L’acte par lequel le Conseil Supérieur de la Magistrature refuse la promotion des magistrats peut-il être qualifié de décision disciplinaire non susce

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L’acte par lequel le Conseil Supérieur de la Magistrature refuse la promotion des magistrats peut-il être qualifié de décision disciplinaire non susce

Note de jurisprudence

L’acte par lequel le Conseil Supérieur de la Magistrature refuse la promotion des magistrats peut-il être qualifié de décision disciplinaire non susceptible de recours en annulation selon  le revirement jurisprudentiel 016886 émanant des chambres réunies du Conseil d’Etat Algérien ?

 

Arret  n° 037712 rendu par le Conseil d’Etat le  12-03-2008 dans l’affaire Haboul Abdellah contre  ministre de la justice garde des sceaux

 

 

Me GHENNAI Ramdane  *

ghennairam@hotmail.fr

 

 

L’arrêt commenté  a déclaré  irrecevable en la forme l’action intentée par le  sieur Haboul Abellah  en vue  d’obtenir l’annulation de la décision du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM)  qui lui a refusé la promotion au grade supérieur. Le motif retenu par la deuxième chambre du CE est celui sur la base duquel le CE toutes chambres réunies avait  rendu l’arrêt 016886 du 07-06-2005 donnant lieu à un revirement jurisprudentiel qui consiste à attribuer le caractère juridictionnel aux décisions disciplinaires rendues par le CSM de sorte que ces dernières ne soient plus  susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Seule la voie de cassation leurs sera ouverte.

L’arrêt commenté pose une question de droit pertinente se rattachant au type de recours juridictionnel approprié exercé  devant le CE à l’encontre des décisions émanant du CSM en matière de gestion de la carrière des magistrats ainsi qu’au type de contrôle juridictionnel approprié exercé par le CE sur ces décision. L’étude de cette question (B) nécessite d’abord l’analyse des faits (A)

 

 

A- ANNALYSE SOMMAIRE DES FAITS :

  1. A titre de rappel des faits, le nommé Haboul Abdallah, magistrat de son état, avait  sollicité sa promotion au grade supérieur. D’après les faits exposés par l’arrêt, le nom dudit magistrat  figurait parmi ceux qui ont été proposés  pour la promotion    dans la  liste d’aptitude  établie le 04-07-2005 par les services du ministère de tutelle.

Le CSM avait  refusé en  séance du 23-08-2005 la proposition relative à  la promotion dudit  magitrat. Lésé par ce refus , le sieur Haboul Abdellah actionna le Ministre de la justice garde des sceaux devant le CE afin de faire valoir son droit de promotion au grade supérieur en sollicitant l’annulation pure et simple de la décision du CSM en question et ce  essentiellement pour deux  moyens  invoqués :

-                     Le premier moyen a trait à  l’inobservation  par le CSM de plusieurs  procédés substantiels tel que l’omission de citer la composition nominative du CSM, chose qui ne permet pas selon le demandeur en annulation de contrôler la conformité de la décision attaquée au vu des exigences stipulées par les articles 14 et 15  de la loi organique portant statut du CSM.  En effet, pour délibérer valablement le CSM doit selon l’article 14  «  siéger en présence des deux tiers (2/3) au moins de ses membres ». De son côté, l’article 15  prévoit que  les décisions du CSM  «  sont prononcées à la majorité des voix » et qu’en cas de partage égal des voix «  celle du président est prépondérante ». En somme  la décision attaquée doit porter en son sein la preuve de la satisfaction de ces formes et procédés substantiels. Faute de quoi la décision  doit être annulée  par le CE pour être non conforme aux procédures légales.

-          Le second moyen soulevé  se rattache à l’absence de motivation objective conforme aux prescriptions du statut de la magistrature . Le CSM  aurait refusé la promotion  du demandeur alors que toutes les conditions de promotion  seraient, selon le demandeur,  requises en sa personne.

 

La partie requise, en l’occurrence monsieur le ministre de la justice,  présenta en date du 19-06-2007 une réplique par laquelle il  a sollicité l’irrecevabilité en la forme du recours en annulation  et ce conformément à la jurisprudence du CE qui  considère le CSM comme une juridiction administrative spécialisée et que ses décisions disciplinaires ne sont plus susceptibles de recours en annulation. Cette jurisprudence consacrée par le revirement jurisprudentiel précité a fait l’objet d’un commentaire publié dans la derniere édition de la présente revue[1].

Pour faire  siennes les  conclusions du défendeur, le CE  a  reproduit intégralement  le  motif  sur lequel repose le revirement jurisprudentiel en question. Non encore publié, ce revirement est motivé en langue arabe comme  suit :

 

" حيث أن المجلس الأعلى للقضاء مؤسسة دستورية و أن تشكيلته و إجراءات المتابعة أمامه و الصلاحيات الخاصة التي يتمتع بها عند انعقاده كمجلس تأديبي تجعل منه جهة قضائية إدارية متخصصة تصدر أحكاما نهائية تكون قابلة للطعن فيها عن طريق النقض أمام مجلس الدولة عملا بأحكام المادة 11 من القانون العضوي 98/01 المتعلق باختصاصات مجلس الدولة وتنظيمه فان  مجلس الدولة يفصل في الطعون بالنقض في  قرارات الجهات القضائية الإدارية  الصادرة نهائيا"

Sur la base de cet attendu, le CE a décidé le rejet  en la forme du recours en annulation intenté par le sieur Haboul Abdellah contre la décision refusant sa promotion parce que ce recours serait dirigé injustement  contre une décision rendue en dernier ressort par le CSM considéré comme une juridiction administrative spécialisée. Deux brefs attendus ont suffi pour exprimer la conviction de la haute juridiction administrative :

« attendu que la décision attaquée est rendue en dernier ressort par le Conseil Supérieur de la Magistrature considéré comme une juridiction administrative »

« attendu que la décision attaquée n’est pas susceptible de recours en annulation devant le Conseil d’Etat donc irrecevable en la forme »

" حيث أن المقرر المطعون فيه صدر عن المجلس الأعلى للقضاء و الذي يعتبر جهة قضائية إدارية وصدر نهائيا"

" حيث أن المقرر المطعون فيه غير قابل للطعن فيه بالإلغاء أمام مجلس الدولة مما يجعل الطعن الحالي غير مقبول شكلا و لذا يتعين عدم قبول الطعن شكلا"

 

 

B- LA QUESION JURIDIQUE  SOULEVEE PAR L’ARRET COMMENTE :

L’arrêt commenté soulève incontestablement une question de droit fort importante qui consiste à savoir si les décisions rendues par le CSM en matière de promotion des magistrats en particulier et en matière de gestion de leur carrière en général, pouvaient être assimilées à celles rendues par cette même institution statuant en formation  disciplinaire. En d’autres termes, l’acte par lequel le Conseil Supérieur de la Magistrature refuse la promotion des magistrats pourrait-il être qualifié de décision disciplinaire non susceptible de recours en annulation selon  le revirement jurisprudentiel contenu dans l’arrêt n° 016886 émanant des chambres réunies du Conseil d’Etat ?

 

 

Aucune confusion n’est en principe tolérée à ce sujet.  Les décisions se rapportant à la gestion de la carrière des magistrats ont  un caractère purement administratif et par conséquent elles sont  toutes susceptibles de recours en annulation. [2] Ces décisions sont rendues par le CSM tenant ses travaux en sessions ordinaires et extraordinaires. Par contre, les décisions disciplinaires ont pour objet la résolution des litiges afférents aux poursuites disciplinaires contre les magistrats pour fautes professionnelles commises. Les décisions disciplinaires sont rendues par le CSM statuant exclusivement en formation disciplinire dont la composition doit être conforme aux dispositions du chapitre 02 de la loi organique n° 04-12 du 06-09-2004 fixant la composition, le fonctionnement et les attributions du CSM. Cette composition est différente de celle du CSM statuant en sessions ordinaires et extraordinaires.

Le revirement consacré par l’arrêt n° 016886 peut-il être appliqué aux décisions du CSM afférentes à la promotion des magistrats et à la gestion de leur carrière. Certainement pas puisque selon les propres termes du revirement en question le CE a qualifié de juridictionnel le CSM statuant uniquement en formation disciplinaire  et non pas le CSM tenant ses travaux en sessions ordinaires ou extraordinaires. Le revirement en question a mis fin «  à la procédure de recours en annulation pour excès de pouvoir habituellement ouverte contre les décisions du conseil supérieur de la magistrature statuant en formation disciplinaire » [3] .

Une telle précision consacrée dans l’Avant-propos de la neuvième édition de la revue du CE est  venue opportunément pour clarifier la position de la haute juridiction administrative sur cette question. Cette clarification  lève le doute quand à la portée exacte du fameux revirement. Il est donc permis de déduire que le CE ne serait pas d’accord avec l’extrapolation du revirement jurisprudentiel faite par la deuxième chambre qui a rendu l’arrêt objet du commentaire en élargissant le champs d’application du revirement en question. Ce désaccord  explique  la publication par cette même revue de deux arrêts émanant du CE confirmant le sens et la portée exacte dudit revirement. L’arrêt n° 025039 du 19-04-2006  est venu entériner l’rrecevabilité du recours en annulation à l’encontre des décisions disciplinaires  alors que l’arret n° 037228 du 11-07-2007 est venu pour confirmer la possibilité  d’user  de la voie de cassation à leur  égard. La conjugaison des deux arrêts concrétise la position adoptée dans le fameux revirement jurisprudentiel 016886.

La publication de ces deux arrêts n’est pas un fait de hasard puisque la revue du C.E est censée, selon l’article 40 de la loi organique 98-01 relative au C.E, avoir  pour mission de faire connaître la jurisprudence de cette haute juridiction administrative. Ceci dit, la publication simultanée des  deux arrêts  peut-elle couvrir ou justifier la non publication dudit revirement jurisprudentiel ?!

La raison pour laquelle le revirement en question n’a pas reçu de publication à ce jour réside probablement dans la contrariété existante entre le dispositif et le motif de l’arrêt. Le revirement en question avait, en effet, jugé recevable en la forme le recours en annulation  intenté alors que le motif retenu consistait inversement à ne plus admettre ce recours contre les décisions disciplinaires émanant du CSM. Un tel double son de cloche nuit considérablement à la crédibilité du revirement en question et explique  probablement l’abstention observée quant à la publication de son contenu et le recours à la publication des deux arrêts sus-invoqués comme  solution de subtitution.

 

Selon le revirement jurisprudentiel consacré dans l’arrêt n° 016886, seules les décisions disciplinaires émanant du CSM statuant en formation disciplinaire sont considérées comme des décisions à caractère juridictionnel susceptibles exclusivement de pourvoi en cassation

Il est à déduire donc, que l’arrêt commenté a mal appliqué la solution  retenue par le revirement juridictionnel n° 016886. L’acte attaqué n’est pas en l’occurrence une décision disciplinaire pour laquelle le revirement  pouvait être valablement appliqué. Cet acte se rattache à la gestion de la carrière des magistrats. Il est donc  indiscutablement  de caractère administratif et par conséquent susceptible de recours en annulation.

Selon une jurisprudence constante du C.E, le recours pour excès de pouvoir est de mise même  quand aucun texte ne le prévoit  parce qu’il  a pour effet d’assurer le respect de la légalité  conformément aux principes généraux du droit[4]. Sans vouloir discréditer la valeur de cet empreint jurisprudentiel, il est indispensable de rappeler que le contrôle de la légalité des actes administratifs en Algérie est un principe à valeur constitutionnelle étant donné que l’article 143 de la constitution en vigueur le consacre expressément.

 

 

 

Etant donné que le contentieux administratif est d’essence jurisprudentielle, la publication de la jurisprudence du C.E est indispensable pour éviter les déviations jurisprudentielles susceptibles de provoquer des situations de non-droit. La protection des droits et libertés n’en sera que confortée.

 

Me Ghennai Ramdane

 

 

 

 


[1] Me Ghennai Ramdane  « Le revirement jurisprudentiel du Conseil d’Etat en mtiere de pourvoi formé contre les décisions disciplinaires émanant du Conseil Spérieu de la Magistrature. Notes de jurisprudence  concernant l’arrêt n° 016886 du 07-06-2005 » in  Revue Mouhamete du Barreau de Tizi-ouzou n° 7-2009 pp 35-60

[2] Le CPCA  ne consacre pas le terme ‘ recours pour excès de pouvoir «  . les articles 801 pour les tribunaux et 901 pour le CE  utilisent le terne » recours en annulation ». . Le terme de recours en annulation est aussi consacré par la constitution en vigueur ( art 143) Cette dénomination officielle n’empêche  pas  l’utilisation du terme « recours pour excès de pouvoir » admis par la doctrine jusque là comme ayant la même signification.

[3] In Avant-propos de la neuvieme édition 2009  de la revue du conseil d’Etat  p 06 . Souligné par l’annotateur.

[4] Arrêt C.E  n ° 182491du 17 /01/2000 . Revue du C.E 1-2002 pp109-110

جاء في هذا القرار ما يلي: " إن الطعن من اجل تجاوز السلطة موجود حتى و لو لم يكن هناك نص و يهدف إلى ضمان احترام مبدأ القانونية طبقا للمبادئ العامة للقانون"

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