Veille juridique de mars 2019 de Claire Sambuc

Publié le 15/04/2019 Vu 3 071 fois 0
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Veille juridique de mars 2019 de Claire Sambuc

Liberté d'expression

Liberté de critique : pas de retrait d’avis négatifs sur un chirurgien

Cour d’appel de Paris, 22 mars 2019

Un chirurgien esthétique avait une fiche entreprise Google My Business sur laquelle il avait constaté des commentaires très négatifs sur sa pratique professionnelle. Les commentaires avaient été écrits sous pseudonymes. Par ordonnance du TGI de Paris, le chirurgien avait obtenu que Google LLC lui communique les données d’identification relatives aux auteurs des commentaires. Il avait obtenu, après avoir contacté les auteurs, le retrait de 6 commentaires sur les 8 qui lui posaient problème.

Le chirurgien avait cependant saisi le TGI de Paris pour qu’il enjoigne Google de supprimer les avis négatifs qui restaient en ligne sur la fiche de son établissement médical.

Pour la cour, faute de diffamation, d’injure ou de dénigrement, l’existence d’un trouble manifestement illicite n’est pas caractérisée. Ce n’est pas parce que des commentaires sont négatifs ou déplaisants que le chirurgien peut en obtenir le retrait. Pour la cour, ces commentaires « relèvent plutôt de la libre critique et de l’expression subjective d’une opinion ou d’un ressenti de patients déçus ».

Pas d’injure en l’absence de diffusion d’un email à un tiers

TGI Paris 19 novembre 2018

Un homme avait envoyé à sa compagne, directrice de la société pour laquelle il avait signé un contrat de travail, un message traitant de bougnoul le fondateur de la société. Ce message avait pour destinataire sa compagne seulement et n’avait pas d’autres destinataires. Le message n’avait pas été lu par un tiers.

Le TGI de Paris a relaxé l’auteur du message électronique du chef d’injure non publique dans la mesure où aucun tiers n’avait connaissance des propos litigieux. Pour les juges, l’écrit avait un caractère privé et confidentiel.

Le tribunal rappelle que l’injure non publique induit un minimum de publicité, à savoir que le message électronique soit lu par un autre destinataire, en dehors de la personne ciblée. Par ailleurs, le texte ne visait pas le destinataire mais un tiers et il avait été transmis de manière confidentielle.

Concurrence déloyale/ Droit d'auteur

Tribunal de commerce de Créteil, 15 janvier 2019

Pour le tribunal de commerce de Créteil, un ex-salarié ne commet pas d’actes de concurrence déloyale en reprenant sur son site internet des photos de créations qu’il avait fabriquées chez son ex-employeur.

Un ex employé spécialisé dans les réalisations plastiques avait démissionné pour fonder son entreprise dans le même domaine d’activité.

Pour le tribunal, les deux entreprises fabriquent des pièces en plastique commandées et crées par leurs clients. En définitive, il s’agit d’un travail d’exécution et non de création. Quant à la photo proprement dite, elle avait été prise par son ex-salarié dont les droits lui appartiennent. De plus, son objectif était de présenter son savoir-faire, ce qui n’est pas fautif, conclut le tribunal

Données personnelles

Violation du droit à la vie privée d’un militant fiché dans une base de données tenue par la police britannique

CEDH 24 janvier 2019

Pour la CEDH, un fichier tenu par les services de police anglais recensant les données personnelles d’individus liés à l’extrémisme national est contraire au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la CEDH.

Après s’être vu refuser une demande d’effacement de ses données personnelles, le requérant avait saisi la CEDH en invoquant ce droit. Constant que le fichier contenait des opinions politiques, données sensibles, la CEDH a ainsi condamné le Royaume-Uni pour avoir traité ces données dont la base légale semblait ambiguë et pour lesquelles la durée de conservation semblait illimitée.

Un hébergeur n’est pas responsable de traitements de données personnelles

Cour d’appel de Paris, 1er mars 2019

Un avocat avait constaté que les fiches avocats de deux sites comportant son nom et ses coordonnées renvoyaient vers des numéros surtaxés. Ces faits ont été notifiés à l’hébergeur des deux sites et l’avocat a également assigné l’éditeur des contenus en cause.

Pour la Cour, la notification ne contient pas toutes les mentions prévues par l’article 6-1-5 de la loi LCEN dans la mesure où les contours du contenu illicite dénoncé sont imprécis et il n’y figure aucune référence à une demande préalable de retirer le contenu adressé à l’éditeur ou à l’auteur.

La Cour a estimé qu’il n’y avait pas de trouble manifestement illicit.

Concernant la mise en œuvre de la responsabilité civile de la société en cause en tant qu’hébergeur, la Cour a précisé que l’hébergeur « n’étant pas responsable du traitement des données à caractère personnel, il ne lui incombe pas d ‘effectuer une quelconque démarche relative à l’exploitation des dits sites internet, ou à celle des services de mise en relation, type formalités Cnil, éventuel recueil du consentement, informations relatives aux activités de commerce électronique via les dits sites internet ».

CNIL : Clôture de mises en demeure

La CNIL a clôturé 5 mises en demeure qu’elle avait prononcées en septembre 2018 à l’encontre de sociétés d’assurances pour détournement de finalités. Les sociétés avaient collecté des données dans le cadre de leur mission de mise en œuvre des régimes de retraite complémentaire à des fins de prospections commerciales.

La CNIL a constaté la mise en conformité avec le RGPD de ces sociétés en relevant qu’elles avaient « modifié leur système informatique afin que les données en lien avec la retraite ne soient plus connues ni utilisées par les services en charge de l’assurance » et avaient « supprimé l’intégralité des données illégalement acquises par ce biais ».

La CNIL a également clôturé une mise en demeure à l’encontre d’une société de ciblage publicitaire qu’elle avait prononcé en octobre 2018. Il était reproché à la société d’avoir collecté des données de géolocalisation sans le consentement des personnes concernées, à des fins de ciblage publicitaire. La CNIL a constaté que la société avait développé une "nouvelle présentation de la fenêtre contextuelle permettant le recueil du consentement des applications [des] partenaires, intégrant désormais une présentation de chaque finalité en premier niveau d’information, accompagnée d’un bouton activable par l’utilisateur pour exprimer son consentement". Cette nouvelle présentation permettait de « recueillir un consentement informé, spécifique et univoque des personnes à des fins de publicité géolocalisée » conformément au RGPD.

Droit des contrats

Violation de la clause d’exclusivité : condamnation du client

Cour d’appel de Paris 8 février 2019

Un contrat liant une société gérant un réseau d’agence de voyages et un prestataire spécialisés dans les logiciels destinés à l’affichage de contenus multimédias prévoyait une clause d’exclusivité au bénéfice du prestataire pour toute la durée du contrat.

Avant l’expiration du contrat, la société avait sélectionné un nouveau prestataire, concurrent du premier via un appel d’offres.

Pour la Cour, la société avait violé son obligation d’exclusivité en commençant à exécuter les contrats conclus avec le nouveau prestataire avant le terme du contrat qui la liait avec le précédent.

Droit des marques

Annulation d’une vingtaine de marques « Laguiole » pour dépôt frauduleux

Cour d’Appel de Paris, 5 mars 2019

La Cour d’appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation, a prononcé la nullité d’une vingtaine de marques déposées entre 1997 et 2009 reprenant le nom de la commune « Laguiole ». Les produits et services désignés par l’enregistrement étaient sans lien de rattachement avec cette commune. La cour a jugé que ces dépôts s’inscrivaient « dans une stratégie commerciale visant à priver celle-ci, ou ses administrés actuels ou potentiels, de l'usage de ce nom nécessaire à leur activité, caractérisant la mauvaise foi [des déposants] et entachant de fraude les dépôts effectués ».

Responsabilité des hébergeurs-contenus ilicites

OVH enjoint de rendre inaccessible un site espagnol proposant la GPA à des français

TGI Versailles, 26 février 2019

Pour les juges du tribunal de grande instance de Versailles, l’hébergeur OVH a manqué à ses obligations en ne rendant pas inaccessible un site espagnol qui proposait à un public français un service lucratif de gestation pour autrui. Cette prestation étant interdite en France, le contenu du site est manifestement illicite et OVH aurait dû le retirer promptement dès lors qu’il avait été notifié par l’association Juristes pour l’enfance.

Le site en question proposait un service d’entremise « entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre ». Juristes pour l’enfance avait notifié l’illégalité du site à l’hébergeur lequel avait contesté son caractère manifestement illicite en argumentant sur le fait que cette activité n’était pas illégale en Espagne et sur l’absence d’activité en France.

Le tribunal a estimé que « cette réponse ne peut exonérer la société OVH de sa responsabilité dès lors qu’il lui était démontré par l’association des Juristes pour l’Enfance que le site avait vocation à permettre à des ressortissants français d’avoir accès à une pratique illicite en France et de contourner les dispositions du droit positif français ce qui constitue une infraction pénale. La localisation de la société Subrogalia en Espagne et la licéité de la GPA en Espagne sont sans influence sur la licéité du contenu du site à destination du public français. »

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