Article co-écrit avec Coralie Barberon :
Les activités portuaires sont des activités stratégiques dans le développement des échanges mondiaux de marchandises. Pour ces activités, la géographie française présente de véritables atouts, avec notamment trois façades maritimes métropolitaines et un ancrage aux quatre coins du monde avec les départements d’outre-mer.
Toutefois, de nombreux rapports mettent en avant la difficulté pour le France à rivaliser avec ses concurrents européens, et notamment avec les ports du Nord range. C’est pourquoi depuis trente ans, de nombreuses réformes se sont succédées à la recherche d’une meilleure compétitivité du domaine portuaire français.
Entre 2007 et 2008, un certain nombre de rapports font état de la nécessaire modernisation des ports autonomes. Ainsi, en 2007 est rendu public un rapport de l’Inspection générale des finances et du Conseil Général des Ponts et Chaussées intitulé “ La modernisation des ports autonomnes” faisant état de la dégradation des parts de marché des ports autonomes français et de leur manque de compétitivité par rapport aux grands ports concurrents du « range » Nord et de la Méditerranée. Le 14 mai 2008, un autre rapport, n° 331 (2007-2008) du sénateur M. Charles REVET, au nom de la commission des affaires économiques, est rendu public. Il en ressort les atouts indéniables de la géographie française : “ses trois façades maritimes, formant l'ensemble le plus long d'Europe, la France avait à vocation à jouer un rôle de premier plan pour les transports en Europe” mais également la mauvaise performance des ports français et la nécessité de les moderniser. Enfin, au fil des réformes, s’ajoute également la volonté d’une meilleure coordination portuaire.
Finalement, une réforme des ports autonomes est intervenue en 2008 portant création des grands ports maritimes, avec la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008. Cette réforme a donc conduit à substituer les sept ports autonomes maritimes métropolitains (Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes-Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux et Marseille) en grands ports maritimes. Ces ports traitent plus de 80 % du trafic maritime de marchandises.
Le projet de loi visait, selon l’exposé des motifs, « à accroître la compétitivité des principaux ports maritimes français (...), afin d’améliorer leurs performances au service de l’économie française et de son commerce extérieur, dans le cadre de la politique des transports visant à développer les modes massifiés de transport de fret ». Finalement, trois grands axes se sont dégagés de cette réforme. Le premier étant celui d’une refonte complète du mode de gouvernance avec la mise en place d’un conseil de surveillance et d’un directoire. C’est ajouté à cela, un recentrage des grands ports maritimes sur leurs missions régaliennes et un transfert de la manutention de l’outillage portuaire et de son exploitation au secteur privé.
Toutefois, comme l’a notamment précisé le professeur Gueguen-Hallouët, cette réforme française des ports autonomes s’inscrit plus largement dans une dynamique générale européenne de libéralisation du régime de gestion portuaire. C’est en partie cette dynamique générale qui explique les choix qui ont été opérés en matière de gouvernance.
Finalement, on peut être amené à se demander en quoi la recherche d’une meilleure efficience dans le domaine portuaire a-t-elle conduit à un renouveau de l’intervention publique dans ce secteur ?
La création d’un nouvel établissement public portuaire avec les grands ports maritimes dès 2008, s’accompagne d’un certain nombre de mutation dans le domaine portuaire qui se caractérisent principalement par la mise en place d’un nouveau mode de gouvernance (I) s’inscrivant dans une démarche plus large de redéfinition de l’activité portuaire (II).
I-Des ports autonomes aux grands port maritimes : une modernisation de la gouvernance portuaire
Face à la nécessité de renouveler l’organisation portuaire afin de tendre vers une meilleure compétitivité française dans ce domaine, une loi a été adoptée le 4 juillet 2008 portant réforme portuaire. Le principal apport de cette loi est la création d'un nouveau type d’établissement public portuaire (A) : les grands ports maritimes, qui viennent se substituer aux ports autonomes (B).
A-Le choix du statut d’établissement public
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Présentation générale du statut d’établissement public
Dans le rapport précédemment évoqué de 2007, l’Inspection générale des finances revient sur les possibilités qu'avaient les parlementaires quant au choix du statut des grands ports maritimes. En effet, l’établissement public n’était pas le seul statut à leur disposition. Il aurait très bien pu être imaginé un tout autre choix, avec par exemple le choix du statut d’établissement public local ou encore celui de la société anonyme.
En effet, alors qu’on assiste pourtant depuis plusieurs dizaines d’années maintenant à un nouveau mode de gestion des infrastructures de transport qui privilégie le partenariat « public-privé » ou encore à une démocratisation du statut de la société anonyme, comme cela été le cas pour “Aéroports de Paris”, le code des transports prévoit à son article L. 5312-1 que “l'État peut créer, par décret en Conseil d'État un établissement public de l'État appelé grand port maritime ".
Les grands ports maritimes sont donc des établissements publics de l'État créés par décret et dotés de la personnalité morale ainsi que de l’autonomie financière.
Il a notamment été estimé que ce statut était mieux adapté aux missions d’aménagement, de gestion et de développement du domaine. Il a été considéré que la société anonyme n’était pas souhaitable en raison de deux motifs principaux. En raison d’une part des charges spécifiques générées par la gestion des ports, et en raison de la spéculation possible des investisseurs sur leur patrimoine foncier d’autre part.
En revanche, alors même que le choix a été fait de conserver en 2008 le statut d’établissement public, la réforme s'est largement inspirée de la société́ anonyme pour en définir le nouveau cadre de gouvernance. C’est ainsi, que l’administration des grands ports maritimes a été repensée avec la mise en place d’un directoire et d’un conseil de surveillance.
Par ailleurs, il convient de tirer les conséquences du choix de ce statut. En effet, en désignant les grands ports maritimes en tant qu’établissement public, cela entraîne la conséquence directe de les soumettre au régime auquel sont soumis les pouvoirs adjudicateurs. Autrement dit, les grands ports maritimes sont donc des entités soumises au droit de la commande publique.
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Une substitution des ports autonomes en grands ports maritimes
Le code des transports prévoit désormais quatre principales catégories de ports : les grands ports maritimes, relevant de l'État, les ports maritimes autonomes, relevant de l'État, les ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements et les ports de Port-Cros relevant pour son aménagement, son entretien et sa gestion de l'Établissement public du parc national de Port-Cros.
Par ailleurs, le rapport de l’APE sur les Participations directes de l’État de 2022 fait état de 7 grands ports maritimes dans son document annexe 1 : le Grand Port Maritime de Bordeaux, le Grand Port Maritime de Dunkerque, le Grand Port de Martinique, le Grand Port Maritime de Marseille, le Grand Port Maritime de Guadeloupe, le Grand Port Maritime de La Rochelle et enfin le Grand Port Maritime de La Réunion.
La création de ce nouvel établissement public s’est accompagnée d’un véritable bouleversement de l’administration qui était faite des ports autonomes. En 2008, la réforme met en place de nouveaux établissements publics à la gouvernance profondément modifiée.
B-La gouvernance des grands ports maritimes à la recherche d’une meilleure efficience
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Les organes de gestion des grands ports maritimes
L’idée soutenue lors de la réforme et qui a conduit à la nouvelle gouvernance des grands ports maritimes, tels qu’on les connaît aujourd’hui, est celle tenant à considérer qu’il devenait urgent d’améliorer la gouvernance portuaire afin d’en assurer une gestion plus efficace. L’idée était finalement de se calquer sur la gestion établie dans les sociétés privées. C’est la raison pour laquelle, malgré le choix du statut d’établissement public, le fonctionnement des grands ports maritimes présente certaines similarités avec celui des sociétés privées.
Pour comprendre le choix du mode de gouvernance aujourd’hui établi, il convient de revenir sur sa genèse. Dès octobre 1999, la Cour des comptes a publié un rapport intitulé « La politique portuaire française » dans lequel elle recommandait déjà une réforme des organes d’administration et notamment une réforme des conseils d’administration. Une première tentative a été faite en 2003 mais s'est soldée par un échec. En juillet 2006, un rapport de la Chambre régionale des comptes intitulé “Les ports français face aux mutations du transport maritime : l’urgence de l’action” met une nouvelle fois l’accent sur la nécessité de refonder la gouvernance des ports autonomes.
C’est finalement avec la réforme de 2008 qu’une véritable mutation dans le mode de gouvernance va être opérée. Cette réforme va conduire à substituer l’unique conseil d’administration des anciens ports autonomes en un conseil de surveillance et un directoire. Il est également prévu que soit réduit le nombre d’administrateurs de 26 à 17 dans un souci d’efficacité. Il est donc désormais prévu dans le code des transports une gouvernance duale des grands ports maritimes.
Ainsi, d’un côté, il a été mis en place un directoire, qui est l'organe exécutif des grands ports maritimes. Son président est nommé par décret après avis conforme du conseil de surveillance. Les autres membres sont nommés par le conseil de surveillance sur proposition du président du directoire. La durée de leur mandat est de cinq ans renouvelable. Actuellement, les membres du directoire des grands ports maritimes sont des salariés de l'établissement auquel ils sont rattachés. Le directoire est notamment en charge d’assurer la direction de l'établissement public, sa gestion ainsi que l'exécution des décisions du conseil de surveillance. Il est également chargé de proposer au conseil de surveillance les orientations générales de la politique de l'établissement ; de préparer et de soumettre à l'approbation du conseil et met en œuvre le projet stratégique prévu à l'article L. 5312-13 ; d’établir le budget et ses décisions modificatives, et, après approbation du conseil de surveillance, de les exécuter ; de soumettre le compte financier de l'établissement au conseil de surveillance ; d’établir le rapport annuel prévu à l'article R. 5312-31 ; d’assurer la gestion domaniale ; d’arrêter les conditions techniques et financières des autorisations d'occupation du domaine public. Enfin, le président du directoire représente le grand port maritime de plein droit devant toutes les juridictions.
De l’autre côté, il a été mis en place un conseil de surveillance chargé d’arrêter les orientations stratégiques de l'établissement et d’exercer le contrôle permanent de sa gestion. Il est composé de dix-sept membres dont cinq représentants de l'État, quatre représentants des collectivités territoriales dont deux du conseil régional, trois représentants du personnel de l'établissement et cinq personnalités qualifiées. Leur mandat est de cinq ans et peut être renouvelé. C’est notamment le conseil de surveillance qui est chargé de désigner les membres du comité́ d'audit chargé d'assister le conseil de surveillance dans sa fonction de garant de la qualité du contrôle interne. Notons que les délibérations prises par le conseil de surveillance ont un caractère impératif et sont des actes administratifs susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La composition du conseil de surveillance est très encadrée afin d’éviter tout risque de prise illégale d’intérêt.
Par ailleurs, on retrouve également la mise en place d’un conseil de développement, organe consultatif dont les missions principales sont d’émettre un avis sur le projet stratégique, sur celui des investissements et de la politique tarifaire du grand port maritime dont il dépend. Il est composé d’un collège des représentants de la place portuaire, d’un collège des représentants des personnels des entreprises exerçant leurs activités sur le port, d’un collège des représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements situés dans la circonscription du port et enfin d’un collège des personnalités qualifiées intéressées au développement du port. La durée de leur mandat est également de cinq ans. En son sein doit être créé une commission des investissements dont l’avis sera demandé pour le projet stratégique du grand port maritime, avant sa transmission pour examen au conseil de surveillance, ainsi que pour les projets d'investissements publics d'infrastructures d'intérêt général à réaliser sur le domaine portuaire et à inclure dans le projet stratégique.
Enfin, il convient de rappeler que la réforme de 2008 portait également l'ambition de la mise en place d’outils de coopération entre les ports maritimes. C’est la raison pour laquelle, il a été mis en place auprès des organes précités, un conseil de coordination interportuaire qui en l’absence de grand port fluvio maritime assurera le cas échéant, la cohérence des actions d'un ou plusieurs grands ports maritimes s'inscrivant dans un même ensemble géographique. Car effectivement, très récemment, face à une mise en œuvre inégale de ces conseils de coordination interportuaire, ont été créé avec l'ordonnance du 19 mai 2021, un nouvel établissement public dans le domaine portuaire : les grands ports fluvio-maritimes, entité qui est le résultat de la fusion entre les grands ports du Havre et de Rouen avec le port fluvial de Paris constituant désormais le grand port fluvio maritime HAROPA. Au sein de cet établissement portuaire nouvellement créé sur les bords de Seine, un « service intégré» exercera spécialement la sûreté portuaire. L’ordonnance prévoit que cet établissement aura « une mission de prévention consistant à mettre en œuvre toutes les mesures concourant à assurer la sûreté du transport maritime et des opérations portuaires qui s'y rattachent et, le cas échéant, à la sécurité des personnes et des biens, et à la protection du patrimoine de l'établissement, ou à la mise en œuvre d'actions concourant au bon fonctionnement de l'établissement ».
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L’autonomie des grands ports maritimes vis à vis de l’État
Comme l’a mis en avant J. Guillaume, le secteur portuaire est traditionnellement marqué par «un interventionnisme précoce» de l’État. En effet, avant la première étape de décentralisation les ports maritimes relevaient exclusivement de la compétence de l’État. Toutefois, avec l’entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 1983, une décentralisation de certains ports a été opérée (que la gestion des ports de plaisance, des ports secondaires de commerce ainsi que des ports de pêche). Puis en 2004, ce sont les ports d’intérêt nationaux qui ont été transférés aux collectivités. Toutefois, l'État est resté pendant très longtemps compétent pour les ports les plus stratégiques dans le commerce maritime.
Nous remarquons par ailleurs, que les nombreuses décentralisations dans le domaine portuaire n’ont pas modifié le principe selon lequel tous les ports relèvent d’une personne de droit public.
Enfin, en 2008 intervient donc la réforme portant création des grands ports maritimes. Cette réforme marque l’abandon de la référence à l’autonomie dans l’intitulé qui est fait de ces établissements publics. On peut donc être amené à se demander ce qu’il reste finalement de cette autonomie et donc à fortiori, quelle est la tutelle opérée par l’État sur les grands ports maritimes. Tout d’abord il convient de rappeler que les modalités d'exercice de la tutelle de l'État ne sont pas expressément précisées dans la loi.
Même si l’autonomie dans le domaine portuaire est limitée, elle ressort renforcée et renouvelée avec la réforme de 2008, puisqu’elle consacre un nouveau modèle de gestion publique. Désormais, tout en gardant la mainmise sur la gestion portuaire, l'État se replie dans un rôle de régulateur chargé d'arbitrer les échanges entre les divers intérêts qui peuvent désormais s'exprimer au sein de l'établissement public. La relation entre l'État et les grands ports maritimes se matérialise par la contractualisation d'objectifs et de moyens sur « le calendrier et les grandes orientations ainsi que sur la mise en œuvre des politiques de développement durable et d'aménagement du territoire ».
Toutefois, il convient d’affirmer que l'État est encore très présent dans la gestion qui est faite des grands ports maritimes. Il possède notamment un pouvoir discrétionnaire pour fixer par décret le régime juridique des ports maritimes ou pour prévoir la délimitation de la circonscription du port, c’est-à-dire, le périmètre à l'intérieur duquel l'établissement public a vocation à intervenir notamment pour exercer ses missions de nature régalienne. Elle est délimitée côté mer et côté terre, après enquête, par arrêté du préfet de région. Il est également compétent en matière de police dans les ports, puisque l’Etat est chargé de « fixer les règles relatives à la sécurité du transport maritime et des opérations portuaires ».
Toutefois, c’est avant tout par le biais du conseil de surveillance des grands ports maritimes que l’État continue d’en opérer le contrôle, avec notamment le pouvoir d’en désigner le responsable. Finalement, bien que le Conseil de surveillance comporte quatre catégories différentes de membres (des représentants de l'État, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements des représentants du personnel de l'établissement, et des personnalités nommées par l'État), ce qui permet en apparence une représentation pluraliste des intérêts, cette composition se caractérise toujours par une mainmise de l'État sur la grande majorité des nominations.
Par ailleurs, la volonté de faire davantage intervenir des représentants des collectivités territoriales dans le processus de gestion des grands ports maritime diminue certes la dépendance de l’établissement public vis-à-vis de l'État mais accroît sa dépendance vis-à-vis des autorités publiques et diminue encore un peu plus son autonomie de gestion.
En revanche, il convient de remarquer un dessaisissement par l’Etat de la gestion des autres ports d’une plus faible importance. En effet, la gestion de ces ports a été décentralisée et partagée entre les collectivités territoriales. Ainsi, selon le schéma classique, les régions détiennent les ports de commerce, les départements les ports de pêche, et les communes les ports de plaisance.
II-Des ports autonomes aux grands port maritimes : une redéfinition de l’activité portuaire
Ainsi que le souligne Maître Corruble, « longtemps classifiés comme des « ports service » - modèle du port opérateur -, c'est-à-dire sous une gestion publique tant dans le foncier que dans les opérations commerciales, les ports de la Méditerranée, rive Sud et Nord confondus, ont profondément évolué en adoptant le modèle du port propriétaire afin de répondre plus efficacement aux évolutions du transport maritime international dont la croissance exponentielle a entraîné de profonds bouleversements ».
Ainsi, la gestion des ports maritimes a évolué. Cette évolution s'inscrit via un nouveau mode de gestion privilégiant le partenariat public-privé et en libéralisant leur condition d’exploitation. Cela passe par un recentrage des grands ports maritimes autour des missions régaliennes (A), mais également par de nouveaux outils permettant le renouvellement de la stratégie des grands ports maritimes (B).
A-Le recentrage des grands ports maritimes autour des missions régaliennes
Le grand port maritime se voit confié un nombre importants de missions, ainsi qu’en dispose l’article L. 5312-2 du code des transports : « le grand port maritime (…) est chargé, selon les modalités qu'il détermine, des missions suivantes : 1° La réalisation, l'exploitation et l'entretien des accès maritimes ; 2° La police, la sûreté et la sécurité, au sens des dispositions du titre III du présent livre et au sens du troisième alinéa de l'article L. 5331-7 pour le secteur fluvial du grand port fluvio-maritime, ainsi que les missions concourant au bon fonctionnement général du port ou de l'ensemble portuaire ; 3° La gestion et la valorisation du domaine dont il est propriétaire ou qui lui est affecté ; 4° La gestion et la préservation du domaine public naturel et des espaces naturels dont il est propriétaire ou qui lui sont affectés ; il consulte le conseil scientifique d'estuaire, lorsqu'il existe, sur ses programmes d'aménagement affectant les espaces naturels, dans le seul secteur maritime pour le grand port fluvio-maritime ; 5° La construction et l'entretien de l'infrastructure portuaire, notamment des bassins et terre-pleins, ainsi que des voies et terminaux de desserte terrestre, notamment ferroviaire et fluviale, auxquels s'ajoute, pour le secteur fluvial du grand port fluvio-maritime, l'exploitation des installations portuaires publiques utilisées par la navigation de commerce ; 6° La promotion de l'offre de dessertes ferroviaires et fluviales en coopération avec les opérateurs concernés ; 7° L'aménagement et la gestion des zones industrielles ou logistiques liées à l'activité portuaire ; 8° Les actions concourant à la promotion générale du port ou de l'ensemble portuaire du grand port fluvio-maritime ».
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L’interdiction nouvelle de prise en charge de certaines activités
a.)La propriété des engins : le transfert des outillages publics aux entreprises du secteur privé
La nature juridique de l'établissement public portuaire pourrait évoluer du fait de l'interdiction imposée par le législateur aux grands ports maritimes métropolitains de détenir et d'exploiter, sauf exceptions, des outillages publics utilisés pour les opérations de chargement, de déchargement, de manutention et de stockage liées aux navires. Pour déroger à ce transfert, il faut soit que les outillages publics conservés par le grand port maritime soient expressément prévus dans son projet stratégique et approuvés par l'autorité de tutelle, soit recourir à la filialisation. En effet, les GPM pourront posséder et exploiter les outillages, si leur exploitation se fait, selon l’article L. 5312-4 du code des transports :
1° En régie ou par l'intermédiaire de filiales, à condition qu'il s'agisse d'activités ou de prestations accessoires dans l'ensemble des activités d'outillage présentes sur le port ;
2° Par l'intermédiaire de filiales pour un motif d'intérêt national
3° Par l'intermédiaire d'une filiale, après échec d'un appel à candidatures organisé en application de l'article 9 de la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire ;
4° En détenant des participations minoritaires dans une personne morale de droit privé.
Dans ces hypothèses, les textes prévoient que l'outillage public est concédé par la voie d'une convention de terminal ou, lorsque l'opérateur fournit les outillages nécessaires à ses besoins, par l'octroi d'une autorisation d'outillage privé avec obligation de service public. En métropole, cette mission peut aussi être assurée par le GPM, après accord de l'État dans des hypothèses « exceptionnelles » ou en cas de carence de l'initiative privée. D'ailleurs, la Cour des comptes relève qu'une partie des GPM métropolitains a encore recours à une gestion par le biais de filiales contrôlées à 100 % des outillages publics portuaires.
b.)Le transfert des employés
La réforme des GPM conduit également à transférer les contrats de travail des anciens ports autonomes aux nouvelles entités privées chargées d’exploiter l’outillage. Ce transfert passe par la création d’« opérateurs unifiés » de terminaux. Comme le met en exergue G. Guerlet dans sa thèse, ”les modalités de transfert du personnel vers les entreprises de manutention et la détermination des conditions d'emploi doivent intervenir selon trois étapes : un accord au niveau de chaque grand port maritime, un accord-cadre applicable à cette catégorie d'établissement et enfin l'adoption d'une convention collective unique pour le personnel des gestionnaires de ports maritimes et des entreprises de manutention”.
Cette mesure est marquée par son caractère fortement dérogatoire au droit commun du travail. En effet, l’article L. 1224-1 du code du travail dispose que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise». Cette disposition implique le transfert d'une entité économique autonome, laquelle est définie par la jurisprudence comme « un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels, permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ».
2. Une discutable qualification du statut d’EPIC
En 1965, le législateur a désigné les ports autonomes comme des Établissements publics sans en préciser la nature. La loi n°2008-660 du 4 juillet 2008 a transformé les ports maritimes autonomes en métropole en grands ports maritimes, cette réforme fut étendue à certains ports d’outre-mer avec la loi n°2012-260 du 22 février 2012. Ces textes font des grands ports maritimes des établissements publics de l’État créés par décret et dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
En ce qui concerne leur caractère administratif ou industriel et commercial, un débat a éclaté entre les deux ordres de juridictions. Pour le Conseil d’Etat, les ports autonomes sont des établissements mixtes, exerçant à la fois des missions de service public à caractère administratif et des missions à caractère industriel et commercial, tandis que pour la Cour de Cassation, il s’agit d’un établissement public à caractère industriel et commercial exerçant des missions de service public.
La réforme de 2008, n’a pas aidé à éclaircir le débat, puisqu’il est précisé, article L. 5312-1 du code des transports que l'Etat peut créer, par décret en Conseil d'Etat, un établissement public de l'Etat appelé "grand port maritime ".
Selon l’approche classique du doyen Hauriou, un établissement public est généralement défini comme la personnification d'un service public. En d’autres termes, les critères de distinction entre les deux services sont consacrés dans la nature juridique de la personne en cause, la nature de la prestation et le droit applicable. Ainsi en fonction de l’activité concernée, la catégorie d’établissement public sera différente (service public administratif (SPA) pour l’établissement public administratif (EPA) et service public industriel et commercial (SPIC) pour l’établissement industriel et commercial (EPIC)).
Toutefois, comme le souligne G. Guerlet dans sa thèse, les GPM se voient confier la prise en charge d’activités relevant en même temps des SPA et des SPIC, une approche de la doctrine consiste alors à parler de “régime mixte”. Les juridictions administratives ont en effet qualifié de services publics administratifs la gestion du domaine public portuaire, l'organisation de l'embauche des dockers, la réalisation d'aménagements portuaires et l'exercice de la police, l'entretien des ouvrages. Ces mêmes juridictions ont caractérisé l’existence de SPIC pour l'exploitation des outillages publics, des ports de plaisance, du remorquage portuaire. Les juges administratifs ont également retenu l’existence d’un service public pour les opérations de chargement, de déchargement, de manutention et de transport de marchandises dans les enceintes portuaires, même si ces opérations ne soient pas systématiquement assujetties à des obligations de service public.
Toutefois, avec la réforme portuaire de 2008, les GPM ont vu leurs missions repensées autour de missions régaliennes liées à la gestion du domaine public maritime artificiel de l’Etat et au domaine public naturel, passant du statut de “port outil” à celui de “port propriétaire”. Ce qui pourrait laisser penser qu’ils sont devenus des EPA. Toutefois, cette présomption doit être étudiée à l’aune du faisceau d’indice de l’arrêt CE, 16 nov. 1956, n° 26549, Union syndicale des industries aéronautiques.
Selon Romain Vincent, si on applique le faisceau d’indice tel que mis en place par la jurisprudence traditionnelle, il apparaît que la qualification de SPIC pour les GPM soit finalement la plus appropriée. Ces indices bien connus tiennent à l'objet de l'activité, les sources de financement, le mode d'organisation et de fonctionnement de l'établissement public.
D’abord, concernant le critère de l’objet, « la question est de savoir si le service effectue des opérations de production, d’achat, de vente, de louage, qui s’apparentent à celles des entreprises privées ». Comme le met en exergue Romain Vincent, « à priori, c'est bien le cas pour les GPM, même si leur mission comprend aussi des attributions régaliennes. Cette coexistence d’activités administratives et commerciales ne s’oppose pas au renversement de la présomption d’administrativité. Ce caractère hybride oblige juste d’approfondir la caractérisation du critère de l’objet. Le GPM a en charge un « service public portuaire , dont la définition n'est pas précisément déterminée et dépend largement du domaine public sur lequel s'exerce l’activité”. En effet, ont pu être qualifiés de SPA : la réalisation d'aménagement portuaire et l'exercice de la police ou la gestion du domaine public portuaire. Tandis que sont qualifiés de SPIC : l'exploitation des outillages publics ou l'exploitation d'un port de plaisance. Comme le rappelle Romain Vincent, "dans une première lecture, la liste des missions fixées par l'article L. 5312-2 du code des transports présente un caractère administratif prépondérant : police de la conservation du domaine maritime, de la construction d'infrastructures portuaires ou de l'entretien des accès maritimes”. Les jurisprudences récentes rappellent que la mission principale du GPM est la gestion du domaine public portuaire (conservation, valorisation) : CE, 27 mars 2015, Société Nautech, qu'il dispose de prérogatives de puissance publique : pouvoir d'exécution d'office en matière de marché de travaux (CAA Douai, 10 déc. 2009, GPM du Havre, n° 08DA00769) pouvoir de modification de la redevance d'une autorisation d'occupation temporaire en cours d'exécution (CAA Nantes, 7 fév. 2020, M. C. E. c/ GPM de Nantes Saint-Nazaire, n° 18NT00759) pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général (CAA Bordeaux, 31 oct. 2019, SAS Bordeaux Atlantique terminal, n° 16BX02763 ; CAA Paris, 5 fév. 2020, CCI de la Réunion, n° 17PA22887). On peut également souligner que l'ordonnance du 19 mai 2021 relatives aux contraventions de grande voirie et les jurisprudences récentes confirment l'étendue des facultés du GPM pour faire cesser d'office toute emprise irrégulière sur une dépendance domaniale et réclamer une remise en état conforme à son affectation (CE, 15 juin 2016, n° 384380, Préfet de la Gironde ; CAA Marseille, 30 oct. 2020, n° 18MA01431, SA Guy Dauphin environnement ; C. transp., art. L. 5337-1 ). De même, il dispose de larges pouvoirs en matière de sûreté et de sécurité portuaire, renforcés au profit du nouveau GPFM avec la création d'un « service intégré de sûreté portuaire ». Néanmoins, pour Romain Vincent, « une lecture plus approfondie du même article L. 5312-2 C. transp, montre que le GPM assume aussi, et peut-être surtout, des activités à caractère industriel et commercial qui se concrétisent via des « concessions maritimes ». Leur rattachement au service public pose d’ailleurs des difficultés à la Cour des comptes comme à la doctrine, elles n'en demeurent pas moins une modalité d'exécution des SPIC. Il est possible de citer le cas des concessions de ports de plaisance, tandis que la manutention et de l'outillage portuaires fait l’objet d'un plus large débat. La loi de 2008 oblige les GPM de métropole la cession de l'outillage public, semblant condamner l'existence d'un service public d’outillage. Toutefois, comme le rappelle justement Romain Vincent « même s'ils relèvent d'une utilisation privative, ces biens participent « au bon fonctionnement global du port » et, en conséquence, ne sont pas soustraits au service public portuaire dont ils ne sont pas dissociables ». La jurisprudence relative aux concessions de terminal portuaire, en l’espèce une concession de service, sans service public, renforce d’ailleurs ces propos. En ce sens, dans un GPM d'outre-mer, comme dans le secteur fluvial du GPFM, l'exploitation de l'outillage et la manutention demeurent des missions de SPIC. Ces éléments de notre démonstration confirment le maintien du SPIC de la manutention portuaire dans les missions du GPM. En outre, la loi donne au GPM comme mission principale, la valorisation des dépendances domaniales, ce qu'il effectue par le biais des différents SPIC portuaires. Les activités de SPA, relatives à la réglementation et à la protection du domaine public portuaire, sont donc des accessoires nécessaires à l'exercice des missions de SPIC du GPM. C'est ce qui permet à R. Rézenthel d'affirmer que coexistent deux formes de services publics dans les différentes missions prises en charge par le GPM.
Ensuite, en ce qui concerne le critère du financement, il renforce le caractère industriel et commercial du GPM. Ce financement est largement mixte, mais il demeure majoritairement composé de redevances des usagers. L'essentiel des ressources des GPM provient des produits d'exploitation liés aux droits de port et aux redevances perçus dans le cadre d'activités industrielles et commerciales. Certes, les collectivités territoriales octroient des subventions et les GPM sont dotés de fonds propres issus de la personne publique ayant créé l’établissement. En d’autres termes, le GPM est détenu à 100 % par l'État à travers son Agence des participations. Et certes, le GPM demeure soumis au contrôle des juridictions financières, mais cela ne suffit pas à retenir le caractère administratif du GPM. De plus, en matière fiscale, le Conseil d'État considère que l'article 165 de l'annexe IV du code général des impôts, relatif aux EPIC assimilés ici à des « entreprises privées », s'applique aux GPM et permet de retenir que les immeubles dont ils sont propriétaires constituent des sources de revenus imposables au titre de la taxe foncière.
Enfin, concernant le critère de l’organisation et du fonctionnement, le GPM doit exploiter ses activités de façon similaire qu’une société commerciale. Le juge vérifie notamment la nature de la comptabilité, le régime juridique du personnel, le contrôle de l'autorité de tutelle ou encore l'environnement concurrentiel dans lequel s'exerce le service. Le GPM est immatriculé au registre du commerce et des sociétés sous la forme d'un « EPIC national doté d'un comptable public ». En ce qui concerne la comptabilité, il applique les principes de la comptabilité publique fixés par le décret du 7 novembre 2012. Nonobstant ces textes, l'article R. 5312-67 du code des transports comporte plusieurs dérogations à cette règle, notamment la possibilité de recourir à la comptabilité privée. De même, l’Etat octroie une “tolérance” aux GPM, leur permettant d’utiliser la comptabilité privée, en plus de celle publique obligatoire. Dans ce sens, le Conseil d’Etat relève que pour les « exercices comptables en cause » du GPM de Dunkerque, la comptabilité de l'établissement est assurée « dans les conditions prévues pour les EPIC dotés d'un agent comptable », ce qui met bien en exergue le caractère industriel et commercial du GPM. De plus, le personnel du GPM est soumis aux règles du droit du travail et non à celles du droit public. En outre, la réforme a diminué la tutelle de l’Etat. L'État dispose toujours de plusieurs représentants au conseil de surveillance et au conseil de développement du GPM, cependant ils ne constituent pas un empêchement à l'exercice de ses missions, notamment à caractère industriel et commercial, non plus qu'à sa qualification en EPIC. En effet, l’EPIC doit disposer d'une très large autonomie dans sa gouvernance quotidienne, comme c'est le cas d'un GPM.
Ainsi, il est donc possible de conclure que les GPM constituent des EPIC. Néanmoins, on peut s’interroger sur la compatibilité avec le droit européen d’une telle nature d’établissement public, notamment lorsqu'on sait que le droit de l’Union européenne appréhende le statut d’EPIC comme une infraction au droit concurrentiel « per se ». À ce titre, le juge européen ne fait pas de distinction, et a recours aux traditionnels service universel et SIEG. Par exemple, à propos du lamanage (c'est-à-dire les services d'amarrage et de désamarrage, y compris de déhalage le long du quai, nécessaires à la manœuvre en toute sécurité d'un bateau dans le port ou dans la voie navigable d'accès au port), la Cour de justice a qualifié cette activité, à la fois de service d'intérêt économique général et de service universel. Elle a en outre défini les critères du service public au regard du droit de l'Union européenne, à savoir : l'universalité, la continuité, la satisfaction d'exigences d'intérêt public, la réglementation et la surveillance par l'autorité publique.
B-Le renouvellement de la stratégie des grands ports maritimes
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Une nécessaire prise en compte des enjeux de concurrence et environnementaux
a.)L’environnement
Au regard de l’urgence environnementale, les GPM se doivent également de participer à la mise en place de la décarbonisation de notre économie. Par exemple, le transport maritime a produit 13,5% des émissions totales de gaz à effet de serre de l'Union européenne (UE) en 2018.
À ce titre, les enjeux environnementaux sont évoqués aux articles L5312-14-1 ou L5314-12 qui déterminent le cadre dans lequel doivent s’exercer leurs compétences en la matière. Ainsi, dans les limites de sa circonscription, le grand port maritime veille à l'intégration des enjeux de développement durable dans le respect des règles de concurrence.
Premièrement, des outils spéciaux sont mis en place pour lutter contre l’émission des gaz à effet de serre par les GPM.
En droit international, les activités des ports sont soumises aux objectifs internationaux et européens de lutte contre les GES qui pèsent sur chaque État. En revanche, les émissions des navires participant au transport maritime sont soumises au droit issu de l’OMI.
En droit européen, les activités portuaires, hors émissions des navires de transport maritime, obéissent au droit du climat de l'UE. Ces activités peuvent être rattachées au système d'échange de quotas pour ce qui est des industries, mais les autres activités émettrices concernant le transport ne sont pas prises en compte par des textes spécifiques et entrent donc dans le champ des efforts que doit réaliser chaque État en matière de réduction de gaz à effet de serre. Afin de respecter les engagements du protocole de Kyoto et les autres engagements climatiques de l'UE, un règlement n°525/2013 a établi des systèmes d'inventaires nationaux.
En droit français, en droit français, la réduction des gaz à effet de serre a constitué un des objets des lois Grenelle 1 et 2 adoptées respectivement en 2009 et en 2010 (loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (ENE), décret n°2011-829 du 11 juillet 2011 relatif au bilan des émissions de gaz à effet de serre et au plan climat-énergie territorial). Ainsi, l'article L 229-25 C. env. prévoit l'obligation de réaliser un bilan d'émissions de gaz à effet de serre (BEGES) pesant sur certaines catégories de personnes dont les personnes morales de droit public employant plus de deux cent cinquante personnes. Les propriétaires ou les concessionnaires de ports maritimes entrant dans le champ d'application de l'article L 229-25 doivent ainsi établir un BEGES. C'est notamment le cas des grands ports maritimes. La loi de transition énergétique de 2015 a renforcé les exigences liées au BEGES en ce qui concerne la périodicité de réalisation des bilans - tous les trois ans pour les personnes publiques -, la mise en place de sanctions et les modalités de publication et de transmission des bilans. Les personnes doivent aussi produire «une synthèse des actions envisagées pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ». Le contenu des bilans d'émissions de gaz à effet de serre ne diffère pas des méthodes du droit international. Il est distingué en deux catégories d'émissions : les émissions directes (sources fixes ou mobiles) et les émissions indirectes, ces dernières étant elles-mêmes scindées entre les émissions associées à l'énergie et les autres émissions indirectes.
Par ailleurs, la Stratégie nationale portuaire de 2021 implique la mise en place de plan de « transition écologique portuaire » dans chaque grand port maritime. Un volet des plans transition écologique portuaire des grands ports maritimes sera consacré à l’économie circulaire et à l’écologie industrielle. Ces plans incluent une feuille de route pour le déploiement de carburants alternatifs à horizon 2025. Les schémas directeurs de gestion de la biodiversité seront mis en place au sein des ports ou pérennisés pour ceux qui existent déjà.
De plus, chaque GPM doit mettre en place un Conseil d’estuaire (loi du 4 juillet 2008 et Décret n°2009-68 du 19 janvier 2009 portant composition et fonctionnement des conseils scientifiques d’estuaires). Ces conseils sont composés de personnalités qualifiées à raison de leurs compétences scientifiques en matière de préservation et de gestion des espaces naturels, nommées pour cinq ans par les préfets concernés. Ces conseils permettent la participation des associations de défense de l’environnement. Ils peuvent connaître de l’ensemble des questions relatives à la préservation de l’estuaire, à sa gestion, à l’aménagement de ses milieux naturels ainsi qu’aux activités et travaux susceptibles d’avoir un impact sur ces milieux.
Le droit commun de l'environnement et de l'urbanisme s’applique aussi. Par exemple, les études d'impact sont obligatoires pour tout projet de création, d'aménagement ou d'extension d'un port. Comme le souligne aussi G. Guerlet dans sa thèse, “les règles d'aménagement du littoral intègrent la prise en compte de l'environnement dans les projets d'infrastructures portuaires. Au niveau européen, une directive concerne les installations de réception portuaires de novembre 2000. Cette directive permet, à travers l'installation de réceptacles pour les déchets d'exploitation des navires et les résidus de cargaison, de lutter contre les rejets illicites en mer, rejets qui constituent une véritable atteinte à l'environnement marin. S’ajoutent également la directive de 1979 sur la conservation des oiseaux et la directive de 1992 sur la conservation des habitats naturels mettent en place le célèbre réseau écologique européen Natura 2000, composé de zones de protection spéciale et de zones spéciales de conservation”.
b.)La concurrence et les GPM
Le droit de la concurrence s’applique aux entreprises, c’est-à-dire toute entité, indépendamment de sa forme juridique et de son mode de financement. L’activité économique se définit comme toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. Or ne constitue pas une activité économique l’exercice de prérogatives de puissance publique, telles que (exemple de mission de police au sein des GPM). À l’inverse, par exemple les opérations d' embarquement, de débarquement, de transbordement, de dépôt et de mouvement en général des marchandises ou de tout matériel dans le port sont considérées comme des activités économiques.
La cour de justice de l'Union Européenne a estimé que l'exploitation d'un port de commerce ne relève pas nécessairement de la gestion d'un service d'intérêt économique général, et qu'une telle activité « n'entraîne pas automatiquement l'accomplissement de missions de service public ».
Entités économiques à part entière, les ports sont également des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général visées à l'article 106 du TFUE, auxquelles les règles de concurrence ne s'appliquent que de façon limitée.
En raison du monopole de gestion des ouvrages portuaires, ces établissements exercent une position dominante.
L'autorité portuaire bénéficie légalement d'un droit exclusif pour gérer le domaine public portuaire et peut en concéder la totalité ou seulement une partie. La maîtrise de la gestion du domaine public confère à l'autorité portuaire une position dominante. Le seul fait de créer une position dominante n'est pas de nature à porter atteinte aux dispositions du traité CE sur le droit de la concurrence, contrairement à l'exploitation abusive de cette position dominante qui est interdite. Il en est ainsi d'une loi nationale qui attribue à une entreprise portuaire le droit exclusif de fournir de la main d’œuvre temporaire aux concessionnaires de terminaux et aux entreprises autorisées à opérer sur le port, et qui permet à cette entreprise de concurrencer les services portuaires des concessionnaires.
À ce titre, la Cour de justice a pu recourir à la notion d’abus de position dominante automatique, pour sanctionner l’octroi de droits exclusifs non justifiés. monopole des bateaux pilotes assurant l’entrée dans le port. Elle a pu sanctionner sur ce fondement l'octroi d’un monopole à certains bateaux permettant l’entrée dans le port de plus grands navires.
Certaines décisions prises par l'autorité portuaire présentent un caractère abusif ou donnent lieu à des ententes illicites, notamment en matière tarifaire.
Enfin, on peut évoquer la théorie des facilités essentielles. Les autorités portuaires doivent permettre aux usagers d’utiliser les terminaux gérés par des opérateurs privés dès lors que les conditions techniques et de disponibilité sont réunies.
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Le recours à la contractualisation stratégique
a.)Au niveau national
La Cour des comptes dans ses différents rapports met en exergue la difficulté à mettre en œuvre la volonté du législateur de « planifier » les investissements de façon stratégique. Par exemple, elle souligne que les plans stratégiques locaux ne prennent pas suffisamment en compte l’avis des autres parties prenantes. De plus les différents outils stratégiques s’articulent mal : « les investissements envisagés, exprimant la vision des environnements concurrentiels des GPM, ces projets demeurent isolés, indépendants les uns des autres ».
À cette fin, a été adoptée la stratégie nationale portuaire en 2021. Une nouvelle stratégie nationale portuaire a été adoptée par le Comité interministériel de la mer du 22 janvier 2021 poursuit un objectif clair de reconquête de parts de marché et de développement économique des ports, à horizon 2025-2050.
Des plans Etat-Région, déclinants la stratégie nationale portuaire, ont pour objet de définir des projets de développement et accélérer la transition écologique des grands ports maritimes à travers la ligne portuaire du plan de relance maritime, en complément des contrats de plan. Ces plans sont pilotés par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.
Un autre outil stratégique, ex post, sont les évaluations nationales fournies par l’Observatoire de la performance portuaire et des chaînes logistiques. L’objectif étant d'obtenir des données permettant la comparaison des coûts de passage portuaire des ports français avec leurs concurrents européens.
b.)Au niveau portuaire
Le code des transports dispose que chaque GPM conclut un contrat pluriannuel avec l’État, qui précise les modalités de mise en œuvre du projet stratégique dans leurs domaines de compétences respectifs. Ces engagements peuvent notamment porter sur la politique portuaire de report modal au bénéfice de modes de transport massifiés. Il porte également sur la politique de dividendes versés à l’État. Il peut également préciser les correspondances entre les engagements du Grenelle de l'environnement et le contrat pluriannuel.
L'article 7 de la PPL Vaspart propose d'inscrire dans le code des transports l'institution, pour chaque GPM, d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de performance conclu avec l'État et les collectivités territoriales intéressées, dans lequel serait traduite la SNP.
La CDC appelle de ses voeux l’application et le renforcement du cadre législatif de ces contrats : « Se pose ainsi la question du sens d’un projet stratégique : en l’absence de contrat pluriannuel avec l’État, ou de plan d’entreprise, le projet stratégique se résume avant tout à une trajectoire financière. La situation de l’établissement, et notamment son endettement, détermine la stratégie du port ».
La loi portant réforme portuaire a prévu la réalisation par chaque GPM d’un projet stratégique. Lorsqu'ils ne sont pas prévus, il est toutefois possible de recourir également aux plans d’entreprises comme à Marseille entre 2009 et 2012. Ce projet est prévu par l’article L5312-13 du code des transports qui dispose que « pour l'exercice des missions définies à la section 1, le projet stratégique de chaque grand port maritime détermine ses grandes orientations, les modalités de son action et les dépenses et recettes prévisionnelles nécessaires à sa mise en œuvre. Il doit être compatible avec les orientations nationales en matière de dessertes intermodales des ports et les orientations prévues par le document de coordination (...), lorsqu'il existe. Il comporte des documents graphiques indiquant les différentes zones et leur vocation, notamment les zones ayant des enjeux naturels ».
Sources :
Articles et fascicules :
Le grand port maritime - Un louvoyage difficile entre les visages de l'établissement public – Romain Vincent – RFDA 2022. 329
Encyclopédie des collectivités locales, Chapitre 18 (folio n°4390) - Compétences des collectivités territoriales : ports, voies d'eau et liaisons intérieures, Farid BELACEL
Fasc. 1194 : Ports maritimes – Notion. Service public. Aménagements. Régimes domaniaux, Robert Rézenthel et Frédéric Allaire, Lexis Nexis
Un port pour la Seine, F. Blanc, Droit Administratif n° 8-9, Août 2021, alerte 125
Le Droit Maritime Français, N°812, 1er avril 2019 ‐ HAROPA : pas haro, mais peut‐être pas hourra... la fusion nous mènera‐t‐elle à bon port ?, Lamyline, Philippe CORRUBLE
Le Droit Maritime Français, No 804, 1er juillet 2018 ‐ La réforme portuaire a dix ans, Lamyline, Robert RÉZENTHEL
Le Droit Maritime Français, No 836, 1er juin 2021 ‐ Le grand port fluvio‐maritime : une nouvelle catégorie d’établissement public, Robert RÉZENTHEL
Le Droit Maritime Français, No 773, 1er octobre 2015 ‐ Le régime des ports maritimes en Italie et en France, Giovanni MARCHIAFAVA, Robert RÉZENTHEL
Le Droit Maritime Français, No 815, 1er juillet 2019 ‐ Les infrastructures portuaires et les changements climatiques, Nicolas BOILLET
Le Droit Maritime Français, No 838, 1er septembre 2021 ‐ Les services publics portuaires aujourd’hui, Florence LERIQUE, Robert RÉZENTHEL
Rapports :
Rapport n°S2016-2969 de la Cour des comptes relatif au Grand port maritime de Marseille
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-614 du 19 mai 2021 relative à la fusion du port autonome de Paris et des grands ports maritimes du Havre et de Rouen en un établissement public unique, Journal Officiel du 20 mai 2021- Numéro 116
Rapport public thématique de la Cour des comptes sur Les ports français face aux
mutations du transport maritime : l’urgence de l’action, Juillet 2006
Thèses :
La gestion des ports par une entité publique : aspects européens et environnementaux, G. Guerlet
Ouvrages :
S. Nicinski, Droit public des affaires