Policier renversé à Lyon : qu'encourent les voleurs qui ont pris la fuite ?

Publié le Modifié le 09/04/2020 Vu 4 143 fois 0
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Une arrestation qui a mal tourné, des voleurs en fuite et un policier percuté de plein fouet par un fourgon : explication juridique d'une infraction particulièrement grave.

Une arrestation qui a mal tourné, des voleurs en fuite et un policier percuté de plein fouet par un fourgon

Policier renversé à Lyon : qu'encourent les voleurs qui ont pris la fuite ?

Au cours d'une arrestation qui tourne mal dans la nuit de vendredi à samedi, un policier a été violemment bousculé par un fourgon actuellement en fuite. Le site de France Info précise que "les policiers prennent en filature les deux véhicules et observent les cambrioleurs s'attaquer à un camion garé sur une aire de repos [...] Peu avant 2 heures du matin, les policiers décident d'arrêter le fourgon, alors qu'il sort du périphérique lyonnais au niveau de Bron [...] Franck L. sort, son arme à la main. Au même moment, le conducteur du fourgon recule brusquement, percute les véhicules des policiers et se dégage de l'étau. Il enclenche la marche-avant et s'enfuit aussitôt, heurtant de plein fouet le policier". La Direction interrégionale de la police judiciaire de Lyon est alors chargée d'une enquête sur le fondement de "tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique". Explications de cette infraction dont un policier a été grièvement blessé.

Une infraction d'une particulière gravité

Le fondement de "tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique" se trouve à l'article 221-4 du Code pénal. Il s'agit d'une tentative meurtre, c'est-à-dire que l'auteur a essayé de mettre fin volontairement à la vie d'une personne dépositiaire de l'autorité publique.  Le caractère intentionnel est ici important car en son absence, l'infraction n'est plus un crime mais un délit. Le changement de nature de l'infraction provoque un quatum de la peine bien plus bas, c'est-à-dire la durée de la peine de prison. Enfin, une "personne dépositaire de l'autorité publique" fait ni plus ni moins référence aux policiers ici.

Classé parmi les meurtres, ce n'est pas qu'un "simple" homicide volontaire. Il s'agit de l'un des meurtres les plus graves du droit français. En l'occurence, faire une tentative de meurtre sur un policier est une circonstance aggravante dont le Code pénal sanctionne plus sévèrement "l'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique", à raison de la réclusion criminelle à perpétuité, de "l'homicide volontaire", qui est punit d'une peine de 30 ans maximum.

Une tentative aux conséquences lourdes

Dans l'article de France Info, on y apprend que les voleurs sont poursuivis pour "tentative". Cela veut dire que le résultat pénal, qui est la mort du policier, n'a pas été atteint. Juridiuqement le droit dit que le projet de tuer a avorté. En effet, jusqu'à maintenant, le policier est toujours en vie. Ce qui est donc repproché, ce n'est donc pas la mort du policier puisqu'il est encore de nos jours, mais le fait d'avoir essayé d'atteindre ce but. Le simple fait d'essayé d'attenter à ses jours est en soi une infraction au nom de "tentative d'homicide volontaire".

Le droit français condamne de la même façon l'infraction qui a atteint le résultat pénal que la tentative. Ainsi, le montant des peines encours que le policier soit mort ou pas est exactement le même. En effet, le droit pénal est indifférent sur les peines encourues que le résultat pénal soit atteint ou pas : le simple fait d'essayer est, aux yeux de la loi, suffisament grave qu'il faut que la tentative produise les mêmes effets que l'homicide volontaire. Dès lors, la tentative d'homicide volontaire est punie de la réclusion criminelle à perpétuité au même titre que du simple "homicide volontaire".

Vont-ils vraiment être condamnés à la perpétuité ?

Avant de répondre à cette question, il faut que l'enquête se fasse, qu'il ait un renvoi devant la Cour d'assises, que le procès ait lieu, et que la Cour d'assises rendent son verdict et reconnaisse qu'il y a eu tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique. La réponse ne sera donc connue que d'ici deux années. La Cour d'assises déterminera souverainement le quatum de la peine, c'est-à-dire la durée de réclusion criminelle s'ils sont condamnés. C'est-à-dire que les juges et les jurés auront l'opportunité de mettre la peine qui leur semble juste au fait de bousculer violemment avec un fourgon un policier dans une arrestation qui dégénère.

Néanmoins, le quatum de la peine est limitée de deux façons. D'une première par ce qui s'appelle la "légaité criminelle". En fait, l'article 221-4 du Code pénal fixe une peine maximale qui est la réclusion criminelle à perpétuité, qui est la sanction la plus lourde en droit français, et la Cour d'assises devra respecter cette peine maximale. Et d'une seconde façon, parce qu'une peine doit être un proportionnée à la gravité de la faute, mais aussi au contexte, à la psychologie, à l'identité du criminel etc... Il est rare en matière pénale, tant pour les délits que les crimes, que les juges infligent la peine maximale encourue, car il y a toujours des éléments qui viennent réduire le quatum de la peine.

Et seront-ils libérés plus tôt que prévu ?

Dans le cas où ils sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, le juge d'application des peines peut décider de les faire sortir prématurément. Les auteurs peuvent, au bout d'un certain temps, retrouver leur liberté. Or, la tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique est un crime particulièrement grave. Le droit fançais a créé les "périodes de sûreté" qui empêchent le juge d'application des peines de libérer les criminels pendant un certain temps.

Dans le cas de la tentative de meutre du personne dépositaire de l'autorité publique, l'article 132-23 du Code pénal fixe les mesures de sûretés applicables. En principe, la Cour d'assies doit les appliquer. La durée des périodes de sûretés varie en fonction de la condamnation.

Dans le cas où la Cour prononce la peine maximale, la perpétuité, les voleurs ne pourront pas sortir avant 18 années. Par exception, les juges peuvent rendre une "décision spéciale" qui la porte jusqu'à 22 années. Dans le cadre de cette infraction, la perpétuité incompressible est inapplicable. Ainsi, les juges ne peuvent pas prononcer une période de sûreté illimitée à la perpétuité ce qui est pour effet de rendre impossible toute libération. Ainsi, les voleurs peuvent, dans le pire des cas, rester que 22 années en prison puisque la "perpétuité réelle", comme elle est souvent appellée, ne s'applique pas. Néanmoins, toutes ces règles ne s'appliquent que si la Cour d'assises prononce la perpétuité. Il en est autrement si elle condamne à dix, vingt ou trente années de réclusion.

En effet, lorsqu'elle ne prononce pas la perpétuité, l'article 132-23 du Code pénal est clair et les règles sont différentes. La période de sûreté est de la moitié de la peine fixé par la Cour d'assises. Ainsi, si les voleurs sont condamnés à 12 années de réclusion, ils sont potentiellement libérables au bout de 6 années. Néanmoins, les juges peuvent porter la période de sûreté au deux-tiers par une décision spéciale selon l agravité des faits. Là ici la période de sûreté illimitée n'existe pas.

Question bonus : pourquoi le Code pénal ne permet pas de les condamner à la "perpétuité réelle" ?

Car la perpétuité réelle, c'est-à-dire une condamnation avec une période de sûreté illimitée, dit "perpétuité incompressible", ne s'applique que dans des cas très précis qui sont prévus par le Code pénal. L'Assemblée nationale et le Sénat ont limité la perpétuité incompressible qu'à quatre infractions :

  • meurtre avec viol, tortures ou acte de barbarie d'un mineur de quinze ans ;
  • meurtre en bande organisée d'une personne dépositaire de l'autorité publique (policier, magistrat) et ce, à l'occasion ou en raison de ses fonctions ;
  • assassinat d'une personne dépositaire de l'autorité publique (policier, magistrat) et ce, à l'occasion ou en raison de ses fonctions ;
  • crime terroriste.

Notons ici, que la tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique n'est pas à confondre avec l'assassinat d'une personne dépositaire de l'autorité publique. En effet, il faut distinguer le meutre, qui est le fait d'attenter volontairement à la vie d'autrui, de l'assassinat qui est un meurtre mais avec préméditation. La préméditation est le fait d'avoir prévu le meutre, opté pour des plans et des modes opératoires. Ainsi, l'assassinat se différencie du meutre parce qu'il est préparé, réfléchi, avec un plan machiavélique. Ici dans le cadre des voleurs, s'ils ont peut-être planifié leurs cambriolages, le parquet n'a visiblement pas retenu qu'ils avaient en projet de tuer le policier puisque c'est au cours de la fuite qu'ils l'ont bousculé violemment.

 

 

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