Veille juridique de la semaine du 19 février 2024 (DPA)

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Comme chaque semaine ci-dessous ma veille juridique en matière de droit public des affaires pour la semaine du 19 février 2024. Excellente lecture !

Comme chaque semaine ci-dessous ma veille juridique en matière de droit public des affaires pour la semaine d

Veille juridique de la semaine du 19 février 2024 (DPA)

Veille juridique (Droit public des affaires) de la semaine du 19 février 2024

 

I.        Veille jurisprudentielle

I.1 Contrats publics :

C.E. 16 février 2024, req. n° 488524 - Précision des conditions d’application dans le temps de la possibilité d’exclure de la procédure de passation d’un marché public un opérateur condamné ou soupçonné de faits de nature à remettre en cause le professionnalisme et fiabilité du candidat (art. L. 2141-8 et L. 2141-11 du CCP).

T.A. de Paris, 6 février 2024, req. n° 2212687 – La clause de résiliation de la DSP Autolib’ permettant au concessionnaire de résilier le contrat si le concédant ne procède pas au versement d'une compensation financière passé le délai de trois mois suivant la notification par la société Autolib' de l'absence d'intérêt économique du contrat est illégale, notamment au regard de la jurisprudence Grenke Location. Il s’en suit que  l’illégalité de cette clause peut être excipée par la voie de l’exception d’illégalité pour annuler la délibération du comité syndical qui constate la résiliation de la convention de délégation de service public, les délibérations budgétaires fixant pour chacune des collectivités membres une contribution complémentaire par année budgétaire au budget Autolib' et in fine les avis des sommes à payer adressés aux collectivités membres du syndicat.

I.2. Contentieux administratif :

C.E. 16 février 2024, req. n° 444996 – Première application de la jurisprudence Legros de la C.E.D.H par le Conseil d’Etat : non application de la jurisprudence Czabaj pour des faits antérieurs à ladite jurisprudence.

I.3. Droit des aides d’Etats et arbitrage :

C.J.U.E. 22 février 2024, affaires jointes n° C‑701/21 P et C‑739/21 P – Une sentence arbitrale n’est pas une aide d’Etat (en tout cas dans cette espèce).

II.       Veilles légilsative, réglementaire et autres

Commande publique :

Première enquête approfondie de la Commission européenne au titre du règlement relatif aux subventions étrangères.

Nouvelle fiche de la DAJ - Les méthodes de notation du critère prix dans les marchés publics

Décret n° 2024-134 du 21 février 2024 relatif à l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées et à l'interdiction d'acquisition par l'Etat de produits en plastique à usage unique

 

 

 

I.         Veille jurisprudentielle

 

I.1 Contrats publics :

 

C.E. 16 février 2024, req. n° 488524 - Précision des conditions d’application dans le temps de la possibilité d’exclure de la procédure de passation d’un marché public un opérateur condamné ou soupçonné de faits de nature à remettre en cause le professionnalisme et fiabilité du candidat (art. L. 2141-8 et L. 2141-11 du CCP).

 

1 – Faits et procédures. En l’espèce, une société a déposé une offre au d’un lot d’un marché public portant sur les peintures et revêtements de sol suite à un avis d'appel public à la concurrence publié en mars 2023 par le département des Bouches-du-Rhône, en vue de la construction d'un collège à Châteauneuf-les-Martigues. L'associé majoritaire, également gérant, de la société candidate avait été condamné pour corruption active dans le cadre de procédures de passation de marchés publics en décembre 2022, pour des faits de corruption active commis dans le cadre de procédures de passation de marchés publics entre le 1er janvier 2012 et le 26 mai 2016 alors qu'il était gérant de cette même société.

 

Par la suite, en juillet 2023, le département des Bouches-du-Rhône, en application des articles L. 2141-8 et L. 2141-11 du Code de la commande publique, qui permettent d’exclure toute société qui aurait entrepris par le passé d'influer indûment le processus décisionnel de l'acheteur ou d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché, a invité la société à établir que son professionnalisme et sa fiabilité ne pouvaient plus être remis en cause. La société Rénovation peinture, par courrier, a fait valoir que la personne reconnue coupable des faits de corruption active n'avait désormais plus la qualité de gérant.

 

Par une décision d’août 2023, la présidente du conseil départemental a exclu de la procédure de passation cette société sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 2141-8 du Code de la commande publique précité. 

 

La société candidate conteste cette exclusion, notamment au regard de l’ancienneté de ces infractions pénales par rapport au marché pour lequel elle soumissionnait, mais également car elle aurait établi que son professionnalisme et sa fiabilité ne pouvaient plus être remis en cause suite à l’éviction du poste de gérant de la personne condamnée.

 

Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi par la société Rénovation peinture, a annulé cette décision et a enjoint au département d'examiner son offre, sous réserve que sa candidature ne soit pas irrecevable pour un autre motif que celui censuré. En se fondant sur les dates des tentatives d'influence, le juge phocéen en déduit que plusieurs années s’étant écoulées, le département des Bouches-du-Rhône ne pouvait plus fonder l’exclusion de la société sur le 1° de l'article L. 2141-8 du code de la commande publique. 

 

2 – Question de droit. C’est que les articles L. 2141-8 et L. 2141-11 du Code de la commande publique sont en fait une transposition des dispositions du paragraphe 4 de l'article 57 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 relative à la passation des marchés publics. Cependant, dans le cadre de cette transposition, la loi française n’a prévu aucune limite temporelle pour pouvoir recourir à cette exclusion, alors que le paragraphe 7 de l’article susmentionné invite le législateur national à fixer la durée maximale de la période d'exclusion si l'opérateur n'a pris aucune mesure démontrant sa fiabilité et où que sa participation à une nouvelle procédure ne compromettrait pas l'égalité de traitement des candidats. Toutefois, la directive 2014/24, au même paragraphe, pose tout de même une limite temporelle puisque lorsque la durée de la période d'exclusion n'a pas été fixée par jugement définitif, elle ne peut dépasser cinq ans à compter de la date de la condamnation par jugement définitif et trois ans à compter de la date de l’infraction sinon.

 

Dans le silence de la loi française, il revenait donc au Conseil d’Etat de préciser la limite temporelle de l’application de ce cas particulier d’exclusion. 

 

3 – Solution. Interprétant le Code de la commande publique à la lumière des dispositions de l'article 57 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, le Conseil d’Etat juge que l'acheteur ne peut pas prendre en compte, pour prononcer une telle exclusion, des faits commis depuis plus de trois ans. Ainsi, lorsqu’il n’y a pas de condamnation, c’est la date de réalisation de l’infraction qui fait démarrer ce délai de trois ans. Toutefois, précisent les juges du Palais royal, lorsqu'une condamnation non définitive a été prononcée cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation.

 

Puis faisant application de cette solution, le Conseil d’Etat juge que le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur les dates de réalisation des infractions pour juger que ce cas d’exclusion n’était plus possible. En effet, « dès lors qu'une condamnation par le juge pénal avait été prononcée à raison de celles-ci, la durée de l'exclusion devait s'apprécier au regard de la date de cette condamnation même non définitive ».

 

Ensuite statuant sur le fond, le Conseil d’Etat juge d’une part qu’au regard des règles d’application dans le temps du cas d’exclusion prévu au 1° de l'article L. 2141-8 du Code de la commande publique, le pouvoir adjudicateur pouvait valablement exclure la société requérante, puisque son ancien gérant avait été condamné moins d’un an auparavant et d’autre part que la société n'établissait pas avoir pris des mesures afin que cette personne, qui détient toujours un pouvoir de contrôle de cette société en sa qualité d'associé majoritaire, ne puisse plus s'immiscer dans sa gestion. 

 

Dès lors, le département des Bouches-du-Rhône pouvait légalement exclure la société requérante.

 

T.A. de Paris, 6 février 2024, req. n° 2212687 – La clause de résiliation de la DSP Autolib’ permettant au concessionnaire de résilier le contrat si le concédant ne procède pas au versement d'une compensation financière passé le délai de trois mois suivant la notification par la société Autolib' de l'absence d'intérêt économique du contrat est illégale, notamment au regard de la jurisprudence Grenke Location. Il s’en suit que  l’illégalité de cette clause peut être excipée par la voie de l’exception d’illégalité pour annuler la délibération du comité syndical qui constate la résiliation de la convention de délégation de service public, les délibérations budgétaires fixant pour chacune des collectivités membres une contribution complémentaire par année budgétaire au budget Autolib' et in fine les avis des sommes à payer adressés aux collectivités membres du syndicat.

 

1 – Faits et procédures. En l’espèce, par une DSP signée en février 2011, le syndicat mixte Autolib' et Vélib' Métropole (SMAVM), dont la commune d'Antony est membre, a confié à la société Autolib' la mise en place, la gestion et l'entretien d'un service d'automobiles électriques en libre-service et d'une infrastructure de recharge de véhicules électriques, pour une durée de 12 ans. 

 

La société Autolib' a notifié par la suite, en 2018, au SMAVM l'absence d'intérêt économique de la concession et a demandé le versement de la compensation financière qu'elle estime lui être due, sur le fondement de l'article 63.2.2 de la DSP précitée, à hauteur de 233,7 millions d'euros. 

 

Par une délibération de juin 2018, le SMAVM a pris acte de la résiliation pour absence d'intérêt économique de la convention de délégation de service public. Puis, par des délibérations budgétaires successives couvrant les années 2018 à 2023, le SMAVM a tiré les conséquences de la résiliation de la convention et fixé pour chacune des collectivités membres une contribution complémentaire par année budgétaire au budget Autolib'.

 

Autrement dit, il revenait aux communes membres du syndicat mixte de passer à la caisse, afin d’indemniser le concessionnaire qui avait résilié le contrat…

 

La commune d'Antony contestant par la voie de l’exception la validité de la clause qui permettait une telle résiliation et ses conséquences financiers, demande au tribunal administratif de Paris l'annulation des avis des sommes à payer émis par le syndicat afin d’indemniser le concessionnaire qui a lui-même résilié la DSP, ainsi que la décharge des obligations de payer correspondantes.

 

Pour rappel, cette DSP a été annulée en raison de la présence d’une libéralité interdite de la part d’une personne publique et pour méconnaissance du régime des contrats de concession, dans la mesure où le risque financier accepté par le concessionnaire n’était pas significatif (voir : https://www.legavox.fr/blog/droit-public-des-affaires-florent-cedziollo/delegation-service-public-autolib-annulee-34918.htm).

 

2 – Question juridique. D’une part la clause du contrat de concession permettant au concessionnaire de résilier le contrat si le concédant ne procède pas au versement d'une compensation financière passé le délai de trois mois suivant la notification par la société Autolib' de l'absence d'intérêt économique du contrat est-elle légale, notamment au regard de la jurisprudence Grenke Location ? D’autre part, l’illégalité de cette clause peut-elle être excipée par la voie de l’exception d’illégalité pour annuler la délibération du comité syndical qui constate la résiliation de la convention de délégation de service public, les délibérations budgétaires fixant pour chacune des collectivités membres une contribution complémentaire par année budgétaire au budget Autolib' et in fine les avis des sommes à payer ?

 

3 – Solution. Le tribunal administratif commence par rappeller que : 

 

Ø  La contestation de l'illégalité d'un acte administratif peut être soulevée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.

 

Ø  Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure. Il ne peut se prévaloir des manquements de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles. En application de la jurisprudence Grenke Location, il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. Lorsqu'un motif d'intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l'exécution du contrat. Un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d'intérêt général qui lui est opposé afin d'obtenir la résiliation du contrat.

 

Or, le tribunal administratif commence par souligner que les délibérations budgétaires successives du syndicat ont motivé des avis des sommes à payer à la commune d'Antony en relation avec la résiliation de la délégation de service public avec la société Autolib', ce dont il en résulte que ces actes forment deux opérations complexes.

 

Ensuite, ces délibérations budgétaires précitées visent la délibération du comité syndical du 21 juin 2018 qui constate la résiliation de la convention de délégation de service public conclue entre le Syndicat Autolib' et la société Autolib' le 25 février 2011, en exécution de son article 63.3, dont elle n'est pas détachable. 

 

Puis, le tribunal va déclarer cette clause nulle. En effet, l'article 63 du contrat de concession prévoit une résiliation de ce dernier au profit de la société Autolib' en raison de l'inexécution par le SMAVM de son engagement contractuel stipulé à l'article 63.2.2 de procéder au versement d'une compensation financière passé le délai de trois mois suivant la notification par la société Autolib' de l'absence d'intérêt économique du contrat, correspondant à la différence entre le résultat net cumulé négatif jusqu'au terme de la Concession tel que prévu dans le Plan d'Affaires Actualisé et le montant de 60 millions d'euros de pertes qu'Autolib' s'est engagée contractuellement à supporter. Or, dès lors que le contrat a pour objet l'exécution même d'un service public, cette clause de résiliation du contrat pour défaut d'intérêt économique, au profit de la société Autolib' est entachée de nullité.

 

Le tribunal en conclut que la délibération du comité syndical du 21 juin 2018 qui constate la résiliation de la convention de délégation de service public en exécution de l'article 63.3 qui est entaché de nullité est elle-même entachée d'illégalité et doit être écartée dans son application. Dès lors, les délibérations dont procèdent les avis des sommes à payer en litige sont dépourvues de base légale et la commune d'Antony est fondée à exciper de leur illégalité par la voie de l'exception à l'appui de la contestation de ces titres exécutoires. 

 

Ainssi, les avis des sommes à payer sont annulés et la commune d’Antonye est déchargée des obligations de payer correspondant.

 

 

I.2. Contentieux administratif :

 

C.E. 16 février 2024, req. n° 444996 – Première application de la jurisprudence Legros de la C.E.D.H par le Conseil d’Etat : non application de la jurisprudence Czabaj pour des faits antérieurs à ladite jurisprudence.

 

1 – Faits et procédure. En l’espèce un agent est recruté comme contractuel le 1er octobre 1983 par la communauté urbaine de Lille, devenue la métropole européenne de Lille, puis a été titularisé en 1994 en catégorie B. Par un courrier de mars 1998, il a demandé sa titularisation dans un cadre d'emplois de catégorie A, ce qui a été refusée par une décision du 15 juin 1998. Il a par la suite exercé un recours gracieux le 23 avril 2010.

 

Par un jugement d’octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de cet agent tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 1998, à ce qu'il soit enjoint à la métropole européenne de Lille de reconstituer sa carrière comme attaché territorial principal à compter du 1er avril 1998 et à la condamnation de la métropole à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi. 

 

La CAA de Douai, en juillet 2020, a rejeté l’appel formé par l’agent. En effet, elle a relevé que si cette décision ne comportait pas mention des voies et délais de recours, l’agent en avait nécessairement connaissance au plus tard le 23 avril 2010, date à laquelle il a formé un recours gracieux contre cette décision, et qu'il n'a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation qu’en octobre 2015. 

 

La cour a ainsi fait application de la règle selon laquelle, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable (C.E. 13 juillet 2016, Czabaj, req. n° 387763).

Toutefois, entre temps la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé l'application immédiate d'un nouveau délai de recours contentieux est contraire au droit d'accès à un tribunal (C.E.D.H. 9 novembre 2023, Legros et autres c/ France, req. n° 72173/17). 

 

2 – Question de droit. Le Conseil d’Etat allait-il se plier à la jurisprudence Legros et autres de la C.E.D.H. ?

 

3 – Solution. Le Conseil d’Etat fait application de cet arrêt de la C.E.D.H. relevant qu’ « il résulte de l'arrêt Legros et autres c/ France (n° 72173/17) du 9 novembre 2023 de la Cour européenne des droits de l'homme que la règle énoncée au point précédent, règle jurisprudentielle issue de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux n° 387763 du 13 juillet 2016, ne saurait être opposée à un recours juridictionnel formé avant l'intervention de cette décision sans violation des droits garantis par les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». 

Le Conseil d’Etat annule donc l’arrêt de la CAA et admet la recevabilité du recours de l’agent.

I.3. Droit des aides d’Etats et arbitrage :

 

C.J.U.E. 22 février 2024, affaires jointes n° C‑701/21 P et C‑739/21 P – Une sentence arbitrale n’est pas une aide d’Etat (en tout cas dans cette espèce).

 

1 – Faits et procédure. Le litige oppose Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), une entreprise d'État grecque productrice d'électricité, et Mytilinaios, client principal de DEI, concernant le tarif de fourniture d'électricité. Un compromis d'arbitrage est signé en 2011, confiant le règlement du différend à la Rythmistiki Archi Energeias (RAE), une autorité de régulation de l'énergie grecque. La sentence arbitrale de la RAE fixant le tarif est émise en 2013 et confirmée par la Cour d'appel d'Athènes. DEI, insatisfait du tarif imposé, dépose une plainte à la Commission européenne, soutenant que la sentence constitue une aide d'État illégale.

 

La Commission rejette la plainte par la lettre litigieuse (12 juin 2014).

DEI saisit le Tribunal (T-639/14) contre la lettre litigieuse.

 

La Commission adopte une première décision (25 mars 2015) maintenant son rejet.

 

DEI forme un recours devant le Tribunal (T-352/15) contre la première décision.

 

Le Tribunal constate qu'il n'y a plus lieu de statuer sur T-639/14 (9 février 2016), annulé par la Cour en appel.

 

La Commission adopte une seconde décision (14 août 2017) confirmant le rejet initial.

 

DEI forme un recours devant le Tribunal (T-740/17) contre la seconde décision.

 

Le Tribunal annule la lettre litigieuse et les deux décisions, estimant que la Commission aurait dû engager une procédure formelle d'examen pour déterminer si la sentence arbitrale constituait une aide d'État.

 

Mytilinaios et la Commission introduisent des pourvois contre la décision du Tribunal.

 

2 – Question juridique. Une sentence arbitrale est-elle assimilable à une aide d’Etat ?

 

3 – Solution. Le Tribunal a assimilé le tribunal arbitral de la RAE à une juridiction étatique ordinaire, à tort.

 

La Cour conclut que l'origine d'une sentence rendue par un tribunal arbitral au sein de l'Autorité de régulation de l'énergie hellénique ne peut être attribuée à l'État, et par conséquent, elle ne peut être considérée comme une aide d'État. Cette conclusion repose sur l'observation que (i) le tribunal arbitral, bien qu'instauré au sein d'une autorité de régulation, et (ii) la sélection des arbitres à partir d'une liste établie par le président de cette autorité, ne sont pas suffisants pour imputer la mesure à l'État. Notamment, les parties ont volontairement opté pour cet arbitrage non obligatoire, et le tribunal n'a pas été créé par le biais d'un traité bilatéral d'investissement entre deux États.

 

En appui de leurs recours, Mytilinaios et la Commission font valoir, entre autres, que le Tribunal a commis une erreur juridique en considérant que le tribunal arbitral de la RAE pouvait être assimilé à une juridiction étatique ordinaire, induisant ainsi la qualification de la sentence arbitrale en une mesure étatique susceptible de constituer une aide d'État.

 

La Cour souligne, en premier lieu, que les critères retenus par le Tribunal pour assimiler le tribunal arbitral de la RAE à une juridiction étatique ordinaire ne permettent pas de le distinguer de tout autre tribunal arbitral conventionnel. Elle insiste sur le fait que le seul critère mentionné par le Tribunal, à savoir que les arbitres sont choisis dans une liste établie par décision du président de la RAE, ne suffit pas à différencier ce tribunal arbitral des autres, étant donné que cet aspect est purement procédural et n'affecte pas sa fonction ou sa nature.

 

En second lieu, la Cour estime que le Tribunal a omis de vérifier si le tribunal arbitral de la RAE disposait, comme c'est généralement le cas pour les juridictions faisant partie d'un système juridictionnel étatique, d'une compétence obligatoire indépendante de la seule volonté des parties.

 

En conséquence, la Cour constate que le Tribunal a commis une erreur juridique en concluant que le tribunal arbitral de la RAE pouvait être assimilé à une juridiction ordinaire, et que la sentence arbitrale constituait une mesure étatique pouvant être qualifiée d'aide d'État.

 

Cette appréciation ne peut être remise en question par le fait que, dans l'arrêt Commission/European Food e.a., la Cour a confirmé la compétence de la Commission pour contrôler si une indemnisation versée à des investisseurs suédois par la Roumanie en exécution d'une sentence arbitrale constituait une aide d'État ou non.

 

La Cour souligne que l'arrêt susmentionné concernait un tribunal arbitral établi sur la base d'un traité bilatéral d'investissement entre le Royaume de Suède et la Roumanie. Cependant, dans la présente affaire, le tribunal arbitral de la RAE n'a pas été créé par un tel traité bilatéral, et le consentement des États membres dans le cadre de la procédure d'arbitrage découle d'un traité bilatéral, ce qui ne s'applique pas ici.

 

De plus, le rejet du recours de DEI contre la sentence arbitrale par la Cour d'appel d'Athènes n'implique pas que cette sentence puisse être imputée à l'État grec uniquement pour cette raison. Le contrôle juridictionnel exercé par cette juridiction porte uniquement sur la légalité de la sentence arbitrale, qui demeure un acte imputable au collège arbitral. En outre, l'établissement d'une aide d'État en tant que telle ne découle pas d'une décision juridictionnelle, cette détermination relevant d'une appréciation d'opportunité étrangère à la compétence du juge.

 

Dans l'ensemble, compte tenu des particularités du litige entre DEI et Mytilinaios et de la mission spécifique confiée au tribunal arbitral de la RAE, la Cour conclut que la Commission a pu légitimement considérer que la seule mesure étatique pouvant constituer une aide d'État était la décision de DEI de conclure le compromis d'arbitrage avec Mytilinaios. De plus, pour déterminer si cette décision avait conféré un avantage à Mytilinaios, il convenait de vérifier si un opérateur privé aurait pris une telle décision dans des conditions normales de marché.

 

La Cour annule la décision du Tribunal et renvoie les affaires devant ce dernier pour statuer sur les points non traités.

 

II.         Veilles légilsative, réglementaire et autres

 

Commande publique :

 

Première enquête approfondie de la Commission européenne au titre du règlement relatif aux subventions étrangères.

 

 

La Commission européenne a récemment déclaré le lancement de la première enquête approfondie conformément aux dispositions du Règlement 2022/2560 du 14 décembre 2022 concernant les subventions étrangères ayant un impact sur le marché intérieur. Cette enquête concerne un processus d'appel d'offres en Bulgarie impliquant un soumissionnaire chinois.

 

L'appel d'offres en question portait sur la fourniture de matériel roulant et représentait une valeur totale de 610 millions d'euros. 

 

Un des soumissionnaires, une filiale de la société CRRC Corporation, une entreprise d'État chinoise, a été contraint de notifier son bénéfice de contributions financières d'un pays tiers dépassant les 4 millions d'euros au cours des trois années précédant la notification. 

 

L'analyse de cette notification pourrait éventuellement aboutir à une interdiction d'attribuer le contrat à ladite filiale.

 

La Commission a jugé justifié d'ouvrir une enquête approfondie suite à son examen préliminaire de la notification, estimant que la société pourrait avoir bénéficié d'une subvention étrangère perturbant le marché intérieur. Au cours de cette enquête, la Commission évaluera les subventions étrangères présumées et déterminera si elles ont procuré à la société un avantage déloyal dans la soumission de son offre pour l'appel d'offres en question.

Selon le Règlement sur les subventions étrangères, la Commission peut, à la fin de l'enquête, accepter des engagements de l'entreprise pour corriger les distorsions, interdire l'attribution du marché, ou prendre une décision sans objection. CRRC Qingdao Sifang Locomotive a soumis une notification complète le 22 janvier 2024, et la Commission dispose de 110 jours ouvrables, jusqu'au 2 juillet 2024, pour prendre une décision finale.

 

Le règlement sur les subventions étrangères, entré en vigueur le 12 juillet 2023, permet à la Commission de remédier aux distorsions causées par de telles subventions, garantissant des conditions de concurrence équitables dans le marché intérieur de l'UE. Le règlement introduit des procédures de notification pour les opérations de concentration et les offres dans les marchés publics impliquant des contributions financières étrangères, ainsi qu'une procédure d'office pour enquêter sur d'autres situations de marché.

 

 

Nouvelle fiche de la DAJ - Les méthodes de notation du critère prix dans les marchés publics

 

Cette nouvelle fiche compare les trois méthodes de notation suivantes :

Ø  Méthode classique

Ø  Méthode linéaire

Ø  Moyenne des offres

 

La première méthode, dite classique, est reconnue pour permettre un rapport proportionnel entre le montant de l'offre et le nombre de points attribués. Toutefois, selon la Direction des Affaires Juridiques (DAJ), elle présente l'inconvénient de resserrer les notes autour de la meilleure offre, atténuant ainsi les écarts de notes pour les prix très élevés, ce qui rend impossible l'obtention de la note 0 sur 10. Elle favorise par conséquent les offres de prix élevés.

La deuxième méthode, dite linéaire, prend en compte les écarts entre les prix proposés. Contrairement à une évolution en hyperbole, elle représente une droite entre deux points extrêmes, permettant une discrimination plus marquée entre les offres tout en tenant compte des écarts existants. Cependant, la DAJ souligne certains inconvénients tels que la dépendance de l'écart de notation au nombre d'offres et à la différence entre l'offre la plus compétitive et la moins compétitive. De plus, le prix le plus élevé obtient systématiquement la note 0, ce qui peut être préjudiciable même s'il reste compétitif en valeur absolue.

Enfin, la méthode dite "moyenne des offres" est présentée. Cette approche vise à comparer les offres par rapport à un prix moyen reflétant le "prix du marché" au moment du dépôt des offres, avec plus ou moins de précision selon les clauses du marché. La DAJ propose deux formules intégrant ce prix moyen, mais elle souligne que cette méthode peut "écraser" les écarts de prix, les notes présentant des faibles variations malgré d'importantes différences de prix. Cette méthode est recommandée par la DAJ dans le cas où une hétérogénéité des prix est anticipée après le sourçage et que le critère prix est faiblement pondéré. Cependant, elle déconseille son utilisation en présence d'un fort écart de prix ou de remises d'offres économiquement élevées, mais non éliminables pour inacceptabilité, car le prix moyen prend en compte les extrêmes minimum et maximum.

 

Décret n° 2024-134 du 21 février 2024 relatif à l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées et à l'interdiction d'acquisition par l'Etat de produits en plastique à usage unique

 

Dans le cadre de la mise en œuvre de la loi "économie circulaire" du 10 février 2020, l'État, les collectivités territoriales, et leurs groupements ont récemment renforcé leur engagement en faveur de l'économie circulaire par le biais d'un décret en date du 21 février 2024. Ce décret, abrogeant le texte antérieur du 9 mars 2021, introduit des modifications aux obligations d'achat de biens issus du réemploi, de la réutilisation, ou intégrant des matières recyclées conformément aux dispositions du code de l'environnement.

 

Désormais, ce décret établit une liste actualisée des produits visés et fixe des seuils minimaux d'acquisition, avec une progression graduée jusqu'à l'année 2030. Une disposition notable autorise également la prise en compte des dons de produits dans l'atteinte des objectifs d'acquisition.

 

Par ailleurs, une dérogation spécifique à l'interdiction d'acquisition par l'État de produits en plastique à usage unique est introduite, particulièrement en ce qui concerne l'acquisition de sacs poubelles en plastique, justifiée par des impératifs de santé ou de sécurité.

 

Il est à souligner que les acheteurs publics seront dorénavant tenus de déclarer leurs dépenses annuelles ainsi que la valorisation des dons sur le portail national de données ouvertes, conformément aux nouvelles dispositions réglementaires en vigueur.

 

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Blog de Droit public des affaires by Florent Cedziollo

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Du fait de ma formation universitaire, étant notamment Normalien en Droit-Économie-Management, j'aime allier pratique et théorie.

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