Externaliser ? Oui, mais avec prudence.

Publié le 16/11/2010 Vu 10 057 fois 0
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La pratique et la nécessité professionnelle consistant à faire assurer certains travaux ou prestations de service propres à l'entreprise par des intervenants extérieurs comporte des risques pénaux pour l'entreprise en cas de négligence. De fait, si le recours à des prestataires extérieurs pour l'exécution de certaines taches correspond à de réels besoins de la part de l'entreprise, il doit répondre à certains critères pour être licite.

La pratique et la nécessité professionnelle consistant à faire assurer certains travaux ou prestations de s

Externaliser ? Oui, mais avec prudence.

1/ La dissimulation d'emploi salarié


La dissimulation d’emploi salarié, ou travail dissimulé, est caractérisée par deux types de situation :

- il y a dissimulation simple lorsque le personnel employé n’a fait l’objet d’aucune déclaration, ne ne reçoit pas de bulletin de paie et ne fait l'objet d'aucun versement de cotisations sociales.

- il y a simulation de sous-traitance lorsqu’une entreprise fait appel à du personnel extérieur alors même que ce dernier devrait faire l’objet d’un contrat de travail, tel par exemple le recours à un contrat de sous-traitance ou de prestations de services avec des travailleurs indépendants (notamment sous le régime de l’auto-entrepreneur).


Dans cette dernière situation, les tribunaux recherchent des indices qui permettront ou non de requalifier la relation contractuelle en contrat de travail, à savoir notamment l’existence d’un lien de subordination, ou l’absence d’autonomie du personnel prestataire.

En conséquence, tout contrat de sous-traitance ou de prestation de service devra impérativement répondre aux conditions ci-après :

a) Tâche précise à accomplir par le cocontractant : Il est impératif de formaliser dans une convention écrite la prestation confiée à un intervenant extérieur, et ce de manière précise. A chaque fois que l'objet même de l'opération sera défini avec précision, les risques de requalification seront limités.

b) Prix forfaitaire : Il convient de privilégier une somme globale et forfaitaire pour la réalisation de l'opération, le coût horaire d’une prestation pouvant souvent être un indice de requalification.

c) Autonomie de l'entreprise prestataire : c’est à l’entreprise intervenante d’organiser son temps de travail pour l’accomplissement de sa mission. Aucune directive, aucun horaire de travail ne doit lui être imposé. Cette dernière assume seule la direction, la responsabilité de l'exécution des travaux et l'encadrement de son personnel éventuellement affecté.

d) Le matériel utilisé pour la réalisation de la prestation doit être apporté par l’entreprise prestataire : La fourniture par l'entreprise intervenante de matériel et des moyens nécessaires à l'accomplissement de la prestation est un indice important de l'existence d'un contrat de travail. En effet, la fourniture de l'équipement par le donneur d’ordre est habituellement l'une des caractéristiques de l'emploi salarié.

e) Respecter les obligations et formalités légales imposées au contractant par les textes pour lutter contre le travail dissimulé.

Le manquement à l'une de ces règles peut constituer un indice de l'existence d'un travail salarié qui, pour sa part, ne nécessite pas l'application de ces obligations légales.

Il convient donc de respecter les dispositions des articles L.8222-1 ; R.8222-1 et D.8222-5  du Code du Travail qui imposent  à toute personne qui conclu un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant au moins égal à 3 000,00 €, en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services, de s'assurer, lors de la conclusion du contrat et tous les 6 mois jusqu'à la fin de l'exécution du contrat que son co-contractant s'acquitte de ses obligations au regard des articles L.8221-3 et L.8221-5 du même Code.

Le donneur d’ordre professionnel doit notamment se faire remettre au moment de la conclusion du contrat et tous les 6 mois jusqu'à la fin de son exécution les documents suivants :

- attestation de fourniture de déclaration sociale émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations sociales incombant au cocontractant et datant de moins de 6 mois ;

- attestation sur l'honneur du cocontractant du dépôt auprès de l'administration fiscale, à la date de l'attestation, de l'ensemble des déclarations fiscales obligatoires et le récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises lorsque le cocontractant n'est pas tenu de s'immatriculer au registre du Commerce et des Sociétés (notamment pour les auto entrepreneurs);

-  un extrait Kbis pour une société ou un extrait K pour une entreprise individuelle;

- un devis faisant mention du nom ou de la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du Commerce et des Sociétés ou au répertoire des métiers ;

- un récépissé de dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours  d'inscription ;

- lorsque le cocontractant emploie des salariés, une attestation sur l'honneur établie par ce cocontractant certifiant que le travail sera réalisé avec des salariés employés régulièrement.

f) Respecter l'indépendance économique du cocontractant : le donneur d’ordre doit enfin veiller à ce qu'il n'y ait pas de dépendance économique de l'entreprise extérieure. Il lui faut alors être prudent lorsque le chiffre d’affaires réalisé par son prestataire devient supérieur à 50% du chiffre d’affaire que ce dernier réalise.

2/ Le prêt illicite de main-d’œuvre et le marchandage



Les opérations d’externalisation peuvent aussi cacher des opérations de prêt illicite de main-d’œuvre et de marchandage interdites.

Le délit de marchandage est défini par le Code du travail comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'évincer l'application de  dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif du travail.

Quant au délit de prêt illicite de main-d'œuvre, il est défini comme toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'œuvre.

a) Contrat de prestation de services ou de sous-traitance et prêt de main d'œuvre :

Il y a prêt de main-d'œuvre lorsqu'une entreprise met un de ses salariés à la disposition d'une autre entreprise pour une durée déterminée ou non.

Sont licites les opérations de prêt de main-d'œuvre à but non lucratif.

Sont en principe considérées comme réalisées à titre non lucratif, les mises à disposition de personnes pour lesquelles l'entreprise prêteuse se fait rembourser à prix coûtant par l'entreprise d'accueil les seules rémunérations et charges sociales correspondant à l'emploi des personnes détachées.

L’entreprise prêteuse ne doit pas tirer un bénéfice de l’opération, c'est-à-dire ne doit pas avoir un caractère lucratif.

c) Préjudice causé aux salariés  : le délit de marchandage

Le prêt de main-d'œuvre non exclusif à but lucratif est illicite dès lors qu'il a pour effet de causer un préjudice au salarié concerné.

Selon la jurisprudence, le préjudice subi par les travailleurs peut résulter du fait que les salariés prêtés n'ont pas bénéficié des mêmes avantages que les salariés de l'entreprise utilisatrice.

Enfin, et indépendamment de tout préjudice, le délit est constitué dès lors que le prêt a eu pour effet d'éluder l'application de règles légales, ou issues d'une convention ou d'un accord collectif.

3/ Les sanctions du travail dissimulé, du prêt illicite de main d'œuvre et du marchandage

Sur le plan administratif, dans le cas où il est constaté l'existence d'un prêt de main d'œuvre illicite, de marchandage ou de travail dissimulé, l'autorité administrative peut refuser d'accorder,  pendant une durée maximale de 5 ans, les aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle à la personne ayant fait l'objet de cette verbalisation.

En outre est puni pénalement :

 

a) Le travail dissimulé : peine d’emprisonnement maximal de 3 ans et /ou d’une amende de 45.000 €  pour les personnes physiques (Art. L.8224-1 du Code du Travail).

Ces peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende si le salarié dissimulé est un mineur soumis à l’obligation scolaire (Art. L.8224-2 du Code du Travail).

A ces peines principales s'ajoutent 5 peines complémentaires que sont :

  • l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer, directement ou par personne interposée, l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
  • l'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
  • la confiscation des objets ayant servi directement ou indirectement à commettre l'infraction ou qui ont été utilisés à cette occasion, ainsi que de ceux qui en sont le produit et qui appartiennent au condamné ;
  • l'affichage du jugement aux frais de la personne condamnée et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu'elle désigne.
  • l'interdiction des droits civiques, civils et de famille.

Le travail dissimulé peut faire également l’objet de sanction civile, à savoir :

-          la nullité d'ordre public du contrat régularisé entre le donneur d'ordre et le "prestataire de services" ou son "sous-traitant".

-          la possibilité pour le salarié dont l’activité a été dissimulée de demander la reconnaissance de l'existence du contrat de travail le liant au donneur d'ordre, avec paiement rétroactif des rémunérations, indemnités et charges sociales et indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire pour dommages et intérêts en faveur du salarié.

b) Le prêt illicite de main d’œuvre et le marchandage

Ces deux délits sont punis de peines identiques : emprisonnement de 2 ans et /ou amende de 30 000,00 €  pour les personnes physiques (Art. L.8234-1 alinéa 1 et 8243-1 alinéa 1 du Code du Travail) ;

A ces peines principales s'ajoutent deux peines complémentaires que sont :

  • l'interdiction de sous-traiter de la main d'œuvre pour une durée de 2 à 10 ans ; interdiction dont la violation directe ou par personne interposée est punie d'un emprisonnement de 12 mois et d'une amende de 12 000,00 € ;
  • l'affichage et l'insertion dans un journal de la condamnation.

Le prêt illicite de main d’œuvre et le marchandage dont également l’objet de sanction civile, à savoir :

-          la nullité d'ordre public du contrat régularisé entre le donneur d'ordre et le "prestataire de services" ou son "sous-traitant".

-          la possibilité pour le salarié "prêté" dans un cadre illicite de solliciter la reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail le liant au donneur d'ordre avec paiement des rémunérations, indemnités et charges sociales relatives aux salariés concernés..

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