Boris LARA, juriste

Location • Transaction • Copropriété • Construction

L’absence de délimitation du terrain à prélever entraine-t-elle la nullité de la vente ?

Publié le Modifié le 10/08/2023 Vu 1 642 fois 0
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L’absence de délimitation du terrain à prélever entraine-t-elle la nullité de la vente ?

 

Non. L’absence de délimitation précise du terrain à détacher ne constitue pas à elle seule une indétermination de l’objet de la vente susceptible d’entrainer sa nullité.

Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes [1].

Les juges du fond apprécient souverainement si l’objet de la vente est bien déterminé. En cas d’ambiguïté, ils doivent rechercher la commune intention des parties.

Lorsque l’acte de vente n'indique pas la délimitation précise du terrain à prélever, mais qu’il précise la contenance et la surface du terrain cédé ainsi que la contenance et la situation cadastrale de la parcelle où ce dernier doit être extrait, l’objet de la vente est bien déterminé.  

Il s’ensuit que le vendeur est alors tenu à une obligation de délivrance dès lors que l’exécution en nature de cette obligation est possible. La jurisprudence est constante sur ce point.

Dans un contentieux, une société avait vendu un terrain d’une contenance d’1 hectare à prendre en bordure de mer dans un plus grand domaine lui appartenant puis les parties avaient convenu 6 mois plus tard que le terrain serait finalement prélevé dans les bois du même domaine mais aurait une superficie d’1 hectare et demi. L’acquéreur n’avait pu obtenir la délivrance de la parcelle vendue et avait demandé en justice que soit désigné un expert-géomètre pour déterminer le lot. Le vendeur avait alors soutenu que la vente était nulle. La Cour d’appel avait rejeté la demande en nullité au motif qu’une vente était parvenue entre les parties du seul fait qu’elles avaient été d’accord l’une pour vendre,  l’autre pour acquérir une certaine superficie de terrain à déterminer dans le bois. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a approuvé la décision des juges d’appel constatant que l’objet de la vente était d’1 hectare et demi de terrain à prendre par l’acquéreur dans le bois du domaine dont la société est la propriétaire. Il a été jugé que cet accord créant à la charge de la société venderesse l’obligation de délivrer à l’acquéreur une superficie déterminée de terrain dans un domaine déterminé était valable dans la mesure où l’objet de la vente était lui-même déterminé et que l’exécution en nature de l’obligation de la société était possible [2].

Dans un autre litige, une propriétaire avait vendu sous seing privé à des époux 11 hectares de terres, prés et bois à prendre dans différentes parcelles cadastrées. La propriétaire s’était réservée, dans une des parcelles une superficie de 0,8 hectares à déterminer par un bornage effectué par géomètre en accord avec les parties. Les époux prétendant que la chose vendue était indéterminée avait ensuite refuser la vente. Saisie du litige, la Cour d’appel avait dit que la vente était définitive aux motifs que l’un des acquéreurs avait apposé sa signature procédée des mots « bon pour accord de bornage de huit mille cent mètres carré suivant tracé au crayon » sur un plan qui déterminait parfaitement cette parcelle ; que la commune intention des parties révélait que la détermination de cette parcelle n’était pas subordonnée à l’établissement d’un plan de bornage par géomètre ;  que la superficie des terrains à prendre dans la parcelle était déterminée et que la venderesse s’en était remis par avance au choix des acquéreurs quant à sa délimitation. Les époux s’étaient alors pourvus en cassation. Les magistrats ont approuvé l’arrêt jugeant à bon droit que l’immeuble était déterminable au jour de la convention [3].

Dans une autre affaire, une propriétaire avait vendu à des époux une maison et un terrain d’une contenance de 2500 m² à prélever dans une parcelle plus grande. Les parties n’étaient pas parvenues à s’accorder sur la délimitation de la parcelle vendue et la propriétaire avait assigné les époux en nullité de la vente pour indétermination de l’objet, lesquels avaient conclu à la résolution de la vente aux torts exclusifs de la propriétaire. La Cour d’appel avait rejeté la demande en nullité de la propriétaire en considérant que bien que la délimitation exacte de la parcelle cédée n’était pas précisée dans l’acte et que la division du terrain pouvait être effectuée de différentes manières, l’objet de la vente était déterminé puisque la surface de la parcelle cédée était quant à elle bien précisée dans l’acte de vente ainsi que celle du terrain dans laquelle elle devait être extraite. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a approuvé la décision des juges d’appel constatant que l'acte de vente portait sur une villa et une parcelle à détacher ne devant pas avoir une contenance inférieure à 2 500 m².  Cet acte créait à la charge du vendeur l'obligation de délivrer aux acquéreurs une superficie de terrain d'un minimum précisé dans un terrain lui-même désigné, de sorte que l'objet de la vente était déterminé. Par ces motifs, le pourvoi a été rejeté [4].

Dans une affaire, des époux avaient signé avec un vendeur une promesse de vente portant sur une villa avec piscine et terrain clos paysager, les parties s’étaient accordées sur la division parcellaire à effectuer pour permettre le détachement d’une parcelle conservée par le vendeur. Ce dernier avait ensuite assigné les époux en réalisation forcée de la vente et les acquéreurs lui avaient opposé la nullité de la promesse de vente pour indétermination de la chose vendue. La Cour d’appel a jugé que la promesse ne valait pas vente parfaite et l’arrêt a été cassé et annulé par la Cour de cassation au motif que l'objet de la vente pouvait être déterminé dès lors qu’il avait été relevé que la promesse de vente portait sur une villa située sur un terrain clos paysager dont la contenance et la situation cadastrale, de même que la contenance d'une parcelle "à détacher" étaient précisées [5].  

Dans un autre litige où des parties avaient conclu successivement deux compromis de vente portant sur un terrain de 32 m² à prendre sur une parcelle bien déterminée, les juges d’appel ont retenu que les parties s’étaient mises d'accord sur la contenance du terrain vendu, sa localisation et son prix et que l'absence de délimitation du terrain ne constituait pas une indétermination de l'objet de la vente dès lors que la situation cadastrale du lot principal et la contenance de la parcelle à détacher étaient précisées. Par ces motifs, ils ont jugé que la vente était parfaite et par la suite les magistrats de la Cour de cassation ont approuvé cette décision [6].

 

Notes de l’article :

[1] Article 1188 du Code civil

[2] Cass. Civ., 3ème, 17/07/1968, n° 354

[3] Cass. Civ., 3ème, 15/02/1984, 82-15465, Bull. 1984, III, n° 41

[4] Cass. Civ., 3ème, 02/07/1997, n° 95-18303, Bull. 1997, III, n° 162, p. 108

[5] Cass. Civ., 3ème, 30/01/2008, n° 06-20551

[6] Cass. Civ., 3ème, 20/09/2011, n° 10-20350

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