Non. Une décision de justice rendue à l'encontre d'un indivisaire n'est pas opposable aux autres indivisaires.
Dans une affaire, une propriétaire avait assigné son voisin pour obtenir la dépose d’une clôture et la démolition d’une véranda de l’immeuble qu’il habitait. Le tribunal avait accueilli ses demandes et le voisin avait interjeté appel en prétendant que l’action engagée contre lui seul était irrecevable puisqu’il était propriétaire de l’immeuble en indivision avec son épouse et qu’ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. La propriétaire a alors assigné en intervention l’épouse ainsi que la nouvelle propriétaire voisine à laquelle les époux avaient revendu leur immeuble après le jugement. La Cour d’appel a déclaré irrecevable la demande de la propriétaire laquelle s’est pourvue en cassation. Il a été jugé que l'action introduite contre un seul indivisaire est recevable mais que la décision rendue sur celle-ci est inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci [1].
Dans une autre affaire où deux sœurs avaient confié à un artisan la construction d’une villa sur un terrain leur appartenant en indivision, ce dernier avait été placé en liquidation judiciaire et un liquidateur judiciaire avait été désigné. L’une des deux sœurs était ensuite décédée laissant pour lui succéder 3 héritiers et le liquidateur avait assigné l’autre sœur en paiement du solde du prix des travaux. L’action en paiement avait été déclarée irrecevable par la Cour d’appel au motif que la détermination de l’existence et de l’étendue d’une créance envers l’indivision impose la présence à l’instance de tous les indivisaires. Les magistrats de la Cour de cassation ont cassé et annulé l’arrêt en précisant que l’action introduite par un créancier de l’indivision contre un seul indivisaire est recevable mais que la décision rendue sur celle-ci est inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci [2].
Concernant la mise en cause
- La mise en cause peut par exemple se faire via une intervention forcée.
En effet, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a un intérêt afin de lui rendre commun le jugement [3].
Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense. Il est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu'il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
A noter que si l'intervention risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout, le juge statue d'abord sur la cause principale, sauf à statuer ensuite sur l'intervention [4].
- La mise en cause peut également se faire via un appel en garantie [5].
Ce recours est exercé lorsqu'une personne qui est assignée en justice estime qu'une autre personne doit lui être substituée dans les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcée contre elle.
Le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. L'instance poursuit son cours à l'expiration du délai dont dispose le garant pour comparaitre, sauf à ce qu'il soit statué séparément sur la demande en garantie si le garant n'a pas été appelé dans le délai fixé par le juge [6].
Que ce soit pour l'intervention forcée ou l'appel en garantie, la demande incidente à l'encontre du tiers doit être faite dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance, autrement dit par assignation [7].
Enfin, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées par voie d'assignation devant la Cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause [8].
Notes de l'article :
[1] Cass. Civ., 1ère, 12/06/2013, n° 11-23137, Bull. 2013, I, n° 119
[2] Cass. Civ., 18/12/2013, n° 12-27059, Bull. 2013, I, n° 248
[3] Article 331 du Code de procédure civile
[4] Article 326 du Code de procédure civile
[5] Articles 334 et suivants du Code de procédure civile
[6] Article 109 du Code de procédure civile
[7] Article 68 du Code de procédure civile
[8] Article 555 du Code de procédure civile