Suicide d'un délégué syndical Leclerc : focus sur le harcèlement moral au travail

Publié le Modifié le 08/04/2020 Vu 1 268 fois 0
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Ce samedi, un délégué syndical FO du Leclerc de Vandoeuvre-lès-Nancy s'est suicidé au travail. La direction du supermarché est pointé du doigt suite à "des difficultés dans le cadre du travail". Focus sur le harcèlement moral.

Ce samedi, un délégué syndical FO du Leclerc de Vandoeuvre-lès-Nancy s'est suicidé au travail. La directi

Suicide d'un délégué syndical Leclerc : focus sur le harcèlement moral au travail

"Vandoeuvre-lès-Nancy : un délégué syndical du magasin Leclerc se suicide au travail avec une arme à feu", titre ce samedi 11 janvier France 3 Grand est. Le parquet de Nancy se saisit et une enquête est en cours pour "homicide involontaire" et "harcèlement moral" à l'encontre du supermarché. Le procureur François Pérain nous informe que l'homme était d'un délégué syndical FO âgé de 34 ans qui a éprouvé des conditions de travail difficiles. "Une lettre donne des explications sur son geste et fait état de difficultés dans le cadre de son travail ainsi que de difficultés personnelles", précise le magistrat du parquet. Des conditions de travails pour lesquelles le salarié aurait déjà eu un entretien avec la direction pour régler ce conflit. "Au mois d'août, Maxime a eu un entretien avec le directeur car ça n'allait pas. Je l'ai accompagné. A ce moment là, j'ai dit au directeur : «Vous attendez quoi pour intervenir ? Qu'il se suicide, qu'il se pende ?»", précise une collègue de travail du délégué syndocal.

Qu'est-ce qu'un harcèlement moral au travail ?

C'est dans l'article L1152-1 du Code du travail que le droit pose la définition du harcèlement moral:  "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel". On en déduit que le harcèlement moral n'est qualifié qu'en cas de pluralités d'actes. Ainsi, un fait unique ne permet pas de qualifier le harcèlement moral au travail ce qui le distingue du harcèlement sexuel qui ne nécessite pas une répétition d'actes. Cette répétition doit porter sur la dégradation de conditions de travail. Le Code du travail ne précise pas si cette dégradation des conditions de travail doit être intentionnelle ou si elle peut résulter d'une négligence. Dans le silence de la loi, les juridicitions de droit du travail reconnaissent qu'un harcèlement moral puisse venir d'un acte non-intentionnel. Ainsi, les réaménagements des conditions de travail ou des directives ayant des conséquences sur la santé des salariés peuvent être qualifiés en harcèlement moral puisque l'intentionnalité n'est pas une condition de la qualification. Cette position législative ouvre considérablement le champ de qualification du harcèlement moral à l'avantage des salariés.

Ensuite, la lettre de l'article L1152-1 n'est pas amigüe puisqu'il suffit que la dégradation des conditions de travail ait des conséquences "susceptibles". Ainsi, les conséquences ne peuvent qu'êtres potentielles pour qualifier le harcèlement moral. Il n'est pas nécessaire que les conséquences soient avérées. Le niveau d'exigence est donc faible, le salarié peut se refugier derrière la qualification de harcèlement moral facilement. 

Enfin, ces conséquences avérées ou susceptibles doivent atteindre l'un des objets définis par l'article L1152-1. Il faut dire que la liste est complète et ne posera pas de problèmes au salarié victime d'harcèlement. Les conditions de travail peuvent donc avoir une influence négative sur le droit des salariés (à la sécurité, droit de grève etc...), à la dignité, à la santé physique ou mentale, ainsi que l'avenir professionnel (rémunération, mutation, rétrogradation, démission...).

Quelles conséquences pour l'employeur ?

Dans le cas du délégué syndical FO du Leclerc de Vandoeuvre-lès-Nancy, l'employeur serait harceleur selon les allégations prêtées après le suicide du salarié. Reste à savoir ce que détermienera l'enquête et le Tribunal correctionnel au cours de son jugement s'il y a eu ou non harcèlement moral.

Les sanctions du harcèlement moral est de deux d'emprisonnement et 30 000€ d'amende selon l'article 222-33-2 du Code pénal. Ce à quoi, il faut rajouter les sanctions civiles comme les dommages-intérêts dont peuvent se prévaloir les proches du délégué syndical en tant que vicitimes collatérales du harcèlement moral.

Qui du Leclerc ou du directeur du Leclerc sera condamné ? Reste à savoir si le harcèlement moral provient d'une décision personnelle d'un dirigeant ou au contraire d'une décision prise par un organe social de Leclerc tel qu'un Conseil d'administration. Dans tout les cas, il semble difficile en matière de harcèlement moral de séparer le dirigeant en tant que personne physique de l'employeur en tant que personne moral dès lors que le délégué syndical a déjà été reçu pour un entretien afin de discuter de la situation.

Et si l'harceleur était salarié du Leclerc ?

Dans la configuration où l'harceleur serait un salarié, tant le salarié-harceleur que l'employeur peuvent être poursuivis pour harcèlement moral.

Tout d'abord, le salarié-harceleur s'expose à des sanctions disciplinaires inévitables. En effet, un employeur est dans l'obligation de sanctionner un salarié qui est l'auteur d'un harcèlement moral. La sanction professionnelle peut aller de l'avertissement jusqu'au licenciement. De plus, selon la gravité des faits, la faute grave peut être retenue par l'employeur ce qui a pour effet de priver le salarié de toutes indemnités dûes à la rupture du contrat de travail. Voire, peut être qualifiée la faute lourde qui a les mêmes conséquences que la faute grave mais qui ouvre droit également à l'employeur de demander des dommages-intérêts au salarié-harceleur. La faute grave se distingue de la faute lourde dans le sens où cette dernière est d'une particulière gravité, intentionnelle et sans intérêt pour le salarié auteur de la faute. Alors que la faute grave a un niveau d'exigence plus faible que la faute lourde puisqu'il s'agit d'une faute rendant impossible le maitien du salarié harceleur à cause de sa faute. Puis, ce dernier s'expose aussi à des sanctions civiles envers les victimes et au sanction pénale de l'article 222-33-2 du Code pénal.

Enfin, même si l'auteur d'un harcèlement moral est un salarié, l'employeur peut être poursuivi. Néanmoins, il ne sera pas systématiquement condamné. La victime doit démontrer la violation d'une obligation de sécurité de la part de Lerclerc. Cette obligation est, ce que l'on appelle en droit, une obligation de moyens renforcés. Grossièrement, avec ce type d'obligation, Leclerc pourra s'excuser et être exonéré en prouvant que le supermarché s'est conformé à toutes les mesures de prévention et de précautions pour la sauvegarde de la santé physique et mentale du salarié. Ainsi, Leclerc ne sera condamné que s'il est prouvé que l'enseigne n'a pas mis tous les moyens pour éviter le harcèlement moral.

Et brièvement ?

  • Une simple dégradation des conditions de travail comme une restructuration de l'entreprise peut être un harcèlement moral dès lors qu'il y a des conséquences potentielles sur le droit, la dignité ou la santé physique ou mentale, ou l'avenir professionnel du salarié.
  • Un employeur harceleur encourt 30 000€ d'amende. Le directeur de l'enseigne risque jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Des dommages-intérêts peuvent être demandés par les proches de la victime
  • Et si l'harceleur était salarié, il s'expose à des sanctions disciplinaires allant jusqu'au licenciement sans indemnités, des sanctions civiles (dommages-intérêts) et pénales. Mais, dans cette configuration, l'employeur ne sera pas forcément condamné. Il faut démontrer qu'il n'ait pas mis assez de moyens pour prévenir et éviter le harcèlement moral

 

 

 

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