De nombreux clients, preneurs de locaux commerciaux (restaurateurs, exploitants de magasin, …) se posent fréquemment les questions suivantes : qui du bailleur ou du preneur doit supporter le coût des travaux d’aménagement ou de remplacement de la porte d’entrée du local commercial pour en permettre l’accès aux personnes à mobilité réduite ? Les travaux d’accessibilité aux toilettes ? Les travaux d’adaptation d’un ascenseur ? L’installation d’équipements divers telles que rampes etc… ?
Une distinction doit être opérée selon les cas. En premier lieu il convient de se reporter aux dispositions contractuelles prévues par les parties et donc au contrat de bail.
1/ En cas de silence du bail :
Si le bail ne contient aucune stipulation prévoyant la prise en charge des travaux de mise aux normes d’accessibilité ou des travaux imposés par l’administration, c’est alors le bailleur qui est tenu de réaliser à ses frais de tels travaux.
Et ce en application de l’article 1719 du Code civil et de l'obligation de délivrance qui pèse sur le bailleur.
Si le bailleur ne réalise pas les travaux, il devra être mis en demeure par le preneur de les réaliser. A défaut d'accord, le preneur devra obtenir une autorisation judiciaire de se substituer à lui ; le coût des travaux restant à la charge du bailleur. Attention : un accord de principe du bailleur sur les travaux envisagés ne vaut pas accord de ce dernier (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 juin 2021, 20-17.399).
2/ En présence d’une clause dans le bail :
- Pour les baux conclus ou renouvelés avant la loi PINEL (avant le 5 novembre 2014)
Si une clause du bail met expressément à la charge du preneur les travaux imposés par l’administration, le preneur devra alors réaliser à sa charge les travaux prescrits par l’autorité administrative.
Toutefois, et pour ce faire la clause doit être précise. Les clauses générales ou insuffisamment explicites ou claires sont écartées par les tribunaux.
Ainsi par exemple, une clause qui prévoit que « les travaux imposés par une autorité administrative seront à la charge du preneur », est une clause précise qui transfère le coût des travaux sur ce dernier.
Il en va de même de la clause stipulant que « la charge de tous les travaux qui pourraient être nécessaires pour adapter les locaux loués ou les mettre en conformité avec la réglementation existante (notamment les «travaux de sécurité») sera exclusivement supportée par le locataire, et qu’il en sera de même si cette réglementation vient à se modifier et que, de ce fait, l'immeuble n'est plus conforme aux normes réglementaires» (Cour d'appel d'Orléans, 19 mars 2020, 19/009481).
En revanche, la clause générale qui prévoit que le preneur « devra respecter les prescriptions administratives applicables à son activité » ou « satisfaire à toutes les charges de ville et de police » ne transfère pas la charge des travaux de mise aux normes sur le preneur.
De même, la clause indiquant uniquement que « le preneur prend les locaux en l’état où ils se trouvent et ne pourra pas exiger d’autres travaux du bailleur que ceux nécessaires à garantir le clos et le couvert » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 20 décembre 2018, 16-23.449) ou celle selon laquelle « le preneur prend les lieux dans l'état où ils se trouvent lors de l'entrée en jouissance, et prend à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité » ne mettent pas à la charge du preneur la réalisation des travaux prescrits par l’administration pour la mise aux normes de son local.
Il en est encore de même de la clause stipulant que « le preneur aménagera les locaux mis à sa disposition pour en faire un local légalement exploitable pour son activité ou qu'il devra satisfaire à toutes les réglementations », jugée trop générale pour mettre à la charge du preneur le coût des travaux.
Attention également : le preneur devra au préalable demander l’autorisation du bailleur et cela même si l’obligation d’effectuer les travaux résulte d’une disposition administrative, ce qui vient d’être récemment rappelé par la Cour de Cassation « Le caractère obligatoire des travaux de mise aux normes d'accessibilité des établissements recevant du public aux personnes handicapées, imposés par la loi du 11 février 2005, ne dispense pas le locataire de locaux commerciaux soumis à une telle obligation, sauf cas d'urgence, d'obtenir, en application de l'article 1144 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, l'autorisation préalable du bailleur ou, à défaut, une autorisation judiciaire, de les réaliser » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 juin 2021, 20-17.399)
- Pour les baux conclus ou renouvelés après la loi PINEL (après le 5 novembre 2014)
Dans cette hypothèse, il faudra vérifier que la clause stipulée dans le bail mettant à la charge du preneur les travaux d’accessibilité ou plus généralement les travaux prescrits par l’autorité administrative est conforme à l’article R.145-35 du code du commerce.
En effet, depuis la loi Pinel, il est interdit de répercuter sur le preneur les dépenses suivantes :
- « Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil (…)
- Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ».
Il faudra donc distinguer selon la nature des travaux en question : grosses réparations de l’article 606 ou non.
Soit les travaux relèvent de l’article 606 du Code civil, dans ce cas ils seront à la charge du bailleur. Ce sera nécessairement le cas pour les travaux affectant les gros murs, et donc du remplacement d’une porte d’entrée adaptée aux personnes à mobilité réduite nécessitant pour l’installation de modifier la structure de la façade, ou en encore des travaux d’aménagement de toilettes accessibles aux personnes à mobilité réduite dès lors qu’il s’agit de travaux de transformation conséquente assimilables à de gros travaux.
Soit les travaux ne relèvent pas de l’article 606 du code civil, dans ce cas ils seront à la charge du preneur si le bail le prévoit expressément et que la clause est suffisamment précise.