LA CLAUSE RESOLUTOIRE ET LA MAUVAISE FOI

Publié le Modifié le 16/07/2021 Vu 10 999 fois 0
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Propriétaires bailleurs, soyez diligents à l’encontre de vos locataires mauvais payeurs.

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LA CLAUSE RESOLUTOIRE ET LA MAUVAISE FOI

DROIT IMMOBILIER / LITIGE LOCATIF / LITIGE PROPRIETAIRE LOCATAIRE

 

La plupart des contrats de location d’un bien à usage d’habitation ou à usage commercial contiennent une clause résolutoire.

La clause résolutoire est un mécanisme qui permet au bailleur de voir résilier le contrat de bail de plein droit en cas de manquement du locataire à l’une de ses obligations.

Il s’agit donc d’un mécanisme à visée punitive, qui permet au bailleur d’obtenir plus rapidement l’expulsion de son locataire dans le cas par exemple où celui-ci :

  •           N’aurait pas payé son loyer ou le dépôt de garantie fixé
  •           N’aurait pas assuré son bien
  •    N’aurait pas joui paisiblement des lieux ( troubles de voisinage, nuisances sonores…)

Pour autant, une telle clause résolutoire doit être mise en œuvre de bonne foi par le bailleur.

Le contrat de bail est soumis, comme les autres contrats, à une obligation de bonne foi qui touche aussi bien le locataire que le bailleur.

Notre Code Civil prévoit en son article 1104 que :

 Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

En application de ce principe, les juges considèrent qu’une clause résolutoire n’est pas acquise si elle a été mise en œuvre de mauvaise foi par le bailleur.

Les Juges contrôlent la bonne foi des deux parties dans la mise en œuvre de la clause résolutoire, et notamment la possible utilisation abusive de cette clause.

La notion de bonne foi impose d’exécuter rigoureusement et loyalement le contrat.

Il résulte ainsi d’une jurisprudence constante que la clause résolutoire n’est pas acquise si elle a été mise en œuvre de mauvaise foi par le créancier ( notamment Cour de cassation, arrêt du 31 janvier 1995 publié au Bulletin bull civ I n°57; Cour de Cassation, arrêt de la chambre commerciale du 5 décembre 1995; Cour de Cassation, arrêt de la 3ème chambre civile du 23 juin 2015 n°14-12606, Cour de Cassation, arrêt de la 3ème chambre civile du 11 février 2016 N° 14-25.323, Cour de cassation, arrêt du 1er décembre 2016 N°15-25884).

La mise en œuvre de la clause résolutoire suppose donc en réalité la réunion de deux conditions : d’une part une faute imputable au locataire entrant dans le champ de la clause résolutoire et d’autre part une invocation de bonne foi par le bailleur.

La vérification de cette dernière condition permet en pratique aux juges du fond de retrouver un véritable pouvoir d’appréciation en neutralisant l’application d’une clause résolutoire mise en œuvre de mauvaise foi.

L’application de la clause résolutoire a pu être écartée notamment :

  • lorsque le bailleur met en demeure le preneur qu’il sait légitimement absent(Civ 3ème 16 octobre 1973 n°72-11956).
  • lorsque le bailleur poursuit sa demande de résiliation de bail pour défaut de production de l’attestation d’assurance dans le délai imparti, tout en sachant son preneur assuré. (Civ 3ème 13 avril 1988 n°87-10516 ; CA PARIS Pôle 4 Ch 4. 4 avril 2014 RG 12/17882).
  • Ou encore, lorsque le Bailleur fonde sa demande de résolution sur le constat d’une activité développée au-delà de la destination stricto sensu du bail mais implicitement autorisée par ses soins (CA AIX EN PROVENCE 11eCh A. 24 mars 2014 n°2014-006857).

Il est utile de savoir que la Cour de Cassation a également déjà identifié la mauvaise foi dans des situations où le bailleur/créancier avait laissé s’accumuler une dette trop importante d’impayés, et notamment :

-         Manque à son obligation de bonne foi le banquier qui, ayant bénéficié du droit d’exiger la déchéance du terme, n’a pas poursuivi immédiatement l’exécution de l’obligation de remboursement et n’a intenté une procédure de saisie que six ans plus tard pour le seul montant des intérêts et pénalités de retard, en ayant obtenu auparavant paiement du capital par l’emprunteur (Cour de Cassation, arrêt de la 1ère chambre civile du 31 janvier 1995 bull civ I n°57)

-         La Cour de Cassation a reconnu que le garant pouvait engager la responsabilité du créancier quand ce dernier laissait s’accumuler les dettes impayées sans chercher à provoquer la résiliation du contrat : La Cour a ainsi reproché à un couple bailleur d’avoir laissé s’accroître une dette de loyers pendant vingt-trois mois sans jamais mettre en œuvre la clause résolutoire. (arrêt de la chambre commerciale du 5 décembre 1995)

-         Le créancier qui, en s’abstenant de toute mise en demeure avant la fin de la première période contractuelle de quatre ans, alors que le service de la dette était interrompu depuis déjà trois années, a laissé la convention se reconduire tacitement pendant deux années supplémentaires dans des conditions exemptes de bonne foi, tirant profit du silence de son cocontractant pour prolonger une situation qui ne pouvait évoluer qu’à son seul avantage (Cour d’Appel de Paris, arrêt du 22 juin 2001 : D2002. 843 note C.Coulon) 

Ce dernier arrêt marque clairement la volonté des magistrats de sanctionner le créancier qui a laissé une dette s’accumuler pendant plusieurs années, a tiré « manifestement profit du silence de son cocontractant », et l’a volontairement maintenu dans une situation dont il était le seul à tirer un bénéfice.

Il résulte de ces exemples jurisprudentiels que le comportement d’un bailleur qui subit de nombreux mois d’impayés locatifs sans demander le paiement de ces loyers et sans agir en application de la clause résolutoire, peut s’apparenter à de la mauvaise foi.

Un tel comportement représente une faute aux obligations contractuelles du bailleur, lequel sera sanctionné par les juges qui pourront notamment refuser d’appliquer la clause résolutoire.

 

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

 

Anaïs TARONE

Avocat à Nice

10, rue Tonduti de l'Escarène

06000 NICE

 

Tel : 04 93 82 87 60

Email: anaistarone.avocat@gmail.com

 

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