LES DROITS DES VICTIMES DEVANT LA COUR PENALE INTERNATIONALE

Publié le 20/02/2016 Vu 2 102 fois 0
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Le droit international s’est pendant longtemps désintéressé du sort des victimes.

Le droit international s’est pendant longtemps désintéressé du sort des victimes.

LES DROITS DES VICTIMES DEVANT LA COUR PENALE INTERNATIONALE

Le droit international s’est pendant longtemps désintéressé du sort des victimes. A Nuremberg, en 1945, où furent jugés certains criminels nazis, les victimes, simples témoins, ne pouvaient prétendre au droit à la réparation de leur préjudice. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs deux protocoles additionnels de 1977, prévoient qu’il y a lieu de sanctionner pénalement ceux qui en violent les prescriptions mais ne prévoient pas le droit des victimes de provoquer des poursuites judiciaires contre les auteurs des violations, d’intervenir dans la procédure relative à la question de la culpabilité et d’obtenir réparation.

C’est seulement avec la création de la Cour pénale internationale qu’on voit évoluer la place de la victime.

La règle 85 du règlement de procédure et de preuve(RPP) de la CPI définit la notion de victime. « Le terme « victime » s’entend de toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour. La « victime » peut aussi s’entendre de toute organisation ou institution dont un bien consacré à la religion, à l’enseignement, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu ou objet destiné à des fins humanitaires qui a subi un dommage direct. ».

En théorie les personnes morales sont admises en tant que victimes devant la CPI mais la lecture du statut et du RPP montre que la Cour prend plus en considération les personnes physiques en tant que victimes. De plus, l’action d’une victime directe ou indirecte est recevable devant la Cour.
Les rédacteurs du statut ont porté une attention particulière aux enfants, aux femmes et aux personnes victimes d’abus sexuels. Ceci constitue une avancée considérable par rapport à la place qui est réservée aux victimes devant les juridictions ad hoc.
Il convient dès lors de s’interroger sur le bouleversement opéré par la CPI quant à la place des victimes.

Au sein des statuts, une seule disposition intitulée « Protection des victimes et des témoins », traite de la place de la victime, en renvoyant simplement au règlement de procédure et de preuve.

En tant que simple témoin, la victime ne peut parler que dans le contexte de « l’interrogatoire » et du « contre-interrogatoire » éventuellement mené par les parties. 
Elle ne peut pas demander la présence d’un avocat, ni avoir accès au dossier du procès. 
La victime ne peut pas non plus demander à être informée du déroulement de la procédure, même si elle représente un intérêt personnel pour elle.
Enfin, elle ne peut pas rechercher une quelconque indemnisation « au pénal ».

C’est au procureur que revient la charge de représenter les victimes à tous les stades de la procédure pénale suivie devant les TPI. Si le procureur représente officiellement les victimes, sa volonté d’aller vite est parfois contradictoire avec leurs intérêts.

Les seules dispositions protectrices sont donc relatives au témoignage devant les deux tribunaux. A cet égard, une section d’aide aux victimes et aux témoins fut mise en place afin d’abord de garantir la sécurité des témoins et ensuite de proposer une aide tant logistique que psychologique.

La règle 106 du règlement de procédure et de preuve énonce que la demande de réparation doit être recherchée devant les juridictions nationales. Le greffe de la Cour doit transmettre aux autorités nationales concernées, le jugement déclarant un individu coupable d’un crime entraînant un dommage à des victimes. Il est alors possible pour la victime de demander réparation devant les juridictions nationales compétentes.

Les TPI ne peuvent qu’ordonner « la restitution à leurs propriétaires légitimes de tous biens et ressources acquis par des moyens illicites, y compris par la contrainte ».
Une audience spéciale déterminera après le jugement, les conditions dans lesquelles devra être restitué le bien. Si ce bien est entre les mains d’une tierce partie sans lien avec les crimes commis, elle sera tenue de paraître devant la Cour afin de justifier son titre de propriété. 
Si la Cour est capable de déterminer le propriétaire légitime, elle en ordonne sa restitution. Dans le cas contraire, elle peut alors requérir des autorités nationales qui détermineront la propriété du bien.

Ce système de renvoi devant les juridictions nationales est fastidieux et souvent inadéquat pour les victimes de crimes internationaux. En effet, il est difficile dans un procès où la victime est un simple témoin de faire en sorte que la responsabilité de l’accusé pour le préjudice subi par la victime soit établie dans un jugement.

De plus, une procédure pénale devant les TPI dure de longues années, ce qui repousse d’autant la possibilité de demander réparation d’un préjudice devant les tribunaux nationaux dont les procédures peuvent elles aussi être très longues. Ces délais découragent les victimes à entamer de telles démarches judiciaires.

Enfin, l’administration de la justice dans certains pays peut être obstruée soit par inefficacité ou le manque de moyens matériels et financiers, soit par l’intervention du pouvoir exécutif. Les obstacles à la tenue d’un procès équitable paraissent inévitables dans le cas où les Etats concernés demeurent dans la situation de conflit qui a mené la justice internationale à se pencher sur l’existence de crimes internationaux.

Le renvoi aux juridictions nationales pour exercer le droit à réparation est donc problématique pour les victimes et suppose l’examen de procédures alternatives pour la justice pénale internationale.
Cette réflexion, les Etats ont pu la mener, sous l’impulsion des ONG, notamment de la Fédération internationale de ligue des droits de l’homme, lors de la conférence de Rome en juillet 1998 portant création du statut de la CPI.

Le statut de Rome ainsi que le règlement de procédure et de preuve contiennent des dispositions qui permettent aux victimes de participer à tous les stades de la procédure devant la CPI. Il offre aux victimes une place autonome tout au long du processus judiciaire.

C’est le règlement de procédure et de preuve qui précise le régime de la participation des victimes à la procédure devant la Cour.

Les personnes qui souhaitent présenter des demandes pour participer à une procédure devant la Cour doivent donc fournir des éléments permettant de prouver qu’elles sont victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour dans la procédure ouverte devant celle-ci. 
Elles doivent alors adresser une demande écrite à la section de la participation des victimes et des réparations (à travers le greffier) qui doit présenter la demande à la chambre compétente. Cette dernière décide alors des modalités de la participation des victimes à la procédure. La chambre peut rejeter la demande si elle considère que la personne n’est pas une victime. 
Une requête peut être introduite par une personne agissant avec le consentement de la victime, ou au nom de celle-ci lorsque la victime est un enfant ou que son invalidité rend ce moyen nécessaire.

Si les victimes peuvent avertir le procureur d’une situation qui mériterait son attention, la Cour peut cependant refuser la participation de ces victimes à un stade de la procédure si elle la juge non « appropriée » (Statut de Rome…, Article 68 « Protection et participation au procès des victimes et des témoins », §3).
De plus le greffe doit tenir informées les victimes, de toutes les décisions du procureur de ne pas ouvrir d’enquête ou de ne pas engager de poursuites, afin que ces victimes puissent déposer des observations devant la chambre préliminaire charger du contrôle des décisions prises par le procureur dans les conditions prévues dans le statut.

Lorsqu’on leur reconnaît le statut de victime, elles bénéficient de différents droits. La victime, à travers son représentant légal sera autorisée à déposer des observations alors que la Cour examine l’opportunité de mener une enquête ou d’ouvrir une affaire, ainsi que de déposer des observations au cours de l’enquête.
Les victimes peuvent également déposer des observations sur toutes les questions relatives à la compétence de la Cour ou à la recevabilité des affaires. La chambre préliminaire I, dans une décision rendue le 17 janvier 2006, a considéré que les victimes pouvaient participer à la procédure dès le tout début de l’enquête menée par le procureur, alors que cette possibilité était équivoque dans le statut.

La participation des victimes au procès s’effectue par l’intermédiaire d’un représentant légal. Le droit à être représenté constitue une avancée remarquable des droits des victimes. Les victimes sont libres de choisir leur représentant légal qui doit avoir les mêmes qualifications que les conseils de la défense (avocat …) et parler couramment l’une des deux langues de travail de la Cour, c’est-à-dire l’anglais ou le français.
Pour assurer l’efficacité de la procédure, particulièrement dans le cas où les victimes sont très nombreuses, la Chambre compétente peut demander aux victimes de choisir un représentant légal commun.

Si les victimes ne sont pas en mesure de le désigner, la Chambre peut demander au greffier de désigner un ou plusieurs représentants légaux communs. Lorsqu’une victime ou un groupe de victimes n’a pas les moyens de rémunérer un représentant légal commun désigné par la Cour, ces victimes peuvent solliciter l’aide financière de la Cour pour rémunérer ce conseil. 
Ces conseils peuvent participer à la procédure devant la Cour en déposant des observations et en assistant aux audiences.
Tout au long de leurs démarches, les représentants légaux des victimes et les victimes elles-mêmes bénéficient de l’aide et du soutien du bureau du conseil public pour les victimes crée le 19 décembre 2005 et dont les membres peuvent également être désignés en tant que représentants.

Lors d’une conférence qui s’est tenue à Montréal les 13, 14 et 15 juin 2002, s’est développée la volonté de créer un barreau pénal international. Les statuts définitifs de ce barreau pénal international ont été adoptés lors de l’assemblée générale qui s’est tenue à Berlin les 21 et 22 mars 2003. Son objectif principal est de garantir que les conseils puissent exercer en toute indépendance devant la CPI. Il assiste et fournit des moyens aux conseils des victimes et des accusés exerçant devant la CPI.

Quant au rôle des victimes, elles ont la possibilité de déposer des observations devant les chambres pendant le procès ou en phase d’appel, et non pas seulement au stade préliminaire. Elles peuvent demander à la Cour de les autoriser à exprimer leur point de vue et leurs inquiétudes lors des procès. Ceci constitue un élément inhabituel et novateur pour un tribunal international. Cela signifie qu’il y a une réelle opportunité de faire valoir le point de vue des victimes devant la Cour.

Le représentant légal d’une victime peut notamment assister et participer aux audiences tenues devant la Cour, faire un exposé au début et à la fin d’une phase de la procédure devant la Cour (exposé préliminaire et final), exposer aux juges les vues des victimes au moment où la Cour décide des accusations qui seront portées contre la personne accusée, si les juges le permettent, poser des questions à un témoin, un expert qui témoigne devant la Cour ou à l’accusé.

Ainsi « les victimes vont pouvoir alimenter leur quête de vérité en interrogeant les témoins, mais surtout vont bénéficier d’une écoute inestimable en s’exprimant devant la Cour. »

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