Boris LARA, juriste

Location • Transaction • Copropriété • Construction

Les passerelles de majorité facilitant la prise de décision en copropriété

Publié le Modifié le 08/08/2023 Vu 1 793 fois 0
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Le législateur a pris des mesures visant à faciliter l’approbation des résolutions votées lors des assemblées générales de copropriétaires tout en conservant un seuil minimum d'approbation.

Le législateur a pris des mesures visant à faciliter l’approbation des résolutions votées lors des assem

Les passerelles de majorité facilitant la prise de décision en copropriété

 

Lorsqu’une résolution soumise au vote à la majorité absolue ou à la double majorité n’a pas obtenu la ou les majorités requises, cette résolution doit être immédiatement soumise à un second vote si les conditions sont remplies.

Cette « passerelle de majorité » ou « vote de rattrapage » a été mis en place par le législateur afin de faciliter le processus décisionnel lors des assemblées générales de copropriétaires.

 

1. La passerelle de la majorité absolue

Concrètement, lorsque la résolution est soumise au vote à la majorité absolue, elle doit recueillir la majorité des voix de tous les copropriétaires de l’immeuble [1].

La majorité absolue est calculée sur la totalité des voix dont disposent tous les copropriétaires de l’immeuble, qu’il soit présents, représentés, absents ou qu’ils votent à distance.

Si la résolution n’obtient pas la majorité des voix des copropriétaires mais qu’elle obtient au moins 1/3 de ces voix, la même assemblée doit se prononcer à la majorité simple en procédant immédiatement à un second vote [2].

La majorité simple correspond à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés ainsi que ceux ayant voté par correspondance. Il n’est alors pas tenu compte des abstentionnistes, des copropriétaires absents ou non représentés.

Exemple : Dans une copropriété de 1000 tantièmes, une résolution est soumise au vote des copropriétaires. Elle obtient 300/1000ème d’abstention, 400/1000ème de votes favorables, 100/1000ème de votes "contre". Les copropriétaires absents représentent 200/1000ème. La résolution n’est pas adoptée à la majorité absolue. Toutefois, comme elle a atteint au moins 1/3 des voix (minimum 333/1000ème), un second vote a immédiatement lieu à la majorité simple.  Au second vote, la résolution obtient 400/1000ème de votes favorables et 300/1000ème de votes "contre". Elle est adoptée.

Depuis le 01/06/2020, cette passerelle s’applique à toutes les résolutions qui doivent être votées à la majorité des voix ou qui sont soumises aux dispositions légales prévoyant le vote à la majorité absolue [3].

D’autre part, cette passerelle revêt un caractère obligatoire et immédiat.

 

1.1. Concernant l’approbation des contrats, devis ou marchés

La réglementation prévoit que lorsque l'assemblée générale des copropriétaires est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats, elle ne peut procéder au second vote qu'après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité applicable au premier vote [4].

 

1.1.1. Le contrat de syndic

Dans une affaire, une SCI, propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, avait assigné le syndicat des copropriétaires et son syndic, en annulation d’une assemblée générale et subsidiairement de diverses résolutions prises au cours de cette assemblée, et en condamnation du syndic au paiement de dommages-intérêts. Une Cour d’appel avait rejeté ses demandes et la SCI s’était pourvue en cassation en faisant grief aux juges d’appel de ne pas avoir tenu compte du fait que lors du vote sur le choix du syndic, deux candidatures étaient en concurrence (Foncia & Deberne) et que partant, elles devaient être toutes deux examinées et soumises au vote à la majorité absolue avant d’être, le cas échéant, soumises au vote à la majorité simple. Les magistrats de la Cour de cassation ont relevé que pour rejeter la demande en annulation de la résolution ayant désigné la société Deberne en tant que syndic, les juges d’appel avaient retenu qu'en l'absence de la SCI à l'assemblée générale, la majorité absolue ne pouvait être atteinte ni pour l'élection du cabinet Deberne, ni pour celle du cabinet Foncia et que c'était dès lors à juste titre que l'assemblée générale avait procédé au second vote, s'agissant de la désignation du cabinet Deberne, à la majorité simple. Par suite, les magistrats ont cassé et annulé l’arrêt : « En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la candidature de la société Foncia avait été soumise au vote des copropriétaires à la majorité de l'article 25 avant que la société Deberne ne soit désignée en qualité de syndic à la majorité de l'article 24, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » [5].

Autrement dit, toutes les candidatures en concurrence pour exercer les missions de syndic doivent être soumises au vote de la majorité absolue avant qu’il soit procédé, si les conditions sont remplies, à un second vote à la majorité simple

Dans une autre affaire, plusieurs copropriétaires avaient assigné le syndicat des copropriétaires en annulation d’assemblées générales et de certaines résolutions adoptées à ces occasions, précisément parce que toutes les candidatures en lice pour exercer les missions de syndic n’avaient pas été soumises au vote de la majorité absolue.  Le juge d’instance avait rejeté leurs demandes et la Cour d’appel avait confirmé le jugement au motif que la résolution n° 6 relative à la désignation du syndic Citya Blois avait été adoptée après un second vote à la majorité simple et que par conséquent la résolution n°7 suivante relative à la désignation du syndic Laforêt était devenue sans objet du fait de l’adoption de la résolution précédente.  Elle en déduisait que « si l’ensemble de ces éléments met en évidence que la résolution n° 6 a été adoptée en violation des dispositions légales, le mandat donné au syndic ayant été exécuté, la demande d’annulation doit être rejetée ». Saisis d’un pourvoi, les magistrats de la Cour de cassation ont cassé et annulé l’arrêt précisant que « l’exécution d’une décision d’assemblée générale ne fait pas obstacle à son annulation » [6].   

 

1.1.2. Les devis portants sur des travaux

Dans une affaire, un copropriétaire avait assigné le syndicat des copropriétaires et son syndic en annulation d’une assemblée générale et de certaines de ses résolutions. Pour rejeter une demande d'annulation d’une résolution, la Cour d’appel retenait que lors d’une précédente assemblée générale, les copropriétaires avaient voté des travaux de mise en sécurité du local poubelles extérieur selon descriptif d’une entreprise ; que lesdits travaux avaient fait l’objet d’une approbation de l’assemblée générale et que, compte-tenu des risques judiciaires, le syndic avait remis cette approbation au vote via la résolution litigieuse, de sorte que l'assemblée n'avait pas été appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats. Les magistrats de la Cour de cassation ont cassé et annulé l’arrêt en précisant que « le précédent vote de la même résolution par une précédente assemblée générale ne dispensait pas de voter sur chacune des candidatures à la majorité de l'article 25 avant de procéder à un second vote à la majorité de l'article 24 » [7].

Autrement dit, tous les contrats ou devis en concurrence pour la réalisation de travaux doivent être soumis au vote de la majorité absolue avant qu’il soit procédé, si les conditions sont remplies, à un second vote à la majorité simple.

 

2. La passerelle de la double majorité

Lorsque la résolution est soumise au vote à la double majorité, elle doit être remplir 2 conditions pour être approuvée :

  • Une majorité en nombre : la résolution doit être prise à la majorité des membres du syndicat des copropriétaires
  • Une majorité en voix : ces copropriétaires doivent représenter au moins les 2/3 des voix [8]

La double majorité est calculée sur la totalité des voix dont disposent tous les copropriétaires de l’immeuble, qu’il soit présents, représentés, absents ou qu’ils votent à distance.

Exemple : Dans un immeuble de 12 copropriétaires, la résolution obtient l’approbation de 5 copropriétaires présents et de 2 copropriétaires représentés, portant le nombre de voix à 7/12. La résolution est approuvée seulement si ces copropriétaires détiennent ensemble au moins 666/1000 tantièmes.

Lorsque la résolution n’a pas été approuvée, elle peut donner lieu à un second vote si elle remplit les conditions suivantes :

  • Elle a recueilli l'approbation de la moitié des membres du syndicat des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance
  • Ces copropriétaires représentent au moins 1/3 des voix de tous les copropriétaires [9]

A l'issue du second vote, la résolution est adoptée si recueille la majorité des voix de tous les copropriétaires de l’immeuble (majorité absolue).

Cette passerelle revêt également un caractère obligatoire et immédiat.  

 

2.1. Concernant la répartition en nombre de voix

La loi prévoit que chaque copropriétaire dispose d'un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes [10].

D’autre part, lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires.

Exemple : un copropriétaire détient plusieurs lots d’une superficie totale de 3500 m². La copropriété a une superficie totale de 6000 m². Sa quote-part est de 583/1000ème ((3500/6000)x1000). Elle est supérieure à la moitié et doit donc être réduite à la somme des voix des autres copropriétaires (1000-583). Le nombre de voix dont dispose ce copropriétaire majoritaire est de 417/1000ème . 

Sur ce point, il a été jugé que le calcul ne doit pas être fait en fonction des voix des copropriétaires minoritaires ou représentés à l’occasion de chaque assemblée générale et de chaque vote [11]. Le calcul doit toujours tenir compte de l'ensemble des tantièmes.

D’autre part, il a été jugé que lorsqu'une décision de l'assemblée générale est prise en violation de la règle de la réduction des voix, un copropriétaire n'est pas tenu de justifier d'un grief pour agir en nullité. En l’espèce, la Cour d’appel  avait retenu que « s'il résulte des énonciations du procès-verbal que la règle de la réduction des voix n'a pas été appliquée puisque "l'opinion" de la SCI (…) a été retenue pour 8.190 / 10.000émes au lieu de 1.810, le résultat du scrutin n'aurait pas changé puisque de toute façon la SCI (…), même avec 1.810 voix, restait majoritaire contre M. X... détenteur de mille soixante voix parce que le troisième copropriétaire s'était abstenu avec 750 / 10.000è » [12].

 

Notes de l'article :

[1] Article 25 de la loi n° 65-557 du 10/07/1965

[2] Article 25-1 de la loi n° 65-557 du 10/07/1965

[3] Article 26 de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30/10/2019

[4] Article 19 du décret n° 67-223 du 17/03/1967

[5] Cass. Civ., 3ème, 07/12/2022, n° 21-20170

[6] Cass. Civ., 3ème, 24/11/2021, n° 20-22487

[7] Cass. Civ., 3ème. 09/09/2021, n° 20-11743

[8] Article 26 de la loi n° 65-557 du 10/07/1965

[9] Article 26-1 de la loi n° 65-557 du 10/07/1965

[10] Article 22 de la loi n° 65-557 du 10/07/1965

[11] Cass. Civ. 3ème, 02/07/2008, n° 07-14619, Bull. 2008, III, n° 118

[12] Cass. Civ., 3ème, 07/10/2009, n° 08-17798, Bull. 2009, III, n° 215

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