Commentaire d’arrêt 30 mai 2006 , et 13 juin 2006 :

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Commentaire d’arrêt 30 mai 2006 , et 13 juin 2006 :

Commentaire d’arrêt 30 mai 2006 , et 13 juin 2006 :



Introduction :

Dans les deux arrêts , les cas d’espèces sont sensiblement similaires.
Dans le premier arrêt du 30 mai 2006 , Deux  montres ont été confiées par la société JMB international  à la société  Chronopost afin que celle-ci les achemine à Hong Kong.
La société a agi en réparation du préjudice subi puisque les montres ont été perdues par la société Chronopost .Cette dernière à opposé à la société JMB international , la clause limitative de réparation en vertu de laquelle son indemnisation est limitée au montant du prix qu’elle a versé au jour de la conclusion du contrat.

Dans la seconde affaire , un pli contenant la réponse à un appel d'offre dont la date de clôture ayant été préalablement fixée , à été confié à la société Chronopost . En outre, le pli portait expressément la mention « livraison impérative vendredi avant midi ». La société Chronopost n'ayant pas respecté le délai, l'offre de la société n'a pas pu être examinée. L’entreprise se retourne contre Chronopost pour son manque de célérité lui ayant empêché de conclure le contrat  envisagé . L’entreprise s’est vu elle aussi opposer une clause limitative de responsabilité résultant d’un contrat type fixé par une loi en date du 30 décembre 1982 .

Dans le premier cas , les juges du fond avaient jugé que cette clause était  valable pour l’expéditeur, en effet ils ont retenu l'applicabilité de la clause limitative de responsabilité en entendant que  l'expéditeur avait admis le principe et les modalités d'une indemnisation limitée en cas de perte du colis transporté, en acceptant les conditions de vente du service rendu  du transporteur. Les juges du fond se réfèrent  ici à la force obligatoire du contrat.
La question qui se pose est de savoir si la clause limitative de responsabilité  non prévue par le contrat type établit par décret , ne fait pas défaut à une obligation essentielle du contrat ?
Cette clause visant à limiter le montant de l’indemnité en cas de non conformité de la prestation  en cas de  perte , retard ; doit elle être réputée non écrite ?

La chambre commerciale  de la cour de cassation à cassé cet arrêt au visa de l’article 1131  du Code civil au motif que les juges du second degré auraient dû rechercher si la clause limitative d'indemnisation devait ou non être réputée non écrite du fait du manquement par le transporteur à une obligation contractuelle essentielle, soit l'obligation d'acheminement du colis confié à la société Chronopost . Le contrat n’est il donc pas fondé sur l’abscence de cause .


Dans la seconde espèce, la Cour d'appel de Paris dans un arrêt rendu le 12 décembre 2004 a condamné la société Chronopost au paiement d’une indemnité pour dommages et intérêts . Pour écarter la clause limitative , elle qualifie de faute lourde le fait pour Chronopost de n’avoir pas su tenir ses engagements sur une très courte distance .

La question qui se pose ici est donc de savoir si le manquement d’une société de transport à une obligation essentielle du  contrat , au caractère évident, est elle assimilable à une faute lourde ?
La cour de cassation répond à cette interrogation , en déterminant que le manquement à une obligation essentielle n’est pas assimilable à une faute lourde peut importe le caractère évident de la mission . Seul le comportement du transporteur doit être pris en compte , or il apparaît évident qu’il est quasiment impossible de prouver la faute lourde du transporteur de manière subjective , conception retenue par la jurisprudence .  

Ces deux arrêts apparaissent comme confirmation des jurisprudences antérieures (I) , concernant les clauses limitatives de responsabilité édictées par la société Chronopost  . Si la clause limitative de responsabilité concernant les retard ne sont pas seuls constitutifs d’une faute lourde , le manquement à une obligation essentielles du contrat conduit à réputer non écrite une clause la limitant . Ainsi la définition restrictive   de la faute lourde , est elle aussi confirmée .(II)

I/ Confirmation de la jurisprudence antérieure :  

•    Clause limitative de responsabilité fondée sur l’absence de Cause :

Dans le premier arrêt  , de la série de Chronopost , de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation , du 22 octobre 1996, la société Chronopost n’avait pas respecté son obligation de livrer le pli le lendemain du jour de l’expédition très sensiblement comme dans l’arrêt  du 13 juin 2006. Dans  cet arrêt du  22 octobre 1996 , qui constitue un arrêt de principe, la cour de cassation a jugé que la clause limitative (qui minimise l'indemnisation par la société  Chronopost en cas de retard) porte sur l'obligation essentielle du contrat à savoir acheminer un pli avec célérité en payant un prix plus elevé . Par conséquent cette clause, qui contredit la portée de l'engagement, doit être réputée non écrite.

En l’espèce , la société Banchereau demandait la réparation du dommage résultant dans l’acheminement d’un pli par une société de transport rapide. Une clause limitative de responsabilité était prévue au contrat. La Cour d'Appel avait jugé que la société Chronopost n’avait pas commis une faute lourde en matière  de  limitation de responsabilité. Donc, la clause limitative de responsabilité était valable. Or, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt. Elle a jugé que la société Chronopost était spécialiste des transports rapides, qu’elle s’était engagée à livrer les plis dans un délai déterminé. Dès lors « en raison du manquement à cette obligation essentielle, la clause limitative de responsabilité du contrat qui contredisait la portée de l’engagement pris devait être réputée non-écrite ». La Cour de Cassation estime que le caractère essentiel de l’obligation de fiabilité, de rapidité assumée par Chronopost justifie la nullité de la clause. La cause du contrat étant prépondérante .  La notion d’obligation essentielle du contrat est mise au premier plan par cet arrêt Chronopost. Ainsi qu’apporterait le surcout du service proposé si il ne respectait pas son obligation de célérité .
Dans le premier arrêt il ne s’agit plus de retard mais de perte de l’objet confié à la société Chronopost .

Une clause limitative de responsabilité qui à pour objet une obligation essentielle du contrat est non écrite si  et seulement si elle est excessive .
L’arrêt du 30 mai 2006 revient à la problématique initiale de la saga Chronopost, à savoir la validité d’une clause limitative de responsabilité en cas de manquement du transporteur à l’une de ses obligations essentielles. Elle reprend ainsi les termes de l’arrêt fondateur du 22 octobre 1996, dans lequel la Chambre commerciale  où en référence à l’article 1131 du Code civil, c’est-à-dire la cause, elle réputait non écrite la clause conventionnelle du contrat par laquelle la société Chronopost limite sa responsabilité en cas de retard dans la livraison du pli au destinataire.

Une nouvelle fois sur le fondement de l’article 1131,  la cour de cassation considère qu’une clause limitant l’obligation essentielle du contrat , à savoir l’acheminent du colis à Hong kong doit être réputée non écrite , de plus cette dernière n’a pas été fondée sur le contrat type convenu par décret , ainsi la cour de cassation demande à reconsidérer la validité de la clause .
Cette jurisprudence ne s’appliquera qu’en considération d’une clause conventionnelle et  la question qui se pose est celle des clauses légales . Les clauses légales limitatives de responsabilité peuvent-elles  être réputées non écrites

•    Responsabilité du transporteur et plafond d’indemnisation :  

Dans un second arrêt du 9 juillet 2002 , la Cour considéra que  la nullité de la clause ne dispensait pas de l’application du plafond légal d’indemnisation prévu par le contrat type de messagerie et que seule une faute lourde du transporteur pouvait le tenir en échec.
Deux arrêts rendus par la Chambre mixte de la Cour de Cassation le 22 avril 2005 ont refusé de reconnaître la faute lourde de Chronopost pour retard d’acheminement. Dans cette affaire la société a invoqué la clause limitative de responsabilité pour retard, clause figurant au contrat type. La Cour d'Appel saisie a décidé d’écarter le plafond d’indemnisation prévu au contrat type messagerie en retenant que le retard était constitutif d’une faute lourde. Mais l’arrêt est cassé, au motif que « la faute lourde, de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul retard de livraison ».

Pour la Cour de Cassation, la faute lourde ne peut donc  résulter ni du retard, ni de l’absence d’explication de ce retard. . Désormais on s’attache à l’examen du comportement de l’auteur et on exige une négligence d’une extrême gravité confinant au dol.

Ainsi dans l’arrêt du 13 juin 2006 rendu au visa de l’article 1150 du code civil , relatif à la faute lourde  , il est établi que la faute lourde ne peut résulter du simple retard de la société Chronopost mais du comportement dolosif de la société .

En l’absence de toute clause conventionnelle limitative de responsabilité ou lorsque celle-ci doit être réputée non écrite, c’est le plafond légal d’indemnisation résultant de la loi du 30 décembre 1982 et du contrat type qui doit s’appliquer à tout prix . Cette dernière relève du droit commun de la responsabilité .Cette dernière énonce que dans  les contrats de messagerie , la réparation due par le transporteur , se limite au prix de la course . Pour que cette dernière ne s’applique pas , il y à nécessité que le transporteur ait fait une faute lourde .

Ainsi l’abscence de cause ne peut écarter le plafond légal d’indemnisation prévu par la loi , mais l’existence d’une faute lourde au sens de l’article 1150 du Code civil. Cette solution n'a dans un premier temps que concerné les clauses de nature contractuelle, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 30 juin 1998 que la faute lourde du débiteur l’empêche de se prévaloir de limitation ou exonérations de responsabilité même lorsqu’elles ont une origine légale. Cette solution a d’ors et déjà été appliqué à plusieurs reprises à la société Chronopost comme dans l’arrêt de la Chambre commerciale du 9 juillet 2002 . La cour à donc du se poser la question de savoir si il y  avait faute lourde en cas de retard du transporteur .

La cour précise que seule la faute lourde permet de faire échec à ce plafond . Ainsi la question est de savoir quel est la définition de la faute lourde .

II/ La définition restrictive de la faute lourde :

Désormais, la clause limitative de responsabilité ne pourra être mise en échec que par une faute lourde du transporteur . Par conséquent, pour écarter la clause limitative de responsabilité et donc obtenir une réparation intégrale de son préjudice du fait du retard, le client doit prouver la faute lourde du transporteur

•    Une  caractérisation difficile de la faute lourde :

En vertu de l’article 1150 du code civil , on indemnise le dommage prévisible en cas de faute lourde du débiteur .
A ce jour, la Cour de cassation a une conception subjective de la faute lourde du transporteur.
Cela oblige à examiner au cas par cas le comportement du débiteur et prouver qu’il a eu un comportement d’une particulière gravité. Le seul retard ne suffit pas à prouver la faute lourde du débiteur, ainsi le 13 juin 2006 la cour de cassation retient que le seul retard de la société Chronopost ne peut faire échec au plafond légal d’indemnisation. Il n’est en effet qu’une simple faute.
La jurisprudence de 1996 est applicable concernant les clauses qui ne résultent que de convention en revanche cette dernière est inapplicable  aux clauses consacrées par un contrat type. La cour énonce que « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».


L’appréciation subjective de la faute lourde est sensiblement préjudiciable au client qui doit en apporter la preuve. En effet, comment le client peut connaître les raisons du retard d’une livraison ? Dans ce cas, seul le transporteur peut indiquer ces raisons. Or, ce sont les faits de l’espèce qui permettront de qualifier de lourde la faute commise par le transporteur.

La solution retenue ici en l’espèce est appliquée avec régularité par la cour de cassation depuis le premier arrêt Chronopost en date du 22 octobre 1996. La Haute juridiction considère que la société de transport rapide n’ayant pas délivré  à temps le pli qui lui à été confié ne remplit pas l’obligation essentielle du contrat , c’est en effet la célérité du service qui incite l’expéditeur à choisir les services de la société Chronopost . La clause limitative de responsabilité vient contredire l’obligation essentielle du contrat qui ainsi se retrouve dépourvu de cause . Les tribunaux ont donc retenu de réputer non écrite toute clause qui viendrait s’opposer à l’obligation essentielle du contrat . ( 30 mai 2006) .
Mais  l’existence d’un plafond légal vient relativiser la portée de cette solution sans l’invalider .
La présence d’un plafond légal résultant d’un décret empêche cette mise à l’écart d’une clause litigieuse , s’opposant à l’obligation essentielle du contrat . La Cour de cassation ne retient pas la qualification objective de la faute lourde et vient y substituer une conception subjective.
Il y à la nécessité d’un comportement grave

2- Les  Reprises et solutions apportées par cette jurisprudence . :

La requalification de la faute lourde , entraine la conséquence que l’expéditeur doit assumer la charge probatoire . Il doit prouver que la société Chronopost par la gravité de son comportement n’a pas exécuté correctement le contrat .

La Cour dans son arrêt du 13 juin 2006 rejette clairement toute conception objective de la faute lourde , le décret de 1982 à donc vocation à l’appliquer dans ce cas d’espèce . On pourrait se demander sur  la base de l’article 1134-3  du Code civil  lorsqu’il s’agit pour le juge de s’immiscer dans le contrat , si ce ne serait pas une solution à envisager pour les problèmes posés . En effet ce texte, impose aux parties d’exécuter le contrat de bonne foi et fonde un devoir de loyauté entre les contractants  . Ainsi une révision du contrat permettrait aux parties de respecter leurs engagements et tenir compte des tendances économiques .

Paradoxalement, la révision du contrat par le juge peut dans certaines hypothèses être justifiée par le souci d’éviter l’anéantissement du contrat.

Deux arrêts de la chambre commerciale rendus le 13 février 2007 et le 5 juin 2007 ont étendu la jurisprudence édictée par l’arrêt Chronopost à d’autres types de contrat.
Dans le premier arrêt un prestataire de service qui s’était engagé à installer un logiciel chez un industriel s’est vu reprocher « un manquement à une obligation essentielle de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation ».
Dans le deuxième arrêt un commissionnaire de transport qui avait perdu les marchandises sans avoir commis pourtant de faute lourde est également privé du bénéfice d’une telle clause. Dès lors que l’obligation est essentielle la clause limitative de réparation doit être neutralisée.
Cependant dans les contrats types ayant une base légale , seule une faute lourde peut entrainer l’éviction du plafond légal de réparation . Il y à ici une jurisprudence assez restrictive pour l’expéditeur , qui devra prouver une faute lourde appréciée subjectivement ce qui semble très difficile à réaliser .

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