L'obligation de demander l'ouverture d'une procédure collective incombant au débiteur

Publié le Modifié le 05/06/2014 Vu 21 306 fois 0
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Un arrêt du 14 janvier 2014 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que la saisine du tribunal par un créancier en vue de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'une société débitrice n'a pas pour effet d'exonérer le représentant légal de cette société de son obligation d'effectuer la déclaration de cessation des paiement (Chambre commerciale, 14 janvier 2014, N°12-29.807, 39). A ce titre, nous aborderons les règles régissant l'obligation de déclaration de cessation des paiements concernant notamment l'auteur de la déclaration (I) ainsi que les formes de la déclaration (II).

Un arrêt du 14 janvier 2014 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que la saisi

L'obligation de demander l'ouverture d'une procédure collective incombant au débiteur

    Lorsqu'une entreprise est en état de cessation des paiements, son représentant légal a l'obligation d'émettre une demande d'ouverture d'une procédure collective. Cette demande d'ouverture prend la forme d'une déclaration de cessation des paiements auprès du greffe du tribunal. La déclaration doit être déposée au greffe dans un délai de 45 jours à compter de l'état de cessation des paiements. 

    La demande d'ouverture d'une procédure collective en cas de cessation des paiements d'une entreprise est une obligation légale.
    En effet, l'article L. 631-4 alinéa 1 du Code de commerce est le siège de l'obligation de déclaration de la cessation des paiements incombant au débiteur. Cet article dispose que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
    En cas de la liquidation judiciaire, l'article L. 640-4 alinéa 1 du Code de commerce dispose que l'ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

    Mais, la demande d'ouverture d'une procédure collective peut également être faite par les créanciers ou le Ministère public. Quid de la déclaration par le débiteur dans ce cas ?
    Un arrêt du 14 janvier 2014 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que la saisine du tribunal par un créancier en vue de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'une société débitrice n'a pas pour effet d'exonérer le représentant légal de cette société de son obligation d'effectuer la déclaration de cessation des paiement (Chambre commerciale, 14 janvier 2014, N°12-29.807, 39). 

    A ce titre, nous aborderons les règles régissant l'obligation de déclaration de cessation des paiements concernant notamment l'auteur de la déclaration (I) ainsi que les formes de la déclaration (II). 

I/ Les règles relatives à l'auteur de la déclaration de cessation des paiements  

    La cessation des paiements consiste en l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible (article L. 631-1 du Code de commerce). Cette situation vise une société qui ne parvient plus à régler ses dettes (salariés, fournisseurs, Trésor Public, cotisations de sécurité sociales, ...). L'état de cessation des paiements est la cause d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

    Lorsque l'état de cessation des paiements est constitué, le dirigeant de l'entreprise a l'obligation de se présenter au greffe du Tribunal de commerce ou du TGI du siège de son entreprise pour y déposer une déclaration de cessation des paiements. Cette déclaration vaut demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, selon la situation de l'entreprise (possibilité de redressement ou non). 

Qui doit effectuer la déclaration ?

    En principe, c'est le débiteur lui-même qui doit effectuer la déclaration. Cependant, la déclaration par un représentant ou un héritier est possible. 

A/ Le débiteur en personne 

    Le débiteur doit avoir la capacité juridique, ce qui exclut les mineurs et les majeurs protégés qui doivent agir par le biais de leur représentant légal (si l'état de cessation des paiements est antérieur à la situation d'incapacité juridique). 

    Le débiteur doit exercer une activité commerçante. En effet, aux termes des articles L. 631-2 et L. 640-2 du Code de commerce, la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte à "toute personne exerçant une activité commerciale". Cela signifie que le débiteur n'a pas à être nécessairement immatriculé au registre du commerce. 

    Si le débiteur a cessé son activité professionnelle mais est en cessation des paiements ou dont la cessation des paiements est constatée ultérieurement, il peut cependant demander l'ouverture d'une procédure collective sans condition de délai. La demande d'ouverture est conditionnée par l'absence de procédure de conciliation en cours (articles L. 631-3 et L.631-4 du Code de commerce). Cette demande est facultative. Il doit établir que tout ou partie de son passif provient de son activité professionnelle  (article L. 631-3 alinéa 1). 

B/ Les représentants du débiteur et héritiers 

1/ La représentation

Personnes physiques 

La déclaration de cessation des paiements peut être effectuée par un représentant choisi par le débiteur à condition qu'il justifie d'un mandat spécial. 

Le mandat doit viser spécialement :
- la faculté donnée au mandataire de déposer la déclaration de cessation des paiements ;
- la faculté donnée au mandataire de signer lui-même la déclaration de cessation des paiements.

    Si la demande d'ouverture concerne une liquidation judiciaire, elle doit être clairement précisée dans le pouvoir.

    Le pouvoir doit être nominatif. Le pouvoir se limitant à mandater un cabinet d'avocats sera refusé. Il faut que le cabinet indique le nom de l'associé ou du collaborateur se présentant au greffe. Celui-ci doit, en outre, être en mesure de justifier de son identité et de son activité professionnelle.

Personnes morales 

    En situation normale, le représentant légal de la personne morale a le pouvoir de demander l'ouverture d'une procédure collective et d'effectuer la déclaration de cessation des paiements. S'il s'agit d'une SARL ou d'une société de personnes, le gérant est compétent. S'il s'agit d'une société anonyme, le directeur général (article L. 225-56 alinéa 2) ou le président du directoire (L. 225-66) ont compétence pour effectuer la déclaration. Il s'agit toujours de la personne exerçant le pouvoir de représentation de la personne morale. 

    Si l'administration provisoire d'une société a été ordonnée, l'administrateur provisoire nommé en justice pour gérer la société a le pouvoir de déclarer la cessation des paiements dans le cadre d'un mandat général. En effet, selon la jurisprudence, il est investi des pouvoirs conférés par la loi à un dirigeant social (commerciale, 6 mai 1986 et 11 avril 1995).

    Si une société dissoute est en état de cessation des paiements pendant sa phase de liquidation, il appartient au liquidateur amiable d'effectuer la déclaration, car il est le représentant légal de la société (Cour de cassation, chambre commerciale, 26 juin 2007, n° 05-20.569).

2/ Les héritiers 

    Aux termes de l'article L. 631-3 alinéa 2 du Code de commerce, lorsqu'une personne physique relevant des procédures collectives "est décédée en cessation des paiements, le tribunal peut être saisi (...) sans condition de délai par tout héritier du débiteur". 
L'héritier a donc compétence pour former la déclaration de cessation des paiements, mais à la condition d'avoir accepté la succession (soit purement et simplement, soit sous bénéficie d'inventaire).
    De plus, la cessation des paiements doit exister au jour du décès (elle ne doit pas survenir après le décès du débiteur). 
    Il convient de noter que l'on ne peut pas reprocher à l'héritier le non-respect du délai de 45 jours prescrit à l'article L. 631-4 alinéa 1 du Code de commerce. Il n'existe pas de sanction légale de l'omission de déclaration par l'héritier selon la jurisprudence. 

II/ La constitution d'une demande d'ouverture d'une procédure collective 

    La demande d'ouverture d'une procédure collective prend la forme d'une déclaration de cessation des paiements effectuée auprès du greffe du tribunal.

Devant quel tribunal effectuer la déclaration ?

    Si l'entreprise en difficulté exerce une activité commerciale ou artisanale, la demande d'ouverture de la procédure doit être déposée au greffe du Tribunal de commerce du principal établissement du débiteur. 

    Dans les autres cas, c'est le greffe du Tribunal de grande instance qui reçoit le dépôt (article L. 631-7 du Code de commerce, renvoyant aux articles L. 621-2 et R. 631-1, alinéa 1).


La forme de la déclaration

    En principe, il n'existe pas de forme particulière pour la demande d'ouverture. En pratique, il est souvent préférable d'effectuer une déclaration écrite mais une déclaration verbale pourrait suffire.

    Le débiteur est tenu de respecter certaines prescriptions légales, et de joindre des documents spécifiques à la déclaration. 
En effet, aux termes de l'article R. 631-1 du Code de commerce, le débiteur doit joindre les comptes annuels du dernier exercice et les pièces suivantes :

1°/ L'état du passif exigible et de l'actif disponible ainsi qu'une déclaration de cessation des paiements ;
  
2°/ Un extrait d'immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l'article R. 621-8 ci-dessous ;
  
3°/ Une situation de trésorerie datant de moins d'un mois ;
  
4°/ Le nombre des salariés employés à la date de la demande, le nom et l'adresse de chacun d'entre eux et le montant du chiffre d'affaires (...) ;
  
5°/ L'état chiffré des créances et des dettes avec l'indication des noms et du domicile des créanciers et, pour les salariés, le montant global des sommes impayées,
(l'état chiffré des créances et des dettes doit comprendre tant les dettes échues que les dettes à échoir commerciale selon un arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, 14 mars 1961);

6°/ L'état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;
  
7°/ L'inventaire sommaire des biens du débiteur ;
  
8°/ S'il s'agit d'une personne morale comportant des membres solidairement responsables des dettes sociales, la liste de ceux-ci avec l'indication de leur nom et domicile ;
  
9°/ Le nom et l'adresse des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été désignés ;
  
10°/ Une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédant la date de la demande ou, dans le cas contraire, mentionnant la date de la désignation du mandataire ad hoc ou de l'ouverture de la procédure de conciliation ainsi que l'autorité qui y a procédé ;
  
11°/ Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, la désignation de l'ordre professionnel ou de l'autorité dont il relève ;
  
12°/ Lorsque le débiteur exploite une des installations classées au sens du titre Ier du livre V du Code de l'environnement, la copie de la décision d'autorisation ou la déclaration.

    Les documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables par le demandeur. Ceux qui sont mentionnés aux 1°, 2°, 5°, 6°, 7°, et 8° sont établis à la date de la demande ou dans les sept jours qui précèdent.
Dans le cas où l'un ou l'autre de ces documents ne peut être fourni, ou ne peut l'être qu'incomplètement, la demande indique les motifs qui empêchent cette production.

Le délai

    Le débiteur dispose d'un délai de 45 jours à compter de la date de cessation des paiements pour déposer la déclaration au greffe du tribunal concerné. 

    Il existe cependant une exception si le débiteur a demandé, dans ce délai de 45 jours, une procédure de conciliation. Dans ce cas, soit la conciliation aboutit à un succès et le débiteur parvient à honorer ses échéances (il n'est donc plus en cessation des paiements et une procédure collective n'est plus nécessaire), soit la conciliation échoue; et le débiteur devra procéder au dépôt de déclaration. 

La modification ultérieure de la déclaration 

    Le débiteur peut se rétracter et retirer sa déclaration de cessation de paiement selon la jurisprudence (CA Paris, 16 juin 1874). L'erreur d'appréciation de la situation de l'entreprise justifie ce retrait. Si le débiteur honore finalement ses dettes à échéances, le débiteur n'est pas en cessation des paiements et il ne relève donc pas de la procédure de redressement ou de liquidation.

    Les énonciations de la demande d'ouverture et des pièces annexes peuvent être rectifiées par la suite. Il est à noter que si les énonciations ne sont pas contestées, elles peuvent valoir reconnaissance de dette et interrompre la prescription (CA Bordeaux, 18 mars 1841).

    En conclusion, le débiteur en état de cessation des paiements doit impérativement former une demande d'ouverture d'une procédure collective. En effet, la déclaration frauduleuse, le retard ou l'omission de cette déclaration engendre des sanctions. 

    Si le débiteur émet une fausse déclaration volontairement, dans un but frauduleux, il engage sa responsabilité civile. En effet, cela constitue un abus de droit. Mais il faut pouvoir prouver et chiffrer le préjudice subi par les tiers.  

    Le retard dans la déclaration est considéré comme une faute de gestion permettant de condamner le dirigeant d'une personne morale en redressement judiciaire au comblement de l'insuffisance d'actif (CA Paris, 24 juin 1994). 
Cette jurisprudence devrait s'appliquer aux dirigeants de fait et de droit dans le cas d'une liquidation judiciaire de la personne morale, à condition d'avoir démontré en quoi le dirigeant condamné a contribué à la faute de gestion.

    Le défaut de déclaration peut entraîner une interdiction de gérer par les dirigeants de droit et de fait en cas d'une personne morale en redressement judiciaire. En effet, aux termes de l'article L. 653-8 alinéa 3 du Code de commerce, l'interdiction de gérer peut sanctionner le débiteur qui aurait "omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation". 

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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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