Saisie immobilière et contestation des décomptes du commandement valant saisie

Publié le 19/03/2015 Vu 10 882 fois 0
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Le débiteur peut-il contester les décomptes obligatoirement visés dans le commandement de payer valant saisie immobilière? Lorsque les notions de capital ou de principal se confondent aux yeux du créancier, le débiteur peut-il remettre en cause les montants réclamés? dans quelles conditions?

Le débiteur peut-il contester les décomptes obligatoirement visés dans le commandement de payer valant sais

Saisie immobilière et contestation des décomptes du commandement valant saisie

Il convient de s'intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation, en janvier 2015, et qui vient apporter quelques précisions quant à la validité du commandement aux fins de saisie dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière, et plus particulièrement des décomptes présentés en son sein.

Il convient de rappeler que le commandement de payer valant saisie est l'acte indispensable et préalable à une procédure de saisie immobilière, et que sans lui, la procédure ne peut être engagée.

Inversement, il est tout aussi important que les emprunteurs, devenus malheureusement débiteurs, n'omettent pas que, lorsque ledit commandement de payer leur est adressé, en tant que préalable indispensable, la procédure de saisie immobilière commerciale démarre bel et bien et ne trouve son achèvement que passé l’audience d’orientation.

En effet, le commandement de payer valant saisie est le premier acte d'une procédure qui n'a vocation qu'à s'achever à son épilogue, et il est bien souvent illusoire de pouvoir imaginer stopper la procédure à ce stade.

En effet, le calendrier procédural est tel que, immanquablement, le commandement de payer doit être par la suite publié. Il convient de rappeler que dans les huit jours du commandement de payer, un PV de description doit être établi, que par la suite celui-ci doit être publié à la conservation des hypothèques et qu'à compter d'un délai de 2 mois, une assignation, afin de convoquer le débiteur devant le juge d'orientation, a vocation à être signifiée.

Ainsi, comme le rappelle d'ailleurs le texte, la procédure d'exécution et de saisie immobilière est engagée par la signification du commandement de payer valant saisie.

Dès lors, la banque, qui souhaite engager une procédure de saisie immobilière, doit d'abord être en possession d'un titre exécutoire et d'un décompte de créance précis.

La banque doit également obtenir des renseignements concernant le bien, et elle doit effectivement élever une réquisition hypothécaire auprès du bureau de la conservation des hypothèques du lieu du bien à saisir, et étudier les renseignements qui y figurent. Dès lors, elle doit lever un extrait de la matrice cadastrale, ainsi qu'un plan cadastral auprès du service du cadastre.

Au terme de l'article R321-3 du Code de procédure civile d'exécution, un certain nombre d'éléments doivent immanquablement être visés et être contenus dans le commandement de payer. Cet article rappelle qu'effectivement, outre les mentions prescrites par les actes d'huissier, de justice, le commandement de payer valant saisie doit comporter près de treize mentions.

Cet article est d'autant plus important que, in fine de cet article, il est précisé que les mentions prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité.

Dès lors, le débiteur saisi et son conseil se doivent de procéder à quelques vérifications d’usage.

Toutefois, particularité du texte justement énoncé, la nullité n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier.

En effet, cet article R321-3 précise dans son troisièmement que le commandement doit contenir un décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires.

Or, la disposition in fine de l'article laisse à penser que quand bien même la banque se tromperait et présenterait un montant erroné, cela ne l'empêcherait pas de saisir.

Dès lors, on ne peut que s'interroger sur la portée de la réforme du décret de 2006 qui a vocation à rééquilibrer les rapports de force entre créanciers et débiteurs, et on ne peut que s'étonner encore qu'à ce jour, si la banque commet une erreur de décompte quelle qu'elle soit, celle-ci est tout simplement excusé et peut donc poursuivre sa procédure de saisie, qu'importe le décompte …

Le débiteur est-il pour autant démuni ? Je ne le crois pas.

Il peut alors contester, non pas le décompte en lui-même, mais les modalités de décompte en tant que telles, qui sont contestables de manière intrinsèque et qui viendraient altérer le commandement de payer en ce que justement, c'est bel et bien les modalités de calcul de la créance qui sont erronées et qui le rendraient parfaitement inexact.

Dans pareil cas, comment le créancier pourrait-il revendiquer une créance exigible alors même que le décompte proposé est parfaitement erroné ?

Pour autant, la récente jurisprudence semble malheureusement moins regardante et excuse bien facilement l’erreur de la banque, lui permettant ainsi de procéder par voie de saisie immobilière, procédure attentatoire par principe au droit à la propriété, même sur la base d’un décompte parfaitement erroné.

Dans le cadre de la jurisprudence visée, la caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel avait fait délivrer le 14 décembre 2011, en vertu d'un acte notarié, un commandement de payer valant saisie à Monsieur et Madame X qui l'ont contesté devant le juge d'orientation.

À cet égard, ils ont évoqué un certain nombre de moyens, notamment ceux relatifs au décompte proposé par la banque.

Ils ont considérés que la saisie immobilière est subordonnée à l'existence d'une créance certaine liquide et exigible sur le débiteur, et qu'à la supposer certaine dans son principe, il est bien évident que le créancier se doit de faire apparaître à l'attention du saisi la ventilation des sommes qui lui sont réclamées, et ce, de manière précise.

Par voie de conséquence, pour le débiteur saisi, le droit des procédures civiles d’exécution imposerait au créancier de faire apparaître dans le commandement de payer une distinction entre le capital échu et les intérêts capitalisés, qui procèdent tous deux des faits générateurs différents.

Or, il n’est malheureusement pas rare de constater que les décomptes présentés par la banque peuvent surprendre le débiteur saisi à plus d’un titre.

En premier lieu, et même après plusieurs années de règlements réguliers d’échéances, il est bien trop fréquent de constater que les montants réclamés, majorés de pénalités, frais, intérêts et indemnités diverses et variés amènent la banque à réclamer une créance bien supérieure à ce que le débiteur avait initialement emprunté.

En deuxième lieu, force est de constater que même le débiteur saisi, pourtant le principal concerné quant à l’étendue des paiements et des impayés, s’y perd lui même dans les décomptes qu’il ne comprend pas et dont il a l’impression qu’ils ne reflètent pas la réalité.

Autant de raisons qui doivent amener le débiteur à s’opposer à ce qu’on bien immobilier soit sacrifié sur l’autel du droit de la saisie immobilière…

Ainsi les décomptes présentés sont parfois loin de représenter la réalité précise des paiements effectués.

En effet, il n’est pas rare de constater que la banque présente un « principal » dû à un jour fixé qui correspond rarement au jour du premier impayé du débiteur.

Il arrive même qu’il y ait finalement une période parfois importante entre le véritable impayé, commis par le débiteur, et le « principal restant dû » à la banque tel que visé dans le commandement de payer valant saisie.

Ce « principal restant du » ne correspond pas nécessairement au capital restant du au jour de l’impayé. Il est lui même la somme d'un capital véritablement dû ainsi que d'intérêts qui ont été eux-mêmes capitalisés afin de constituer un nouveau « principal » s'ajoutant au premier.

Ainsi, le décompte présenté dans le commandement de payer ne représenterait pas le capital restant dû, mais qui serait la somme d’un capital initial composé d'intérêts générés par la suite. 

Toutefois, cette méthode semble contestable en ce qu'elle vient présenter un décompte qui n'est pas l’exact reflet de la réalité financière, puisque le montant retenu ne peut s'appeler ni principal ni capital.

Il appartiendrait pourtant simplement au créancier de présenter son décompte avec comme point de départ la date de l’impayé et le capital restant dû ce jour là.

Ceci est d'autant plus important que la jurisprudence récente en droit de la saisie immobilière est venu modifier les règles de prescription en rappelant notamment en 2012 que la prescription est désormais biennale en pareil matière, et que surtout, la jurisprudence a également rappelé en 2014 que cette prescription biennale courrait non pas à compter de la déchéance du terme, mais bel et bien à compter de l'impayé.

Or, l'une des "astuces" de l'établissement bancaire est alors de présenter un principal, qui n'a dans l'absolu ni sens ni portée, avec une date proche du commandement de payer et qui ne reflète pas la date exacte de l'impayé.

Abstraction faite de l'ensemble des dispositions obligatoires d'un commandement de payer et pour lequel l'établissement bancaire est toujours très attentif à ce que celles-ci soient bien présentes, il n'est pas rare de constater que le commandement de payer en tant que tel, n'apporte guère de précisions sur la date de l'impayé et encore moins sur la date de la déchéance du terme.

Comme si, finalement, seul importait l’exigibilité de la créance.

Ce n'est qu'en cas d'un débat contradictoire précis où le débiteur exprime un certain nombre de moyens de contestations que ces éléments apparaissent par la suite.

Il est tout aussi regrettable de constater que la banque n'a pas elle-même le réflexe de préciser de quand date l'impayé, de quand date la déchéance du terme et n'est pas à même finalement de présenter un décompte exact en dissociant un certain nombre de dates.

Ce qui n'apporte aucune visibilité sur l'historique exact des impayés et des difficultés relationnelles existant entre la banque et le débiteur.

Dans le cadre de la jurisprudence susvisée, Monsieur et Madame X ont pris soin de contester la ventilation des sommes qui étaient réclamées, au motif pris que justement n'étaient pas clairement précisés d'un côté le capital restant dû au jour de l'impayé et de l’autre côté l’ensemble des intérêt, frais et accessoires, fussent-ils capitalisés jusqu'au jour de la procédure de saisie immobilière, outre les intérêts à venir.

Dans le même esprit, le débiteur a également envisagé de contester l'indemnité de résiliation qui, pour lui, était constitutive d'une clause pénale.

Ce dernier considère que le juge n'a pas compétence pour fixer lui-même l'indemnité de recouvrement et l'indemnité de résiliation, et que par conséquent, il ne peut considérer que la présente équivaut à une créance liquide et exigible du créancier sur le débiteur.

Malheureusement, la Cour de cassation n'entend pas faire droit aux contestations exprimées par le débiteur.

La Juridiction suprême considère qu'en ayant rappelé que les intérêts capitalisés ne constituaient plus des intérêts, mais un nouveau capital s'ajoutant au premier, la Cour d'appel avait exactement retenu que les dispositions de l'article R321-3 du Code des procédures civiles d'exécution n'imposait pas qu'il soit distingué du capital échu dans le commandement de payer.

La Cour de cassation considère encore qu'ayant relevé que l'indemnité de recouvrement évaluée dans le commandement de payer est expressément convenue par les parties en cas de défaillance de l'emprunteur, faisant ainsi ressortir le caractère liquide et exigible de la créance, c'est à bon droit, que la Cour d'appel, qui n'a pas procédé, et qui n'a pas à procéder à la fixation de la clause pénale, a rejeté la demande d'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière.

Cette décision est immanquablement décevante.

Une fois de plus, qu’importe les erreurs de la banque, professionnel de la finance et du chiffre, celle-ci est par principe bien fondée à réclamer et saisir qu’importe les décomptes erronés, les absences de précisions ou bien encore les silences relatifs aux conditions de déchéance du terme ou bien encore de barattage passif.

Force est de constater que l’équilibre des forces voulu lors de la réforme de 2006 entre débiteur et créancier saisissant est loin d’être acquise. Qu’il s’agisse de pratique judiciaire ou bien encore de philosophie juridique, il n’en demeure pas moins que le praticien peut s’étonner du fossé existant entre un établissement bancaire qui a, par principe raison, et dont l’ensemble des erreurs commises semblent sans conséquence, et un débiteur, qui, par principe tort, notamment parce qu’il ne paye plus son créancier, qu’importe d’ailleurs qu’il ne veuille plus ou ne puisse plus.


Cependant, le débiteur saisi doit rester particulièrement déterminé dans ses contestations à l’encontre des décomptes, frais, intérêts, TEG, intérêts annuels, et indemnités car, tant bien même ceux-ci ne pourraient forcément empêcher la vente du bien, il importe que la banque ne prenne sur le prix de vente que le strict minimum, afin d’éventuellement laisser un boni au débiteur qui pourra par la suite recommencer sa vie sans se retrouver éternellement ruiné et poursuivi.

Enfin, il ne faut pas non plus omettre le fait que la jurisprudence sus-évoquée est avant tout une jurisprudence d’espèce et que le débiteur saisi à, malgré tout, de nombreuses cordes à son arc et peut se défendre dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, au travers d’un bon nombre de moyens de fait et de droit.

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