Cass. 1ère civ, 6 mars 2013

Publié le 17/10/2021 Vu 1 951 fois 0
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Divorce dans le cadre d'un mariage mixte simulé : quelle est la loi applicable ?

Divorce dans le cadre d'un mariage mixte simulé : quelle est la loi applicable ?

Cass. 1ère civ, 6 mars 2013

 

Chapitre préliminaire : Le contentieux

«Essence même du mariage», «centre de gravité du mariage», «consubstantiel», le consentement de l’article 146 du Code civil est l’élément princeps de l’union matrimoniale. 

La première chambre civile de la Cour de cassation rend alors un arrêt le 6 mars 2013 relatif au caractère obligatoire de la règle de conflit, et in fineà la loi applicable au consentement et au contrôle de l’intention matrimoniale, dans le cadre d’un mariage mixte, soupçonné simulé. 

En l’espèce, il s’agit d’un couple mixte (l’époux est algérien et l’épouse est française), dont le divorce a été prononcé en Algérie en 2009. 

Seulement, l’épouse effectue une demande en annulation du mariage pour défaut de volonté matrimoniale du mari. 

L’époux alors débouté de sa demande par la Cour d’appel, se pourvoit en cassation. 

En effet, celle-ci avait estimé que la demande d’annulation du mariage présentée par l’épouse était recevable. L’action négatoire de nationalité introduite par le ministère public à l’encontre de l’époux n’avait pas le même objet que la demande en annulation du mariage présentée par l’épouse. 

Dès lors, en matière de droits indisponibles, la règle de conflit s’impose-t-elle au juge français ? Quelle serait la loi applicable au consentement et au contrôle de l’intention matrimoniale ?

Ainsi, si cet arrêt constitue un rappel aux juges du fond de leurs obligations procédurales à l’égard de la règle de conflit (Chapitre I), la conception des juges du droit demeure stricte quant au consentement des époux dans le cadre d’un mariage mixte simulé (Chapitre II). 

Chapitre I : Le rappel aux juges du fond leurs obligations procédurales à l'égard de la règle de conflit

Cette espèce rappelle aux juges leurs obligations à l’égard de la règle de conflit en cas de droits indisponibles, notamment à travers l’adhésion de la Cour à une logique jurisprudentielle (§1). 

Persiste en outre l’intransigeance quant à l’application d’une loi autre que celle désignée par la règle de conflit, impliquant l’impossibilité d’un éventuel accord procédural (§2). 

 §1 - L'adhésion de la Cour à une logique jurisprudentielle : une règle de conflit obligatoire en cas de droit indisponibles 

Dans cet arrêt, la Cour de cassation semble suivre une logique jurisprudentielle établie par l’arrêt Covecoen 1990. En effet, la Cour de cassation, pourtant animée par le souci d’alléger la charge incombant aux juges du fond, avait réaffirmé le caractère facultatif de la règle de conflit dans les matières où les parties sont maitresses de leurs droits. 

Autrement dit, dans le cadre de matières disponibles, la règle de conflit est facultative. En cas de matières indisponibles, la règle de conflit est obligatoire. A travers cette nuance, la Cour conserve les mérites de l’arrêt Bisbal.

Ainsi, en l’espèce, il s’agit d’une demande en annulation de mariage de la part de l’épouse, donc de droits indisponibles. Les juges ne manquent donc pas de rappeler la charge qui incombe au juge français « pour les droits indisponibles, de mettre en œuvre la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle ».  

Cependant, pourquoi ne pas appliquer d’office en toutes matières la règle de conflit alors même qu’elle désigne une loi étrangère, parce qu’elle est du droit ? 

 §2- De lege lata, l’impossibilité d’un accord procédural

En l’espèce, les deux époux sont de nationalités différentes : l’époux est algérien et l’épouse est française, celle-ci demandant l’annulation du mariage pour défaut d’intention matrimoniale. Comme mentionné précédemment, les droits en question sont donc indisponibles et la règle de conflit obligatoire. 

Toutefois, il peut arriver que les parties invoquent une autre loi que celle désignée par la règle de conflit, dans le cadre de l’accord procédural. La Cour de cassation a retenu dans l’arrêt Hannoverune approche libérale car l’accord peut en effet résulter des conclusion des parties invoquant une loi autre que celle invoquée par un traité ou par le contrat. Alors même que pendant longtemps, il était fait une interprétation rigoureuse d’un accord exprès à travers l’article 12 alinéa 3 du Code de procédure civile.

Ainsi, établir un contrat processuel dont l’objet est de se prévaloir d’une autre loi que celle désignée par la règle de conflit demeure possible. 

Seulement, la jurisprudence Roho et de Baat prévoient que lorsque la règle de conflit présente un caractère obligatoire, comme dans le cas d’espèce, les parties ne peuvent se prévaloir d’un accord procédural et donc d’une loi autre que celle désignée par la règle de conflit. 

Le droit se montre alors intransigeant quant à l’applicabilité d’office de la règle de conflit dans le cadre de droits indisponibles, rendant ainsi possible l’accord procédural qu’en cas de droit disponible

L’applicabilité d’office de la règle de conflit dans le cadre de droits indisponibles demeure discutable mais s’inscrit en l’espèce dans une logique jurisprudentielle et dans l’intransigeance du droit quant à l’application d’une autre loi que celle désignée par la règle de conflit. 

Toutefois, les juges du droit appliquent d’office la loi étrangère quant au consentement des époux dans le cadre d’un mariage mixte simulé.

Chapitre II : L'applicabilité d'office de la loi étrangère quant au consentement des époux dans le cadre d'un mariage mixte simulé

Ici, si l’exigence de l’appréciation distributive du consentement selon la loi personne de chacun des époux est requise (§1), le visa de l’article 146 du code civil demeure à tout le moins symbolique (§2). 

§1- L’exigence de l’appréciation distributive du consentement selon la loi personnelle de chacun des époux

Dans cet arrêt, la Cour met surtout en exergue l’obligation de l’applicabilité d’office de la loi nationale de chacun des époux. En effet, la simulation va s’apprécier par rapport à la loi nationale de chacun des époux. 

D’une part, cela pose une difficulté aux juridictions françaises car le sérieux du consentement d’un conjoint étranger et son intention matrimoniale seront évalués à la lumière de la loi nationale de ce dernier. Cela suppose donc que soit établi le contenu des règles étrangères en matière de formation du mariage. Une interprétation de la loi étrangère peut s’avérer aussi nécessaire. 

D’autre part, la preuve du défaut de consentement doit être rapportée. Seulement, il est impossible de faire application du droit français, la quête du droit étranger demeure indispensable.

Toutefois, il semblerait peut-être intéressant de créer une règle matérielle propre au consentement matrimonial, pour pouvoir contrôler en toutes circonstances la réalité de l’intention des époux. 

 §2- Le visa symbolique de l’article 146 du code civil

Dans cette espèce, la Cour énonce au visa de la formule lapidaire de l’article 146 du code civil la condition du consentement des époux, notamment dans le cadre d’un mariage soupçonné d’être simulé : il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. 

La jurisprudence est également intervenue : le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale : c’est l’apport de l’arrêt Appieto, rendu par la Cour de cassation le en 20 novembre 1963. 

En l’espèce, l’article 146 du code civil est inapplicable. En effet, lorsque l’épouse de nationalité française invoque le défaut d’intention matrimoniale de son conjoint étranger, les conditions liées au consentement sont régies par la loi étrangère de l’époux. 

 

 

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A propos de l'auteur
Blog de InterNot

Nisrine F., étudiante en M2 de Droit international, spécialisée en droit international privé 

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