À QUI REVIENT LA COMPÉTENCE DE FIXER LE SMIG EN RDC ?
Par hénoc KONDJO WEMBOLENGA, chercheur en Droit économique et social (droit des affaires).
Résumé : Dans le domaine juridique, la question relative à la compétence a, depuis des lustres, intéressée les scientifiques juristes, et a fait objet des débats et délibérations. Celle-ci est inévitable car, jusqu'à nos jours, certaines règles sont toujours imparfaites. Tel est le cas de la république démocratique du Congo qui ne fait pas exception à ce fléau. Aujourd'hui confrontée à un problème de détermination de compétence en rapport avec la fixation du smig par les gouvernants, La situation inquiète autant la société, d'une part, les juristes qui se réclament la maîtrise de la question et qui veulent entre autres à ce que les règles établies soient respectées. D'autre part, la société en général qui plaide pour que cette dernière soit proportionnelle au train des vies de la population, en l'adaptant aux réalités économiques, notamment, relativement au pouvoir d'achat de chaque congolais s'il faut être précis. Cet article se propose donc, en regard de la situation qui fait débat entre professionnels juristes du domaine du travail, résoudre la question et de répondre à la préoccupation conformément aux lois de la république démocratique du Congo ; celle de savoir, quelle est l'autorité compétente pour fixer le smig en RDC ?
Summary: In the legal field, the question relating to competence has, for ages, interested legal scientists, and has been the subject of debates and deliberations. This is inevitable because, to this day, certain rules are still imperfect. This is the case of the Democratic Republic of Congo, which is no exception to this scourge. Today faced with a problem of determining competence in relation to the setting of the minimum wage by those in power, the situation worries society as much, on the one hand, the jurists who claim to be in control of the question and who want, among other things, to ensure that established rules are respected. On the other hand, society in general which pleads for the latter to be proportional to the lifestyle of the population, by adapting it to economic realities, in particular, in relation to the purchasing power of each Congolese if it is necessary to be precise. This article therefore proposes, in view of the situation, which is being debated between legal professionals in the field of labor, to resolve the question and to respond to the concern in accordance with the laws of the Democratic Republic of Congo; that of knowing, what is the competent authority to set the minimum wage in the DRC?
Mots clés : fixation du salaire minimum interprofessionnel garanti, compétence, constitution, code du travail, premier ministre, président de la république, gouverneur.
Key words: setting of the guaranteed inter-professional minimum wage, competence, constitution, labor code, prime minister, president of the republic, governor.
1. CADRE CONCEPTUEL ET HISTORIQUE DU PROBLEME
La fixation du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est un facteur clé du développement de la vie sociale des travailleurs dans un État donné ou dans une province donnée. Il permet de déterminer la moyenne des richesses d'un travailleur ou d'influencer sur la détermination du P.I.B ou du P.N.B selon le cas. Elle est aussi d'une grande importance car elle permet de reconnaître le pouvoir d'achat réel d'un travailleur ordinaire.
Cependant, la détermination du smig tient compte du facteur industriel, budgétaire, d'investissent voire de production dans une société. Déterminer le salaire plafond minima, en-dessous duquel ne peut être rémunéré un travailleur est complexe à l’endroit des autorités politico-administratives en regard des enjeux qui sont pris en compte tels qu'édictés par la Loi.
A conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de rendement, le salaire est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur sexe et leur âge. La rémunération d’un travail à la tâche ou aux pièces doit être calculée de telle sorte qu’elle procure au travailleur, de capacité moyenne et travaillant normalement, un salaire au moins égal à celui du travailleur rémunéré au temps et effectuant un travail analogue.
Comme le mot l'indique, par salaire minimum, on peut entendre: « la limite en dessous de laquelle il est interdit de fixer un salaire professionnel (cette limitation est interdite soit par la loi, soit par la convention collective) ». Est nulle de plein droit toute clause de contrat individuel ou de convention collective fixant des rémunérations inférieures aux salaires minima interprofessionnels garantis déterminés conformément à la Loi.
Tandis que par salaire maximum, c'est le contraire de minimum. On peut entendre par ce dernier (salaire maximum), le seuil considéré comme le barème limite auquel aucun salaire ne peut dépasser. Mais dans la pratique ou à travers le texte cette pratique n'est pas absolument d’application, au motif selon lequel, si une personne travail c'est pour être rémunérée. Au demeurant, le rôle de l'Etat d'avec ses collectives, c'est de protéger les intérêts de la population-travailleurs. C'est à cet effet, Aussi longtemps qu'il ira de l'intérêt d'un salarié de se voir rémunérer assez de ressources en raison du travail qu'il accomplit ou de sa fonction dans une entreprise, et que ces ressources sont dument justifiées, il est de bon escient de le laisser les percevoir afin, qu'à son tour, qu'il puisse investir et créer d'autres emplois.
À l'instar du concept salaire minimum, le mot interprofessionnel garanti suppose une relation professionnelle. Le salaire minimum interprofessionnel garanti, fait donc référence au minima qui doit s'appliquer dans toutes les relations professionnelles. Cela veut dire que le smig n'intéresse que la relation contractuelle entre employeur et travailleur généralement liés par un contrat de travail. Pour le professeur Joseph LOKO: « le smig est la somme minimale fixée par les pouvoirs publics en deçà de laquelle aucun travailleur ne peut être rémunéré sous peine de sanction ». (Joseph LOKO OMADIKUNDJU, Droit du travail et de la sécurité sociale, notes de cours, Kinshasa, juin 2002-2023, p.151, e-mail : justou@gmail.com).
En effet, pour mieux circonscrire le champ temporel du problème, il faudrait partir de l'étude de l'ordonnancement juridique ayant trait avec le smig depuis le dernier code du travail qui se trouve être la LOI N°015/2002 DU 16 OCTOBRE 2002 PORTANT CODE DU TRAVAIL MODIFIEE PAR LOI N° 16/010 DU 15 JUILLET 2016.
Se référant à la loi susmentionnée, la matière ayant trait avec le SMIG est traitée à partir des articles 86 à 97. Il convient en outre de préciser que les modifications des 15 articles intervenues en 2016 à travers la loi N° 16/010 DU 15 JUILLET 2016 n'ont pas pris en compte les dispositions relatives au SMIG.
Partant de cette affirmation, En 2008, en vue de garantir le droit des travailleurs et veiller au respect des dispositions du code du travail, le président de la république, Joseph KABILA KABANGE(ex), prendra une ordonnance référencée n° 08/040 du 30 avril 2008 portant fixation du salaire minimum interprofessionnel garanti, des allocations familiales minima et de la contrevaleur du logement, fixant le SMIG à 1.680 Franc congolais (FC).
À l'instar de cette ordonnance, suite à l'évolution du taux ainsi que la dégradation du pouvoir d'achat des congolais surtout dus au fait de l'organisation des élections, en 2018, le 22 mai, le premier ministre Bruno TSHIBALA, prendra à son tour un décret référencé n°18/017 portant fixation du salaire minimum interprofessionnel garanti, des allocations familiales minima et de la contrevaleur du logement, qui fixait le smig à 7075 FC pour un travailleur manœuvre ordinaire.
Récemment, le ministre ayant dans ses attributions le travail et la Prévoyance sociale a pris un arrêté référencé CAB/MIN.ET/EAN/JDO/2024, du 31 décembre 2024. À la suite de cet événement, le premier ministre Judith SUMINWA TULUKA a envoyé une lettre identifiée N°CAB/PM/DIRCABA-SCS/TK/NMG/2025/018, dans laquelle il instruit le ministre de rapporter son arrêté tout en motivant que ledit arrêté n'a pas respecté toute la procédure requise en la matière. En outre, en associant toutes les parties prenantes, notamment le conseil national du travail pour un avis préalable.
Le problème de Droit mérite des lors d'être posé, et il se doit d’être analyser de 2002 à 2025, car pendant cette période, 3 autorités notamment le président de la République, le premier ministre ainsi que le ministre ayant dans son portefeuille le travail et la prévoyance sociale se sont attribuées ladite compétence et ont intervenu. A cet effet, qui d'entre elles est effectivement compétente pour fixer le smig en rapport avec l'ordonnance juridique congolais?
2. REPONSE JURIDIQUE A LA QUESTION POSEE, QUI EST L'AUTORITE COMPETENTE ?
Avant d'y répondre, il convient d'apporter une précision nette sur la législation sur le travail qui donne compétence d'une part, à l'autorité compétente le pouvoir de fixer le smig, et d'autre part, le pouvoir de détermination des modalités de fixation du smig conformément avec la loi. À ces propos, le code du travail parle du président de la république.
Il s'agit en effet de L'art 87 du code du travail qui dispose: « Un décret du Président de la République, pris sur proposition du Ministre ayant le Travail et la prévoyance Sociale dans ses attributions, après avis du Conseil National du Travail, fixe les salaires minima interprofessionnels garantis ainsi que les taux des allocations familiales minima, et à défaut de conventions collectives ou dans leur silence, les salaires minima par catégorie professionnelle ».
Cet article concerne la compétence de fixation du smig, tandis L'article 96 du même code dispose: « Un décret du Président de la République, pris sur proposition du Ministre ayant le Travail et la Prévoyance Sociale dans ses attributions, après avis du Conseil National du Travail, détermine les modalités de fixation du salaire minimum interprofessionnel garanti, des allocations familiales et de la contrevaleur du logement ». Celui-ci (l’article 96) concerne les modalités de fixation du salaire minimum interprofessionnel garanti.
En effet, Il est vrai que le code du travail date de 2002. Mais par ailleurs, on peut observer avec la constitution de la République démocratique Congo qui date de 2006 dans son art 204 qui traite et souligne les matières relevant de la compétence des provinces, au point 17 (article 204.17 de la constitution), que la compétence de fixer le smig est dévolu maintenant aux provinces. Cet article dispose: « la fixation des salaires minima provinciaux conformément à a législation nationale ». Par conséquent, à travers ces deux affirmations juridiques (constitutionnelle et légale), le code du travail est contraire à la constitution. Malgré cet événement, le législateur de 2016 a absolument oublié de conformer le code du travail à la constitution en vigueur.
Au regard de ce conflit de texte qui oppose la constitution d'avec le code du travail mais aussi ce conflit de compétence, qu'elle est autorité compétente ?
Pour commencer, la fixation du smig est un pouvoir réglementaire. Et, en vertu de théorie l'ordre diachronique, qui fait référence à l'idée selon laquelle l'ordre juridique se développe et se transforme au fil du temps. Soulignant l'importance de prendre en compte l'évolution des normes et des décisions dans le temps, afin de comprendre comment les règles s'adaptent et se modifient au gré des changements constitutionnels, législatifs, jurisprudentiels et des nécessités sociétales; La compétence de fixation du smig doit être analysée au regard de l'angle chronologique des compétences depuis l'avènement de la constitution de 2006 de la république démocratique du Congo.
Avant 2006, le détenteur du pouvoir réglementaire était le président, raison pour laquelle, il agissait par voie de décret. Après l'avènement de la nouvelle constitution, le détenteur du pouvoir réglementaire n'est plus le président de la république mais plutôt le premier ministre. Ceci ressort de l'article 92 de la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour.
Il s'ensuit que le président de la république demeure détenteur d'un pouvoir réglementaire résiduel, spécifié par la constitution. Faisant suite à ces éléments, il faudrait identifier si la compétence de fixation du SMIG fait partie du domaine réglementaire du président de la République. Effectivement non ! Parmi les compétences résiduelles du président, la fixation du SMIG n'en fait plus partie. Bien que le président Joseph Kabila a pris cette ordonnance en 2008 fixant le smig à 1680 FC. Ceci ne change en rien la situation sur la compétence de l'autorité qui doit prendre l'acte. C’est une violation de la loi. Ce pourquoi Bruno TSHIBALA a cru corriger cette erreur, en la corrigeant avec une autre erreur.
Qu'à cela ne tienne, étant donné que la constitution du 18 février 2006 dans son article 204.17 fait référence aux provinces concernant la fixation du SMIG, et étant donné que le détenteur du pouvoir réglementaire au niveau des provinces c'est le gouverneur, celui-ci détient donc la compétence de fixer le smig de la province dans laquelle il est élu.
Il reste peu satisfant parce qu'on observe que le constituant a dissocié trois concepts intimement liés par le législateur de 2002. Ce faisant, en oubliant de jeter son dévolu sur ce qui concerne la fixation du taux d'allocations familiales et de la contre-valeur du logement, ceux-ci reste de la compétence du premier ministre.
Il en va de même pour la fixation des smig dans des zones uniques, les Gouverneurs sont compétents selon qu'il s'agit de fixer le smig dans les zones uniques de leurs provinces. En outre, la compétence revient au premier ministre de déterminer(identifier) les zones uniques.
Par ailleurs, la compétence de fixer les modalités en vertu desquelles les smig seront fixer reste celle de la compétence du premier ministre car la constitution ne parle que de fixation du smig et non de la détermination des modalités de fixation du smig qui demeure une précision Ahurissant.
Le président quant à lui, n’a plus des compétences en rapport avec le smig, car, dans l’esprit du législateur de 2002, celui-ci tient compte de l’acte et non de la fonction.