Boris LARA, juriste

Location • Transaction • Copropriété • Construction

Le mandat de mise en location ou de gérance doit-il être rédigé par écrit ?

Publié le 19/08/2023 Vu 3 007 fois 0
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Le mandat de mise en location ou de gérance doit-il être rédigé par écrit ?

Oui. Que le mandat porte sur la mise en location du logement, sur sa gérance ou sur ces deux missions combinées, il doit être rédigé par écrit. Le non-respect de cette formalité encourt une nullité relative dont seul le mandant peut se prévaloir.

 

1. Les décisions de justice rendues avant la réforme du droit des obligations. 

 

A plusieurs reprises, les magistrats ont jugé que :

 

  • Les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives, notamment, à la gestion immobilière, doivent être rédigées par écrit
  • Cette obligation résulte de dispositions légales d’ordre public
  • Le titulaire de la carte professionnelle « gestion immobilière » doit détenir un mandat écrit qui précise l'étendue de ses pouvoirs et l'autorise expressément à recevoir des biens, sommes ou valeurs à l'occasion de la gestion dont il est chargé
  • La preuve de l'existence et de l'étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit.

 

Lorsque la bailleresse décède et que le professionnel poursuit la gestion du bien, le mandat tacite ne vaut pas mandat écrit

 

Dans une affaire, une bailleresse avait confié, suivant mandat écrit, à une administratrice de biens, la gestion d'un immeuble donné à bail. Après le décès de la mandante, l’administratrice de biens avait continué à adresser aux ayants droit de celle-ci, les comptes de gestion trimestriels, ainsi que le montant des sommes encaissées auprès de la locataire, déduction faite de ses « honoraires de gestion ». L’époux agissant tant en son nom qu'en qualité d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs, avait assigné l’administratrice de biens en réparation du préjudice qu'elle leur avait causé en ne délivrant pas congé à la locataire en temps utile. Pour retenir l'existence d'un manquement de l’administratrice de biens à ses obligations contractuelles, la Cour d'appel avait énoncé qu'un mandat tacite avait fait suite au mandat écrit donné par la bailleresse défunte et qu'à défaut de preuve d'une volonté contraire de la part des parties, ce mandat n'avait pu que se poursuivre dans les conditions dans lesquelles il avait été précédemment exercé. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt [1] :

 

« Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la preuve de l'existence et de l'étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit, la cour d'appel a violé les textes susvisés »

 

Le mandat de gestion signé après la mise en location du bien ne régularise pas l’absence d’écrit

Dans une autre affaire, une agence immobilière avait donné mandat le 09/12/1991 à une société de rechercher des locataires pour une maison d'habitation appartenant à un bailleur. Le 28/03/1992, la maison avait été louée et le 01/04/1992,  le bailleur avait signé avec l’agence immobilière un mandat de gestion de cette maison. Par suite, les locataires n'ayant jamais payé les loyers et n'ayant libéré les lieux qu'en octobre 1993, le bailleur avait réclamé la réparation de son préjudice à l’agence immobilière à laquelle il reprochait une mauvaise exécution du mandat. La Cour d’appel avait condamné l’agence immobilière à payer au bailleur des dommages-intérêts en retenant que l'écrit du 01/04/1992, qui comportait pour l'agent immobilier l'obligation de se livrer à une recherche de la solvabilité du candidat locataire, n'avait fait que régulariser a posteriori un contrat déjà passé et en cours d'exécution. Saisie d’un pourvoi la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt [2] :

« Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la preuve de l'existence et de l'étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit, la cour d'appel a violé les textes susvisés »

 

Le coïndivisaire non signataire du mandat ne peut pas exiger la reddition de comptes

Dans un autre litige, il a également été jugé que la preuve de l'existence et de l'étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit. En l’espèce, la Cour d’appel avait relevé que le contrat de mandat, confiant la gestion du bien indivis au professionnel de l’immobilier avait été signé seulement par une indivisaire. Elle en avait déduit que l’autre indivisaire n'avait aucun droit à réclamer à l'agent immobilier qu'il rende compte de sa gestion. En l'absence de lien de droit entre le mandataire et les indivisaires ayant laissé l'un des leurs agir seul, ces derniers ne peuvent demander directement des comptes au mandataire mais seulement à l'indivisaire gérant. Saisie par l’indivisaire qui n’avait pas signé le mandat, la cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond et a rejeté le pourvoi [3].

 

Un bail commercial conclu par 1 seul indivisaire est nul et de nul effet

Dans une affaire, un indivisaire disant représenter les deux autres coïndivisaires, avait confié un mandat général de gestion du bien indivis à une agence immobilière. Par acte sous seing privé l’agence immobilière, agissant « en qualité de mandataire de l'indivision X...», avait consenti un bail commercial à une association pour une durée de 9 ans. Les coïndivisaires non signataires avaient ensuite assigné l’association et l’agence immobilière en nullité du bail. La Cour d’appel avait jugé que l’agence immobilière ne disposait pas d'un mandat spécial lui permettant de signer un bail commercial, et que le bail était nul et de nul effet. L’association s’était ensuite pourvue en cassation. Les magistrats du droit ont jugé que la preuve de l'existence et de l'étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit et que ni le mandat apparent ni la ratification de l'acte ne peuvent tenir en échec ces règles impératives. Le bail commercial litigieux ayant été consenti par l’agence immobilière, sans mandat spécial donné par écrit par l'ensemble des coïndivisaires, il a été jugé que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision [4].

 

 

2. Evolution jurisprudentielle

Avant la réforme du droit des obligations [5], la Cour de cassation jugeait que les dispositions d’ordre public de la loi HOGUET étaient prescrites à peine de nullité absolue, excluant toute possibilité de confirmation du mandat comme de ratification ultérieure de la gestion.

Or, depuis la réforme, le droit commun prévoit que la nullité est :

  • Absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général 
  • Relative lorsque cette règle a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé [6]

Saisie d'un pourvoi dans le cadre d'un contentieux locatif, la Cour de cassation a procédé à un revirement en 2017.

En l'espèce, une SCI représentée par un agent immobilier avait fait délivrer à une locataire d'un local d'habitation lui appartement, un congé avec offre de vente. La locataire avait ensuite assigné la SCI en nullité du congé et la Cour d'appel avait rejeté sa demande et ordonné son expulsion aux motifs que l'agent immobilier avait reçu un mandat de gestion et d'administration l'autorisant à délivrer « tous congés » et qu'il avait qualité pour faire délivrer le congé pour vente dès lors que la SCI l'avait mandaté spécialement par lettre datée pour vendre le bien ooccupé. La locataire s'était ensuite pourvue en Cassation. La locataire contestait la validité du congé notamment du fait que la bailleresse avait mandaté par lettre l'agent immobilier alors que la loi HOGUET et son décret d'application prévoit que « le mandat doit comprendre une limitation de ses effets dans le temps et que l'agent immobilier doit mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre des mandats à l'avance coté sans discontinuité et relié, et reporter le numéro d'inscription sur l'exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant ». La Cour de cassation jugeait jusqu'à présent que ces dispositions, qui sont d'ordre public, étaient prescrites à peine de nullité absolue et que la nullité pouvait être invoquée par toute partie qui y avait intérêt [7]. 

Tenant compte des évolutions législatives, les magistrats ont rejeté le pourvoir après avoir précisé que :

  • Par la loi HOGUET [8], le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d'agent immobilier et protéger sa clientèle ; que les lois ALUR [9] et MACRON [10] répondent aux mêmes préoccupations ;
  • « L'évolution du droit des obligations (...) conduit à apprécier différemment l'objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandat dans ses rapports avec le mandataire ;
  • Que l'existence de dispositions protectrices du locataire, qui asurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur, et la finalité de protection du seul propriétaire des règles fixées [par la loi HOGUET et son décret d'application] conduisent à modifier la jurisprudence et à décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative
  • Que, dès lors, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche inopérante relative à la mention de la durée du mandat et au report, sur
    le mandat resté en possession du mandant, d'un numéro d'inscription sur le registre des mandats
    » [11].

 

La distinction entre nullité absolue et nullité relative est importante :

  • La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt, ainsi que par le ministère public [12]
  • La nullité relative quant à elle ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger [13]

 

Notes de l'article :

[1] Cass. Civ., 1ère, 20/01/1993, n° 91-10894, Bull. 1993, I, n° 25, p. 16

[2] Cass. Civ., 1ère, 10/12/2000, n° 98-17689, Bull. 2000, I, n° 339, p. 219

[3] Cass. Civ., 1ère, 17/12/2008, n° 07-17774

[4] Cass. Civ., 1ère, 02/12/2015, n° 14-17211

[5] Ordonnance n° 2016-131 du 10/02/2016

[6] Article 1179 du Code civil

[7] Cass. Civ., 1ère, 25/02/2003, n° 01-00461 ; Cass. Civ., 3ème, 08/04/2009, n° 07-21610, Bull. 2009, III, n° 80

[8] Loi n° 70-9 du 02/01/1970

[9] Loi n° 2014-366 du 24/03/2014

[10] Loi n° 2015-990 du 06/08/2015

[11] Cass. Ch. mixte, 24/02/2017, pourvoi n° 15-20411

[12] Article 1180 du Code civil

[13] Article 1181 du Code civil

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