Les fondements et les fonctions de la responsabilité civile

Publié le Modifié le 21/05/2009 Vu 68 485 fois 1
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Dissertation sur les fondements, les fonctions de la responsabilité civile

Dissertation sur les fondements, les fonctions de la responsabilité civile

Les fondements et les fonctions de la responsabilité civile

Introduction

Dans son ouvrage Les obligations, P. Malaurie rappelle que « La responsabilité suppose trois éléments : un fait générateur, un dommage et un rapport de causalité entre le fait et le dommage ». Mais qu'est ce que la responsabilité ? Si elle existe aussi en droit pénal, on s'en tiendra ici à la responsabilité civile, qui se définit selon G. Cornu, comme, « en un sens générique (qui englobe la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle), toute obligation de répondre civilement du dommage que l'on a causé à autrui, c'est-à-dire de le réparer en nature ou par équivalent ». Ainsi que son origine latine respondere (répondre), la responsabilité civile consiste à se porter garant, à répondre. En droit français, cette responsabilité est fondée sur la faute, dont devra répondre celui visé par l'action en justice.

Cette notion est apparue dans le Code civil de 1804, même si elle a pu exister avant. Elle a notamment été codifiée à travers l'article 1382, qui dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Admiré, cet article a toutefois pu être critiqué dans les pays de Common law, pour sa trop grande généralité. Certains projets de codification européenne l'ont cependant retenu (par exemple, les Principles of European Contract Law), parce que son ampleur permet de ne rien laissé échapper.

Comment s'articule cette responsabilité civile ? Pour répondre à cette question, il faudra tout d'abord étudier les différentes approches qui ont justifié cette responsabilité civile (I), avant de voir qu'elle se divise en deux distinctions majeures, entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle, qu'il faut différencier et étudier (II).

I - De l'utilité de la responsabilité civile

La responsabilité civile a été l'objet d'un fort débat doctrinal au cours du temps. Plusieurs théories se sont développées (A), mais le droit français retient toujours la théorie de la faute, même si celle ci est plus largement acceptée à travers la théorie de la « garantie », comme le montre les débats actuels (B).

A - Les théories classiques

Dans la doctrine traditionnelle, l'unique fondement de la responsabilité civile était la faute (théorie de la « faute »). Avec le contentieux des accidents de travail grandissant (avec la révolution industrielle, la théorie de la faute s'est vue insuffisante face à des dommages accidentels - « anonymes » selon Josserand - ou collectifs), on a admis par exemple qu'il pouvait dans exister une « obligation de sécurité », et que la simple constatation de l'accident prouvait une faute d'inexécution de cette obligation. La jurisprudence a donc commencé à élargir la définition de la faute, et en France, Saleilles a alors développé la théorie du « risque », sur l'idée que « toute activité qui fonctionne pour autrui fonctionne au risque d'autrui » (responsabilité du fait des choses). Josserand s'est joint à cette conception, formant la théorie du « risque ».


Planiol a fortement critiqué cette théorie, considérant que « tout cas de responsabilité sans faute, s'il était réellement admis, serait une injustice sociale », de plus la question des accidents du travail était réglée par une loi de 1898. Planiol a montré que la nécessité était à un élargissement de la conception de la faute. La responsabilité pour faute reste le fondement historique, même si la conception de la faute a pu s'élargir, c'est cette conception que l'on retrouve dans le Code civil de 1804. Ainsi, et selon G. Viney, Saleilles et Josserand ont initié un mouvement qui a permis l'élargissement des assises de la responsabilité civile (B).

B - Débat actuel et théorie de la « garantie »

Après la première guerre mondiale, on a accepté cette idée de définition large de la faute, et critiqué la théorie du risque, qui, si elle montrait la nécessité de protéger les victimes, paraissait immorale et anti-économique. Au milieu de ce débat doctrinal, la jurisprudence a opté pour une tendance à déceler « systématiquement des fautes dans des comportements pourtant parfaitement normaux et courants, dès lors qu'ils ont provoqué un dommage dont il parait souhaitable d'indemniser la victime ».


C'est ainsi que dans un mouvement d'acceptation du pluralisme des fondements de la responsabilité, Starck a dégagé une critique nouvelle, montrant que ces théories laissaient de côté le point de vue de la victime. Ainsi il plaide pour une doctrine de la « garantie », selon laquelle il faut « avant tout rechercher quels sont les droits auxquels on ne peut porter atteinte sans engager sa responsabilité et dans quelle mesure ils méritent d'être protégés contre l'activité d'autrui ». Ainsi il existerait des cas de responsabilité avec faute, et d'autres sans. Mais pour lui, les deux anciennes théories ne valent pas, puisque le fondement de la responsabilité civile serait à rechercher dans la garantie des droits essentiels de l'individu et des groupes uniquement.


Cependant, une fois étudié comment se justifie la responsabilité civile, il faut voir quelle est son articulation, et par là voir qu'elle se divise entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle (II).

II - La distinction : responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle

Le principe de non-cumul de la responsabilité délictuelle et contractuelle illustre la distinction entre la responsabilité délictuelle dont disposent les articles 1382 à 1386 du Code civil, et la responsabilité contractuelle dont disposent les articles 1146 à 1155 du Code civil. Ainsi il faut définir ces notions pour les comprendre (I), et voir qu'elles sont aujourd'hui sujettes à des exceptions et débats (II).

A - Définitions

G. Cornu définit la responsabilité contractuelle comme « l'obligation pour le contractant qui ne remplit pas (en tout, en partie, ou à temps) une obligation que le contrat mettait à sa charge, de réparer (en nature si possible ou, à défaut, en argent) le dommage causé à l'autre partie (le créancier), soit par l'inexécution totale ou partielle, soit par l'exécution tardive de l'engagement contractuel ». Ainsi elle se distingue de la responsabilité délictuelle, qui est, selon ce même auteur, « en général, toute obligation, pour l'auteur du fait dommageable (ou la personne désignée par la loi), de réparer le dommage causé par un délit civil (qui celui-ci soit ou non pénal), en indemnisant la victime, presque toujours par le versement d'une somme d'argent à titre de dommages et intérêts ».


Ainsi, ce qui les rapproche reste, pour qu'elles soient retenues, l'existence d'une faute, d'un dommage, et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage. En France, on ne peut retenir que la responsabilité d'une personne, physique ou morale. Mais cette distinction trouve son intérêt dans les régimes juridiques applicables. Outre la distinction du domaine (dans un contrat - ou pas -), cette distinction a certains intérêts, notamment quant à la charge de la preuve (pour la victime en responsabilité délictuelle, alors que pour la responsabilité contractuelle il suffirait de montrer la simple inexécution, et c'est alors le débiteur qui devrait prouver qu'il n'est pas en faute) ; aussi pour ce qui est de la gravité de la faute comme fait générateur (n'importe quelle faute pour la responsabilité délictuelle, contrat un manquement d'une certaine gravité pour la responsabilité contractuelle) ; de même que pour la prescription (10 ans pour la responsabilité délictuelle, 30 ans sauf exception pour la responsabilité contractuelle) ou l'étendue de la réparation (selon l'article 1341 du Code civil, la réparation sera limitée qu'au dommage prévisible au moment de la formation du contrat), qui pour la responsabilité contractuelle, dépend du contrat et du respect de la volonté des parties (clause limitative de responsabilité,...). Cependant, malgré ces intérêts, il existe une opposition doctrinale à la distinction de ces deux régimes de responsabilité (B).

B - Des exceptions et débats doctrinaux

Selon le principe de non-cumul, ces deux responsabilités ne sauraient se prévaloir en même temps (Ch. civ. 11 janvier 1922 pose le principe). Des auteurs ont critiqué cette division.


C'est le cas par exemple lorsqu'un tiers est en question, sur quelle responsabilité va-t-il devoir se fonder ? Les divisions se sont concentrées entre la 1e chambre civile de la Cour de cassation, considérant qu'une identité pourrait se constituer entre la faute contractuelle et la faute délictuelle, le comportement au contrat composant un fait quelconque de l'homme (article 1382) permettant réparation (1e civ. 13 février 2001). Au contraire, la chambre commerciale estimait jusqu'à 2005 que le tiers devait prouver une faute délictuelle extérieure au contrat. L'assemblée plénière a tranché le 6 octobre 2006 en faveur de la 1e chambre civile. Finalement la chambre commerciale a abandonné sa position dans un arrêt du 6 mars 2007. Cependant, cette approche est très favorable au tiers (plus qu'au contractant ?), et fausse l'application du principe de l'effet relatif du contrat, ce qui est critiquable.


On retrouve une difficulté similaire quant aux groupes de contrats. Se débat la question de la responsabilité contractuelle ou délictuelle. Dans l'état actuel des choses, on considère que dans le cas d'une chaine de contrat homogène, ou bien hétérogène translative de propriété, la responsabilité sera contractuelle. Alors que lorsque la chaine de contrat sera hétérogène et non translative de propriété, la responsabilité invoquée sera délictuelle (Ass. Plén. 12 juillet 1991).


Ainsi cependant, certains auteurs critiquent la distinction en ce qu'elle est poreuse et parfois mise à mal. Peut-on cependant aujourd'hui envisager une responsabilité commune ? S'il semble que les intérêts de la distinction s'y opposent, un certain nombre d'entorses est envisageable, et les exceptions se développent. Le droit belge reconnait lui déjà la possibilité pour le cocontractant d'envisager la responsabilité délictuelle dans un certain nombre de cas.

Corentin Kerhuel


Dernières publications juridiques de Corentin Kerhuel

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
01/04/2015 18:47

La problématique de la responsabilité délictuelle, en matière d'obligations, dans un Etat irresponsable.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.