Commentaire d'arrêt commune de Morsang sur Orge

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Commentaire d'arrêt commune de Morsang sur Orge

J'ai eu  seulement 12 à ce devoir mais bon c'est toujours bon à prendre

 

 

-    Commentaire d’arrêt commune de Morsang sur Orge :


Dans cette affaire, un « lancer de nains » devait avoir lieu dans une discothèque de la commune de Morsang sur Orge.
Cette activité portant atteinte à la dignité de la personne humaine, le maire de la commune de Morsang sur orge prit un arrêté pour l’interdire le 25 octobre 1991. Il s’est fondé pour ce faire non sur les pouvoirs de police spéciale qu’il détenait de l’ordonnance du 13 octobre 1945 , relative aux spectacles (ces dispositions sont appliquées à des spectacles, visant à garantir la sécurité du public ou à prévenir d’éventuels troubles à l’ordre public) , mais sur les pouvoirs de police spéciale de l’article L.131-2 , du code des communes .

La société Fun Production ; la société qui produisait le spectacle et monsieur Wackenheim , le nain qu’elle employait demandèrent au tribunal administratif de Versailles d’annuler cet arrêté . Le 25 Février 1992, le tribunal administratif de Versailles condamna la commune de Morsang sur orge à leur verser 10.000 Francs , en réparation du préjudice , au motif  qu’un spectacle en dehors de circonstances locales exceptionnelles ;à même supposer qu’il porte atteinte à la dignité humaine .
La commune interjetta appel devant le Conseil d’Etat  sur le fondement de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991. La question qui se pose est de savoir si l’arrêté du maire est légal.
Les mesures de police administrative ne sont régulières que si elles sont pour maintenir l’ordre public. Les composantes de l’ordre public sont, la sécurité, sureté et salubrité publique.
La question qui se pose est de savoir si le principe du  respect de la dignité humaine peut justifier à lui seul un acte de police administrative ?
Et le 27 octobre 1995, le Conseil d’Etat réuni en Assemblée, annula le jugement du tribunal administratif, au motif que ce « spectacle », portait atteinte à la dignité de la personne humaine.
La protection de la dignité de la  personne humaine, à été introduite de manière autonome par le Conseil d’Etat comme une composante du pouvoir de police administrative. La dignité de la personne humaine, est une notion à valeur constitutionnelle.
Le Conseil d’Etat introduit donc à la notion d’ordre public, la notion de dignité de la personne humaine , et définit , par ailleurs les pouvoirs du maire en matière de police administrative .

I/ Les pouvoirs de police administrative  du maire :

Le Conseil d’Etat, considère que le « lancer de nain » , est attentatoire à la dignité humaine , peu importe le consentement du nain . L’arrêté du maire est donc considéré comme légal et faisant partie des pouvoirs de police du maire. Le Conseil D’Etat rajoute à la trilogie municipale, le respect de la dignité humaine.

1-    La trilogie municipale :

L’objet de la police administrative est de protéger l’ordre public. Il convient donc de définir ce que recouvre l’ordre public et la doctrine se fonde sur l’objet de la police municipale qui a été défini par une loi de 1884 qui est aujourd’hui codifiée à l’article L 2212-2 du Code général des collectivités territoriales. Cet article dispose que « la police a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ». Le maire à deux types de pouvoirs , les pouvoirs de police administrative spéciale , et de police administrative générale .

La doctrine estime que l’objet de la police administrative repose sur ce que l’on appelle la trilogie municipale : tranquilité , salubrité et sécurité publique . La question qui se pose est de savoir si l’ordre public ne peut pas englober d’autres considérations.
Cette disposition est également présente dans l'arrêt en cause mais provient de l'ancien « article L. 131-2 du code des communes ». La tranquillité correspond au maintient de l’ordre dans la rue, la lutte contre tous les troubles dans les lieux publics. La sécurité consiste en la prévention des accidents, des fléaux humains et naturels. Enfin, la salubrité permet de sauvegarder l’hygiène publique : salubrité des eaux, denrées... Il s’agit de lutter contre toutes les pollutions. Or, en l'espèce, aucun de ces aspects de l'ordre public ne correspondait au spectacle de « lancer de nain ».
Dans un arrêt du 7 novembre 1924, Club indépendant Chalonais , le Conseil d’Etat avait admis l’interdiction d’un combat de boxe , au caractère brutal et contraires à l’hygiène morale. Ainsi ; la notion d’ordre public avait été par la même élargie.

La question s’est posée de savoir si l’autorité de police pouvait retenir des motifs de moralité, pour faire interdire un match.
Les polices administratives spéciales se différencient de la police administrative générale en raison de la particularité de l'objet qu'elles doivent sauvegarder.


2-    Le respect de la dignité humaine composante de l’ordre public :

Cet arrêt, en accord avec la tendance de la jurisprudence s’inscrit dans l’évolution extensive de la notion d’ordre public. Il fait suite à une jurisprudence des années cinquante , qui intégrait dans l’ordre public général , des considérations morales .

C'est à l'occasion de l'interdiction de projection d'un film que le Conseil d'Etat intègre pour la première fois la moralité publique au sein de l'ordre public général Pour que l'atteinte à la moralité publique soit reconnue deux conditions doivent être remplies :le film doit présenter un caractère immoral et des circonstances locales devaient être présentes .
Cet arrêt s’inscrit  dans la lignée de la décision du Conseil Constitutionnel, reconnaissant le principe du respect de la dignité de la personne humaine du 27 Juillet 1994 , concernant les lois sur la bioéthique . En reconnaissant « que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public » , le conseil d’Etat admet que chaque maire puisse édicter des règles de police administrative , visant à protéger la dignité de la personne humaine .

L’arrêté était en effet motivé par une volonté d'interdire des spectacles qu'il considérait comme contraire au principe de la dignité de la personne humaine.
Le commissaire du gouvernement considérait que cela entrait dans le cadre de la moralité publique, qui avait été consacré dans un arrêt du 17 décembre 1909.
Par sa décision du 27 octobre 1995, le Conseil d’État a, pour la première fois, explicitement reconnu que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public. La sauvegarde de la dignité de la personne humaine avait été consacré par le
Conseil Constitutionnel, comme principe à valeur constitutionnelle.
Le Conseil d’Etat à du s’interroger sur le caractère attentatoire du spectacle du lancer de nain. Les juges de la Haute Juridiction ont rappelé que cette attraction conduisait « à utiliser comme projectile une personne affecté d'un handicap physique et présenté comme tel. », et en ont déduit que cela conduisait à une atteinte à la dignité de la personne humaine.

Sur un des  fondements de  l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. », les juges ont considéré que ce spectacle était attentatoire au respect de la dignité humaine. Le conseil d’Etat à donc considéré que le respect de la dignité humaine, faisait partie de l’ordre public et que l’autorité municipale , pouvait l’interdire même en l’abscence de circonstances particulières .
Les juges ont totalement mis à l’écart, le fait que Mr Wackenheim avançait l’argument selon lequel il consentait à cette activité et de plus, cela lui apportait un salaire et une reconnaissance professionnelle.

II/ La légalité de l’arrêté de police :

Pour justifier sa mesure d’interdiction de l’attraction de lancer de nain, le maire s’appuie sur ses pouvoirs de police générale . La jurisprudence Benjamin est donc abandonnée, par laquelle on exigeait des circonstances locales particulières  . On peut se poser par ailleurs la question de la conciliation entre le respect de l’ordre public , que le maire se doit d’opérer et le respect des libertés publiques .

1-    L’utilisation du  pouvoir de police générale :

Le maire se base sur ses pouvoirs de police générale , pour édicter cet arrêté  , son pouvoir  est constitué de la charge de la police municipale, la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat relatifs à ces missions .Il existe une ordonnance dans le paysage juridique français relative aux spectacles ,une ordonnance de 1945 , qui soumet dans son article 13 à l’aprobation du maire «  tous les spectacles de curiosité et de variété » . On peut conclure que le « lancer de nain » fait partie de ce genre . Ainsi le maire aurait pu se baser sur ce pouvoir de police spéciale cependant il utilise le pouvoir de police générale pour faire interdire cet arrêté.
Les pouvoirs de police spéciale sont limités , puisqu’ils ne peuvent agir qu’en vue de leur objet . Cependant le «  lancer de nain » entrait dans ce champ .

Par ailleurs , il résulte  de la jurisprudence « Benjamin » du 19 mai 1933 que la légalité d'une mesure d'interdiction du maire est subordonnée à l'existence de troubles à l'ordre public d'une gravité telle que les forces de police ne saurait gérer la situation.
Le Conseil d'Etat admet  dans l’arrêt du 27 octobre 1995 , que « l'autorité du pouvoir de police municipale peut, même en l'absence de circonstances locales particulières, interdire un attraction ». C'est le spectacle en lui-même et non les  circonstances que l'attraction qui  est attentatoire à la dignité humaine .  

2-    Conciliation entre respect de l’ordre public et respect des libertés individuelles :

Les juges ont totalement mis à l’écart, le fait que Mr Wackenheim avançait l’argument selon lequel il consentait à cette activité et de plus , cela lui apportait un salaire et une reconnaissance professionnelle . Les requérants en effet invoquaient le principe de la liberté du commerce et de l’industrie , ainsi que la liberté du travail. Et que l’arrêté du maire portait atteinte à ces  libertés individuelles . Le Conseil d’Etat écarte cet argument au motif  qu’elles ne font pas obstacle  à ce que l'autorité investie du pouvoir de police municipale interdise une activité même licite si une telle mesure est seule de nature à prévenir ou faire cesser un trouble à l'ordre public . Les juges privilégient les pouvoirs de police du maire sur les libertés du commerce et de l’industrie, ainsi que celles du travail. Ils protègent réellement Mr Wackenheim contre lui même, certes contre sa volonté ,  mais pour le respect de sa personne.

Ainsi, le Conseil d'Etat considère que l'exploitation d'une personne physiquement handicapée ne pouvait être regardée comme une activité légale, et cela même si la personne en question l'exerce librement et avec contrepartie financière. Peu importe le consentement de Mr Wackenheim , les juges considèrent que l’activité est illégale et qu’elle porte atteinte à l’ordre public tant elle ne respecte pas la dignité humaine .

Les juges ont reconnu aux autorités administratives municipales le droit de prendre des mesures d'interdiction concernant des spectacles ou attractions qu'elles jugent contraire au principe du respect de la dignité de la personne humaine au sens strict du terme . Le Conseil d’État a montré que l’ordre public ne pouvait se définir comme purement "matériel et extérieur", mais qu’il retrouvait une notion de l’homme dans son intégrité .
Au regard de l’arrêt du 27 juillet 2001 , du conseil d’Etat Ville d’Etampes , il apparaît évident que l’atteinte à la dignité de la personne humaine ne se prouve pas , elle dépend du choix subjectif du juge .

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1 Publié par Visiteur
26/03/2014 21:10

Génial...Merci beaucoup!
Ps:on à presque le même plan :-)

2 Publié par Visiteur
18/06/2015 15:39

Bien,un plan suivant la chronologie de l'arret.

3 Publié par xJokyze
19/03/2019 18:27

10 ans après et ton commentaire aide encore
Merci d'être là René D
J'espere que tout va bien pour toi, moi pas trop je suis en L2 c'est chaud.
En espérant suivre ton parcours.

Mes sincères remerciements pour tout ce que tu fais.
Bisous.

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