La contrainte du respect des libertés fondamentales

Publié le 16/02/2018 Vu 2 612 fois 0
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Le renforcement de la politique de sécurité a été possible par l’intermédiaire de la sauvegarde des données personnelles et de leurs partages avec les autres Etats afin d’aboutir à une coopération pour une meilleure protection. Il est fréquent aujourd’hui que les gouvernements et leurs services de renseignement aient recours à des techniques d’enquête telle que la collecte d’informations, qui concernent particulièrement les personnes soupçonnées d’activités criminelles comme le terrorisme.

Le renforcement de la politique de sécurité a été possible par l’intermédiaire de la sauvegarde des don

La contrainte du respect des libertés fondamentales

La primauté de la sécurité dans la lutte contre le terrorisme

Dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, il existe de forte tension entre sécurité et respect des libertés, en l’occurrence, protection de la vie privée. Ces deux valeurs sont particulièrement menacées. Il est évident que le droit à la sécurité nécessite des mesures de protection qui soient à la hauteur de la menace terroriste. Les autorités ont considéré que pour la politique de lutte contre le terrorisme, l’Etat pouvait exiger de recourir à des moyens exceptionnels même s’ils portent atteinte aux droits et libertés individuels. Pour illustrer, nous pouvons citer l’affaire Klass et autres c. Allemagne[1], du 6 septembre 1978. La Cour européenne des Droits de 1'Homme (CEDH) a rendu un arrêt dans l’affaire Klass et autres. Cette affaire se rapporte à la législation adoptée en 1968 en République fédérale d'Allemagne et portant restriction du secret de la correspondance, des envois postaux et des télécommunications, législation qui permet sous certaines conditions des mesures de surveillance secrète. La Cour a constaté à l’unanimité qu'il n'y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de 1'Homme. Or, la Cour, consciente du danger potentiel de ces mesures de surveillance secrète, déclare « que les États contractants ne disposent pas pour autant d’une latitude illimitée pour assujettir à des mesures de surveillance secrète les personnes soumises à leur juridiction. Consciente du danger, inhérent à pareille loi, de saper, voire de détruire, la démocratie au motif de la défendre, elle affirme qu’ils ne sauraient prendre, au nom de la lutte contre l’espionnage et le terrorisme, n’importe quelle mesure jugée par eux appropriée », (Klass et autres c. Allemagne, § 49).

Autre illustration, il s’agit de l’arrêt Segerstedt-Wiberg et autres c. Suède[2], de 2006. Les requérants se plaignaient de la conservation de certaines informations à leur sujet dans les dossiers de la Sûreté suédoise et du refus de les informer de l’intégralité des renseignements consignés. La CEDH a considéré qu’il y avait violation de l’article 8 en raison de la conservation des données, sauf pour la première requérante car la conservation des informations relatives aux menaces d’attentat à la bombe dirigées contre elle en 1990 était justifiée. D’autre part, selon les juges, l’article 8 n’était pas violé car les intérêts de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme l’emportent sur les intérêts des requérants à être informés de l’intégralité des informations les concernant dans les fichiers de la Sûreté.

L’application du quatrième amendement de la Constitution américaine pose évidemment des problèmes. L’utilisation par la Cour suprême du critère des « attentes raisonnables en matière de protection de la vie privée » semble refuser la protection constitutionnelle dans la majorité des cas. Malgré une position favorable avec l’arrêt Katz v. United States 1967, par la suite, dans de nombreux arrêts aucune protection constitutionnelle n’a été accordée aux questions du respect de la vie privée. A titre d’exemple nous pouvons citer l’affaire du Pen Register (enregistreur graphique). Connue officiellement sous le nom de Smith c. Maryland [3](442 U.S. 735, 1979). Elle soutient que l’installation d’un dit « pen register », un dispositif mécanique qui enregistre les numéros composés sur un téléphone, ne violait pas le quatrième amendement même si elle était effectuée sans mandat. Katz est une décision importante parce que, pour la première fois, le droit à la vie privée, a été nettement dissocié de sa base juridique originaire qui est le droit de propriété. Selon la Direction Générale de la Politique Interne (Union Européenne), s’exprimant à propos de l’arrêt « Pen Register », « Etant donné l’utilisation quotidienne de ces équipements électroniques, notamment pour la prévention des infractions, l’attente raisonnable en matière de protection de la vie privée du requérant ne pouvait pas être considérée comme une attente que la société est prête à reconnaître comme raisonnable. Cependant, un tel raisonnement, basé sur une prétendue « acceptation des risques » pourrait devenir très problématique dans les sociétés contemporaines fortement basées sur les réseaux de communication, et dépendantes de ceux-ci[4]. ».

Dès 2006, les Européens remarque que les Etats-Unis utilisaient secrètement depuis 2001 des données bancaires personnelles stockées via le réseau SWIFT [5](Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications). Cette société de droit belge transmettait les données en sa possession aux autorités américaines qui agissaient dans le cadre de leur programme de lutte contre le terrorisme. Suite à la polémique soulevée en Europe quant à l’atteinte aux données personnelles, un accord a été conclu en 2010 (Accord SWIFT[6]) entre l’UE et les Etats-Unis afin de constituer une base légale aux échanges de données bancaires transatlantiques, mais aussi assurer une protection des données à caractère personnel. Grâce à cet accord, un certains nombres de point ont été améliorés. Or en 2013, le Parlement Européen a demandé la suspension de cet accord. Ce n’est pas un hasard car les révélations de Snowden à cette même époque à mis la « puce à l’oreille » des dirigeants européens. Une résolution [7] non-législative a été adoptée le 23 octobre 2013 mais elle permet au parlement européen d'exprimer sa position. Par ailleurs, les députés demandent la « suspension immédiate » des principes de la « sphère de sécurité » (normes volontaires sur la protection des données pour les entreprises non-européennes qui transfèrent des données à caractère personnel de citoyens de l'UE aux États-Unis). Ces principes « ne permettent pas d'assurer une protection suffisante pour les citoyens de l'Union », déclarent les députés. Ils invitent les États-Unis à proposer rapidement de nouvelles dispositions sur les transferts d'informations personnelles, qui répondent aux exigences européennes de protection des données.

Selon les députés, l'accord sur le programme de surveillance du financement du terrorisme devrait également être suspendu jusqu’à ce que les allégations selon lesquelles les autorités américaines ont accès aux banques de données de citoyens européens en dehors de l'accord, soient clarifiées.

Les conceptions et les priorités divergent selon le pays. La protection des données, érigée en droit fondamental au sein de l’Europe (de l’UE et Conseil de l’Europe), semble passer au second plan en effet aux Etats-Unis, qui donnent priorité à la lutte contre le terrorisme, c’est-à-dire à la sécurité. Même si Barack Obama, lorsqu’il était sénateur, avait promis de modifier le « Patriot Act [8]» (Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act), de le rendre plus respectueux des libertés, la différence d’approche entre les deux continents est fondamentale. Surtout sachant qu’Obama a reconduit en 2011 le « Patriot Act » pour 4 ans. Au sein des Institutions européennes, la logique qui prédomine est celle de la protection des droits fondamentaux. Malgré cette logique, la question de la conciliation entre sécurité et liberté s’est posée et se pose encore pour l’Union européenne, qui, depuis le Traité de Maastricht, a mis en place un espace de « liberté, sécurité et justice ».

 

[1] http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-62068

[2]http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=00175592#{"itemid":["001-75592 - Affaire SEGERSTEDT-WIBERG et autres c. Suède

[3] http://en.wikipedia.org/wiki/Smith_v._Maryland

[4]http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2008/408320/IPOLLIBE_ET(2008)408320_FR.pdf - p15 – publié en 2008 - La protection des données d'un point de vue transatlantique: l'UE et les USA la voie d'un accord international relatif à la protection des données?

[5] Le réseau SWIFT est un système de traitement des opérations bancaires internationales. Aujourd'hui la plupart des virements internationaux passent par ce réseau

[6] http://www.europaforum.public.lu/fr/dossiers-thematiques/2010/accord-swift/index.html  - Accord SWIFT

[7] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013-0449+0+DOC+XML+V0//FR  - Suspension de l'accord SWIFT en raison de la surveillance exercée par la NSA

[8] «Loi pour unir et renforcer l'Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme» est une loi antiterroriste votée par le Congrès américain le 26 octobre 2001, en réaction aux attaques du 11 Septembre.

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