Améliorer la liberté de la presse et le secret des sources

Publié le 08/02/2009 Vu 5 308 fois 0
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Beaucoup de citoyens, de juristes et d'associations s'inquiètent de la multiplication des atteintes aux droits de la presse et en particulier au secret des sources. Voici 4 propositions pour améliorer la protection des journalistes et de leurs sources.

Beaucoup de citoyens, de juristes et d'associations s'inquiètent de la multiplication des atteintes aux droit

Améliorer la liberté de la presse et le secret des sources

INTRODUCTION : un constat alarmant

La liberté de la presse est l'un des pilliers de notre société en ce qu'elle préserve la libre circulation des informations et des opinions afin que chaque citoyen puisse avoir tous les outils en main pour pouvoir exercer le pouvoir qui lui appartient dans une démocratie.
Protégée et encadrée par la loi du 29 juillet 1881, cette liberté garantie la protection des journalistes qui peuvent librement exprimer et divulguer les idées, les faits et les circonstances d'évènements dont le choix relève de leur seul responsabilité.

Pourtant, cette liberté est aujourd'hui de plus en plus menacée en France, pour des motifs politiques ou judiciaires.
Plus particulièrement, des attaques s'élèvent contre le secret des sources qui permet à chaque journaliste de ne pas révéler le nom de la personne qui lui a permis d'accéder aux renseignements qu'il diffuse.
Début 2008, Reporters Sans Frontières estimait ainsi que la france détenait depuis 2ans le triste record européen du nombre d'interventions policière ou judiciaire liées au secret des sources.
La récente affaire de Guillaume DASQUIÉ en est un exemple frappant (vous pouvez visionner une interview retraçant cette affaire en vous rendant sur le billet suivant de mon blog : "La liberté de la presse en faillite : un témoignage cinglant révélateur d'une société menacée").


Certains aimeraient voir lever ce secret des sources afin de pouvoir mener des actions contre ceux qui, légitimement ou non, auraient confié des informations confidentielles.
Pourtant, ce secret des sources est un élément fondamental de la liberté de la presse, permettant de préserver la libre circulation des révélations dans la presse. Il permet de favoriser la plus grande communication vers le citoyen d'informations dont certaines personnes peuvent être détentrices.

A mon sens, il apparait que si la violation du secret de certaines informations (notamment la violation du secret de l'instruction) demeure un sujet préoccupant, cet état de fait ne doit pas mener à une plus grande réduction de la liberté de la presse dont l'importance est d'égale valeur à celle des informations aujourd'hui protégées.

Aussi, voici 4 propositions qui permettraient de renforcer le secret des sources et préserver les journalistes des trop nombreuses menaces qui pèsent sur eux.

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1. Reformuler le droit au secret des sources

Ce fameux "secret des sources" résulte aujourd'hui de l'article 109 alinéa 2 du code de procédure pénale qui est ainsi rédigé "Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l'origine."

Cette formulation imprécise laisse tout d'abord entendre que ce secret des sources n'est opposable que lorsque le journaliste est entendu comme témoin. Aussi, il serait juridiquement inopposable sir le journaliste est lui même poursuivi pour des faits non encore établis.
Notamment, en cas de garde à vue, cet article serait théoriquement inopposable puisque le journaliste n'est pas entendu comme témoin, mais comme éventuel auteur d'une infraction.
Elle permet alors de légitimer les gardes à vue dont l'unique objectif serait de créer une pression pour obtenir la révélation de la source.

Par ailleurs, ce texte considère le secret des sources comme une liberté, Ce terme ne donne pas toute la mesure de ce qu'il s'agit d'un droit pour le journaliste qu'il peut opposer.


Aussi, il apparaitrait plus protecteur de reformuler ce texte dans une formulation qui pourrait être ainsi libellé :
"Tout journaliste impliqué dans une procédure pénale a le droit d'opposer à tout moment le secret de l'origine des informations recueillies dans le cadre de son activité."

Enfin, cet article pourrait être intégré dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin d'en donner une portée plus générale et de le lier plus fortement avec les autres droits de la presse.

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2. Créer une infraction spécifique de violation du secret des sources

Le secret professionnel est protégé par une infraction pénale spécifique définie par l'article 226-13 du code pénal, encadré par certaines exceptions prévues à l'article 226-14 du même code.

A l'image de cette protection, il peut être judicieux de créer une infraction de violation du secret des sources, afin d'améliorer la protection du secret des sources et limiter les tentatives d'atteintes à ce droit.

Sachant que le journaliste doit rester libre de pouvoir révéler sa source s'il le souhaite, il s'agirait de punir ceux qui auraient obtenu par un moyen frauduleux l'origine d'une information détenue par un journaliste. Il s'agirait là de limiter par exemple les contrôles fiscaux ou les menaces verbales.

Celle-ci pourrait être ainsi définie :
"Toute personne qui aura obtenu la révélation de la source d'une information recueillie par un journaliste dans le cadre de son activité malgré son opposition, en exerçant une pression de toute nature, y compris judiciaire ou administrative, sera puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000€ d'amende.

La tentative ou la complicité de violation du secret des sources est punie dans les mêmes conditions."


Un texte de cette nature aura à la fois pour effet de dissuader les dénonciations calomnieuses en justice, les contrôles fiscaux réguliers mais aussi de responsabiliser toutes les personnes qui pourraient prêter leurs concours à ces actions (officiers de police judiciaire, inspecteur des impôts, élus politiques...). Ces derniers pourraient en effet être poursuivis directement directement s'ils participent à de  l'atteinte au secret des sources.

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3. Ouvrir une voie de recours permettant de suspendre une mesure de procédure pénale menaçant le secret des sources

L'une des plus fréquentes pression subie par les journalistes consiste à les mettre en garde à vue, voire en détention provisoire, en vue de les mettre face au difficile choix de la prison, même à tort, ou de la révélation de sa source.

Aussi, pour pallier à ces méthodes regrettables, une voie de recours pourrait être ouverte aux journalistes qui seraient impliqués dans une procédure pénale qui pourrait avoir un impact sur le secret des sources.

Ainsi, le journaliste pourrait demander à saisir un magistrat lorsqu'un officier de police judiciaire, un procureur ou un juge d'instruction tente d'obtenir le secret de sa source et utilise pour cela la garde à vue ou la détention provisoire.

A ce titre, il apparaît que le juge de la liberté et de la détention paraîtrait le mieux qualifié pour étudier ce type de demande.

En définitive, il s'agirait de permettre à tout journaliste de saisir le juge de la liberté et de la détention pour qu'il statue sur la légalité de sa détention ou de sa garde à vue dès la 1ère heure.
Ce juge pourra alors apprécier si cette détention a pour effet, même indirect, que le journaliste soit dans une situation telle que le secret de sa source pourrait être révélée et le remettre en liberté si les conditions des poursuites dont il fait l'objet ne tende pas à cette révélation.

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4. Renforcer le contrôle des procureurs par le CSM

Dans une vision plus large des dérives judiciaires constatées, il serait opportun de renforcer la présence et le contrôle du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) dont les pouvoirs et les moyens restent limités.
Aujourd'hui, pour les magistrats du parquet, le CSM est saisi par le Garde des Sceaux, le procureur près la Cour de Cassation, les procureurs généraux près les cours d’appel ou les procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d’appel.
De plus, les sanctions sont décidées par le Garde des Sceaux après avis du CSM.

Dans les affaires politico-judiciaires parcourant fréquemment les atteintes aux droits de la presse, ce contrôle demeure insuffisant sur le plan disciplinaire.

Dans le cadre plus précis du secret des sources, le CSM pourrait être saisi par tout journaliste qui aurait subit des pressions de la part d'un magistrat du parquet (procureur).
Des sanctions discplinaires pourraient alors être prises suite à cette saisine.

Une telle disposition permettrait également de commencer à réduire la dépendance des parquets au Minstre de la Justice, ce qui est souhaité par bons nombres de juristes.

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CONCLUSION : précisions sur la portée de ces propositions

Ces propositions d'amélioration auraient plusieurs qualités indirectes améliorant à la foi les liebrtés de la presse et notre procédure pénale :
- les journalistes et leurs sources seraient parfaitement protégé et disposeraient de recours efficace sur les tentatives de violation du secret des sources ;
- la création d'une infraction pénale spécifique permettrait aux officiers de police judiciaire d'opposer l'ordre de la loi pour refuser d'exécuter les ordres tendant à violer le secret des sources, idem pour les procureurs face au Garde Des Sceaux ;
- le juge des libertés et de la détention verrait son rôle renforcer, là où on peine à définir sa mission avec pertinence ;
- la dépendance du parquet au monde politique pourrait commencer à diminuer ;
- le CSM commencerait à avoir des moyens de contrôle plus fort sur la magistrature.

Toutefois, je suis bien conscient que ces propositions se heurtent aux éventuelles exceptions dont il faudrait débattre à l'encontre du secret des sources, notamment concernant le secret de l'instruction ou le secret défense
Aujourd'hui, les limites entre liberté de la presse et secret de l'instruction ne sont pas définies avec satisfaction. Certains journalistes sont condamnées pour "recel de violation du secret de l'instruction", ce qui ne me semble pas être une qualification adaptée, même si elle demeure juridiquement défendable.

Cette question demeure complexe en ce que d'un côté, les violations au secret défense ou au secret de l'instruction sont parfois organisées par les personnes détentrices de ces informations (parties civiles ou homem politique dont la révélation d'informations protégées participent à une stratégie volontaire) et que de l'autre côté, le secret de certaines informations peut paraître légitime.

L'affaire de Guillaume DASQUIÉ portait sur des informations portant sur le 11 septembre. Informations dont le secret peut être fortement discuté, notamment en ce que d'autres informations sur ce sujet ont été révélées volontairement...

Pour ma part, je pense que la question du secret des sources doit être indépendante de celle de la violation du secret d'informations confidentielles. Il peut être envisagé des limites aux révélations qu'un journaliste peut divulguer sans que soit porter atteinte au secret des sources, dont l'existence relève d'une logique différente.

Sans vouloir trancher sur le fond de cette question, il me semble que tant que le législateur n'a pas pris définitivement position sur la bonne adéquation de la liberté de la presse et du secret-défense ou de l'instruction, le secret des sources doit faire l'objet d'une bien meilleure protection que celle qui aujourd'hui ouvre la porte à des dérives qui ne peuvent être acceptés en démocratie.
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