Droit disciplinaire et statut Facebook

Publié le 06/10/2017 Vu 4 133 fois 0
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Sous certaines conditions, les messages publiés sur Facebook peuvent revêtir le caractère de messages privés. L'employeur doit alors être vigilant car s'il découvre des messages dégradants, insultants, il ne peut faire usage de son pouvoir disciplinaire qu'à condition de prouver le caractère public desdits messages/ statuts.

Sous certaines conditions, les messages publiés sur Facebook peuvent revêtir le caractère de messages privÃ

Droit disciplinaire et statut Facebook

Jurisprudence sociale : Droit disciplinaire et publications de statut sur Facebook

Le salarié qui insulte, menace ou dénigre son employeur commet indéniablement une faute.

Toutefois, si cela résulte de la publication d’un statut sur son mur Facebook, l’employeur peut-il invoquer ces faits à l’appui d’un licenciement ?

Des décisions de Cour d’Appel de plus en plus nombreuses permettent d’y voir plus clair. Ainsi, l’employeur ne pourra se prévaloir des messages publiés sur le mur Facebook que s’il parvient à prouver leur caractère public, ce qui peut s’avérer plus compliqué qu’il n’y parait.

Contrairement à la chambre civile[1] de la Cour de cassation, la chambre sociale ne s’est jamais prononcée sur cette question qui connait pourtant un contentieux grandissant.

Cour d'appel de Caen, 1° chambre sociale, 27 janvier 2017, n° 15/04417 

Une conversation privée via la discussion instantanée de Facebook ne peut être utilisée comme preuve même lorsque la salariée a oublié de se déconnecter.

Il est reproché à Mme X des propos diffamatoires, salaces, insultants à l’égard de sa hiérarchie, mais également déloyaux en ce qu’elle aidait un salarié à quitter l’entreprise pour reprendre un bar.

Bien que la gravité de ces propos ne soit pas remise en cause, c’est la façon dont ils ont été recueillis qui est plus problématique.

L’employeur soutient que c’est l’une de ses salariée qui a découvert les messages, sans pour autant les rechercher. Celle-ci s’est connectée à son ordinateur de travail, a tapé « Google », puis « Facebook » et s’est retrouvée sur la page Facebook personnelle de Mme X qui ne s’était pas déconnectée. Elle n’aurait alors pas cherché à accéder au compte personnel de Mme X.

Cet argument ne saurait prospérer. En effet, si la salariée s’est retrouvée sur le compte Facebook de Madame X sans le vouloir, elle n’a toutefois pu accéder aux messages litigieux qu’en cliquant sur la rubrique 'messages’ puis sur la rubrique afférente aux conversations avec ce correspondant.

Dans de telles conditions, il a été jugé que l’employeur a pris connaissance de messages nécessairement identifiés comme personnels, s’agissant d’une conversation sur Facebook, hors l’absence de la salariée, et donc dans des conditions irrégulières qui lui interdisent de se prévaloir de leur contenu.

Le licenciement prononcé sur ce seul élément de preuve est par conséquent dénué de cause réelle et sérieuse.

Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 9 mars 2017, n° 16/06756 

« Liker » et partager un post dénigrant concernant son employeur démontre l’approbation publique de la salariée et justifie son licenciement.

Visiblement mécontent des pratiques de son employeur, Monsieur X, salarié d’un hôtel, postait le message suivant sur son mur Facebook « Madame, Sir, Welcome to the Sheraton Circus Hotel. The place where you’re the clown ».

Une de ses collègues de travail, Madame Y, partageant son opinion a « liké » ce statut et l’a partagé.

Or, la Cour d’Appel considère que le fait d’apposer la mention « J’aime » sur le statut dénigrant l’entreprise démontre l’approbation de la salariée à ce message, et ce, de manière publique.

De plus, cela est corroboré par le partage de ce statut sur le propre mur de la salariée, celle-ci ne peut valablement soutenir que le licenciement motivé par ce message a violé le secret d’une conversation privée et porté atteinte à l’exercice de sa liberté d’expression.

C’est la publicité de la publication de ce message qui justifie le licenciement puisque l’examen du message montre qu’il a été diffusé sans restrictions qui plus est en utilisant le plan précis de localisation de l’hôtel auquel la clientèle a un accès immédiat.

Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 30 mars 2017, n° 15/04019 

Insulter son employeur et ses collègues sur Facebook c’est possible, dès lors que l’employeur ne peut démontrer que le statut est public.

Madame A publiait sur son mur Facebook des statuts appelant l’entreprise « la bergerie », son dirigeant « le berger » et ses collègues « les moutons ». Elle qualifiait également ses collègues de « faux-culs ».

Par suite, la société licenciait la salariée pour faute grave considérant qu’elle abusait de sa liberté d’expression et installait une ambiance de travail insoutenable.

Elle n’est pas suivie dans son argumentation par la Cour d’Appel de Colmar qui livre un mode d’emploi quant à la validité du licenciement d’un salarié pour des propos tenus sur son mur Facebook :

  • Il appartient au salarié de paramétrer son compte Facebook de sorte à conserver la confidentialité de ses statuts,

  • Il appartient à la société qui souhaite licencier de démontrer le caractère public des propos tenus par le salarié.

En l’espèce, l’employeur n’avait pas directement accès aux propos diffamatoires, mais c’est par l’intermédiaire de capture d’écran de salariés de la société « ami » sur le réseau avec Madame A qu’il en a pris connaissance.

Il en résulte que l’employeur, qui ne peut pas lui-même prendre connaissance du statut, ne peut pas prétendre que le message avait un caractère public. Le licenciement est dès lors sans cause réelle et sérieuse.

Cour d'appel de Caen, 1° chambre sociale, 5 mai 2017, n° 16/01746 

Insulter et menacer votre employeur sur Facebook c’est possible, dès lors qu’il n’est pas directement identifiable.

Un salarié est licencié pour faute grave après avoir publié le statut suivant sur son mur Facebook « faut vite que je trouve un autre boulo ou une formation si non je v pété un câble dans cette boîte de merde enfoiré de patron quand on me cherche on me trouve ».

La Cour d’Appel confirme le jugement du Conseil de Prud’hommes considérant que son message par ne vise pas nommément ni son employeur, ni la société qui l’emploi et que l’examen de son profil Facebook ne permet de déterminer à quelle société il appartient.

Dès lors, seules les personnes le connaissant suffisamment pour savoir quel est son employeur - et non l’ensemble des lecteurs de la page - sont en mesure de savoir qu’elle est l’entreprise visée.  

Les propos tenus ne s’avèrent en fait dénigrer la SARL Marbrerie Anger Cherbourg qu’auprès de son cercle de relations proches et non publiquement, le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

En conclusion, en cas de litige sur la publication d’un statut dénigrant son employeur le point central et essentiel du débat est de savoir à quel point le message peut être visible. Dès lors que le salarié a paramétré son compte comme étant ouvert au public, il ne pourra plus invoquer le caractère privé des messages publiés et pourra légitimement être sanctionné.

Il appartient à l’employeur de prouver que le compte est paramétré comme étant ouvert au public. Si tel est le cas il lui est conseillé de le faire rapidement constaté par huissier, car en quelques clics le salarié peut changer les paramétrages de son compte…

 

[1] Cass. Civ1., 10 avril 2013, n° 11-19.530

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