 607/17, Skatteverket c/ Memira Holding AB ; CJUE 19-6-2019 aff. 608/17, Skatteverket c/ Holmen AB : à la RJF 10/19 n° 992 et 993).
Le fondement jurisprudentiel du transfert de pertes d'un État membre à l'autre
Par un arrêt de grande chambre Marks & Spencer (CJUE 13-12-2005 aff. 446/03 : RJF 2/06 n° 227), la CJUE a jugé qu'une restriction à la liberté d'établissement tenant à une limitation du droit d'une société de déduire les pertes d'une filiale étrangère, alors que cette déductibilité est accordée à une filiale résidente, est justifiée par la nécessité de préserver la répartition équilibrée des pouvoirs d'imposition entre les États membres et de faire obstacle aux risques de double emploi des pertes ainsi que d'évasion fiscale (points 43 à 51).
Au point 55, la Cour a toutefois précisé que cette restriction serait disproportionnée lorsque la filiale non résidente a épuisé toutes les possibilités de prise en compte de ses propres pertes et qu'il n'existe pas de possibilité pour que ces pertes puissent être prises en compte soit par elle-même, soit par un tiers au moyen d'une cession de la filiale à celui-ci.
5 Apport-cession : la vente à soi-même n’est pas un réinvestissement économique
CE 9°-10° ch 10 juillet 2019 n° 411474
Lorsqu'une opération d'apport-cession de titres a été placée en sursis d'imposition avant le 14 novembre 2012, le réinvestissement du produit de la cession dans l'acquisition de titres appartenant au contribuable ne présente pas un caractère économique.
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Le Conseil d'État n'a pas encore épuisé toute sa jurisprudence relative au caractère abusif de certaines opérations d'apport-cession de titres placées en sursis d'imposition avant le 14 novembre 2012, comme en témoigne un récent arrêt publié aux tables du Recueil Lebon. Il précise la portée du critère de réinvestissement économique du produit de la cession, estimant notamment que le réinvestissement dans l'acquisition de titres appartenant au contribuable ne présente pas un caractère économique.
À noter
Depuis le 14 novembre 2012, les opérations d'apport-cession sont encadrées par un dispositif de report d'imposition de plein droit de la plus-value d'apport à une société contrôlée (CGI art. 150-0 B ter).
Contexte du litige
Les contribuables avaient apporté à une société civile ayant opté pour l'impôt sur les sociétés dont ils avaient le contrôle les titres d'une société opérationnelle dont l'un d'eux était salarié et mandataire social. La plus-value d'échange avait bénéficié d'un sursis d'imposition en application de l'article 150-0 B du CGI. La société civile avait cédé à bref délai les titres apportés, ce qui lui avait permis de réaliser des investissements dans plusieurs sociétés ayant des activités diversifiées (rénovation d'un camping, construction d'une résidence hôtelière, reprise d'une société de transport, création d'un lotissement, etc.).
Pour cela, elle avait acquis directement auprès des contribuables trois sociétés ayant pour objet de soutenir ces projets, puis elle avait favorisé leur réalisation par l'octroi de prêts à ces sociétés conjointement avec des établissements bancaires. Le surplus du produit de la cession avait été réinvesti dans un contrat de capitalisation qui avait servi de garantie à un découvert bancaire affecté à ces investissements. Toutefois, des difficultés rencontrées (lenteur dans la délivrance d'autorisations d'urbanisme, insolvabilité d'un tiers investisseur ou encore changement de réglementation) avaient retardé ou même empêché la réalisation de certains de ces projets.
L'administration avait remis en cause le bénéfice du sursis d'imposition de la plus-value d'échange sur le terrain de l'abus de droit fiscal (LPF art. L 64). Le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel avaient rejeté la demande des contribuables en décharge des suppléments d'imposition (CAA Marseille 13-4-2017 n° 15MA02553). Le Conseil d'État censure l'arrêt de la cour administrative d'appel pour erreurs de droit et renvoie l'affaire pour être rejugée au fond.
6 Suite de l’arrêt De Ruyter : le prélèvement de solidarité passe de 2 à 7.5% et n’est pas considéré comme un prélèvement social
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a notamment modifié les règles de territorialité de certains prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Des questions étant régulièrement posées sur ce thème à L'Appel expert, service de renseignement juridique par téléphone du Groupe Lefebvre Sarrut, il nous a paru utile d'en rappeler les grands principes.
Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ont été réformés en profondeur par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 pour notamment tirer les conséquences de l'arrêt « de Ruyter ». Les trois composantes des prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement de solidarité) telles qu'issues de cette réforme s'appliquent, sous réserve de diverses exceptions, aux faits générateurs d'imposition intervenant à compter du 1er janvier 2018 pour les revenus du patrimoine et à compter du 1er janvier 2019 pour les produits de placement.
La CSG et la CRDS sont dues sur les revenus du patrimoine et les produits de placement perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du CGI (CSS art. L 136-6 et L 136-7), sous réserve qu'elles ne soient pas considérées comme résidentes d'un autre État en vertu d'une convention fiscale conclue par la France. Sont également redevables de la CSG et de la CRDS les non-résidents à raison de leurs revenus fonciers de source française et de leurs plus-values immobilières de source française réalisées directement ou indirectement.
Toutefois, en tant que prélèvements sociaux destinés à financer la protection sociale et à résorber l'endettement de la sécurité sociale, la CSG et la CRDS ne peuvent plus s'appliquer aux revenus des personnes qui relèvent d'un régime de sécurité sociale d'un autre État membre de l'Espace économique européen (Union européenne, Islande, Liechtenstein, Norvège) ou de la Suisse, sans être à la charge d'un régime obligatoire français de sécurité sociale. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale précitée, ces personnes, quel que soit le lieu de leur domicile fiscal en France ou à l'étranger, sont expressément exonérées de CSG et de CRDS sur leurs revenus du patrimoine et sur leurs produits de placement.
En contrepartie de cette mesure d'exonération en matière de CSG et de CRDS et pour préserver le rendement budgétaire des prélèvements sociaux, le prélèvement de solidarité codifié à l'article 235 ter du CGI, et dont le produit est affecté au budget de l'État, a vu son taux relevé à 7,5 % par la même loi précitée.
Le taux du prélèvement de solidarité a été porté de 2 % à 7,5 % pour compenser la baisse du taux de la CSG de 9,9 % à 9,2 % et la suppression du prélèvement social de 4,5 % et de sa contribution additionnelle de 0,3 %. Le taux de la CRDS est resté inchangé à 0,5 %.
Le prélèvement de solidarité est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la CSG sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement (CSS art. L 136-6 et L 136-7), à l'exception notable de l'exonération des personnes qui relèvent d'un régime de sécurité sociale d'un autre État membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse, sans être à la charge d'un régime obligatoire français de sécurité sociale. Cette exception ne s'applique pas en matière de prélèvement de solidarité.
Le prélèvement de solidarité est dû indifféremment sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France et par les personnes non résidentes à raison des revenus fonciers et des plus-values immobilières de source française, sans considération du régime d'affiliation de ces personnes à un régime de sécurité sociale en France et/ou à l'étranger.
7 Tribunal administratif de Montreuil : une entorse au sacro-saint principe de pleine concurrence entre sociétés liées
Par un jugement du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil a considéré que la rémunération d’obligations convertibles en action d’une filiale d’EDF à une autre filiale d’EDF n’avait pas de sens car la conversion en actions au sein d’un même groupe n’avait pas d’intérêt. Dès lors la rémunération des obligations retenues est celle d’obligations non convertibles.
La société Électricité de France International (EDFI), filiale intégrée de la société EDF, a souscrit en 2009 à des obligations convertibles en actions émises par la société de droit anglais EDF Energy UK Ltd (EDFE), filiale britannique à 100 % de la société EDFI. Ces obligations convertibles avaient une maturité de 5 ans. Elles pouvaient être converties en actions ordinaires par le porteur à tout moment à l'issue d'une période de blocage de trois ans. Chaque obligation d'un nominal de 50 000 € donnait droit après conversion à recevoir 36 576 actions EDFE.
Le problème fiscal posé par cette affaire concerne la rémunération perçue par EDFI au titre des obligations en question. Le tribunal relève que « le coupon annuel de rémunération des obligations convertibles en actions a été fixé à 1,085 % alors que le taux d'emprunt sur des obligations classiques [c'est-à-dire non convertibles] aurait été de 4,41 % ». Or, selon l'administration, la société EDFI aurait dû être imposée, non pas sur les intérêts perçus au taux de 1,085 %, mais sur ceux qu'elle aurait dû percevoir, à savoir ceux calculés sur la base d'un taux de 4,41 %. La différence entre les deux montants a donc fait l'objet d'une réintégration dans le résultat taxable de la société mère sur le fondement de l'article 57 du CGI.
Le désaccord entre les parties au litige tient à la question de savoir si l'option de conversion inhérente au mécanisme de l'obligation convertible justifie une rémunération plus faible que celle qui aurait été perçue en présence d'obligations non convertibles.
La position du contribuable à cet égard consiste à soutenir que si l'obligation convertible avait été souscrite par un tiers, la pratique de marché aurait forcément été celle suivie en l'espèce. Tout l'équilibre financier d'une obligation convertible repose en effet sur la dimension « gagnant-gagnant » de l'opération pour les deux parties (souscripteur et émetteur) :
- le souscripteur accepte une rémunération inférieure à celle d'une obligation simple dans l'espoir de bénéficier, le jour de la transformation de l'obligation en action, d'un gain de conversion égal à la différence entre la valeur des titres reçus et le prix effectif d'acquisition des mêmes titres (lequel correspond, pour chaque titre, au nominal de l'obligation divisé par le nombre de titres reçus lors de la conversion de l'obligation) ; on note d'ailleurs qu'en l'espèce, le pari fait par le souscripteur a été gagné puisque le gain de conversion s'est avéré nettement supérieur à la rémunération à laquelle EDFI a renoncé pendant la durée de vie de l'obligation ;
- l'émetteur bénéficie, pendant la durée de vie de l'obligation, d'un coût de financement inférieur à celui qu'il aurait supporté si l'obligation n'avait pas été convertible.
Cette analyse n'a toutefois pas convaincu l'administration, et le tribunal à sa suite. Celui-ci a en effet considéré que, « dès lors que la société EDFI détenait sa filiale à 100 %, la conversion des obligations convertibles en nouvelles actions de la société EDFE aurait, en tant que tel, pour effet immédiat de réduire la valeur des actions de la société EDFE détenues antérieurement à cette conversion ». Le raisonnement du tribunal consiste ainsi à considérer que puisque le souscripteur des obligations était un actionnaire (qui plus est à 100 %), le gain de conversion était en réalité annulé par la perte de valeur des titres antérieurement détenus, perte de valeur résultant de la création de nouveaux titres suite à la conversion.
Le tribunal a par ailleurs considéré que les transferts de bénéfices à l'étranger devaient, en application des dispositions combinées des articles 109 et 111 du CGI, être regardés comme des revenus distribués qui, en vertu des dispositions de l'article 119 bis, 2 du même Code, sont passibles de la retenue à la source lorsque leur bénéficiaire a son siège hors de France (retenue réduite en application de la convention franco-britannique).
Une telle analyse est-elle compatible avec le principe de pleine concurrence qui inspire l'interprétation de l'article 57 du CGI ?
Le principe de pleine concurrence (en résumé)
Dans le premier chapitre des « Principes applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales » (dans leur version de 2017), l'OCDE expose l'essence du principe de pleine concurrence de la façon suivante : « le principe de pleine concurrence adopte la démarche consistant à traiter les membres d'un groupe multinational comme des entités distinctes et non comme des sous-ensembles indissociables d'une seule entreprise unifiée. En procédant de cette manière, on met l'accent sur la nature des transactions entre les membres du groupe multinational et sur le fait de savoir si les conditions de ces transactions contrôlées diffèrent de celles qui seraient obtenues pour des transactions comparables sur le marché libre. Cette analyse des transactions contrôlées et des transactions sur le marché libre, appelée « analyse de comparabilité », est au cœur de l'application du principe de pleine concurrence » (paragraphe 1.6).
Il est intéressant de constater que cette analyse de comparabilité repose, dans l'analyse de l'OCDE, sur l'idée que le traitement identique de transactions entre entités liées et entre entités indépendantes vise à éviter toute distorsion de traitement entre des entreprises selon qu'elles appartiennent ou non à un groupe. Comme l'indique le paragraphe 1.8 des « Principes », « l'une des raisons primordiales [de l'adoption du principe de pleine concurrence] est que ce principe permet de traiter à peu près sur un pied d'égalité les entreprises multinationales et les entreprises indépendantes. En s'efforçant d'harmoniser le régime fiscal des entreprises associées et des entreprises indépendantes, le principe de pleine concurrence évite que l'une ou l'autre de ces catégories d'entreprises ne soit désavantagée sur le plan fiscal, ce qui fausserait les positions concurrentielles relatives ».