Proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat

Publié le 27/12/2011 Vu 3 044 fois 0
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Cette proposition de directive tend à harmoniser les règles applicables au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après une arrestation. Ce texte pourrait avoir des effets importants sur notre droit interne. Nous avons, en effet, par la loi du 14 avril 2011, récemment modifié notre procédure pénale afin de mieux encadrer le régime de la garde à vue à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010. Or, en l'état, la proposition de la Commission européenne pourrait conduire à revoir les dispositions adoptées par le Parlement.

Cette proposition de directive tend à harmoniser les règles applicables au droit d'accès à un avocat dans

Proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat

Axelle Jeannerod / Marina Boismenu

Proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat

INTRODUCTION

-> Les droits garantis par la Charte des droits fondamentaux et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme :

Le droit à un procès équitable, dont fait partie le droit d’accès à un avocat est consacré par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. L’article 48, lui, consacre les droits de la défense et a le même sens et la même portée que l’article 6§3 de la CESDH. Ces droits constituent des garanties formelles contre les mauvais traitements et donc, sont un rempart contre d’éventuelles violations de l’article 3 CESDH.

Afin de garantir ces droits à toutes les personnes soupçonnées ou poursuivies dans une affaire pénale sur le territoire de l’UE, la Commission européenne a présenté, le 8 juin 2011, une proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l’arrestation. Cette proposition a pour objet de fixer des règles minimales communes aux Etats Membres de l’UE, concernant les droits des personnes qu’elles soient ou non privées de liberté.

-> Le contexte :

Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, permet à l'Union d'adopter des mesures dans le domaine pénal afin de renforcer les droits des citoyens de l'Union, conformément à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et notamment les droits des personnes dans le cadre de procédures pénales.

Antérieurement à cette date d’entrée en vigueur, le 30 novembre 2009, le Conseil de Justice a adopté une feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre des procédures pénale. La proposition de directive que nous allons vous présenter s’inscrit dans cette feuille de route, qui comprend donc, pour l’instant 4 mesures. C'est le 20 octobre 2010 que la première mesure a été adoptée, elle a octroyé aux suspects le droit à la traduction et à l'interprétation. La Commission a soumis la deuxième proposition de mesure en juillet 2010, actuellement en cours de négociation avec le Parlement européen, relative au droit à l’information, qui établira des normes minimales en ce qui concerne le droit d’être informé de ses droits et des charges retenues contre soi, ainsi que le droit d’avoir accès au dossier de l’affaire. Le Parlement européen doit l'approuver définitivement avant qu'elle acquière une valeur normative.

La directive relative au droit d'accès à un avocat et au droit de communiquer après l’arrestation constitue le troisième volet de cette série de mesures visant à définir des normes européennes communes dans les affaires pénales. La proposition n'entrera en vigueur qu'après un examen et une adoption par le Parlement européen et le Conseil. Le texte final de la directive pourrait donc être différent de celui de la proposition de la Commission que nous allons vous présenter.

L’objectif de cette proposition étant l’instauration de normes minimales communes, elle devrait ainsi renforcer la confiance réciproque entre les autorités judiciaires et faciliter l’application du principe de reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires. La proposition se fonde donc sur l’article 82 du TFUE qui a déjà été présenté il y a quelques semaines (le Parlement et le Conseil peuvent établir des règles minimales qui tiennent compte des différences entre les traditions et systèmes juridiques des états membres, dans la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires ainsi que la coopération policière et judiciaire dans les matières pénales ayant une dimension transfrontière).

-> Les motifs :

Il faut savoir que chaque année, plus de 8 millions de procédures pénales dans l’UE sont recensées. Les droits de la défense au bénéfice de quiconque est suspecté d'avoir commis une infraction pénale sont largement reconnus comme un élément fondamental d'un procès équitable, mais les conditions dans lesquelles les suspects peuvent consulter un avocat varient d'un État membre à l'autre (Ex. il se peut que la personne accusée d'avoir commis une infraction pénale ne soit pas en mesure de voir un avocat pendant qu'elle est interrogée par la police). Les éléments de preuve recueillis en l'absence d'un avocat ont une valeur différente selon l'État membre concerné. Des divergences similaires existent quant au droit des suspects d'informer un parent ou leur employeur de leur arrestation. Il se peut que les personnes ne se voient pas systématiquement offrir ce droit, qu'elles n'en bénéficient qu'à un stade tardif de la procédure ou qu'elles ne soient pas informées que leur famille a été contactée.

Ainsi, quels sont les principes fondamentaux dégagés par cette proposition de directive en matière de droit d’accès à un avocat, et quelles sont les critiques qui peuvent être formulées à cet égard ?

Nous verrons donc dans un premier temps les normes minimales édictées par la proposition de directive concernant les droits des personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de procédures pénales d’avoir accès à un avocat (I), avant de se pencher plus particulièrement sur les critiques formulées par la France contre cette proposition (II).

 

I - Les principes dégagés par la proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l’arrestation

 

Nous verrons dans un premier temps les principes généraux dégagés par la proposition de directive en matière de droit d’accès à un avocat (A), puis les dispositions spécifiques applicables à ce droit (B).

A)    Les principes généraux dégagés par la proposition de directive

 

C’est l’article 3 de la proposition qui prévoit que les États membres doivent veiller à ce que les personnes soupçonnées ou poursuivies aient accès à un avocat dans les meilleurs délais et en tout état de cause : avant le début de tout interrogatoire mené par la police, dès le début de la privation de liberté ou dans un délai et selon des modalités leur permettant d’exercer effectivement les droits de la défense. Cet article fait référence à la jurisprudence de la CEDH qui a, à maintes reprises, condamné des états pour violation de l’article 6 CESDH (affaires Salduz c/ Turquie du 27 novembre 2008 et Dayanan c/ Turquie du 13 janvier 2010). Dans ce cadre, l’article 10 de la proposition énonce que le droit d’accès à un avocat doit également être effectif pour les témoins lorsqu’ils sont en réalités suspectées d’avoir participé à une infraction pénale (relatif à l’affaire Brusco c/ France du 14 octobre 2010).

Selon l’article 4 de la proposition, l’avocat doit pouvoir intervenir pour garantir l’exercice effectif des droits de la défense, notamment le droit d’assister à tout interrogatoire ou audition, de poser des questions, de demander des éclaircissements et faire des déclarations, ainsi que d’être présent lors de toute autre mesure d’enquête ou de collecte de preuves qui exige ou autorise la présence de la personne soupçonnée ou poursuivie. Il aura aussi le droit de contrôler les conditions de détention.

L’article 7 de la proposition garantie, quant à lui, la confidentialité des communications entre la personne poursuivie ou soupçonnée et son avocat. Cette confidentialité étant une garantie importante des droits de la défense, la proposition ne donne aucune possibilité de déroger à ce principe.

Le droit de communiquer avec un tiers après l’arrestation est consacré par l’article 5 de la proposition qui confère aux personnes privées de liberté le droit de communiquer, dès que possible après l’arrestation, avec au moins une personne qu’elles désignent, afin de l’informer de la mise en détention. Les représentants légaux d’enfants privés de liberté doivent également être avertis de la mise en détention de ces enfants et des raisons qui la motivent, sauf si cela est contraire à son intérêt supérieur. Allant plus loin, l’article 6 de la proposition énonce que les ressortissants étrangers doivent pouvoir contacter leur ambassade ou consulat.

Pour les personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle, l’article 12 fait obligation aux états membres de continuer d’appliquer leur régime national en la matière.

B)    Les dispositions spécifiques applicables au droit d’accès à un avocat

 

Une autre catégorie de personne doit pouvoir bénéficier du droit d’accès à un avocat : ce sont les personnes visées par un mandat d’arrêt européen. L’article 11 de la proposition vient ainsi compléter l’article 11 de la décision-cadre relative au MAE. Il prévoit  le droit, dans l’état membre d’exécution, de recourir aux services d’un avocat dans un délai lui permettant d’exercer effectivement ses droits, le droit à la présence de son avocat lors des éventuels interrogatoires ou auditions, ainsi que le droit, pour son avocat, d’accéder au lieu où elle est détenue afin de contrôler les conditions de sa détention. Les états membres veillent également à ce que la personne ait le droit d’avoir accès à un avocat dans l’état membre d’émission, ce second avocat a le droit d’exercer des activités limitées à ce qui est nécessaire pour assister l’avocat désigné dans l’état membre d’exécution. Ainsi cette disposition ne portera pas atteinte à la reconnaissance mutuelle car l’avocat du pays d’émission ne s’occupera pas du fond de l’affaire.

La personne soupçonnée ou poursuivie ou la personne faisant l’objet d’un MAE peut toutefois renoncer à son droit d’accès à un avocat, dans ce cas la renonciation est soumise aux conditions de l’article 9 de la proposition : la renonciation doit être formulée de plein gré et sans équivoque, la personne doit être informée des conséquences de cette renonciation et être en mesure de comprendre la teneur de ces conséquences.

L’article 8 de la proposition donne quant à lui les dérogations possibles au droit d’accès à un avocat. Ainsi, dans des circonstances exceptionnelles, et par autorisation d'une autorité judiciaire, le droit d’accéder à un avocat, de communiquer avec un tiers et avec son ambassade ou consulat peuvent être suspendus. La dérogation doit être justifiée par la nécessité de prévenir une atteinte grave à la vie ou à l’intégrité physique d’une personne. En tout état de cause, cette dérogation ne doit pas être uniquement fondée sur la gravité de l’infraction reprochée à la personne, elle doit être proportionnelle à la situation, d’une durée aussi limitée que possible et ne pas porter atteinte à l’équité de la procédure.

En cas de violation du droit à un procès équitable, l’article 13 de la proposition donne obligation aux états membres de veiller à ce que la personne, dont les droits auraient été bafoués, bénéficie d’un recours effectif pour se retrouver, autant que possible, dans la situation qui aurait été la sienne si ses droits n’avaient pas été bafoués.

Enfin, l’article 14 est une clause de non-régression, c’est-à-dire que la directive ne doit pas abaisser les normes en vigueur dans certains états membres qui demeurent libre de fixer des normes plus élevées que celles qui sont établies dans cette proposition.

Nous allons maintenant vous présentez les critiques qui peuvent être avancées à l’égard de cette proposition de directive.

 

II – LE RISQUE D'UNE MODIFICATION OU D'UN REJET DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

 

La réception de la proposition du Conseil et du Parlement européen a été variable selon les Etats, mais encore au sein des Etats entre les différents intervenants de la procédure pénale. Le cas de la France illustre parfaitement ces oppositions (A). Il convient donc de relever les principales critiques émises par les opposants au projet de directive, mais aussi d'étudier les contre-arguments de ceux qui militent pour son adoption (B).

A)    Un accueil contrasté

1)    Réaction parmi les Etats-membres

 

Si la grande majorité des Etats-membres admet plutôt aisément ce projet de directive, d'autres sont beaucoup plus réticents. C'est le cas de la France, du Royaume-Uni, de l'Irlande, de la Belgique et des Pays-Bas. Ces cinq Etats ont émis d'importantes réserves, estimant que l'application de cette directive « poserait des difficultés substantielles pour la mise en œuvre effective des enquêtes et des procédures pénales ».

On relèvera tout de même que deux de ces Etats n'auront à transposer cette directive dans leur droit interne que s'ils décidaient de participer à son adoption, et ce en vertu du Protocole sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

2)     Réaction de la Chancellerie française

 

La France, par l'intermédiaire de son Garde des sceaux, a fait connaître son désaccord avec les principes énoncés dans la proposition de directive. Le ministre de la Justice a en en effet déclaré « Je n'ai pas l'intention de soutenir le texte de la proposition de Directive sur l'accès à l'avocat qui, dans sa forme actuelle, est dangereusement déséquilibrée ». Michel Mercier affirme que le renforcement de la présence de l'avocat « pose de graves difficultés, en n’assurant pas l’équilibre nécessaire entre les droits de la défense et les nécessités de l’enquête » alors que nous étions selon lui parvenus à « un certain équilibre dans notre loi nationale ». L'adoption de cette directive serait donc préjudiciable à l'efficacité des enquêtes, car ces mesures « contraignent l’enquêteur à suivre le rythme imposé par l’avocat du gardé à vue » et risquent « d’être un frein à la manifestation de la vérité et de compromettre la réussite des enquêtes, au préjudice de la société et des victimes ». Il ajoute enfin que les conséquences budgétaires de ces mesures ne pourront pas être supportées par la France.

Le ministre qualifie de « dévoiement du rôle de l'avocat » son intervention systématique à tous les stades de la procédure. Certains députés sont même allés jusqu'à dénoncer le lobby des avocats. Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice qui est à l'origine de cette proposition a déclaré en réponse à ces attaques du Garde des sceaux : « J'ai l'impression qu'en France, on n'est pas au courant de ce qui est écrit dans le texte ».

3)     Réaction des avocats français et européens

 

La motion du Conseil national des barreaux français relative au Rôle essentiel de l'avocat reconnu par la proposition de directive européenne a été adoptée à l'unanimité au mois de septembre. Les avocats français soutiennent donc cette proposition et encouragent l'harmonisation des législations européennes, notamment en ce qui concerne le principe du droit à un procès équitable et les droits de la défense. La majorité des avocats français avait d'ailleurs fortement critiqué la récente réforme française de la garde à vue qu'ils jugeaient trop timide.

Le Conseil des barreaux européens (CCBE) a également salué l'initiative du Conseil et du Parlement européen. Il a publié des commentaires en réponse aux préoccupations exprimées par les cinq Etats opposés à l'adoption de la directive dans lesquels il réfute leurs arguments. Il souligne l'importance de « l’engagement de la Commission européenne, à garantir que les justiciables disposent des mêmes droits fondamentaux dans leurs relations avec les systèmes judiciaires pénaux, quel que soit le pays où l’individu est soupçonné ou accusé d’avoir commis une infraction pénale ».

 

B)    Des critiques infondées ?

 

Les critiques émises par les Etats-membres opposés à l'adoption de la directive ne sont certes pas les plus objectives, voire empreintes de mauvaise foi, mais elles soulèvent tout de même des points importants qui ont également été mis en évidence par le Conseil économique et social européen dans son rapport du 27 octobre 2011.

1)    L'efficacité de l'enquête

 

La présence de l'avocat est perçue par les services de police comme un obstacle au bon déroulement de l'enquête et à la découverte de la vérité.

Le CCBE considère à l'inverse que la présence de l'avocat, loin de constituer un frein à l'enquête, permet d'assurer l'impartialité de la procédure et la recevabilité des preuves recueillies en sa présence. Il est difficile d'imaginer comment une enquête équitable pourrait de quelque manière que ce soit être compromise par le fait que la personne détenue ait accès à des conseils juridiques, l'avocat étant par ailleurs soumis au secret de l'enquête. La directive prévoit en outre des restrictions à ce droit si la présence de l'avocat était de nature à porter préjudice à l'obtention des preuves.

Le CESE reconnaît néanmoins l'existence de certaines difficultés pratiques liées à l'exigence de la présence de l'avocat, notamment en ce qui concerne la transmission du dossier en temps réel. Il précise que le déroulement de l'enquête doit demeurer entre les mains des services de police et non pas être soumise à la disponibilité de l'avocat. Le CESE recommande donc d'introduire des délais raisonnables à l'issue desquels les enquêteurs pourront procéder aux actes d'enquête si l'avocat avisé ne se manifeste pas, ainsi que de limiter la fréquence et la durée des entretiens avec son client (dans le but d'éviter de quelconques manœuvres dilatoires). Le CESE précise enfin que le déroulement de l'enquête ne subirait aucun retard si les Etats se dotaient d'un système efficace d'avocats commis d'office. Cette recommandation s'accompagne d'un rappel du principe de libre-choix de l'avocat présent à l'art 6 § 3 de la CESDH.

A ceux qui prédisent que l'adoption de la directive va faire augmenter de façon disproportionnée le nombre de détentions provisoires, le CCBE rétorque que la possibilité pour la personne intéressée de consulter un avocat rapidement après son arrestation réduit le risque d'abus et limite la détention provisoire au strict nécessaire.

 

2)    Le dépassement de la jurisprudence de la CEDH

Certains Etats-membres soutiennent que la directive proposée introduit des mesures qui dépassent largement les orientations issues de la jurisprudence de la CEDH, qui sont au surplus spécifiques à chaque affaire et à chaque Etat.

Le CESE rejette cet argument, en affirmant que les arrêts de la CEDH ont autorité interprétative dans tous les Etats du Conseil de l'Europe. Comme l'indique le président du CCBE :  « Garder les lois nationales dans leur état actuel et attendre qu’une décision de la Cour de Strasbourg les ajuste une à une n’est pas la solution ».

Le fait que la Cour n'aie pas eu la possibilité de rendre des décisions sur toutes les questions particulières concernant l'accès à un avocat n'empêche pas qu'une directive européenne, qui vise à établir des normes communes, comprenne d'autres dispositions qui suivent la ligne de jurisprudence de  la Cour.

3)    L'absence de prise en compte de la diversité des systèmes

 

L'article 82 § 2 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne prévoit que les règles imposées par l'UE doivent tenir compte des différences entre les traditions et systèmes juridiques des États membres. Les opposants à l'adoption de la directive estiment donc que la généralisation réalisée par la directive méconnait ce principe.

A ce propos, le CESE reconnaît que la directive, bien qu'énonçant des règles a minima procède en réalité à une véritable harmonisation « par le haut » des procédures pénales nationales. Toutefois, l'espace judiciaire commun nécessite une application harmonisée de règles communes. Dans l'état actuel des choses, les législations nationales offrent des solutions différentes, avec des degrés de protection variables pour les droits de la défense, ce qui contrevient au principe de sécurité juridique. La jurisprudence de la CEDH ne peut suffire à réaliser cette unification, c'est pourquoi la directive reste l'instrument privilégié. Le projet de directive précise même que «  la présente proposition est conforme au principe de proportionnalité en ce qu'elle se limite au minimum requis pour réaliser l'objectif précité au niveau européen et n'excède pas ce qui est nécessaire à cette fin ».

Le président de la CCBE résume la position des Etats-membres opposés à la directive par la phrase suivante : « Le fait que certains signataires aient été condamnés à plusieurs reprises ces dernières années par la Cour de Strasbourg pour violation  du droit  d’accès à un avocat  donne l’impression que ceux-ci  luttent pour la défense de leur système national au lieu de coopérer de façon productive avec les autres États membres en vue d’établir des normes minimales communes dans les procédures pénales au sein de l’Union ».

4)    Les conséquences budgétaires

 

Les Etats-membres et le CESE déplorent le fait que la directive concernant l'aide juridictionnelle, initialement jointe à la question de l'accès à l'avocat, en ait été dissociée pour être adoptée ultérieurement, critiquant ainsi le manque de réalisme de la Commission quant aux capacités financières des Etats.

Il faut pourtant noter que l'aide juridictionnelle est un sujet beaucoup plus complexe qui nécessite une élaboration plus longue. Ainsi, le maintien de la jonction de ces questions aurait retardé inutilement l'adoption des mesures relatives aux droits de la défense. La Commission ajoute à cela que les implications financières ne devraient pas justifier le manquement systématique au respect des droits de la personne soupçonnée. En définitive, si les coûts s'avèrent finalement importants au moment de l'entrée en vigueur de la directive sur l'aide juridictionnelle, c'est que l'Etat concerné faisait déjà preuve d'une défaillance dans la fourniture d'une représentation juridique adéquate. Le CCBE ajoute qu' « au demeurant, on peut s’étonner que les arguments financiers ne soient pas évoqués lorsqu’il est question de coopération judiciaire à charge, par exemple, lors de l’introduction d’un mandat d’arrêt européen ».

On relèvera tout de même que l'aspect financier de ces mesures, en l'absence d'évaluation précise, pourra affecter l'effectivité des droits énoncés. La question se pose par exemple en matière d'exécution du mandat d'arrêt européen, puisque la directive prévoit l'intervention de deux avocats (un dans le pays d'émission et un dans le pays d'exécution).

5)    Les difficultés terminologiques

Le CESE a principalement souligné les difficultés liées à l'interprétation de certains termes de la directive, et souhaite que certaines expressions soient précisées ou remplacées, sans pour autant remettre en question le contenu des mesures prévues par la directive.

Ainsi, en l'absence de définition claire et harmonisée de l'expression « personne soupçonnée », le CESE préconise sa substitution par la formulation : « personne à l’encontre de laquelle il existe des charges suffisantes », afin de réduire la part d’incertitude et de subjectivité.

D'autres modifications sont à envisager, l'avocat devant « constater » plutôt que contrôler les conditions de détention (ce qui correspond mieux à la traduction anglaise).

Enfin, pour la France en particulier, la substitution de l'expression « autorité judiciaire » pouvant décider une dérogation aux droits édictés par la directive, devrait se faire au profit de d' « autorité compétente », puisque le parquet ne constitue pas selon la CEDH une autorité judiciaire en raison de son manque d'indépendance (CEDH, 2010, Medvedyev c. France).

 

Pour finir, le CESE invite à fixer des orientations visant à améliorer également la protection des droits des victimes face aux droits nouveaux accordés à la défense (assistance d'un avocat lors des interrogatoires et de la confrontation avec la personne mise en cause).

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