Lorsqu’au cours d’une procédure de divorce de deux époux, dont l’un exerce une activité indépendante, le juge ordonne leur résidence séparée et attribue au conjoint de l’entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l’entrepreneur, à l’égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n’est plus située dans l’immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage. Par conséquent, les droits qu’il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de son activité professionnelle.
Comme l’a joliment exprimé le professeur Le Corre, « petit à petit, l’oiseau jurisprudentiel construit le nid juridique de l’insaisissabilité légale de la résidence principale » (P.-M. Le Corre, La résidence principale insaisissable et le divorce de l’entrepreneur individuel, LXB éd affaires, n° 718, 26 mai 2022). À cet égard, nous formulions, lors d’un précédent commentaire, le fait qu’en un peu plus d’une décennie, la problématique de l’insaisissabilité des immeubles d’un entrepreneur sous procédure collective était devenue un incontournable du droit des entreprises en difficulté (B. Ferrari, note ss Com. 13 avr. 2022, n° 20-23.165, Dalloz actualité, 12 mai 2022 ; D. 2022. 790
Mais puisque jusqu’à présent l’attention jurisprudentielle s’était portée sur la déclaration notariée d’insaisissabilité, nous attirions spécialement l’attention du lecteur sur les arrêts ayant trait à l’insaisissabilité légale de la résidence principale, instaurée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi « Macron ».
Justement, l’arrêt sous commentaire porte sur cette dernière !
Il règle une question inédite à notre connaissance : celle de la situation de l’immeuble quitté par l’entrepreneur avant l’ouverture de sa procédure collective avec la problématique centrale de savoir s’il conserve ou non le bénéfice de l’insaisissabilité légale de sa « résidence principale ».
En l’espèce, un entrepreneur individuel a fait l’objet d’un redressement judiciaire en 2016, puis d’une liquidation judiciaire en 2017. Or, par une ordonnance du 9 juillet 2019, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques d’un bien immobilier appartenant au débiteur et à son (ex-)épouse, dont cette dernière avait la jouissance exclusive depuis une ordonnance de non-conciliation du 19 juillet 2010 rendue au cours de la procédure de divorce des deux époux.
Le débiteur a fait appel de cette ordonnance et la cour d’appel a dénié au liquidateur la qualité pour réaliser l’immeuble. Pour aboutir à une telle décision, les juges du fond ont estimé que la décision judiciaire attribuant la jouissance exclusive de la résidence de la famille à l’épouse était sans effet sur les droits de l’entrepreneur sur ce bien et partant, sur son insaisissabilité légale. Ainsi, l’insaisissabilité de l’immeuble empêcherait le liquidateur judiciaire de l’appréhender.
Le mandataire forme un pourvoi contre cet arrêt. En réalité, la question posée à la haute juridiction était assez simple : l’immeuble, qui n’est plus occupé par l’entrepreneur, et ce avant l’ouverture de sa procédure collective, constitue-t-il encore sa résidence principale...