Du libre arbitre au consentement lié dans le milieu de la santé ? Nos droits de l’enfant sont bons, préservons-les !

Publié le 06/04/2020 Vu 2 723 fois 0
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Cet article a vocation à présenter dans ses grandes lignes, l'état du droit positif relatif au consentement du jeune mineur d'âge dans le milieu de la santé en France.

Cet article a vocation à présenter dans ses grandes lignes, l'état du droit positif relatif au consentement

Du libre arbitre au consentement lié dans le milieu de la santé ? Nos droits de l’enfant sont bons, préservons-les !

Du libre arbitre au consentement lié dans le milieu de la santé ? Nos droits de l’enfant sont bons, préservons-les !

Benjamin Clemenceau, ATER en droit public à l’IEP d’Aix-en-Provence et chargé de cours magistral à l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis

 

Le verdict des juristes et des économistes est sans appel : « il faut bien que les volontés se rencontrent pour que les consentements s’échangent » . Appliqué au domaine de la santé, ce constat implique tout bonnement que si l’« on ressent plus sereinement la contrainte du consentement que la contrainte de la volonté » , à supposer bien sûr que le choix dans le parcours de santé subsiste, c’est bien souvent car « l’autorité d’un seul homme (en l’espèce ici le soignant), qui donne de bonnes raisons et des preuves certaines (en l’occurrence ici le bon diagnostic), vaut mieux que le consentement unanime de ceux qui n’y comprennent rien (ce qui n’est évidemment pas le cas de pleins de parents et/ou d’enfants) » .

En mots simples, la minorité correspond au statut que la loi confère à celui qui, en France, n’a pas atteint l’âge de 18 ans . La seule nuance vaut pour les mineurs qu’identifie l’article 413 – notamment en ses alinéas 2 et 3 – du Code civil, à savoir pour les mineurs « émancipés » . Eux présentent la particularité d’avoir 16 ans révolus, de ne pas être aliénés mentalement et de n’avoir fait l’objet d’aucun signalement de la part de leur(s) parent(s) ou du juge des tutelles (ils seront donc particulièrement intéressants à étudier pour les besoins de la démonstration). Quant au patient mineur, il peut s’entendre comme la personne physique à qui des soins sont dispensés, à sa demande ou non . 

Et l’« ou non » est important, car étant frappé d’incapacité juridique et étant qualifié d’« incapable » , le jeune mineur d’âge ne peut exercer lui-même ses droits. En effet, l’article 1124 du Code civil lui interdit de passer certains contrats . Sur le plan civil, « cette incapacité peut être qualifiée de protection car l’on considère qu’il est trop jeune et inexpérimenté pour se protéger lui-même, en prenant notamment les bonnes décisions » . Cette protection serait alors instituée dans son intérêt pour éviter les engagements pris sans discernement. La doctrine parle également, en ce qui le concerne, d’« incapacité d’exercice » . Cela signifie que « s’il possède bien le droit dans son patrimoine (il en est en effet le titulaire et en retire tout le profit), il  ne peut toutefois pas l’exercer personnellement » . Il devra dans cette optique être représenté ou assisté par une personne capable (étant donné que l’incapacité empêchant celui qui en est frappé d’exercer en personne un droit dont il est titulaire suppose l’intervention d’une personne capable). 

C’est ainsi que l’article 376 du Code civil précise que « lorsque les père et mère exercent conjointement l’autorité sur la personne de l’enfant, ils administrent ensemble ses biens et le représentent ensemble ». Autrement dit, la représentation se définit comme « l’action consistant pour une personne investie à cet effet d’un pouvoir légal, judiciaire ou conventionnel (le représentant) d’accomplir au nom et pour le compte d’un autre – incapable ou empêché (le représenté) – un acte juridique dont les effets se produisent directement dans le chef du représenté » . 

C’est finalement ce à quoi sert l’autorité parentale, dans la mesure où celle-ci vise « l’ensemble des droits et pouvoirs que la loi reconnaît aux père et mère sur la personne et sur les biens de leur(s) enfant(s) mineur(s) non émancipé(s) » . Pour être plus précis, ces droits impliquent nécessairement quelques devoirs – et pas des moindres ! – dans le chef non pas de « Monsieur tout le monde », ni dans celui du seul « bon père de famille », mais bien dans celui des ascendants directs (père et mère à la fois). Ainsi les parents doivent-ils assumer, à hauteur bien sûr de leurs moyens, l’hébergement, l’entretien, la surveillance, l’éducation ou bien encore la formation de leurs enfants . 

Et puisqu’il faudra en parler tôt ou tard, le consentement correspond à « la volonté d’engager sa personne ou ses biens, ou les deux à la fois » . Sans surprise, il est dit « expresse » ou « tacite » selon qu’il se manifeste de manière apparente ou non. En matière médicale, deux types de consentement sont toutefois à envisager : « le consentement au contrat médical , celui qui est nécessaire à la formation de celui-ci, et le consentement préalable à la prestation médicale, qui intervient durant l’exécution de l’acte médical dans le cadre du respect au droit à l’intégrité physique (droit engageant la personne et non plus les biens du patient) » . Bien évidemment, c’est la première acception du consentement qui sera particulièrement utile à observer de près dans le cadre de cette contribution.

Enfin et pour être tout à fait exhaustif, le Conseil d’Etat rappelle qu’« un acte médical ne constitue pas un acte usuel  et que, de ce fait, il ne peut être décidé qu’après que le médecin s’est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement » . La Haute juridiction administrative précise qu’il n’en va autrement qu’en cas d’urgence, donc « lorsque l’état de santé du patient exige l’administration de soins immédiats » . 

De nos jours, l’importance donnée à la notion de discernement aussi bien pour les adultes que pour les enfants « résulte de la place centrale que notre système juridique accorde à la volonté individuelle » . En somme, « le discernement serait le soubassement nécessaire à l’exercice des prérogatives juridiques » , ce qui a conduit certains auteurs à préciser qu’ « au lieu de rechercher d’abord si l’enfant, eu égard à son âge et à sa maturité, est doté de discernement, et d’en déduire une prise en considération plus ou moins importante de sa volonté et de sa responsabilité, la société détermine d’abord ce qu’elle veut faire de la volonté de l’enfant, et déduit l’existence de son discernement de la conformité, ou de la non-conformité des souhaits ou actions de l’enfant à ce programme préétabli » . Et c’est précisément pour cette raison que les enfants de moins de 16 ans sont, aux yeux des personnels de santé – puisque c’est à eux que revient toujours le soin de déterminer cela –, rarement doués de discernement (car leur attitude à l’égard du panier de soins ne colle justement pas, selon eux, aux exigences dudit « programme préétabli »). 

Pourtant, et c’est là tout l’enjeu de cette analyse, la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (ci-après la CIDE)  – à laquelle la France est partie  – reconnaît que les enfants sont des sujets de droit et des personnes dotées de libertés. Cette convention leur confère ainsi un rôle actif dans la détermination non seulement de leur bien-être, mais aussi et surtout de leurs droits. En tant que sujet de droit, les enfants gagnent ainsi « le droit d’exprimer leur opinion pour toutes les décisions qui les concernent, ainsi que de participer aux prises de décision qui touchent à leur bien-être » . De fait, l’intérêt de l’enfant ne doit plus dépendre d’autrui (médecins ou parents), mais doit être directement apprécié à l’aune de son propre point de vue. En clair, la CIDE soutient l’idée que l’intérêt supérieur de l’enfant (celui que définit son 3e article ) ne peut être valablement défendu sans l’implication réelle et effective de celui-ci. 

Au lendemain du 30e anniversaire de la CIDE, il convient de voir si la sauvegarde et la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant constituent toujours – aux yeux du législateur, donc en droit, et des professionnels de santé, donc en faits – un enjeu aussi fondamental qu’auparavant en France. Les autorités concernées respectent-elles encore les droits de l’enfant en établissant pour ce faire un cadre propice à leur épanouissement, tant sur la plan hospitalier que législatif ? Autrement dit, les conditions du consentement libre et éclairé (celles auxquelles renvoyait le législateur sanitaire en rédigeant le Code de santé publique (ci-après CSP) en 2002 ) sont-elles toujours remplies par les professionnels de santé au moment de recueillir sa formulation de la part du patient mineur ? Ou ne passent-ils pas outre de telles modalités en faisant parfois fi des obligations qui leur incombent ? A la vérité, se pencher sur le consentement de l’enfant dans le milieu de la santé revient à s’interroger sur l’autonomisation de sa pensée et sur l’effectivité de son droit supposé de disposer librement de son corps, donc à mesurer la portée de certains de ses droits les plus fondamentaux (ceux-là mêmes que consacrent de très nombreux instruments conventionnels et législatifs). Ce n’est d’ailleurs pas le rapport annuel publié en 2017 par le Défenseur des droits sur cette problématique qui attestera du contraire, puisqu’y est précisé, entre autre, que « la santé est envisagée par les parents comme l’un des domaines les plus complexes […]dans l’éducation de leurs enfants » . 

Ces éléments connus, il paraît indispensable d’expliquer en quoi l’acceptation de l’enfant aux soins ne saurait convenir en tout point – ni d’ailleurs en toute circonstance – à l’esprit libéral et consenti de la donation (I), avant d’entrevoir les ajustement dont ce consentement « illibéral » pourrait faire l’objet face aux nombreuses imperfections que l’expérience de la pratique a révélé (II). Cette approche aura l’avantage de mettre en lumière les points fort et faible d’un dispositif juridique encadrant tout de même le recueil et – il faut vivement le souhaiter – la prise en compte d’une volonté individuelle (ce qui n’a rien d’anodin lorsqu’il s’agit d’un enfant, et que la décision porte a fortiori sur sa santé). 

 

I/ Un consentement lié (ou imposé) compréhensible

La doctrine est partagée. Certains auteurs estiment que le mineur directement concerné par l’acte médical « doit pouvoir faire valoir lui-même son opinion car il bénéficierait d’une  « capacité naturelle » qui lui permettrait de conclure valablement le contrat médical » . D’autres parlent en revanche d’une « capacité restreinte »  du mineur à agir en matière de soins, en ce qu’elle se cantonnerait à des aspects éminemment « moraux », ou plus exactement à la possibilité de faire valoir son opinion, sans toutefois parvenir à l’imposer à qui que ce soi (qu’il s’agisse du soignant ou du parent). De fait, si le consentement de l’enfant sera toujours recherché – ce qui est normal, puisqu’il est davantage lié aux décisions qui le concernent en fonction de son âge et de son degré de compréhension depuis l’adoption de la loi de 2002  – « rien n’empêche les soignants de le réaliser si ses parents acceptent un traitement ou un soin sans qu’il soit d’accord » . Ce 2e courant doctrinal doit attirer l’attention du lecteur, car il se justifie d’abord dans le cocktail législatif en vigueur (A), et aussi par le fait que les mineurs ne sont pas toujours émancipés au sens de la loi, ni ne sont d’ailleurs doués de discernement (B). 

 

A) Les manifestations multiples du consentement lié (ou imposé) 

Nombreux sont les textes de protection de l’enfance qui, en France comme à l’étranger, ont trait à cette question du consentement du jeune mineur d’âge dans le milieu de la santé. Partant tous du constat que « l’enfant est un être avec des droits et une dignité » , ils attachent une attention toute particulière à sa vulnérabilité, et au fait qu’il n’a pas les moyens de se protéger seul. C’est notamment le cas de la CIDE au plan supra-étatique (1), mais aussi de certains articles du CSP, ainsi que du Code de l’action sociale et des familles (ci-après CASF) en France (2). D’autres sources, plus spécifiques encore, comme la Charte européenne des droits de l’enfant hospitalisé (3) ou bien la Charte des droits et des libertés de la personne accueillie (4), tentent quant à elles de parachever – sans toujours y arriver – cet édifice normatif dans l’hexagone. 

1) Avec les dispositions minimalistes, mais incontournables, de la CIDE

Pas moins de 40 ans, c’est à peu près le temps qu’il aura fallu aux Nations Unies pour étendre le bénéfice des « droits de l’homme », tels qu’ils sont consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1950, aux enfants. Protégeant les droits spécifiques des mineurs, la CIDE n’aura donc consacré la notion d’« intérêt supérieur de l’enfant »  qu’en 1989, à la suite d’« âpres négociations »  entre tous ceux qui deviendront par la suite les primo Etats parties de l’époque . Il s’agissait pourtant, avec cet exemple, d’un principe fondateur de la convention garantissant la possibilité pour tous les enfants d’être associés aux décisions qui les concernent, et ce indépendamment du rang, ou du statut, de leur interlocuteur . L’« intérêt supérieur » avait cela d’intriguant qu’il recouvrait, en outre, un droit particulier à la protection et au bien-être au bénéfice de l’enfant . Ce qui est toujours le cas.

En tant que tel, le « consentement » du jeune mineur d’âge n’a fait son apparition qu’aux termes de l’article 12, alinéas 2 et 3 de la convention, en des termes très englobants (mais nul besoin d’être expert en légistique pour voir que ce choix rédactionnel a permis, par la suite, aux Etats parties de décliner son champ d’application à diverses coutumes ). Malheureusement, donc, rien n’est dit sur le consentement de l’enfant dans le milieu de la santé. La convention se borne à octroyer un droit à l’expression à l’enfant si celui-ci est doué de discernement, et à la condition que ses opinions ne soient pas objectivement immatures . Il dispose également du droit d’être entendu dans toute procédure – judiciaire ou administrative – l’intéressant (que ce soit par lui-même, ou par le biais d’un représentant ou d’une organisation appropriée) . 

Et c’est précisément car les Etats parties doivent établir un cadre protecteur pour tous les enfants sur leur territoire, et assurer le respect de tous leurs droits fondamentaux, que le législateur s’est, en France, évertué à défendre leur statut nouvellement acquis d’« êtres détenteurs de droits » . 

2) Avec les dispositions très protectrices du CSP et du CASF 

La principale difficulté dans l’accès aux soins des jeunes mineurs d’âge réside dans la nécessité d’obtenir le consentement des parents ou des tuteurs légaux. C’est la raison pour laquelle la loi est à de nombreuses reprises venue encadrer cet instant si délicat, parce que bien souvent décisif,  dans l’accomplissement, par les soignants, d’actes médicaux sur l’enfant. Le CSP prévoit ainsi qu’« un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement » . Mais pas n’importe quel consentement. Celui-ci doit être « libre et éclairé »  , ce qui signifie qu’il ne doit jamais être donné sous la contrainte et que les responsables légaux doivent bénéficier d’une aide à la prise de décision (avec l’information sur les risques et les conséquences des différents traitements possibles ). Sur cette question, la législation française semble bien plus protectrice que d’autres, étant donné que pléthore d’Etats n’ont pas conditionné la licéité du consentement recueilli à la satisfaction de tels critères .    

En France, le consentement peut néanmoins être donné oralement ou formalisé par écrit . Et dans tous les cas, il ressort de la plume du législateur que le refus de soins doit être perçu comme le corollaire du « principe du consentement »  (lequel emporte d’importantes garanties comme la pertinence de l’hospitalisation , le maintien des liens familiaux , la qualité de la prise en charge , ou bien encore l’accès à l’éducation  et/ou au dossier médical ). En clair, le dispositif choisi vise à « offrir une prise en charge adaptée, respectueuse de l’environnement familial de l’enfant et favorisant son développement personnel et éducatif » . Par voie de conséquence, le consentement partagé et concerté doit être privilégié au consentement imposé, donc subi. Même si la décision d’un soin, d’un traitement ou d’une intervention est prise par les représentants du mineur, « celui-ci doit être pleinement associé à la prise de décision […], après avoir reçu une information adaptée à son âge et à sa capacité de compréhension » . 

Dans le cadre des établissements médicaux sociaux, la prise en charge et l’accompagnement de l’enfant doivent également favoriser son autonomie . Ainsi, s’il est suffisamment mature pour son âge, le CASF part du principe que son consentement sera éclairé, et qu’il devra par la suite être « systématiquement recherché » . Autrement dit, les soignants doivent responsabiliser les mineurs soignables en les faisant participer – seuls ou avec l’aide de leurs représentants –  à la décision. L’article 311-7 du CASF précise même, ce qui n’est tout de même pas neutre, que le jeune mineur d’âge peut directement concourir à la mise en œuvre de son projet d’accueil . Ici encore, cela va dépendre de son aptitude à comprendre le discours médical (d’où l’impérieuse nécessité « de lui expliquer, dans une langue qu’il comprend, la façon dont vont se dérouler les soins […] et de rechercher son adhésion » ). Tant l’émancipation que le degré de discernement seront alors indispensables à prendre en compte, dans la mesure où justement « l’appréciation de la maturité d’un mineur revient à l’équipe soignante » . 

3) Avec les dispositions perfectibles de la Charte européenne des droits de l’enfant hospitalisé 

Adopté par le Parlement européen dès 1986 , ce texte n’entrera que tardivement en application en France, suite à l’adoption d’une circulaire du Secrétaire d’Etat à la Santé datant de 1999 .

Dotée de seulement dix articles, la Charte européenne des droits de l’enfant hospitalisé précise en préambule que toute prise en charge au sein d’un établissement de santé doit être pertinente , et que celle-ci ne doit pas, lorsqu’elle a lieu, priver l’enfant de ses liens familiaux . Mineurs et parents doivent par ailleurs jouir d’une information appropriée (seule à même de les aider à se positionner par rapport au parcours de soins proposé) . S’en suit une disposition sur la nécessité de séparer les services pour adultes des services pour enfants, ainsi que sur l’intérêt qu’il y a de garantir à l’enfant des activités éducatives adaptées à son âge . Ce faisant, l’environnement du jeune mineur d’âge hospitalisé doit satisfaire à ses besoins physiques, affectifs et éducatifs .

Autrement dit, un cadre rassurant pour l’enfant permettra aux parents de donner plus facilement leur consentement aux soins. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’équipe soignante doit être formée pour répondre aux besoins des enfants et de leur famille  (car donner son consentement, c’est à la fois psychologiquement et émotionnellement éprouvant). Les professionnels de santé doivent ainsi suivre une formation initiale et continue, en contact direct avec les enfants. Cette prise en charge de qualité doit porter sur l’information et la communication (que ce soit auprès des enfants et/ou de leur entourage), et surtout faciliter l’expression éclairée du consentement, fusse-t-il concerté.

Ceci étant, rien n’est dit sur l’acceptation de l’enfant aux soins dans cette charte. Il n’y a que le droit à l’information qui, en son article 4, est prévu. Alors certes, le droit à l’information renvoie au droit à la participation , mais aucune de ses dispositions n’évoque clairement la question du consentement, y compris partagé, des jeunes mineurs d’âge dans le milieu de la santé (ce qui semble regrettable et surtout ne pas convenir au « principe universel de la dignité de la personne humaine qui pose, comme un axiome, l’égale valeur pour tous les êtres humains » ). 

4) Avec les dispositions inattendues, mais bien réelles, de la Charte des droits et des libertés de la personne accueillie 

Tout débute avec la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, laquelle rénove l’action sociale et médico-sociale, et fixe pour objectif de développer les droits des usagers fréquentant les établissements et services sociaux et médico-sociaux . La Charte des droits et libertés de la personne accueillie ne fera son apparition qu’ensuite, tout d’abord dans l’annexe à l’arrêté du 8 septembre 2003 , puis dans le CASF, en son article L.311-3 . Celle-ci constitue l’« un des sept nouveaux outils pour l’exercice de ces droits » . 

Son article premier interdit toute forme de discrimination, au moment de la prise en charge d’un patient, à raison notamment de son âge . D’emblée, ses 2e et 3e articles ont trait à des éléments constitutifs du consentement : la qualité du suivi médical (qui doit tenir compte des besoins de la personne à soigner) , et la délivrance d’une information claire (indispensable à l’expression d’une volonté éclairée) . Sous réserve des dispositions légales, des décisions de justice ou des mesures de protection judiciaires – ainsi que des décisions dites d’orientation –, son 4e article consacre successivement la possibilité de choisir librement entre les prestations proposées , la recherche systématique du consentement éclairé du patient , et le droit de celui-ci de participer directement (ou avec l’aide de son représentant légal), à la conception/à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement . Son 5e article prévoit un droit de rétractation aux soins médicaux , tandis que les suivants portent, entre autres, sur des aspects déjà connus comme le respect des liens familiaux  et l’autonomie du patient . 

Plus précisément cette fois-ci, la charte énonce que le choix ou le consentement doit être exercé par la famille ou par le représentant légal, « lorsque l’expression par la personne d’un choix ou d’un consentement éclairé n’est pas possible en raison de son jeune âge […] » . Ce qui laisse aux professionnels de santé une large marge d’appréciation dans la fixation du degré de maturité et de discernement du jeune mineur d’âge. En pratique, donc, il ne ressort d’aucune disposition de la charte qu’un soignant sera fondé à interdire à un mineur non encore émancipé de participer activement à la prise de décision sur le fondement justement de l’une d’entre elles. Dynamique et innovante, la Charte des droits et libertés de la personne accueillie constitue alors un outil de premier plan dans la défense – toujours perfectible, malheureusement – des droits de l’enfant. 

 

B) Les raisons statutaire et subjective du consentement lié (ou imposé)

Si la loi du 4 mars 2002 a consacré le droit pour tout patient de refuser des traitements, même au risque de sa vie, l’étude des différents textes applicables (celle réalisée supra) a montré qu’à plein d’égards, il en va tout autrement concernant le jeune mineur d’âge. En effet, si les titulaires de l’autorité parentale – ou le représentant légal – prennent les décisions concernant sa santé, ils ne le font pas toujours en concertation avec celui-ci. Plusieurs facteurs viennent néanmoins justifier cette situation en apparence contradictoire avec le statut de l’enfant, tel qu’il est en tout cas reconnu par la CIDE. Le premier élément de réponse réside dans le fait que les mineurs ne sont pas considérés comme étant des personnes capables en droit français (1), tandis qu’un autre argument, certainement plus sociologique celui-ci, provient du fait qu’ils ne sont pas tous doués de discernement (2). 

 

1) Le statut toujours d’« incapable » du jeune mineur d’âge en droit français 

En France, les mineurs sont bel et bien titulaires du droit à la santé, mais ce droit est exercé par leurs représentants légaux. La CIDE a beau avoir été le premier texte international à reconnaître que les enfants sont des sujets de droit et des personnes dotées de liberté, la législation française ne leur a jamais conféré de rôle « actif » – au sens de la convention – dans la détermination de leur bien-être. Dans le domaine de la santé, il est donc illusoire de croire que les enfants ont le droit d’exprimer leurs opinions pour toutes les décisions qui les concernent, tout comme il est faux, a fortiori, de penser qu’ils participent directement aux prises de décisions qui les visent . 

D’un point de vue juridique, le législateur familial français s’est de longue date attaché à définir restrictivement le statut de l’enfant, en le considérant notamment comme un être « incapable ». Ce qui signifie, paradoxalement, que si l’enfant a des droits, certains ne peuvent être exercés . Et qu’au mieux, ce n’est qu’un consentement commun de l’enfant et de ses parents qui sera, par les professionnels de santé, recherché. Ce régime juridique n’a rien d’étrange, puisque le mineur est en principe soumis à un régime de représentation légale, « à l’exception des domaines où la loi lui confère une capacité propre » . Dans le milieu médical, donc, « le double consentement des parents et de l’enfant constitue une mesure de défiance justifiée par la « sensibilité » de la matière » . 

Ce qui signifie que bien souvent, d’autant plus lorsqu’il est immature, « l’incapable disparaitra  de la scène juridique, car il n’agira pas par lui-même dans le cadre du parcours de soins (c’est son représentant légal qui le remplacera et agira en ses lieu et place) » . Plus qu’un contrat, « une véritable relation thérapeutique s’engage donc entre le soignant et le patient à l’occasion d’un acte médical » . Et le législateur français semble ainsi avoir compris que pour s’engager, cette relation nécessitait certes un consentement au sens « contractuel » du terme, mais aussi et surtout le consentement du jeune patient à une atteinte à son intégrité physique , d’où justement l’intervention d’une personne capable dans le cadre de la relation thérapeutique. En définitive, la gravité potentielle de la matière (celle médicale) justifie à elle seule, aux yeux du législateur, que soient apportées des limites au statut libéral qu’octroie la CIDE à l’enfant. 

C’est certainement dans le prolongement de cette idée que s’inscrit l’article 1148 du Code civil lorsqu’il énonce que « toute personne incapable de contracter peut néanmoins accomplir seule les actes courants autorisés par la loi ou l’usage, pourvu qu’ils soient conclus à des conditions normales ». Les actes médicaux ne constituent nullement des actes courants de la vie d’un jeune mineur d’âge – y compris lorsqu’ils sont « usuels »  – et méritent, à ce titre, un encadrement juridique spécifique. S’ils sont censurables pour simple lésion, les actes courants passés par les enfants n’encourent pas la nullité lorsque ladite lésion résulte d’un évènement imprévisible . Et en matière médicale, le risque d’aléa thérapeutique n’est pas nul (d’où justement la nécessité, ici encore, de privilégier le dialogue entre personnes « capables » de discernement, et de ne pas considérer l’acte médical comme un acte lambda). 

Dans ces conditions, c’est sans surprise que toute une série de décisions relatives à la personne de l’enfant particulièrement graves et potentiellement contraires à sa volonté ont été prises dans le domaine de la santé. Mais c’est aussi vrai en termes de changement de nom  ou d’adoption  (qui nécessitent pourtant l’accord de l’enfant de plus de treize ans). Ce qui signifie bien que les jeunes mineurs d’âge ne sont pas des êtres détenteurs de droits comme les autres . 

 

2) Le manque de discernement du jeune mineur d’âge : un frein puissant pour l’exercice de ses droits 

S’ils sont doués de discernement et aptes à exprimer leur volonté – donc s’ils sont suffisamment matures –, les enfants pourront exercer de manière autonome leur droit à la santé . Ici, les professionnels de santé rechercheront non seulement le consentement éclairé du patient mineur, mais ils le respecteront (du moins le plus souvent) par la suite scrupuleusement . Dans le cadre des établissements médicaux-sociaux, le consentement autonome constitue donc la règle – dès lors que le jeune est doué de discernement et qu’il est tout à fait apte à s’exprimer –, tandis que le consentement dit « partagé », voire « imposé », représente l’exception. 

Une courte analyse de la démographie française suffit cependant pour relativiser cela, puisqu’au 1er janvier 2020, l’Institut national de la statistique et des études économiques (ci-après Insee)  évalue à plus de 67 millions de personnes la population de la France . Sur les 16 millions de mineurs recensés en 2020 , pas moins des ¾ (soit environ 12 millions) ont moins de 15 ans . Par conséquent, les jeunes mineurs d’âge non encore émancipés, donc insusceptibles d’exercer eux-mêmes leur droit à la santé, sont dans l’ensemble ultra majoritaires. En d’autres termes, le dispositif législatif libéralisant le droit à la santé des enfants n’est pas destiné à beaucoup d’entre eux, mais à une faible partie seulement. 

Un autre élément de réponse, certainement plus psychologique celui-ci, permet de s’apercevoir qu’une part importante des mineurs émancipés au sens de la loi, ne sont pas dans les faits – du moins aux yeux des professionnels de santé – suffisamment matures pour participer eux-mêmes à la prise de décision . Se pose alors le problème des mineurs, dont l’âge est pourtant compris entre 16 et 18 ans, que les soignants jugent inaptes à s’exprimer, donc à exercer par eux-mêmes leur droit à la santé. Dans la pratique, en effet, « l’affaiblissement des facultés résultant de l’âge sera souvent attesté par des comportements de plus en plus inattendus de la part des personnes vieillissantes, tandis que la discordance entre ce que l’enfant souhaite et ce qui est attendu d’un enfant de son âge et de son milieu sera considérée comme preuve d’immaturité » . 

En plus d’être minoritaires par rapport aux autres enfants, les mineurs de plus de 16 ans ne sont ainsi pas tous matures. En réalité, c’est toujours au médecin que revient le soin de fixer le degré d’émancipation de l’enfant lorsqu’il a l’âge de se présenter seul à lui. Sans libre arbitre,  le jeune concerné dépendra alors du gardien – en l’occurrence du parent – qui jouira seul de son contrôle dans le cadre du parcours de soins. Et cela, indépendamment de l’avis (plus ou moins) contraire que pourraient avoir les responsables légaux sur justement ledit degré d’émancipation de leurs enfants. 

Tout compte fait, il ressort nettement de ces quelques éléments que « la possibilité pour l’enfant – y compris celui de plus de 16 ans – d’effectuer des choix personnels, de prendre des décisions engageant son avenir sera logiquement très limitée puisque par hypothèse sa minorité continue d’avoir pour fondement son immaturité » . C’est la raison pour laquelle se développent parfois des rapports très conflictuels, pour ne pas dire inexistants, entre l’enfant et le soignant qui ne se prête pas au jeu du dialogue. En clair, donc, le choix n’est pas toujours ouvert à l’enfant pourtant émancipé, non pas parce qu’il est inapte à exprimer sa volonté, mais parce que le professionnel de santé n’aura pas recherché s’il était apte ou non à la donner . La situation du jeune mineur d’âge dans le milieu de la santé ne semble donc pas réglée, loin de là. 

Après avoir vu que les fondements normatifs du consentement lié (ou imposé) du jeune mineur d’âge dans le milieu de la santé étaient dûment justifiés – bien que potentiellement contraires à son intérêt supérieur et parfois compliqués à mettre en œuvre par les professionnels de santé concernés –, il convient dorénavant d’étudier les limites concrètes qu’un tel dispositif rencontre en France, ainsi que les voies d’amélioration que peuvent laisser entrevoir plusieurs modèles étrangers en cas de réforme, même partielle, du système actuel. 

 

II/ Un consentement lié (ou imposé) faussement répréhensible ?

Les jeunes mineurs d’âge occupent, et cela de plus en plus, une place à part dans le domaine de la santé. Dans le cas particulier de la France, « la législation relative au droit des patients a confirmé cette place en affirmant leur droit, au même titre que les patients adultes, à des soins de qualité, à la transparence, à l’information et au consentement aux soins » . Pour ce faire, le législateur a notamment souhaité indiqué dans le CSP que « son consentement devait être systématiquement recherché lorsque l’enfant [paraissait] apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision » . Dans l’ensemble, cet objectif on ne peut plus louable semble poursuivi quand le mineur en question est émancipé (et que ses rapports avec l’équipe médicale sont bons), ou dès lors que celui-ci se trouve placé dans une situation spécifique lui permettant de formuler un consentement totalement libre, donc sans aucun intermédiaire (ce qui n’est pas encore le cas en matière d’IVG ou de contraception). Mais nonobstant la libéralité que procurent ces quelques rares îlots de compétence – libéralité dont il faut quand même se féliciter –, l’étude minutieuse des textes (et par la suite de ce qu’en font les professionnels de santé) montre qu’ils portent parfois indirectement atteinte à l’autonomisation de la pensée de l’enfant ainsi qu’à son droit de disposer librement de son corps (A). Cette situation peut alors conduire à penser, parfois à tort, que certains exemples étrangers (notamment européens) sont nettement plus protecteurs de son intérêt supérieur. Et qu’ils méritent à ce titre d’être imités (B). 

 

A) Les « méfaits » défendables du consentement lié (ou imposé)

La législation française prévoit des domaines, au titre desquels figure la santé, dans lesquels les mineurs « discernants » peuvent jouir d’une certaine capacité propre . Dans ce cas précis, « la loi donnera effet aux choix de l’enfant, ou décidera de lui imputer ses agissements » . Partant, plusieurs ilots de compétences a priopri autonomes ont été consacrés au bénéfice de ce dernier dans le milieu médical. L’étude des textes concernés démontre néanmoins que le consentement ne devient jamais parfaitement libre, puisqu’il supposera généralement pour être valablement donné la présence d’un adulte qui n’est pas le représentant légal de l’enfant, ce qui peut donc nuire dans la pratique à l’indépendance du patient mineur. C’est notamment le cas en termes de recherche biomédicale (1), d’IVG (2) et de contraception (3). Ou bien quand le mineur souhaite garder le secret sur son état de santé (4). En somme, il n’y a que lorsque les liens familiaux sont rompus, et s’il est titulaire de la couverture maladie universelle que le mineur concerné pourra agir véritablement seul (5). 

 

1) Dans le cadre de la recherche biomédicale 

Ce qui est fondamental avec la recherche biomédicale, c’est qu’« il s’agit de concilier la finalité de la recherche, de contribuer à un progrès dans la connaissance de la biologie humaine, des maladies et de leurs traitements, avec la nécessité de protéger l’être humain qui se prête à la recherche » . Les articles 1122-1 et suivants du CSP sont par conséquent entièrement tournés vers l’obligation d’information des personnes participant aux recherches , étant entendu que l’information est un préalable indispensable au recueil du consentement . D’aucune manière, donc, une recherche biomédicale ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre et éclairé. 

L’article 1122-2 du CSP dresse quant à lui les principes communs à tous les mineurs participant à une recherche biomédicale. Il ressort de ses dispositions que si l’état de la personne le permet, « son consentement est nécessaire même si les personnes, organes ou autorités chargés de les assister, représenter ou d’autoriser la recherche, ont donné leur accord » . D’emblée, les mineurs qui ne sont pas émancipés au sens de la loi ne sont donc pas autorisés à participer à de telles recherches, puisque par définition leur état ne le permet pas. Il en ira de même s’agissant des mineurs émancipés au regard de la loi, mais qui ne seraient pas suffisamment matures aux yeux des soignants. En définitive, les seuls mineurs qui peuvent prétendre à ces recherches sont ceux qui, émancipés au regard de la loi, seront jugés suffisamment « discernants » pour pouvoir s’y adonner. Eux pourront jouir librement de leur corps, mais encore leur faudra-t-il s’entourer d’assistants, autrement dit d’aides à la décision pour formuler un consentement valable. Ce qui paraît tout à fait logique au vu du caractère particulièrement sensible du domaine envisagé. Un enfant ne saurait consentir seul à être dangereux pour lui-même et pour sa santé. 

Ceci étant, ces quelques éléments montrent que le mineur émancipé de plus de 16 ans ne dispose pas, dans le cadre de la recherche sur la santé humaine, d’une très large autonomie dans ce qu’il souhaite faire, ou non, de son corps (y compris lorsqu’il est mature). Alors certes, il pourra agir sans ses représentants légaux, et c’est bien lui qui aura finalement le dernier mot dans l’échange avec l’équipe médicale, mais il ne pourra pas l’avoir sans la présence d’experts et/ou d’autorités chargés de l’aiguiller. Cette situation atteste forcément de la méfiance qu’a eu le législateur à l’égard des décisions que pourraient prendre les mineurs pourtant matures dans l’utilisation, y compris à des fins de recherches médicales, de leurs corps. Qui plus est lorsqu’elles sont prises en l’absence des parents.

2) Face à l’IVG   

En matière d’IVG, l’adolescente mineure peut, quel que soit son âge, décider de ne pas prévenir ses représentants légaux. Le médecin devra toutefois s’efforcer de recueillir son accord pour la consultation des parents (ou bien des tuteurs légaux). En revanche, « si l’intéressée ne souhaite pas effectuer cette démarche, l’IVG pourra être pratiquée sans le consentement de ces derniers, mais à la condition toutefois que la mineure soit accompagnée par la personne majeure de son choix » . Ici encore, donc, le jeune mineur d’âge ne dispose pas librement de son corps, étant donné que la licéité de son consentement à l’avortement sera subordonnée à la présence d’un tiers majeur. Cela paraît tout à fait compréhensible lorsque la personne mineure n’est pas encore émancipée, donc lorsqu’elle a moins de 16 ans révolus, mais cela devient plus problématique lorsqu’elle est sur le point d’atteindre sa majorité. 

Donc il est vrai que la règle que pose l’article R.2212-7 du CSP pourrait, au vu de ces éléments, être un tant soit peu assouplie pour ne s’appliquer qu’aux plus jeunes, tandis que la présence du tiers majeur pourrait, à défaut d’être supprimée, être a minima rendue facultative, dès lors que l’adolescente en question a 17 ans révolus (et non plus 16…). Il en va certainement de l’intérêt supérieur de l’enfant, et surtout de la préservation de son intimité. 

3) Derrière la contraception d’urgence 

D’après l’article 5134-1 du CSP, « la jeune fille mineure d’au moins 15 ans n’a pas l’obligation d’obtenir le consentement de ses parents pour la prescription, la délivrance ou l’administration de contraceptifs ». Dans ces situations, les professionnels de santé sont tenus au secret médical. C’est notamment le cas en matière de contraception d’urgence au sein des établissements scolaires du second degré dotés d’un infirmier, étant entendu que la mineure peut refuser de s’entretenir ou d’informer le ou les détenteurs de l’autorité parentale . La situation est pareille en matière de contraception d’urgence hors établissement scolaire, puisqu’ici, n’importe quel acte de prescription, de délivrance ou d’administration d’un contraceptif peut se faire lors d’une consultation auprès d’un médecin – ou bien d’un centre de planification et d’éducation familiale avec la mineure  –  sans la présence des parents. 

Tous ces personnels de santé devront néanmoins s’assurer que la situation de la mineure de plus de 15 ans correspond bien aux critères d’urgence, ainsi qu’aux conditions d’utilisation de cette contraception. En outre, ils vont l’alerter sur le fait que la contraception d’urgence ne constitue pas une méthode régulière de contraception . Ce qui signifie que si l’adolescente est bien libre quant à son choix de recourir à la contraception d’urgence, les professionnels de santé tenteront, dans toute la mesure du possible, de l’en dissuader (voire même de lui interdire si elle ne remplit pas les conditions requises). Ici encore, le consentement de la personne mineure semble lié à la volonté, certes éclairée, mais bel et bien étrangère, d’un adulte (qui plus est d’un professionnel de santé). Mais il est clair que « la contraception doit avoir ses règles » , et qu’il faut se réjouir d’un tel encadrement lorsque l’enfant agit seul sur ses plates-bandes, sans ses parents. 

4) Avec la préservation du secret médical  

Par dérogation à l’article 371-2 du Code civil, l’article 1111-5 du CSP précise que « le médecin ou la sage femme peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque l’action de prévention, de dépistage, de diagnostic, de traitement ou d’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé ». Avec cet exemple, la décision du mineur va de nouveau être influencée par le professionnel de santé, car toujours en vertu de l’article mentionné, « le médecin ou la sage femme doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation […] ».

Il n’y a que si le mineur maintient fermement son opposition auprès du médecin ou de la sage femme concerné(e) que celui/celle-ci pourra exécuter l’action de prévention, de dépistage, de diagnostic, de traitement ou d’intervention. A supposer que le mineur parvienne à maintenir sa position, ce qui n’est pas non plus couru d’avance, il devra toutefois se faire accompagner d’une personne de son choix. En clair, le mineur « discernant » ne pourra jamais garder entièrement le secret sur sa situation de santé – quand bien même il aurait eu l’aval des soignants –, puisqu’il aura l’obligation de mettre dans la confidence un tiers adulte qu’il aura lui-même désigné. Donc à nouveau, les jeunes mineurs d’âge ne décident ni ne choisissent jamais à la même hauteur que les adultes capables. Dans la période de crise sanitaire que rencontrent actuellement l’Europe et le reste du monde, la législation en vigueur permet au moins aux jeunes mineurs d’âge d’aller consulter un médecin, et d’éventuellement se faire dépister au Coronavirus sans l’aval de leurs représentants légaux (à la condition toutefois d’être accompagné d’un proche majeur ou d’un membre de sa famille qui le soit aussi). 

5) Au moment de l’entrée dans la vie active  

Lorsqu’une personne mineure, dont les liens de famille sont rompus, bénéficie à titre personnel de la couverture maladie universelle , son seul consentement sera requis. C’est en tout cas ce qui ressort des dispositions de l’article 1111-5 du CSP. Lui seul pourra décider de son « avenir » dans le parcours de soins, à la double condition néanmoins qu’il soit esseulé – donc sans liens familiaux apparents –, et qu’il bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité et de la couverture complémentaire . En définitive, rares sont les mineurs qui peuvent prétendre donner seul leur consentement aux soins. Les seuls concernés par cette « libéralité » sont donc ceux qui, sans parents proches ni tuteurs légaux, ont commencé à travailler. Mais ce n’est pas parce qu’une législation comme la nôtre est restrictive des libertés dans le domaine médical, qu’elle est nécessairement mauvaise ou déshumanisante. La législation laconique et « ultra-libérale » d’autres Etats en témoigne parfaitement. 

B) Les « faux remèdes » étrangers au consentement lié (ou imposé)

Si dans l’ensemble, la législation française tend vers une déresponsabilisation accrue du jeune mineur d’âge dans le milieu de la santé, ce n’est pas le cas d’autres Etats, qui ont opté pour un dispositif ayant trait au consentement plus « libéral », donc potentiellement plus respectueux de l’intérêt supérieur de l’enfant. Autrement dit, chez eux, « le manque de discernement du mineur n’est pas systématiquement révélé par l’incongruité de ses demandes » . Ils y sont parvenus en ne réfutant pas l’idée d’un développement précoce, bien que perfectible, du libre arbitre chez l’enfant. Et en ne considérant pas ce dernier comme un simple vecteur de responsabilité. C’est précisément le cas du Canada (1), et des pays scandinaves (2). Mais beaucoup moins des Etats-Unis (3). 

1) De la législation « trop libérale » au Canada  

L’article 14 alinéa 2 du Code civil canadien établit le principe selon lequel la personne mineure de 14 ans et plus peut consentir seule à des soins requis pour sa santé, à la condition néanmoins d’être « apte » . Il n’y a que si « son état exige qu’elle demeure dans un établissement de santé ou de services sociaux pendant plus de douze heures que le titulaire de l’autorité parentale ou le tuteur doit être informé de ce fait » . Cela dit, dans l’hypothèse où le mineur d’au moins 14 ans refuserait fermement de se soumettre aux soins, « le médecin pourra passer outre ce refus en obtenant l’autorisation du tribunal ou, dans un cas d’urgence, en obtenant le consentement du titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur, s’il peut être obtenu en temps utile » . 

En clair, la législation canadienne n’a pas fixé l’âge du discernement de l’enfant à 16 ans révolus comme en France, mais à 14 ans seulement. En conséquence, l’enfant pourra agir seul dans le cadre du parcours de soins dès cet âge-là. S’il le souhaite et sous réserve qu’il soit  suffisamment « discernant », cela signifie qu’il pourra exercer son droit à la santé relativement tôt pendant la période de l’adolescence. Ce qui est parfaitement, en tout cas pour l’heure, inconcevable dans l’hexagone. Pour autant, le Canada n’est pas qualifiable de  « mauvais élève » dans la protection des droits de l’enfant, étant donné que ce pays a ratifié la CIDE dès 1991 et qu’il a tout de même souscrit deux de ses trois protocoles facultatifs . 

Et plus généralement, les enfants canadiens jouissent des droits issus des six principaux traités relatifs aux droits de la personne que le Canada a ratifiés . D’aucun pourrait nier que cet Etat reste, en dépit de sa législation sûrement trop libérale sur le consentement du jeune mineur dans le milieu de la santé, « un ardent défenseur de la protection des droits de la personne et de l’avancement des valeurs démocratiques » , comme en témoignent son rôle essentiel dans la rédaction de la DUDH en 1947–1948, ainsi que ses travaux actuels au sein de l’ONU. 

2) Aux modèles familiaux difficilement transposables des pays scandinaves 

En Suède, par exemple, « l’idéologie sous-jacente de la législation est que l’enfant est le plus à même de décider de sa propre situation, d’autant plus s’il est suffisamment âgé et mature » . Le droit de l’enfant d’être entendu représente un principe absolument fondamental et intangible de la famille. Concernant plus spécifiquement la question des soins et des traitements médicaux, « les décisions sont normalement prises conjointement par les représentants légaux, mais dans certains domaines l’enfant pourra décider seul, s’il est considéré comme suffisamment mature (c’est notamment le cas en matière de contraception et d’avortement) » .  Il n’est dès lors pas surprenant, au vu de leur législation qui semble s’approcher de celle de la France, que la  Suède soit souvent considérée comme « le paradis des enfants par ceux qui y sont allés » .

Gare néanmoins aux similitudes en trompe-l’œil, car contrairement à ce qui se passe en France, « la société suédoise s’est organisée autour de l’enfant et a modifié les places du père et de la mère ; on insiste pour que le père prenne un congé parental : on reçoit plus d’allocations si le père prend plus de 30 % de congés. Il devient ainsi plus impliqué dans l’éducation. La femme a plus de pouvoir, l’éducation est devenue valorisée, du fait d’être moins autoritaire. C’est devenu une manière de vivre, c’est acquis » . En somme, les chances qu’a ce modèle familial de prospérer en France sont quasiment nulles étant entendu que le schéma familial « classique » a été bousculé par une progression fulgurante des familles monoparentales, et/ou des personnes vivant seules .  

En Norvège, cette fois-ci, l’article 4, Section 3, du Norvegian Act (ou Patients’ Rights) de 1999 dispose qu’« un enfant de 16 ans peut consentir ou refuser des soins et traitements seul, et cela indépendamment de la volonté de ses parents » . Avant cet âge néanmoins, ce sont les parents qui décident au nom de l’enfant . Imiter cette législation reviendrait ni plus ni moins à baisser l’âge de la majorité sanitaire en France. Or il n’est pas dit que beaucoup de Français se montrent favorables à cette idée (sachant que pourtant, 61% d’entre eux sont pour une majorité pénale à 16 ans…) . 

Au Danemark, enfin, la principale source des droits de l’enfant est le Danish Act on Parental Authority and Contact de 1995 . Le droit aux soins et à la sécurité de l’enfant est mentionné à l’article 2 de la loi. Concernant les soins et les traitement médicaux, « les décisions sont prises par les titulaires de l’autorité parentale jusqu’aux 15 ans de l’enfant ; passé cet âge, l’enfant peut prendre quasiment toutes les décisions seul dans ce domaine sans l’accord de ses parents (il pourra par exemple refuser qu’on interrompe de force sa grève de la faim, ou bien refuser une transfusion sanguine ou un traitement) » . L’exemple danois démontre que le mouvement d’émancipation des enfants sur leurs parents, et dans une plus large mesure encore, des femmes sur leurs maris, est un phénomène culturel que les responsables politiques ont été incapables de relayer en France . 

D’une manière plus générale et contrairement à la situation en France, donc, « on observe dans les pays scandinaves que la volonté de l’enfant est largement prise en compte, et que dans de nombreux domaines l’enfant peut être en mesure de décider seul(e) […], sans l’approbation de ses parents » . Ce qui est encore loin d’être le cas en France, et encore moins aux Etats-Unis. 

3) En passant par la jurisprudence trop stricte des Etats-Unis

Aux Etats-Unis, les droits des parents d’exercer leur autorité parentale sur leur(s) enfant(s) ont valeur constitutionnelle, étant entendu qu’ils sont protégés par le 14e amendement du Pacte fédéral de 1787 . En vertu de cette constitutionnalisation des droits des parents, « les hôpitaux prennent rarement en compte l’avis de l’enfant, et cela quel que soit son âge ou le traitement concerné » . Cette situation s’explique, au moins en partie, par le fait que les Etats-Unis n’ont pas ratifié la CIDE . Les conséquences de ce manque de « conventionalisation » des droits de l’enfants sont dans les faits critiquables, puisque « l’affirmation constitutionnelle des droits des parents, et pas de ceux des enfants, a conduit la Cour à proclamer que les parents agissent au mieux des intérêts de leurs enfants, même dans un cas aussi grave que celui d’un adolescent interné dans un établissement psychiatrique contre son gré » . La Cour a en effet décidé qu’il n’était pas nécessaire d’entendre le mineur à ce sujet. 

En clair, cette constitutionnalisation des droits des parents d’exercer leur autorité sur les enfants  n’emporte aucune garantie pour la sauvegarde de leur intérêt supérieur lorsqu’elle dépourvue de contreparties juridiques de même nature, et qu’elle s’envisage, de plus et surtout, au parfait détriment d’une « conventionalisation » des droits de l’enfant à proprement parler. Cet exemple semble alors à proscrire formellement, et cela d’autant plus qu’aujourd’hui, « la législation de tous les Etats prévoit que le consentement du patient au traitement choisi par le médecin n’est nécessaire qu’à partir de 18 ans » . 

Si les Etats-Unis sont un Eldorado pour beaucoup, cette prospérité cache malheureusement « un pays où tous les droits de l’enfant ne sont pas respectés » , y compris dans le domaine de la santé. Ce qui est tout de même paradoxal pour un Etat fédéral où les enfants ont, selon les endroits, parfois le droit de conduire seul dès l’âge de 14 ans , ou de pratiquer la chasse dès l’âge de 16 ans… 

 

En conclusion 

Il est difficile d’apporter une réponse universelle à la question du consentement du jeune mineur d’âge dans le milieu de la santé, tant les rouages qui le règlement dépassent parfois le droit pour relever du schéma familial et de l’éducation. Et si révolution il doit y avoir, celle-ci ne devrait pas être juridique, mais plutôt culturelle… 

Toujours est-il qu’à défaut d’abaisser l’âge de la majorité, la France pourrait au moins assouplir sa législation sur certains points, en s’alignant pour ce faire sur celle plus libérale d’autres Etats (notamment en matière d’IVG). Il en va certainement de l’intérêt supérieur de l’enfant, et de la préservation de son intimité . 

Cela dit, la « déresponsabilisation » vers laquelle la législation française essaye dans l’ensemble d’« entretenir » le mineur ne se traduit pas, du moins dans les faits, par des effets indésirables tels qu’ils ne seraient plus compatibles avec son émancipation et son développement personnel. Les textes actuels, en ce qu’ils permettent justement d’empêcher l’enfant « discernant » de faire des choix forts jusqu’à sa majorité – qui plus est lorsqu’ils ont trait à sa propre personne –, ont donc toutes les chances de prospérer sur le long cours en France. 

Et bien avant le milieu délicat de la santé, les « choses » bougeront peut-être en matière pénale, ou de circulation routière. 

Alors certes, le droit à la santé est un droit fondamental que les Etats démocratiques se doivent coûte que coûte de promouvoir, et d’octroyer autant que possible aux enfants dès lors qu’ils ont pleinement atteint l’âge de raison, autrement dit l’âge de prendre par eux-mêmes les décisions qui les concernent…

Mais ce n’est sans doute pas qu’au prix de cet effort que les enfants pourront clamer haut et fort leur appartenance véritable à la catégorie pourtant si chère aux rédacteurs de la CIDE, d’« êtres détenteurs de droits ». Nos droits de l’enfant sont bons, donc préservons-les ! 

 

 

 

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A propos de l'auteur
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Benjamin Clemenceau est ATER en droit public à l’IEP d’Aix-en-Provence et chargé de cours magistral à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. 

 

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