Quelques mois après le décès d'un des trois gérants associés à parts égales d'une SARL, l'assemblée générale de la société réunissant les deux gérants subsistants décide d'augmenter fortement la rémunération de ceux-ci, la portant de 85 000 € avant le décès (soit environ 28 000 € en moyenne par gérant) à 150 000 € après le décès (soit 75 000 € pour chacun des deux gérants). Les héritiers du défunt demandent l'annulation de cette décision pour abus de majorité.
Une cour d'appel rejette cette demande pour les raisons suivantes : la situation de la société n'avait pas été mise en péril par la décision litigieuse puisque, si le résultat net comptable (375 €) était plus faible qu'auparavant, le fonds de roulement restait important par rapport aux rémunérations versées ; une rémunération de 75 000 € pour chacun des gérants n'apparaissait pas excessive au regard du chiffre d'affaires réalisé ; les gérants subsistants avaient dû assumer le même travail à deux après le décès ; il n'apparaissait pas anormal de tenir compte de l'âge de ces deux gérants, créateurs de la société, ainsi que de leur départ prochain à la retraite pour fixer leur rémunération.
La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel car ces éléments étaient impropres à exclure que la décision critiquée ait été prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique but de favoriser les intérêts des deux gérants majoritaires. En effet, le résultat net comptable était passé de près de 165 000 € à 375 €, sans politique d'investissement corrélative, et il avait été mis fin à la politique habituelle de distribution d'importants dividendes (qui s'élevaient à près de 165 000 € pour l'exercice précédent).
A noter : La faiblesse du bénéfice et l'augmentation corrélative de la rémunération du ou des dirigeants de la société sont des éléments généralement retenus pour qualifier d'abusive la décision d'augmentation (notamment, Cass. com. 20-2-2019 n° 17-12.050 F-D : BRDA 8/19 inf. 3). Il en va autrement, comme le relève ici la Cour de cassation, si la baisse du bénéfice s'accompagne d'une politique d'investissement visant à créer des relais de croissance pour la société (par exemple, Cass. com. 3-6-2003 n° 912 : RJDA 11/03 n° 1074, 2e espèce).
Cass. com. 15-1-2020 n° 18-11.580 F-D
© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne
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