Temps de travail effectif ou temps de repos ?

Publié le 08/07/2016 Vu 3 839 fois 1
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Mon temps de pause doit-il être rémunéré ? Le repas pris sur mon lieu de travail pendant lequel je dois être à la disposition de mon employeur doit-il être rémunéré ? La frontière est parfois mince, il faut pour cela distinguer si ces moments sont considérés comme du temps de travail effectif ou comme du temps de repos.

Mon temps de pause doit-il être rémunéré ? Le repas pris sur mon lieu de travail pendant lequel je dois

Temps de travail effectif ou temps de repos ?

A) Définition du temps de travail effectif

La définition est donnée par la directive européenne n°93-104 du 23 novembre 1993 qui définit le temps de travail comme « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et aux pratiques nationales ».

A côté de cette définition européenne, il existe également une définition française du temps de travail effectif donnée tout d’abord par le code du travail à l’article L3121-1 : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ».

Cette définition a été complétée par la jurisprudence de la Cour de Cassation par une série d’arrêts dont il ressort que le temps de travail effectif est tout temps pendant lequel le salarié était à la disposition permanente de l’employeur, en vue d’une éventuelle intervention, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations. En ce sens un arrêt de la Cass Soc 28 octobre 1997 n°96-45590 « pendant la période comprise entre 23 heures et 4 heures, la salariée devait se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, ce dont il résultait que ce temps n'était pas un temps de repos, ni une astreinte, mais un temps de travail effectif qui devait être pris en compte en totalité à défaut pour l'employeur d'invoquer un décret ou un accord collectif prévoyant un horaire d'équivalence »

Il existe une présomption de temps de travail effectif  dès lors que le salarié se trouve dans les locaux de l’entreprise, dans le cadre de ses obligations professionnelles.

Les heures doivent être prises en compte en tant que travail effectif :

  • Les heures pendant lesquelles le salarié est à la disposition de l’employeur, pendant lesquelles il se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations.
  • Peu importe l’efficacité du travailleur.
  • Le temps consacré à des tâches accessoires comme la mise en route des machines, le nettoyage d’outils.
  • Le temps passé en réunion, même pour les séminaires, les fêtes dès lors que ceux-ci sont organisés à la demande expresse de l’employeur (Cass Soc 13 juillet 1988 n°86-40210)
  • Le temps de permanence dans les locaux de l’entreprise, c’est notamment le cas des médecins qui doivent assurer des permanences dans les locaux de l’entreprise (Cass Soc 28 octobre 1997).

B) Différencier les périodes de temps de travail effectif des temps de repos

L'enjeu est le suivant: les temps de travail effectif doivent être rémunérés par l'employeur contrairement aux temps de repos qui ne font pas l'objet d'une rémunération.

1. Habillage et déshabillage

Le temps d’habillage et de déshabillage ne sont pas comptabilisé comme du travail effectif sauf lorsque le port d’une tenue de travail est obligatoire.

Article L3121-3

Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.

2. Temps de pause et de restauration

Le temps de pause et de restauration n’est pas assimilé à du temps de travail effectif. Sauf si les salariés restent à la disposition permanente de leur employeur pendant ces temps de pauses. C’est ce que la Cour de Cassation affirme dans un arrêt du 25 mars 1998 n°96-45139 « Ayant fait ressortir que durant la pause casse-croûte dont il bénéficiait, le salarié restait en permanence à la disposition de l'employeur, le conseil de prud'hommes a pu décider, hors toute dénaturation, que cette pause constituait un temps de travail effectif et que le salarié, qui effectuait ainsi plus de sept heures continues, était en droit de prétendre à l'indemnité de panier »

3. Temps d’attente sur le lieu du travail

Le temps d’attente sur le lieu de travail concerne des professions telles que la restauration, le gardiennage ou le transport par exemple, ou les temps d’attentes peuvent durer parfois plusieurs heures. La solution est la même que pour le temps de pause et de restauration (voir infra), à savoir que par principe ce n’est pas du temps de travail effectif si le salarié peut vaquer à ses occupations personnelles sans être à la disposition de l’employeur pendant ce temps d’attente. A contrario, ces temps d’attentes seront assimilés à un temps de travail effectif si pendant l’attente des chauffeurs pouvaient être amenés à rendre des services à leurs employeurs ou à des clients. En ce sens Cass Soc 6 mai 2009 n°07-44282 « en prenant en considération la circonstance de fait selon laquelle les conducteurs devaient rester patients, joignables et disponibles en zone portuaire (…) durant les temps d'attente les chauffeurs pouvaient être amenés à rendre des services à la demande de leur employeur ou du client, bien que les temps d'attente se distinguent des temps de repos (…) le temps passé pendant les périodes de chargement et de déchargement constituait, pour le salarié, un temps de service »

4. L’astreinte

Article L3121-5

Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

L’astreinte est donc par principe considérée comme du temps de travail effectif, mais pour cela il faut que pendant la durée de l’astreinte le salarié ne puisse pas vaquer librement à ses occupations personnelles. Pour cela, la jurisprudence se réfère au lieu où se déroule l’astreinte :

  • Si l’astreinte se déroule sur le lieu de travail ou dans un lieu imposé par l’employeur nous sommes en fait dans une situation de permanence, ce qui constitue un temps de travail effectif
  • Si l’astreinte se déroule au domicile du salarié et qu’il peut vaquer à ses occupations personnelles alors elle ne sera pas considérée comme du temps de travail effectif, sauf lorsque le salarié sera en intervention, déplacement compris

5. Temps de trajet domicile – lieu de travail

Article L3121-4

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Le principe est donc que le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail effectué par les salariés n’est pas assimilé à du temps de travail, les salariés n’étant pas à la disposition de leur employeur. Et ce, peu importe la durée du trajet du salarié pour se rendre de son domicile à son lieu de travail.

6. Temps de trajet domicile – lieu autre que les locaux de l’entreprise (mission)

Cela concernera souvent des salariés qui exercent les fonctions de commerciaux, techniciens de maintenance ou formateurs par exemple. Lorsqu’ils se rendent en mission, leur temps de trajet va souvent excéder le temps qu’ils effectuent pour se rendre sur le lieu de travail. Ces temps ne constituent pas du temps de travail effectif d’après une décision du Conseil Constitutionnel du 13 janvier 2005 n°2004-509 « 15. qu'il prévoit que le temps de déplacement pour se rendre du domicile au lieu d'exécution du contrat de travail ne constitue pas un temps de travail effectif,

18. Considérant qu'afin de préciser la définition de la " durée de travail effectif " mentionnée au premier alinéa de l'article L. 212-4(aujourd’hui L3121-1) du code du travail, le législateur a prévu que le temps nécessaire à un salarié pour rejoindre, depuis son domicile, un lieu d'exécution du contrat de travail distinct du lieu habituel, ne constitue pas un temps de travail effectif ; qu'il a toutefois institué une contrepartie pour la durée de déplacement qui excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; qu'en outre, le législateur a prévu que la part de temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire ; qu'il s'est ainsi fondé sur des critères objectifs et rationnels, identiques pour tous les salariés et en rapport direct avec l'objet de la mesure »

Et donc, il ressort de cette décision du Conseil Constitutionnel que, certes ces temps de déplacement professionnel ne sont pas du temps de travail effectif, toutefois ils doivent donner lieu à une compensation en repos ou en argent dès lors que ces temps de déplacement excède le trajet entre le domicile et le lieu habituel du travail. Les modalités de cette compensation doivent être fixées par convention ou accord collectif. En l’absence d’accord il revient à l’employeur de la fixer après consultation du comité d’entreprise.

L’entreprise qui omet de mettre en place un système de compensation pour les trajets anormaux s’expose au paiement de dommages et intérêts.

7. Temps de formation

La formation professionnelle suivie dans le cadre du plan de formation est considérée comme du temps de travail effectif car elle est imposée par l’employeur.

Les actions de formation qui se déroulent dans le cadre du compte personnel de formation (CPF) qui se déroulent pendant le temps de travail constituent un temps de travail effectif et sont comptabilisées et rémunérées comme tel.

Au contraire, le temps de formation individuelle suivie à la seule initiative du salarié, par exemple dans le cadre d’un congé individuel de formation (CIF) ne sont pas considérés comme du temps de travail effectif.

8. Les assimilations à du temps de travail effectif

Sont assimilés à du temps de travail effectif :

  • Les examens médicaux obligatoires
  • Les heures consacrées par les représentants du personnel à l’accomplissement de leurs mandats
  • Les temps de douches suites à des travaux salissants ou insalubres (Article R3121-2 C. Trav.)
  • Le chômage d’un jour férié

Source: Lamy Social / Jurisclasseur LexisNexis

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1 Publié par Visiteur
25/06/2018 01:58

Bonjour,

Si la prime accordée pour l' habillage déshabillage obligatoire ne corresponds pas au temps passé pour cela et que l'accord d'entreprise le confirme, puis je avoir un recours pour me faire payer mon temps réel ou avoir un repos correspondant au temps réel passé pour un habillage déshabillage en dehors de mon temps de travail ?

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