Les élections européennes, oui, mais pourquoi faire?

Publié le 04/06/2009 Vu 3 360 fois 1
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Nous allons voter pour la composition du Parlement Européen. Mais à quoi sert-il réellement? Quelles sont ses prérogatives?

Nous allons voter pour la composition du Parlement Européen. Mais à quoi sert-il réellement? Quelles sont s

Les élections européennes, oui, mais pourquoi faire?

Demain commence, à travers l'Europe des 27, l'élection des députés du Parlement Européen de Strasbourg. Certains iront voter, d'autres non. Car il faut bien le reconnaître, se déplacer pour voter alors qu'il va faire si beau, et pour quelque chose qui est si loin de nous, ce n'est pas très enthousiasmant. D'ailleurs, on a divisé notre bel hexagone en huit circonscriptions pour voter à la proportionnelle. Un scrutin si peu habituel dans un espace où personne ne s'y reconnaît. Huit circonscriptions, mais pourquoi faire? Bonne questions. Déjà parce que il n'y a que 72 députés à élire. Six de moins que la dernière fois. Ensuite, parce que la France a décidé de donner à cette élections une dimension de représentation régionale. Mais établir ces huit circonscriptions n'a pas été facile, car par exemple, en habitant Chartres, on ne se sent pas très proche des Auvergnats. Ceux sont des mondes différents, alors un député peut il représenter cet espace?

Mais peu importe la façon d'élire nos représentants européens, de toute façon, chaque État membre a pu choisir son propre mode d'élection, pourvu qu'il ne s'agisse que d'un seul scrutin et que le Conseil, après avis du Parlement, en ait validé le processus. D'ailleurs, certains États ont fait coïncider l'élection européenne avec des élections locales. C'est par exemple le cas de la Belgique qui organise le même jour ses élections régionales, d'une importance majeure puisque définissant la future politique du pays. Ou encore le Royaume Uni, qui élira ses maires, ainsi que les Pays-Bas, qui en a presque oublié que les européennes avaient également lieu ce jour là. Mais ne serait pas un moyen d'attirer un plus grand nombre d'électeur? Oui, mais au prix d'un désintérêt pour la discussion politique et les idées, les débats nationaux captivant toujours beaucoup plus les électeurs. En revanche d'autres États, tel que la Lituanie, ont préféré organiser leurs élections nationales avant celle ci qui nous intéresse. Ainsi ont ils élus leur nouveau Président, ou plutôt Présidente en la personne de Dalia Grybauskaite dès le premier tour. D'ailleurs, elle était à ce moment là Commissaire Européenne. L'Europe serait-elle un sujet captivant les lituaniens? Nous verrons après leurs résultats.

Mais au delà, le Parlement Européen se veut être l'organe démocratique de notre Union. Ce qualificatif ne fait d'ailleurs aucun doute au sein de cette organisation où les nominations, toujours hautement politique, sont légions. N'oublions pas que la Commission européenne, initiatrice et gardienne des Traités, est composée de Commissaires européens nommés par chaque gouvernement. De même, la Cour de justice voit ses membres, les juges, nommés par ces mêmes gouvernements, sans prise en compte souvent de leur capacité de jugement, la carrière de magistrat n'étant en effet pas un préalable. Ainsi notre Parlement Européen, organe démocratique, s'est vue doté dans les Traités d'une place de premier choix puisqu'elle figure en tête de la liste des institutions. Les articles 189 à 201 du Traité CE établissent donc le mode de fonctionnement du Parlement Européen. Il en ressort trois grande catégories de prérogatives, à savoir le pouvoir législatif, le pouvoir budgétaire et le contrôle politique des institutions européennes.

A. Le pouvoir législatif.

Le Parlement Européen vous le dit, il travaille pour Vous! Bon. Il est vrai que n'importe quel citoyen ne le voit pas forcément. Et pour cause, on s'y perd! Alors, sachez tout d'abord que le siège officiel du Parlement européen se trouve à Strasbourg. Mais vous aurez plus de chance de croiser un député européen à Bruxelles, où, normalement, il passe le plus de temps. Ce qui ne veut pas dire que vous le verrez plus facilement, le système de sécurité étant très performant pour éviter que toute personne non autorisée ne s'approche des membres. Enfin, s'il siège déjà. A Strasbourg n'ont lieu que les sessions extraordinaires, une semaine par mois. Et si ce système ne risque pas de changer, sachez qu'il coute très cher. Au contribuable européen, bien sur. Car l'Union Européenne ne rime pas vraiment avec économie. Preuve en est le changement pour la prochaine législature de la rémunération des Députés. Si auparavant un député européen recevait comme rémunération la même que celle d'un de ses députés national, maintenant chaque Député sera rémunéré à hauteur de 7000 euros. Certes, les inégalités entre eux seront dorénavant effacés, mais la note sera pour le contribuable. Un député italien était rémunéré à hauteur de 12000 euros, tandis qu'un député letton ne l'était qu'à 1000 euros.

Bref, le Parlement discute et adopte les lois. Enfin, à des degrés divers il participe à l'élaboration des actes législatifs européens, les règlements et les directives. Le degré de participation dépendra de la base juridique choisie, ce qui donne de nombreux contentieux pour savoir si la base juridique était la bonne, sachant qu'elle dépend notamment de l'intérêt légitime de l'institution. Ainsi le Parlement européen est-il passé d'un rôle purement consultatif à celui de co-décision à égalité avec le Conseil. Mais pas encore comme un législateur à part entière.

Alors, le Parlement peut, tout d'abord, simplement donner son avis, comme pour la fixation des prix agricoles, sans que cet avis soit contraignant. C'est la consultation simple.

Il peut également s'agir de la procédure de co-décision. Il s'agit du cas où le Conseil n'a pas pris en compte la position du Parlement dans sa position commune. Ce dernier pourra alors empêcher l'adoption de la proposition, et ce dans une quarantaine de domaines. Le Traité de Lisbonne en prévoit quarante et un de plus.

Avec plus d'importance, le Parlement européen peut donner son avis conforme. L'avis du Parlement sera alors juridiquement contraignant. Ce sera le cas pour la conclusion d'accords d'association avec des pays tiers ou pour l'adhésion de nouveaux membres. Avec le Traité de Nice, cette procédure est également nécessaire pour instaurer une coopération renforcée dans un domaine régie par la codécision et dans le cas où le Conseil envisage de constater l'existence d'un risque clair de violation des droits fondamentaux.

La dernière procédure qui donne le plus de pouvoirs au Parlement est la procédure de coopération. C'est lorsque l'avis du Parlement en première lecture n'a pas été pris en compte dans la position commune du Conseil. Alors le Parlement peut rejeter la proposition en deuxième lecture. Le Conseil ne peut alors passer outre la position du Parlement qu'à l'unanimité. Cette procédure est devenue l'exception depuis la mise en œuvre du Traité d'Amsterdam, et s’applique désormais exclusivement au domaine de l’Union économique et monétaire.

B. Pouvoir budgétaire

Le Parlement européen détient également de pouvoirs en matière budgétaire. Détenir ce pouvoir est essentiel dans tout système politique, puisque détenir les rennes du budget permet de maintenir celles du pouvoir. Il s'agit aussi du principe que c'est au peuple de lever l'impôt, et dès lors de s'occuper de le budgétiser. Ainsi ce budget de 862 milliards d'euros pour la période 2007/2013 relève-t-il du pouvoir de chaque institution (Commission, Conseil, Parlement européen).

Mais, le Parlement peut modifier, dans une certaine limite, la répartition et le montant des dépenses dites non obligatoires, à savoirs les dépenses liées au fonctionnement des institutions et les dépenses opérationnelles du budget de l'UE, tels que par exemples les dépenses du FEDER, ou encore les crédits pour la recherche ou la politique industrielle. Le Parlement en prend la décision finale.

Ensuite, le Parlement européen peut proposer des modifications aux dépenses obligatoires. Ces dernières sont celles qui découlent du Traité, comme par exemple la Politique agricole commune. Mais alors le Conseil statut en dernier ressort, et a donc le dernier mot sur ces dépenses représentant 40% du budget de l'UE. Le Parlement arrête de plus le budget de l'UE, et peut alors le rejeter en bloc, sans pour autant en rejeter certains points.

Le Traité de Lisbonne, si un jour il est adopté, abolit la distinction entre les notions de dépenses obligatoire et non obligatoire. Le Parlement serait alors sur le même pied d'égalité que le Conseil.

C. Contrôle politique des institutions européennes

A cette fin, le Parlement européen dispose de plusieurs instruments.

Il peut débattre des propositions, donnant lieu à des votes de résolutions. Il peut aussi poser des questions écrites ou orales à la Commission ou au Conseil. Il doit également donner son approbation à la nomination du Président de la Commission et des Commissaires. Ce dernier pouvoir n'est pas irréel, on se rappellera de la Commission Santer, présidée par Jacques Santer, qui ne reçu pas cette approbation et due démissionner.

Le Parlement peut également renverser la Commission par le vote d'une motion de censure aux 2/3 de sa majorité. Il possède en plus le pouvoir d'initiative en demandant à la Commission de soumettre une décision au Conseil. Il a aussi le pouvoir de constituer une commission temporaire d'enquête à la demande d'un quart de ses membres afin d'examiner les éventuelles infractions ou cas de mauvaise administration dans l'application du droit communautaire. C'est à ce titre qu'une commission temporaire a enquêté sur l'intervention européenne tardive dans le cadre de l'ESB (ou "maladie de la vache folle").

C'est aussi en utilisant sa faculté de pouvoir saisir la Cour de justice des Communautés européennes, acquise avec le Traité de Nice, qu'elle peut former un recours en annulation pour violation du traité contre des actes des institutions, sans avoir à démontrer un intérêt particulier ou recueillir un avis préalable de la Cour de justice. Il peut également saisir la Cour pour avis afin de vérifier la compatibilité d’un accord international avec le Traité, avant qu’il ne soit conclu par la Communauté.

De manière plus politique, le Parlement reçoit les pétitions des citoyens européens sur tout sujet européen les concernant. Ceci va de pair avec le médiateur européen, élu par le Parlement, qui examine les plaintes des citoyens portant sur des cas de mauvaise administration d’institutions ou organes communautaires, et recherche une solution à l'amiable à ces différends.

 

On l'aura compris, le Parlement européen est une institution qui manque encore de poids, mais qui cherche à en gagner. Après tout, ce serait légitime que cette institution, qui va recevoir les votes potentiels de quelques 375 millions de citoyens se voit reconnaître une place plus importante, afin de légitimer la volonté des urnes. Le Traité de Lisbonne serait le premier pas à franchir pour donner à notre institution, l'institution du peuple, plus d'importance. Ce Traité prévoit en effet le droit d'initier une procédure de révision des traités, et l'aval du Parlement européen sera nécessaire pour réunir une Convention. Pour une institution jusqu'à récemment absente des procédures de modifications des traités, l'accroissement des pouvoirs serait important.

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1 Publié par Corentin
04/06/2009 00:43

J'avais l'intention de rédiger un billet sur la même problématique, mais votre article est si bien rédigé que je crois que je vais m'abstenir ! Félicitations !

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