Civ. 3e, 6 oct. 2016, FS-P+B, n° 15-17.989
« Les méthodes alternatives aux règlements des conflits, justice de demain ? »
Ainsi formulé, le sujet de procédure civile posé, cette année dans un IEJ de PARIS, montre clairement l’importance que revêt ce thème dans notre droit actuel. Le programme nouvellement consacré par la réforme de l’examen du Barreau corrobore l’importance d’un tel thème.
Les modes alternatifs des règlements des conflits que l’on appelle également ADR dans le système anglo-saxon (Alternative Dispute Résolution) ne cessent depuis ces dernières années de se développer.
L’arrêt du 6 octobre dernier confirme une fois de plus que la clause de médiation ne cesse de faire parler d’elle.
Les clauses de médiation préalable instaurent une fin de non-recevoir si une partie saisit une juridiction avant d’avoir exécuté son obligation.
Les faits de l’espèce de cet arrêt sont les suivants : la SCI Bordeaux-Bonnac a donné à bail à la société Casapizza France un local dépendant d'un centre commercial en cours de construction ; le contrat devant prendre effet à la date de livraison au preneur, au minimum trois mois avant l'ouverture au public.
'En dépit de plusieurs mises en demeure, la société Casapizza France n'a pas pris possession des locaux.
La SCI Bordeaux-Bonnac l'a donc assignée en paiement de l'indemnité d'immobilisation prévue au bail.
Toutefois, ce n’était pas sans compter sur la présence d’une clause de conciliation préalable qui instaurait une procédure de médiation préalable obligatoire à la saisine d’un juge.
La SCI bailleresse avait alors pris le choix de saisir le Tribunal de Grande instance sans mettre en œuvre la procédure préalable prévue de manière conventionnelle.
C’est alors que tout en interjetant appel, elle décide d’initier la procédure de médiation.
Si la Cour d’Appel déclare que malgré l’échec de la médiation entreprise, la procédure a été régularisée, la Cour de Cassation en décide autrement et retient la sanction procédurale de la fin de non-recevoir au titre de la méconnaissance de la procédure conventionnelle de médiation.
L’arrêt reste donc conforme à la solution tirée de la fin de non-recevoir depuis l’arrêt de 2003 conformément aux articles 122 et 124 du Code de Procédure civile (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, nos 00-19.423 et 00-19.424, Bull. ch. mixte, n° 1).
Pourtant, les divergences antérieures étaient légions et l’évidence même de la sanction restait à préciser.
Ainsi, la 2e chambre civile considérait par exemple que ce type de clause n’était pas sanctionné par une fin-de non-recevoir (C. Cass, 15 janvier 1992 n° 90-19.097), mais s’interprétait comme un sursis à statuer avant d’opter pour la qualification d’une fin de non-recevoir.
La première chambre, quant à elle, refusait tout simplement une telle qualification (C. Cass. 1e, 23 janvier 2001, n°98-18.679).
Il faudra attendre l’arrêt du 14 février 2003 précité pour que la Cour de cassation consacre la fin de non-recevoir comme sanction de la clause préalable.
Par ailleurs, la régularisation avait également fait l’objet d’une évolution.
En effet, la première chambre civile a refusé que la régularisation de la fin de non-recevoir intervienne en cours d’instance, alors que la deuxième chambre civile et la chambre commerciale l’ont accepté (V. Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 10-19.476 ; Contra Com. 3 mai 2011, n° 10-12.187 ; Civ. 2e, 16 déc. 2010, n° 09-71.575, Bull. civ. II, n° 212). Une chambre mixte du 12 décembre 2014 a mis fin à cette disparité. À cette occasion, la Cour a confirmé le refus de régularisation de la fin de non-recevoir par la mise en œuvre d’une clause de conciliation préalable en cours d’instance (Cass., ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19.684
Sur ces deux aspects, la jurisprudence semble bien établie.