De la suspension de la prescription de l'article 2230

Publié le 14/03/2019 Vu 1 898 fois 2
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Le législateur a t-il réellement voulu nous laisser miroiter une suspension de la prescription ou bien la Cour de cassation a t-elle vraiment rajouté au texte un principe contraire à celui-ci ?

Le législateur a t-il réellement voulu nous laisser miroiter une suspension de la prescription ou bien la Co

De la suspension de la prescription de l'article 2230

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt surprenant ce mercredi 13 mars 2019 (pourvoi numéro 17-50053).

Cet arrêt accentue l'aléa judiciaire et démontre que, parfois, même des conseillers de la Cour de cassation s'affranchissent des lois.

Dans cet arrêt, qui malgré tout sera publié au bulletin, la Cour de cassation reprend un principe antérieur à la nouvelle loi de 2008.

Cette nouvelle loi de 2008 rédige l'article 2230 du Code civil, qui dispose : 

 

"La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru. "

 

Mais la Cour de cassation fait fi de cet article pourtant parfaitement clair en reprenant un ancien principe en vertu duquel  "la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d’agir ne s’applique pas lorsque le titulaire de l’action disposait encore, à la cessation de l’empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l’expiration du délai de prescription".

 

La jurisprudence doit servir à pallier à l'insuffisance, à l'obscurité ou au silence de la loi et non à la contrarier lorsqu'elle est parfaitement claire.

Selon cet article 2230 c'est temporairement et non éventuellement que la suspension arrête le cours de la prescription.

 

 

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1 Publié par chatoon
24/03/2019 13:37

Bonjour,

Voici la copie d'un mail que j'ai adressé à mon avocat aux Conseils :


Cher Maître Périer,

"Ensuite de mon précédent mail du jeudi 3 novembre dernier à 14h03, j'ai recherché de nouvelles sources doctrinales appuyant la thèse selon laquelle la limitation à la règle "contra non valentem agere", laquelle limitation écartait la suspension d'un délai de prescription lorsque le titulaire d'un droit disposait encore d'un temps nécessaire pour agir en justice, n'a plus vocation à s'appliquer.
La Cour de cassation le reconnait elle-même dans son rapport annuel 2014 déposé auprès du Président de la République.
Voici un extrait de ce rapport annuel 2014 : " On observera, en premier lieu, que la réforme a en effet principalement consolidé les solutions antérieures, notamment jurisprudentielles, qu’il s’agisse de l’inapplicabilité des causes de suspension aux délais de forclusion ou délais préfix (article 2220 du code civil ; voir, par exemple, 1re Civ., 1er février 2012, pourvoi no 10-27.276, Bull. 2012, I, no 17 ; 1re Civ., 18 décembre 2013, pourvoi no 12-26.571, Bull. 2013, I, no 246), ou encore de l’effet d’une impossibilité d’agir sur le cours de cette prescription (pour laquelle le mécanisme de la suspension de la prescription, prévu par la loi nouvelle, diffère toutefois de celui dégagé par la Cour de cassation, sous l’empire des textes du code civil dans sa rédaction antérieure à cette loi, voir, sur celui-ci, notamment, Com., 11 janvier 1994, pourvoi no 92-10.241, Bull. 1994, IV, no 22 ; 1re Civ., 23 juin 2011, pourvoi no 10-18.530, Bull. 2011, I, no 121)."
En faisant mention de cet arrêt du 11 janvier 1994, pourvoi n°92-10241, ce rapport se réfère évidemment à la limitation à la règle "contra non valentem agere" sus-évoquée.
Encore d'autres sources de doctrine dans le même sens :
- Revue générale du droit des assurances – 01/04/2013 – n° 2013-02 page 315 ID : RGDA 2013315 auteur : Anne PELISSIER ;

- Petites affiches – 19/12/2011 n°251 –page 6 ID : PA 201112196 auteurs : Caroline TABOUROT-HYEST ; Christine BOILLOT ;
Soraya MESSAI-BAHRI

Devant l'abondance de cette doctrine raisonnée, il serait judicieux d'en reprendre toutes les références et tous les commentaires dans votre mémoire en réplique après que nous aurons reçu celui en défense de la SCP Monod, Colin et Stocklet.

Bien cordialement,"





Vous aurez remarqué ci-dessus un passage important que voici : "(pour laquelle le mécanisme de la suspension de la prescription, prévu par la loi nouvelle, DIFFERE TOUTEFOIS DE CELUI DEGAGE PAR LA COUR DE CASSATION, sous l’empire des textes du code civil dans sa rédaction antérieure à cette loi, voir, sur celui-ci, notamment, Com., 11 janvier 1994, pourvoi no 92-10.241, Bull. 1994, IV, no 22 ; 1re Civ., 23 juin 2011, pourvoi no 10-18.530, Bull. 2011, I, no 121)."

Pour les intelligemment limités, il est à expliciter que la Cour de cassation emploie le terme mécanisme et non celui de "causes" de la suspension de la prescription. Ce qui laisse bien comprendre que la Haute juridiction a souhaité énoncer dans ce rapport que, comme cet arrêt de 1994 se contentait de différencier en comparaison avec la nouvelle loi de 2008 (cf. article 2230 du Code civil), la limitation de la règle "contra non valentem agere" n'avait plus lieu d'être.

Maître Périer n'a sur ce point pas tout mis en œuvre pour assurer la défense de mes intérêts puisqu'il s'est contenté de citer une seule source de doctrine alors qu'il en existait au moins deux autres que je lui avais mis sous le nez.

La source doctrinale qu'il invoquait au soutien de mes prétentions était la suivante :

"Ainsi que l’explique un éminent auteur : « L'impossibilité d'agir figure au contraire tout simplement dans la section qui traite des causes de suspension de la prescription, comme l'une de ces causes parmi d'autres, et a priori avec exactement le même effet que les autres, que décrit l'article 2230 nouveau : « la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru ». Lorsque la suspension cesse, la prescription reprend son cours, pour la totalité du délai qui n'a pas encore couru. On voit assez mal comment la solution jurisprudentielle ancienne, qui était une limitation par la jurisprudence de l'effet de la règle qu'elle avait elle-même adoptée sans texte, pourrait survivre en présence de textes précis » (L. Leveneur, Limitation de la portée de la règle « Contra non valentem agere », CCC n°10, octobre 2011, com. n°209)."








Une autre copie de mail, allez un peu de courage … :

"Cher Maître Périer,

Le présent mail fait suite au commentaire doctrinal de Monsieur Laurent Leveneur, repris à juste titre dans votre mémoire, concernant la jurisprudence créée par la Cour de cassation sur la limitation à la maxime "contra non valentem agere". Cette exception à cet adage, dont la Cour de cassation avait le secret lors de l'apparition de cette jurisprudence en 1994, supprimait les effets d'une suspension du délai de prescription lorsque le titulaire du droit disposait, lors de l'achèvement de la cause de la suspension, d'un temps nécessaire pour agir en justice avant l'expiration du délai de prescription. Ainsi, la Cour de cassation employait le terme "suspension" alors même qu'il n'en était rien en pareil cas. Depuis la réforme de 2008 sur le raccourcissement des délais de prescription, la loi précise bien le terme "suspension du délai de prescription" sans reprendre l'exception créée par la jurisprudence antérieure à cette loi. Ce serait bien par refus d'application de la loi que la Cour de cassation n'opèrerait pas un revirement de jurisprudence dans notre affaire, alors que l'article 2230 du Code civil issu de la loi entrée en vigueur le 19 juin 2008 est suffisamment clair, précis et dénué de caractère insuffisant, obscur ou silencieux auquel la Haute juridiction aurait pu pallier.

J'ai découvert une même doctrine mais plus prononcée encore que celle de Monsieur Laurent Leveneur (s'agissant de celle de M. Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE et de Mme Estelle NAUDIN), et je la cite : " L’avant-projet de réforme du droit des obligations proposé sous l’égide du professeur Pierre Catala entendait d’ailleurs reprendre cette solution, en la précisant. L’avant-projet proposait (ainsi) de limiter la portée de la maxime en indiquant que « la force majeure, lorsqu’elle est temporaire, n’est une cause de suspension que si elle est intervenue dans les six mois précédant l’expiration du délai de prescription ». Cette proposition s’inspirait d’ailleurs de la récente réforme du droit des obligations opérée dans le BGB (§ 206) mais aussi des principes du droit européen des contrats (article 14.303,2). Or le législateur n’a pas repris cette proposition. Il n’apporte aucune précision quant aux effets de la maxime, ce que certains auteurs ont d’ailleurs regretté 26. En toute logique, il y a donc lieu de considérer que l’impossibilité d’agir est devenue une cause de suspension ordinaire 27. La durée de la prescription devra donc arithmétiquement augmenter d’une durée correspondant à celle de l’empêchement, ce qui est le mécanisme même de la suspension, aujourd’hui défini par le Code civil. Celui qui a été empêché durant une année disposerait donc d’une année supplémentaire pour agir, quel que soit le moment durant lequel est apparu cet empêchement. La maxime jouera alors tant pour suspendre un délai qui a déjà commencé à courir que pour reporter le point de départ de la prescription en raison d’une impossibilité d’agir." (Petites affiches - 02/04/2009 - n° 66- page 12
ID : PA2009040212 ; Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE et Estelle NAUDIN)

Au surplus, une phrase justifie et suit l'extrait du commentaire de M. Laurent Leveneur apparaissant dans votre mémoire. Cet auteur a en effet apporté la justification suivante : "Il est vrai que le contexte de la réforme de 2008 est celui d’un raccourcissement des délais de prescription et que des délais courts ne sont tolérables qu’avec des causes de suspension (et d’interruption) assez largement entendues. (L. Leveneur, Limitation de la portée de la règle « Contra non valentem agere », CCC n°10, octobre 2011, com. n°209)

Cette justification ainsi que la doctrine que j'ai découverte pourront être insérées dans votre mémoire en réponse lorsque nous recevront le mémoire en défense de la SCP Monod et Colin.

Bien cordialement,"



Mon avocat n'a pas repris ces trois sources de doctrine que je lui apportais pourtant sur un plateau et n'a pas mentionné non plus la petite phrase qui suivait (cf. doctrine de Laurent Leveneur).

Cet avocat n'a de surcroît pas jugé utile de mentionner cet extrait de rapport annuel de 2014 émanant de la Cour de cassation.

Il me reste à attendre un revirement de jurisprudence pour agir en responsabilité civile professionnelle de mon avocat (Me Périer) qui aurait dû m'écouter.

Pour ce faire, je dispose de cinq ans à compter de l'arrêt du 13 mars 2019, sauf cause de suspension ou d'interruption (ah ah ah ! la bonne blague).

Plus ma vie sera pourrie, plus j'irai jusqu'au bout de mes procès effectifs ou potentiels pour gagner ce qu'on m'a fait perdre. Et je ne compte pas sur des gens comme Seraphine, qui aurait pu potentiellement embellir ma vie, pour mieux vivre.



2 Publié par chatoon
10/07/2020 20:38

La limitation à la règle suivant laquelle "contra non valentem agere non currit praescriptio" n'a plus vocation à s'appliquer selon un arrêt rendu le 20 mai 2020 par la première chambre civile de la Cour de cassation.

En l'espèce, à l'expiration de la période de suspension du délai de prescription (20 septembre 2014), il restait un temps suffisant pour le créancier pour agir jusqu'au 21 août 2016, soit jusqu'au terme du délai de prescription initial. Mais la Cour de cassation a, par cet arrêt du 20 mai dernier, opéré un revirement de jurisprudence sur son arrêt du 13 mars 2019 susvisé, appliquant stricto sensu les articles 2230 et 2234 du Code civil au mépris de sa jurisprudence antérieure. En effet, la suspension doit s'imputer sur le délai initial et reporter d'autant son terme.

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