Contrôle des concessions autoroutières : le président de l’ART sort de sa réserve

Publié le 05/02/2021 Vu 1 166 fois 0
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Le président de l'Autorité de régulation des transports a tenu à rappeler la qualité du travail et les fondements juridiques des analyses de ses équipes au sujet des concessions autoroutières.

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Contrôle des concessions autoroutières : le président de l’ART sort de sa réserve

En publiant en novembre 2020 son premier rapport quinquennal sur les concessions autoroutières, l’Autorité de régulation des transports (ART), par la plume de son président Bernard Roman, formait le vœu que son travail puisse « écarter les idées reçues » sur les concessions. Las : dans la foulée de la parution du rapport, deux articles publiés dans une revue juridique attaquaient les conclusions de l’ART, voire le sérieux de sa méthodologie. Si bien que Bernard Roman s’est senti le devoir de publier un cinglant droit de réponse face au ton « diffamant » de ses auteurs.

 

L’ART, une autorité indépendante chargée du contrôle de l’économie des concessions autoroutières

 

Le monde universitaire n’est pas exempt de polémiques. Jean-Baptiste Vila, un maître de conférences en droit public à l’université de Bordeaux et Yann Wels, un chargé d’enseignements à l’université d’Aix-Marseille ont vivement critiqué le système des concessions autoroutières dans deux articles. Des critiques ou plutôt des attaques aux fondements juridiques plus que discutables qui ont fait sortir de sa réserve le président de l’ART.

 

Le premier article incriminé s’attaque aux pratiques prétendument illégales – en matière comptable, fiscale et d’évolution annuelle des tarifs – des concessions autoroutières, pour appeler à ce qu’il y soit mis fin de manière anticipée et sans dédommagement. Le président de l’ART n’a pas jugé constructif de répondre à des allégations stériles, partisanes et surtout sans fondement. C’est pourquoi, il se contente de renvoyer à la littérature existante pour remettre du sens au débat. 

 

Sa réponse circonstanciée en date du 14 janvier 2021 porte sur le deuxième article publié dans la revue La Semaine Juridique, qui s’attaque au volumineux (184 pages !) rapport quinquennal de l’ART. Les critiques de cet article portent notamment sur les conclusions de l’Autorité relatives à l’épineuse question du contrôle du taux de rentabilité interne (TRI) des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA).

 

Bernard Roman commence par un rappel méthodologique sur sa mission et les moyens qui lui sont attribués. Autorité indépendante, l’ART s’est vue confier par le législateur (loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques) le soin de d’établir, « au moins une fois tous les cinq ans, un rapport public portant sur l’économie générale des conventions de délégation ». Comme le rappelle Bernard Roman, l’institution qu’il dirige a adopté une approche ouverte, méthodique, expliquant les fondements de son argumentation ainsi que les éléments pris en compte dans l’application de son raisonnement, « afin de formuler des préconisations argumentées pour éclairer le débat public. »

 

Cette méthodologie transparaît notamment dans le concours de différentes disciplines (économie, droit, ingénierie, finance), l’appel à des compétences externes (cabinets de conseil), ou encore l’audit et la contre-analyse des éléments de contrôle en sa possession. Et oriente la conclusion de l’ART concernant l’économie des concessions autoroutières : sans prendre parti pour ou contre le système selon des considérations idéologiques, l’autorité se borne à conclure que la concession donne satisfaction à ses critères de contrôle et recommande de l’intégrer aux futures options de gestion des autoroutes. En substance, soutient Bernard Roman, en appuyant sa démonstration sur les supposées lacunes du rapport de l’ART, l’auteur de l’article incriminé fait montre de « graves erreurs d’analyse » auxquelles il se fait un devoir de répondre point par point.

 

TRI tronqué et TRI prospectif : le choix d’une méthodologie exigeante du contrôle de la rentabilité des sociétés concessionnaires

 

La majorité des critiques adressées au rapport de l’ART concerne les outils utilisés pour contrôler le TRI des sociétés concessionnaires. L’ART se serait arrogé le pouvoir de contrôler la rentabilité des SCA en utilisant cet indicateur au détriment d’autres supposément plus appropriés. Sur ce premier point, la conclusion est sans appel : le calcul du TRI qu’opère l’ART relève d’une obligation légale … elle-même née en réponse à une critique formulée en 2014 à l’encontre d’un rapport de l’Autorité de la concurrence, qui portait appréciation de l’économie des concessions autoroutières sans disposer d’informations sur le TRI des sociétés.

 

Sur le même sujet, le choix par l’ART d’effectuer un contrôle du TRI sur le temps long, en ayant recours au TRI tronqué et au TRI prospectif, serait une manière de minimiser la rentabilité des SCA en faisant l’impasse sur divers leviers de rentabilité des concessions. Ceci est un contresens, selon le président de l’Autorité. Le taux de rentabilité des SCA doit s’évaluer sur l’ensemble de la durée de la concession, tant les paramètres financiers à prendre en compte – fort endettement initial, fluctuation de la fréquentation, etc. – sont nombreux. Or, c’est précisément l’effet que cherche à atteindre la méthode du TRI tronqué : en remplissant les vides liés à l’absence d’éléments comptables ou fiscaux anciens et non disponibles, l’ART englobe dans son calcul des éléments qui, s’ils n’étaient pas pris en compte, conduiraient à un TRI moins élevé qu’il ne l’est réellement. De même, en ayant recours à la méthode prospective, l’ART inclut dans le calcul du TRI les années de fin de la concession, potentiellement les plus rentables pour les sociétés concessionnaires. En clair, en recourant à ces outils, l’ART élargit le nombre d’éléments rentrant dans son calcul de la rentabilité des concessions autoroutières. Et exerce donc pleinement sa mission de contrôle.

 

L’endettement des sociétés concessionnaires : stratégie d’optimisation fiscale … ou réel risque financier ?

 

Le président de l’ART réfute également l’allégation selon laquelle l’endettement, choisi par les SCA pour financer le développement autoroutier, leur permettrait de générer un « surprofit » indu.

 

Certes, le financement par endettement plutôt que par fonds propres est financièrement avantageux pour les SCA, qui bénéficient d’une rentabilité accrue de leur capital. Toutefois, cet avantage tiré du financement par l’endettement n’est ni à l’abri des fluctuations du marché de l’emprunt, ni spécifique aux seules SCA. Les sociétés concessionnaires bénéficient en effet actuellement des taux bas du marché sur lesquels elles empruntent pour se financer, situation qui s’applique à l’ensemble de l’économie. Si les taux devaient remonter, le coût de la dette exploserait alors pour les SCA, et leur rentabilité s’en verrait fortement affectée.

 

Le président de l’ART rappelle également que les SCA supportent seules le coût – donc le risque – de financement des autoroutes. Les contrats de concessions opèrent en effet un transfert de l’ensemble des risques financiers sur la société privée – d’où le recours fréquent, par l’État, à ce type de financement pour le développement de grandes infrastructures publiques. Dans ces conditions, le fait pour les SCA de chercher à améliorer leurs conditions d’emprunt ne constitue évidemment pas une forme de « surprofit » indu. Par comparaison, on ne reprocherait pas à un ménage de chercher à emprunter à moindre coût pour financer un achat immobilier. Par ailleurs, comme le souligne l’ART dans son rapport, le choix du financement par l’endettement est également vertueux pour l’État, en ce qu’il a permis d’accroître le prix de vente des concessions.

 

Enfin, Bernard Roman évacue ensuite l’idée selon laquelle le niveau de risque auxquelles seraient confrontées les SCA aurait été surévalué, parfaitement couvert, voire inexistant. L’Autorité rappelle que dans la théorie économique, « le risque est défini comme la possibilité d’un écart entre les anticipations d’un acteur et la réalité. » Or, concernant les concessions autoroutières, cet écart s’est déjà manifesté à de nombreuses reprises. Le rapport de l’ART rappelle que « à la suite des chocs pétroliers des années 1970, les SCA sont confrontées à des conditions économiques défavorables (baisse de leur trafic, hausse des coûts de construction et de financement). Le système autoroutier doit alors être restructuré afin d’assurer la continuité du service public en évitant la faillite des SCA privées. » Plus près de nous, le mouvement des Gilets Jaunes en 2019 et plus encore les deux confinements de 2020 ont fortement impacté l’activité des SCA.

 

En conclusion, le président de l’Autorité semble se désoler d’en être réduit à faire à nouveau œuvre de pédagogie, quand, selon les mots de conclusion de son droit de réponse, une lecture attentive du rapport quinquennal de l’ART aurait suffi à ne pas faire naître ces critiques.

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